Archive pour le 31 octobre, 2013
APPELÉS À LA SAINTETÉ DÈS MAINTENANT
31 octobre, 2013http://blog.la-boutique-des-chretiens.com/appeles-a-la-saintete-des-maintenant/
APPELÉS À LA SAINTETÉ DÈS MAINTENANT
PUBLIÉ LE 18/07/2013
La fête de la Toussaint n’est pas seulement la joie à cause de ceux qui, après leur mort humaine, sont pleinement transfigurés en Dieu, mais c’est aussi notre fête à nous tous qui sommes appelés à être des saints dès maintenant. Saint Paul l’écrivait aux chrétiens d’Éphèse : «Dieu nous a choisis en lui avant la fondation du monde pour que nous soyons saints et irréprochables sous son regard dans l’amour» Ep 1, 4. Paul avait dit la même chose aux Corinthiens dans sa salutation au début de sa lettre : «à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus, appelés à être saints avec tous ceux qui invoquent en tout lieu le nom de notre Seigneur Jésus Christ» 1 Co 2.
Nous sommes tous appelés à être des saints, pas demain mais aujourd’hui. D’ailleurs les saints ne le sont pas en arrivant au ciel, mais au ciel est déclaré qu’ils étaient saints pendant leur vie et leur sainteté devient pleine et définitive. Mais à quoi Dieu nous appelle aujourd’hui, que veut dire être saint, cet appel est-il vraiment pour moi qui me reconnaît fragile et faible ? La sainteté est-elle réservée à quelques uns ? Je ne le crois pas. La sainteté n’est pas un état exceptionnel, elle doit être vécu par chacun des enfants de Dieu. Elle n’est pas seulement offerte mais demandé, exigée de par notre vocation (appel) d’hommes et de femmes, enfants de Dieu. Elle concerne chacun de nous.
Oui, c’est bien à chacun de nous que s’adresse cet appel à la sainteté. Mais comment est-ce possible ? Bien sûr, si la sainteté était le fait d’avoir toutes les qualités et aucun défaut, personne, pas même Jésus se serait saint. Mais la sainteté est tout autre.
Il est un mot qui désignait les saints dans l’Ancien Testament, c’est le mot «juste», le fait d’être juste, d’être un homme juste devant Dieu. De ce mot est dérivé le verbe «ajuster», «s’ajuster». La sainteté ne serait-elle pas le fait d’être ajusté à Dieu. Mais la question rebondit : comment pouvons-nous être ajustés à Dieu que nous ne connaissons que par des médiations humaines ? La plus parfaite médiation qui nous est donnée est celle de Jésus de Nazareth. Il nous faut donc pour être saints être «ajustés» à Jésus de Nazareth.
Ainsi, être un saint consiste, j’allais dire tout simplement, à nous ajuster au Christ c’est-à-dire à ce que Jésus nous a montré par sa vie, sa parole, son enseignement, sa mort, sa résurrection. Je construit ma sainteté, je laisse se développer en moi la sainteté de Dieu dans la mesure où je m’efforce de suivre le Christ Jésus honnêtement et selon les circonstances particulières de ma vie. Une vie qui s’efforce d’être fidèle au Christ, qui s’efforce de prendre le chemin de l’Évangile, nous inscrit dans la sainteté de Dieu, nous fait reconnaître par lui comme des saints, même si notre sainteté est imparfaite, et laisse des marges d’infidélité..
Peut-être direz-vous que cela est l’effort de toute une vie et que peu atteignent ce but. Mais la sainteté n’est pas un but, elle peut être vécue humblement chaque jour, bien sûr avec des hauts et des bas. La sainteté n’est pas un état, elle est un chemin du moins pour nous ici-bas.
En effet, nous n’arrivons pas toujours à suivre l’évangile, à nous ajuster au Christ Jésus, mais chaque fois que nous avons pu le vivre, nous avons été des saints, même si notre sainteté vécue le matin est contredite hélas le soir en raison de notre faiblesse. Mais nous pouvons à tout moment reprendre le chemin en essayant comme le dit Saint Paul «d’être saints et irréprochables sous le regard de Dieu, dans l’amour».
C’est pourquoi, même les actes les plus ordinaires de la vie quotidienne, s’ils sont vécus avec un amour vrai, sont participants à la sainteté de Dieu, ils font de nous des saints.
Chaque «oui» à l’appel de Dieu qui nous invite à nous donner avec amour comme lui, non seulement nous fait avancer «vers» notre sainteté, mais ce « oui » témoigne que déjà nous participons à la sainteté de Dieu qui est la sainteté de l’amour. Marie a été sainte dans le oui adressé à l’ange, mais elle a été sainte chaque fois que ce «oui» s’est traduit dans les gestes les plus simples de sa vie à Nazareth. Il en est de même pour nous. Chacun de nos «oui», si humbles soient-ils nous font avancer sur ce chemin de sainteté, tout en sachant que c’est un combat de chaque jour.
Je terminerai avec cet encouragement de l’apôtre Paul :
«Il s’agit de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en reproduisant en moi sa mort, dans l’espoir de parvenir, moi aussi, à ressusciter d’entre les morts.
Certes, je ne suis pas encore arrivé, je ne suis pas encore au bout, mais je poursuis ma course pour saisir tout cela, comme j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus.
Frères, je ne pense pas l’avoir déjà saisi. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus».
C’est dans cette belle espérance que nous nous unissons au Christ Jésus dans cette eucharistie.
Père Maurice Fourmond
SERMONS DU CURÉ D’ARS – FÊTE DE TOUS LES SAINTS
31 octobre, 2013http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Ars/Sermons/tome4/8saintete.htm
SERMONS DU CURÉ D’ARS
1er NOVEMBRE – FÊTE DE TOUS LES SAINTS
(PREMIER SERMON)
Sur la Sainteté
Sancti estote, quia ego Sanctus sum.
Soyez saints, parce que je suis saint.
(Lévit., XIXx, 2.)
Soyez saints, parce que je suis saint, nous dit le Seigneur. Pourquoi, M.F., Dieu nous fait-il un commandement semblable ? C’est que nous sommes ses enfants, et, si le Père est saint, les enfants le doivent être aussi. Il n’y a que les saints qui peuvent espérer le bonheur d’aller jouir de la présence de Dieu qui est la sainteté même. En effet, être chrétien, et vivre dans le péché, c’est une contradiction monstrueuse. Un chrétien doit être un saint. Oui, M.F., voilà la vérité que l’Élise ne cesse de nous répéter, et, afin de la graver dans nos cœurs, elle nous représente un Dieu infiniment saint, sanctifiant une multitude infinie de saints qui semblent nous dire : « Souvenez-vous, chrétiens, que vous êtes destinés à voir Dieu et à le posséder ; mais vous n’aurez ce bonheur qu’autant que vous aurez retracé en vous, pendant votre vie mortelle, son image, ses perfections, et particulièrement sa sainteté, sans laquelle nul ne le verra. » Mais, M.F., si la sainteté de Dieu parait au-dessus de nos forces, considérons ces âmes bienheureuses, cette multitude de créatures de tout âge, de tout sexe et de toute condition, qui ont été assujetties aux mêmes misères que nous, exposées aux mêmes dangers, sujettes aux mêmes péchés, attaquées par les mêmes ennemis, environnées des mêmes obstacles. Ce qu’elles ont pu faire, nous le pouvons aussi, nous n’avons aucune excuse pour nous dispenser de travailler à notre salut, c’est-à-dire à devenir saints. Je n’ai donc pas autre chose à vous prouver, que l’indispensable obligation où nous sommes de devenir des saints ; et pour cela, je vais vous montrer !° en quoi consiste la sainteté ; 2° que nous pouvons l’acquérir aussi bien que les saints, ayant comme eux les mêmes difficultés et les mêmes secours.
I. – Les mondains, pour se dispenser de travailler à acquérir la sainteté, ce qui, sans doute, les gênerait trop dans leur manière de vivre, veulent vous faire croire que, pour être des saints, il faut faire des actions éclatantes, s’appliquer à des pratiques de dévotion extraordinaires, embrasser de grandes austérités, faire beaucoup de jeûnes, quitter le monde pour s’enfoncer dans les déserts, afin d’y passer les jours et les nuits en prières. Sans doute cela est très bon, c’est bien la route que beaucoup de saints ont suivie ; mais ce n’est pas ce que Dieu demande de tous. Non, M.F., ce n’est pas ce qu’exige de nous notre sainte religion ; au contraire, elle nous dit : « Levez les yeux au Ciel, et voyez si tous ceux qui en remplissent les premières places ont fait des choses merveilleuses. Où sont les miracles de la sainte Vierge, de saint Jean-Baptiste, de saint Joseph ? » Écoulez, M.F. : Jésus-Christ lui-même dit[1] que plusieurs, au jour du jugement, s’écrieront : « Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en votre nom ; n’avons-nous pas chassé les démons et fait des miracles ? » « Retirez-vous de moi, ouvriers d’iniquité, leur répondra le juste Juge ; quoi ! vous avez commandé à la mer, et vous n’avez pas su commander à vos passions ? Vous avez délivré les possédés du démon, et vous en avez été les esclaves ? Vous avez fait des miracles, et vous n’avez pas observé mes commandements ?… Allez, misérables, au feu éternel ; vous avez fait de grandes choses, et vous n’avez rien fait pour vous sauver et mériter mon amour. » Vous voyez donc, M.F., que la sainteté ne consiste pas à faire de grandes choses, mais à garder fidèlement les commandements de Dieu, et à remplir ses devoirs dans l’état où le bon Dieu nous a placés.
Nous voyons souvent une personne du monde, qui remplit fidèlement les petits devoirs de son état, être plus agréable à Dieu que les solitaires dans leurs déserts. Voici un exemple qui vous en convaincra : Il y avait dans le désert deux solitaires…[2]
Voilà, M.F., ce que c’est que la sainteté, et ce qu’est un saint, aux yeux de la religion. Dites-moi, est-ce bien difficile de se sanctifier dans l’état où le bon Dieu vous a placés ? Pères et mères, imitez ces deux saints ; voilà vos modèles : suivez-les et vous deviendrez aussi saints. Faites comme eux ; en tout, tâchez de plaire à Dieu, de faire tout pour son amour, et vous serez des prédestinés. Voulez-vous encore savoir ce qu’est un saint aux yeux de la religion ? C’est un homme qui craint Dieu, qui l’aime sincèrement et qui le sert avec fidélité ; c’est un homme qui ne se laisse point enfler par l’orgueil, ni dominer par l’amour-propre, qui est vraiment humble et petit à ses propres yeux ; qui, étant dépourvu des biens de ce monde, ne les désire pas, ou qui, les possédant, n’y attache pas son cœur ; c’est un homme qui est ennemi de toute acquisition injuste ; c’est un homme qui, possédant son âme dans la patience et la justice, ne s’offense pas d’une injure qu’on lui fait. Il aime son ennemi, il ne cherche pas à se venger. II rend tous les services qu’il peut à son prochain, il partage volontiers son bien avec les pauvres ; il ne cherche que Dieu seul, méprise les biens et les honneurs de ce monde. N’aspirant qu’aux biens du ciel, il se dégoûte des plaisirs de la vie et ne trouve son bonheur que dans le service de Dieu. C’est un homme qui est assidu aux offices divins, qui fréquente les sacrements, et qui s’occupe sérieusement de son salut ; c’est un homme qui, ayant horreur de toute impureté, fuit les mauvaises compagnies autant qu’il peut, pour conserver purs son corps et son âme. C’est un homme qui se soumet en tout à la volonté de Dieu, dans toutes les croix et les traverses qui lui arrivent ; qui n’accuse ni l’un ni l’autre, mais qui reconnaît que la justice divine s’appesantit sur lui à cause de ses péchés. C’est un bon père qui ne cherche que le salut de ses enfants, en leur donnant l’exemple lui-même, et ne faisant jamais rien qui puisse les scandaliser. C’est un maître charitable, qui aime ses domestiques comme ses frères et ses sœurs. C’est un fils qui respecte son père et sa mère, et qui les considère comme tenant la place de Dieu même. C’est un domestique qui voit, dans la personne de ses maîtres, Jésus-Christ lui-même, qui lui commande par leur bouche. Voilà, M.F., ce que vous appelez simplement un honnête homme. Mais voilà ce que Dieu appelle l’homme de miracle, le saint, le grand saint. « Quel est celui-là ? nous dit le Sage, nous le comblerons de louanges, non parce qu’il a fait des choses merveilleuses dans sa vie, mais parce qu’il a été éprouvé par les tribulations, et qu’il a été trouvé parfait ; sa gloire sera éternelle[3]. »
Que doit-on entendre par une sainte fille ? Une sainte fille, c’est celle qui fuit les plaisirs et la vanité ; qui fait son bonheur de plaire à Dieu et à ses parents ; qui aime à fréquenter les offices et les sacrements ; une fille qui aime la prière ; c’est, en un mot, celle qui préfère Dieu à tout. J’oserai en citer un exemple surprenant, mais véritable, tiré de l’histoire ecclésiastique, et sur lequel toutes pourront prendre modèle. Du temps de la persécution qui sévit sur la ville de Ptolémaïde, les filles chrétiennes brillèrent par leur vertu. Il y en avait un très grand nombre d’une naissance distinguée ; elles étaient si pures, qu’elles aimaient mieux souffrir la mort que de perdre leur chasteté ; elles se coupèrent elles-mêmes les lèvres et une partie du visage, pour paraître plus hideuses à ceux qui s’approchaient d’elles. Elles furent déchirées avec des ongles de fer et par les dents des lions. Ces filles incomparables aimèrent mieux endurer tous ces tourments, que d’exposer leur corps à la passion des libertins. Oh ! que cet exemple condamnera un jour de ces filles volages, qui ne pensent qu’à paraître, à s’attirer les regards du monde, au point d’en devenir méprisables !… Ne leur citerais-je pas encore l’exemple de sainte Colette[4], cette vierge si pure et si réservée, qui craignait autant de se faire voir, que les filles de ce siècle ont de souci de se montrer. Elle entendit un jour dans une compagnie, des louanges qu’on donnait à sa beauté ; elle en rougit, et alla tout de suite se prosterner devant son crucifix. « Ah ! mon Dieu, s’écria-t-elle en pleurant, cette beauté que vous m’avez donnée, sera-t-elle cause de la perte de mon âme et de celle d’autres personnes ? » Dès ce moment, elle quitta le monde et alla se renfermer dans un monastère, où elle livra son corps à toutes sortes de macérations. En mourant, elle donna des marques visibles qu’elle avait conservé son âme pure, non seulement aux yeux du monde, mais encore aux yeux de Dieu. Je reconnais bien que ces deux exemples sont un peu extraordinaires, et qu’il y en a peu qui puissent les imiter ; mais voilà celui qui vous convient parfaitement. Écoutez bien, jeunes gens et vous verrez que, si vous voulez suivre l’attrait de la grâce, vous serez bientôt désabusés des plaisirs et des vanités de ce monde qui vous éloignent de Dieu.
Il est rapporté qu’une jeune demoiselle de Franche-Comté, nommée Angélique, avait beaucoup d’esprit, mais était fort mondaine. Ayant entendu un prédicateur prêcher contre le luxe et la vanité dans les habits, elle vint se confesser à ce prédicateur. Celui-ci lui fit si bien comprendre combien elle était coupable et pouvait perdre d’âmes, que, dès le lendemain, elle quitta toutes ses vanités, et se vêtit d’une manière très simple et chrétienne. Sa mère qui était comme la plupart de ces pauvres aveugles, qui semblent n’avoir des enfants que pour les jeter dans les enfers en les remplissant de vanité, la reprit de ce qu’elle ne s’habillait plus comme autrefois. « Ma mère, lui répondit-elle, le prédicateur à qui j’ai été me confesser me l’a défendu. » Sa pauvre mère, aveuglée par la colère, va trouver le confesseur, et lui demande s’il était vrai qu’il eût défendu à sa fille de s’habiller selon la belle mode. « Je ne sais point, lui dit le confesseur, ce que j’ai dit à votre fille ; mais, il vous suffit de savoir que Dieu défend de s’habiller selon la mode, lorsque cette mode n’est pas selon Dieu, lorsqu’elle est criminelle et dangereuse pour les âmes. » – « Mon Père, qu’appelez-vous donc mode criminelle et dangereuse ? » — « C’est, par exemple, de porter des habits trop ouverts, ou qui font trop sentir la forme du corps ; de porter des vêtements trop riches et plus coûteux que nos moyens ne nous le permettent. » Il lui montra ensuite tous les dangers de ces modes, et tous les mauvais exemples qu’elles donnaient. – « Mon Père, lui dit cette femme, si mon confesseur m’en avait dit autant que vous, jamais je n’aurais donné la permission à ma fille de porter toutes ces vanités, et moi-même j’aurais été plus sage ; cependant mon confesseur est un homme bien savant ; or, que m’importe qu’il soit savant, s’il me laisse vivre à ma liberté, et en danger de me perdre pour l’éternité. » Lorsqu’elle fut de retour, elle dit à sa fille : « Bénissez le bon Dieu d’avoir trouvé un tel confesseur, et suivez ses avis. » Cette jeune demoiselle eut dans la suite de terribles combats à soutenir de la part de ses autres compagnes, qui la raillaient et la tournaient en ridicule. Mais le plus rude assaut qu’elle eut à soutenir, lui vint de la part de certaines personnes qui entreprirent de la faire changer de sentiment. « Pourquoi, lui dirent-elles, ne vous habillez-vous pas comme les autres ? » – « Je ne suis pas obligée de faire comme les autres, répondit Angélique, je m’habille comme celles qui font bien, et non comme celles qui font mal. » – « Eh quoi ! faisons-nous mal de nous habiller comme vous voyez ? » – « Oui, sans doute, vous faites mal, parce que vous scandalisez ceux qui vous regardent. » – « Pour moi, dit l’une d’entre elles, je n’ai point de mauvaise intention ; je m’habille à ma façon, tant pis pour ceux qui s’en scandalisent. » – « Tant pis pour vous aussi, reprit Angélique, puisque vous en êtes l’occasion ; si nous devons craindre de pécher nous-mêmes, nous devons aussi craindre de faire pécher les autres. » – «Quoi qu’il en soit de vos bonnes raisons, répondit une autre, si vous ne vous habillez plus comme nous, vos amies vous quitteront, et vous n’oserez plus paraître dans les belles compagnies et dans les bals. » – « J’aime mieux, leur répondit Angélique, la compagnie de ma chère mère, de mes sœurs et de quelques filles sages, que toutes ces belles compagnies et ces bals. Je ne m’habille pas pour paraître agréable, mais pour me couvrir ; les vrais agréments d’une fille ne doivent pas consister dans les habits, mais dans la vertu. Au reste, Mesdames, si vous pensez de la sorte, vous ne pensez pas en chrétiennes, et il est honteux que, dans une religion aussi sainte qu’est la nôtre, l’on s’y permette de tels abus contre la modestie. » Après tous ces discours, une personne de la compagnie dit: « En vérité, il est honteux qu’une jeune fille de dix-huit ans nous fasse la leçon : son exemple sera un jour notre condamnation. Que nous sommes aveugles de tant faire de choses pour plaire au monde, qui, dans la suite, se moque de nous ! » Angélique persévéra toujours dans ses bons sentiments, malgré tout ce qu’on pût lui dire. Eh bien, M.F., qui vous empêcherait de faire ce que faisait cette jeune comtesse ? Elle s’est sanctifiée en vivant dans le monde, mais en ne vivant pas pour le monde. Oh ! que cet exemple sera un sujet de condamnation pour un grand nombre de chrétiens au jour du jugement !
On peut devenir saint, même dans l’état du mariage. L’Esprit-Saint, dans l’Écriture, se plait à faire le portrait de la sainte femme ; et conformément à la description qu’il en donne[5], je vous dirai qu’une femme sainte, est celle qui aime et respecte son mari, qui veille avec soin sur ses enfants et ses domestiques, qui est attentive à les faire instruire et à les faire approcher des sacrements, qui s’occupe de son ménage, et non de la conduite de ses voisins ; elle est réservée dans ses discours, charitable dans ses oeuvres, ennemie des plaisirs du monde ; une femme de ce caractère, dis-je, est une âme juste, le Seigneur la loue, là canonise ; en un mot, c’est une sainte. Vous voyez donc, M.F., que pour être un saint, il n’est pas nécessaire de tout quitter ; mais de bien remplir les devoirs de l’état où Dieu nous a placés, et faire tout ce que nous faisons, dans la pensée de lui plaire. L’Esprit-Saint nous dit que pour être saint, il ne faut que nous éloigner du mal et faire le bien[6]. Voilà, M.F., la sainteté qu’ont eue tous les saints et que nous devons avoir. Ce qu’ils ont fait, nous le pouvons aussi, avec la grâce de Dieu ; puisque nous avons comme eux les mêmes obstacles à notre salut, et les mêmes secours pour les surmonter.
II. – Je dis 1° que les saints ont eu les mêmes obstacles que nous pour parvenir à la sainteté : obstacles au dehors, obstacles au dedans. Obstacles du côté du monde : le monde était alors ce qu’il est aujourd’hui, aussi dangereux dans ses exemples, aussi corrompu dans ses maximes, aussi séduisant dans ses plaisirs, toujours ennemi de la piété et toujours prêt à la tourner en ridicule. La preuve en est que la plupart des saints ont méprisé et fui le monde avec soin ; ils ont préféré la retraite aux assemblées mondaines, et même, plusieurs, craignant de s’y perdre, l’ont abandonné entièrement ; les uns, pour aller passer le reste de leurs jours dans des monastères, et les autres, au fond des déserts, tels qu’un saint Paul, ermite, un saint Antoine[7], une sainte Marie Égyptienne[8] et tant d’autres.
Obstacles du côté de leur état : plusieurs étaient, comme vous, engagés dans les affaires du siècle, accablés des embarras d’un ménage, du soin des enfants, obligés, pour le plus grand nombre, à gagner leur vie à la sueur de leur front ; or, bien loin de penser, comme nous, qu’ils se sauveraient plus facilement dans un autre état, ils étaient persuadés qu’ils avaient plus de grâces dans celui où la Providence les avait placés. Ne voyons-nous pas que dans le tumulte du monde et au milieu des embarras d’une famille et d’un ménage, se sont sauvés le plus grand nombre de saints, tels que Abraham, Isaac, Jacob, Tobie, Zacharie, la chaste Suzanne, le saint homme Job, sainte Élisabeth : tous ces grands saints de l’Ancien Testament, n’étaient-ils pas engagés dans le monde ? Sous la nouvelle Loi, pouvez-vous compter le nombre de ceux qui se sont sanctifiés dans la vie ordinaire ? Aussi, saint Paul nous dit que les saints jugeront les nations[9]. N’est-ce donc pas dire, qu’il n’y aura pas un homme sur la terre, qui ne trouve quelque saint dans son état, pour être la condamnation de sa lâcheté, en lui montrant qu’il aurait pu, aussi bien que lui, faire ce qui lui a mérité le ciel ?
Si maintenant, des obstacles extérieurs nous passons à ceux du dedans, nous verrons que les saints ont eu autant de tentations et de combats que nous pouvons en avoir, et peut-être encore plus. D’abord, du côté des habitudes ; ne croyez pas, M.F., que les saints aient toujours été des saints. Combien en est-il qui ont mal commencé, et qui ont vécu longtemps dans le péché ? Voyez le saint roi David, voyez saint Augustin, sainte Madeleine. Prenons donc courage, M.F., quoique bien pécheurs, nous pouvons cependant devenir des saints. Si ce n’est pas par l’innocence, ce sera du moins par la pénitence ; car le plus grand nombre des saints s’est sanctifié de cette manière.
Mais, me direz-vous, il en coûte trop ! – Il en coûte trop, M.F. ? Croyez-vous qu’il n’en ait rien coûté aux saints ? Voyez David, qui trempe son pain de ses larmes, qui arrose son lit de ses pleurs[10] . Croyez-vous qu’il n’en coûtât rien à un roi comme lui ! Croyez-vous qu’il lui fut indifférent de se donner en spectacle à tout son royaume, et de servir à tous de risée ? Voyez sainte Madeleine : au milieu d’une nombreuse assemblée, elle se jette aux pieds du Sauveur, accuse publiquement ses crimes dans l’abondance de ses larmes[11] ; elle suit Jésus-Christ jusqu’au pied de la croix[12], et répare par de longues années de pénitence, quelques années de faiblesse ; pensez-vous, M.F., que de pareils sacrifices ne lui aient coûté aucun effort ? Je ne doute pas que vous n’appeliez heureux les saints qui ont fait une pareille pénitence, et versé tant de larmes. Hélas ! si comme ces saints, nous pouvions comprendre la grandeur de nos péchés, la bonté du Dieu que nous avons outragé ; si, comme eux, nous pensions à l’enfer que nous avons mérité, à notre âme que nous avons perdue, au sang de Jésus-Christ que nous avons profané ! Ah ! si nous avions toutes ces pensées dans nos cœurs, que de larmes nous verserions, que de pénitences nous ferions pour tâcher d’apaiser la justice de Dieu que nous avons irrité !
Croyez-vous que les saints soient parvenus sans travail à cette simplicité, à cette douceur, qui les portaient au renoncement de leur propre volonté, toutes les fois que l’occasion s’en présentait ? Oh ! non, M.F. ! Écoutez saint Paul: « Hélas, je fais le mal que je ne voudrais pas, et je ne fais pas le bien que je voudrais ; je sens dans mes membres une loi qui se révolte contre la loi de mon Dieu. Ah ! que je suis malheureux ! qui me délivrera de ce corps de péché[13] ? » Quels combats n’eurent pas à souffrir les premiers chrétiens, en quittant une religion qui ne tendait qu’à flatter leurs passions, pour en embrasser une qui ne tendait qu’à crucifier leur chair ? Croyez-vous que saint François de Sales n’a point eu de violences à se faire, pour devenir aussi doux qu’il était ? Que de sacrifices il lui fallut faire !… Les saints n’ont été saints qu’après bien des sacrifices et beaucoup de violences.
En 2° lieu, je dis que nous avons les mêmes grâces qu’eux. Et d’abord, le Baptême n’a-t-il pas la même vertu de nous purifier, la Confirmation de nous fortifier, la Pénitence de remettre nos péchés, l’Eucharistie d’affaiblir en nous la concupiscence et d’augmenter la grâce en nos âmes ? Quant à la parole de Jésus-Christ, n’est-elle pas toujours la même ? N’entendons-nous pas à chaque instant ce conseil : « Quittez tout et suivez-moi. » C’est ce qui convertit saint Antoine, saint Arsène, saint François d’Assise. Ne lisons-nous pas dans l’Évangile cet oracle : « Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme[14] ? » N’est-ce pas ces paroles qui convertirent saint François Xavier, et qui, d’un ambitieux, en firent un apôtre ? N’entendons-nous pas tous les jours : « Veillez et priez sans cesse. » « Aimez votre prochain comme vous-même. » N’est-ce pas cette doctrine qui a formé tous les saints ? Enfin, M.F., quant aux bons exemples, quelque déréglé que soit le monde, n’en avons-nous pas encore quelques-uns devant les yeux, et bien plus que nous n’en pourrions suivre ? Enfin, la grâce nous manque-t-elle plus qu’aux saints ? Ne comptons-nous donc pour rien ces bonnes pensées, ces salutaires inspirations de renoncer à tel péché, de quitter telle mauvaise habitude, de pratiquer telle vertu, de faire telle bonne oeuvre ? N’est-ce pas une grâce que ces remords de conscience, ces troubles, ces inquiétudes que nous éprouvons lorsque nous avons péché ? Hélas ! M.F., combien de saints, aujourd’hui dans le ciel, ont reçu moins de grâces que nous ! Combien de païens, de chrétiens sont en enfer, qui, s’ils avaient reçu autant de grâces que nous, seraient devenus de grands saints !…
Oui, M.F., nous pouvons être des saints, et nous devons tous travailler à le devenir. Les saints ont été mortels comme nous, faibles et sujets aux passions comme nous ; nous avons les mêmes secours, les mêmes grâces, les mêmes sacrements ; mais il faut faire comme eux, renoncer aux plaisirs du monde, fuir le monde autant que nous le pourrons, être fidèles à la grâce : les prendre pour nos modèles ; car nous ne devons jamais perdre de vue qu’il nous faut être ou saints ou réprouvés, vivre ou pour le ciel ou pour l’enfer : il n’y a point de milieu. Concluons, M.F., en disant que si nous le voulons, nous pouvons être saints, car jamais le bon Dieu ne nous refusera sa grâce pour nous aider à le devenir. Il est notre Père, notre Sauveur et notre ami. Il soupire avec ardeur de nous voir délivrés des maux de la vie. Il veut nous combler de toutes sortes de biens, après nous avoir donné, déjà dans ce monde, d’immenses consolations, avant-goût de celles du ciel, que je vous souhaite.