Archive pour le 4 octobre, 2013

Le prophète Habacuc

4 octobre, 2013

Le prophète Habacuc dans images sacrée habakuk_01

http://kulturserver-nds.de/home/leivebibel/habakuk_1.html

BENOÎT XVI: LA VIERGE MARIE : ICÔNE DE LA FOI OBÉISSANTE

4 octobre, 2013

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20121219_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

SALLE PAUL VI

MERCREDI 19 DÉCEMBRE 2012

LA VIERGE MARIE : ICÔNE DE LA FOI OBÉISSANTE

Chers frères et sœurs,

Sur le chemin de l’Avent, la Vierge Marie occupe une place particulière comme celle qui, de façon unique, a attendu la réalisation des promesses de Dieu, en accueillant dans la foi et dans la chair Jésus, le Fils de Dieu, en pleine obéissance à la volonté divine. Aujourd’hui, je voudrais réfléchir brièvement avec vous sur la foi de Marie à partir du grand mystère de l’Annonciation.
« Chaîre kecharitomene, ho Kyrios meta sou », « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 28). Telles sont les paroles — rapportées par l’évangéliste Luc — par lesquelles l’archange Gabriel s’adresse à Marie. À première vue, le terme chaîre, « réjouis-toi », semble une salutation normale, habituelle dans le contexte grec, mais s’il est lu dans le cadre de la tradition biblique, ce mot acquiert une signification beaucoup plus profonde. Ce même terme est présent quatre fois dans la version grecque de l’Ancien Testament et toujours comme une annonce de joie pour la venue du Messie (cf. So 3, 14 ; Jl 2, 21 ; Za 9, 9 ; Lm 4, 21). Le salut de l’ange à Marie est donc une invitation à la joie, à une joie profonde, il annonce la fin de la tristesse qu’il y a dans le monde face à la limite de la vie, à la souffrance, à la mort, à la méchanceté, aux ténèbres du mal qui semblent obscurcir la lumière de la bonté divine. C’est un salut qui marque le début de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle.
Mais pourquoi Marie est-elle invitée à se réjouir de cette façon ? La réponse se trouve dans la deuxième partie du salut :  «Le Seigneur est avec toi ». Ici aussi, pour bien comprendre le sens de l’expression, nous devons nous tourner vers l’Ancien Testament. Dans le Livre de Sophonie, nous trouvons cette expression : « Pousse des cris de joie, fille de Sion… Le Seigneur est roi d’Israël au milieu de toi… Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi, héros sauveur » (3, 14-17). Dans ces paroles, il y a une double promesse faite à Israël, à la fille de Sion : Dieu viendra comme sauveur et habitera précisément au milieu de son peuple, dans le sein de la fille de Sion. Dans le dialogue entre l’ange et Marie se réalise exactement cette promesse : Marie est identifiée avec le peuple épousé par Dieu, elle est véritablement la Fille de Sion en personne; en elle s’accomplit l’attente de la venue définitive de Dieu, en elle habite le Dieu vivant.
Dans le salut de l’ange, Marie est appelée « pleine de grâce » ; en grec, le terme « grâce », charis, a la même racine linguistique que le terme « joie ». Dans cette expression également est éclaircie ultérieurement la source de la joie de Marie : la joie provient de la grâce, c’est-à-dire qu’elle provient de la communion avec Dieu, du fait d’avoir une relation si vitale avec Lui, du fait d’être demeure de l’Esprit Saint, entièrement formée par l’action de Dieu. Marie est la créature qui de façon unique a ouvert toute grande la porte à son Créateur, elle s’est placée entre ses mains, sans limite. Elle vit entièrement de la et dans la relation avec le Seigneur ; elle est dans une attitude d’écoute, attentive à saisir les signes de Dieu sur le chemin de son peuple ; elle est insérée dans une histoire de foi et d’espérance dans les promesses de Dieu, qui constitue le tissu de son existence. Et elle se soumet librement à la parole reçue, à la volonté divine dans l’obéissance de la foi.
L’évangéliste Luc raconte l’histoire de Marie à travers un subtil parallélisme avec l’histoire d’Abraham. Comme le grand Patriarche est le père des croyants, qui a répondu à l’appel de Dieu à quitter la terre où il vivait, ses certitudes, pour entamer le chemin vers une terre inconnue et possédée uniquement dans la promesse divine, de même Marie s’en remet avec une totale confiance à la parole que lui a annoncée le messager de Dieu et devient modèle et mère de tous les croyants.
Je voudrais souligner un autre aspect important : l’ouverture de l’âme à Dieu et à son action dans la foi inclut aussi l’élément de l’obscurité. La relation de l’être humain avec Dieu n’efface pas la distance entre le Créateur et la créature, n’élimine pas ce qu’affirme l’apôtre Paul face aux profondeurs de la sagesse de Dieu : « Que ses décrets sont insondables et ses voies incompréhensibles ! » (Rm 11, 33). Mais justement celui qui — comme Marie — est ouvert de façon totale à Dieu, parvient à accepter le vouloir divin, même s’il est mystérieux, même si souvent il ne correspond pas à notre propre volonté et qu’il est une épée qui transperce l’âme, comme le dira prophétiquement le vieux Syméon à Marie, au moment où Jésus est présenté au Temple (cf. Lc 2, 35). Le chemin de foi d’Abraham comprend le moment de joie pour le don de son fils Isaac, mais aussi le moment de l’obscurité, lorsqu’il doit monter sur le mont Moriah pour accomplir un geste paradoxal : Dieu lui demande de sacrifier le fils qu’il vient de lui donner. Sur le mont, l’ange lui ordonne : « N’étends pas la main contre l’enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique » (Gn 22, 12) ; la pleine confiance d’Abraham dans le Dieu fidèle aux promesses ne manque pas non plus lorsque sa parole est mystérieuse et difficile, presque impossible à accueillir. Ainsi en est-il pour Marie, sa foi vit la joie de l’Annonciation mais passe aussi à travers l’obscurité de la crucifixion de son Fils, pour pouvoir atteindre la lumière de la Résurrection.
Il en est de même aussi pour le chemin de foi de chacun de nous: nous rencontrons des moments de lumière, mais nous rencontrons aussi des passages où Dieu semble absent, son silence pèse dans notre cœur et sa volonté ne correspond pas à la nôtre, à ce que nous voudrions. Mais plus nous nous ouvrons à Dieu, plus nous accueillons le don de la foi, plus nous plaçons totalement en Lui notre confiance — comme Abraham et comme Marie — alors plus Il nous rend capables, par sa présence, de vivre toute situation de la vie dans la paix et dans la certitude de sa fidélité et de son amour. Mais cela signifie sortir de soi et de nos projets, afin que la Parole de Dieu soit la lampe qui guide nos pensées et nos actions.
Je voudrais m’arrêter encore sur un aspect qui émerge des récits sur l’Enfance de Jésus raconté par saint Luc. Marie et Joseph portent leur fils à Jérusalem, au Temple, pour le présenter et le consacrer au Seigneur comme le prescrit la loi de Moïse : «Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur » (cf. Lc 2, 22-24). Ce geste de la Sainte Famille acquiert un sens encore plus profond si nous le lisons à la lumière de la science évangélique de Jésus à douze ans qui, après trois jours de recherche, est retrouvé au Temple en train de discuter parmi les docteurs. Aux paroles pleines d’inquiétude de Marie et Joseph : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois ! ton père et moi, nous te cherchons, angoissés », correspond la mystérieuse réponse de Jésus : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2, 48-49). C’est-à-dire dans la propriété du Père, dans la maison du Père, comme l’est un fils. Marie doit renouveler la foi profonde avec laquelle elle a dit « oui » lors de l’Annonciation ; elle doit accepter que la priorité soit donnée au Père véritable et propre de Jésus ; elle doit savoir laisser libre ce Fils qu’elle a engendré pour qu’il suive sa mission. Et le « oui » de Marie à la volonté de Dieu, dans l’obéissance de la foi, se répète tout au long de sa vie, jusqu’au moment le plus difficile, celui de la Croix.
Face à tout cela, nous pouvons nous demander : comment Marie a-t-elle pu vivre ce chemin aux côtés de son Fils avec une foi aussi solide, même dans l’obscurité, sans perdre la pleine confiance dans l’action de Dieu ? Il existe une attitude de fond que Marie prend face à ce qui se passe dans sa vie. Lors de l’Annonciation, elle est troublée en écoutant les paroles de l’Ange — c’est la crainte que l’homme éprouve lorsqu’il est touché par la proximité de Dieu —, mais ce n’est pas l’attitude de celui qui a peur devant ce que Dieu peut demander. Marie réfléchit, elle s’interroge sur la signification de ce salut (cf. Lc 1, 29). Le terme grec utilisé dans l’Évangile pour définir cette « réflexion », « dielogizeto », rappelle la racine de la parole « dialogue ». Cela signifie que Marie entre dans un dialogue intime avec la Parole de Dieu qui lui a été annoncée, elle ne la considère pas superficiellement, mais elle s’arrête, elle la laisse pénétrer dans son esprit et dans son cœur pour comprendre ce que le Seigneur veut d’elle, le sens de l’annonce. Nous trouvons une autre mention de l’attitude intérieure de Marie face à l’action de Dieu, toujours dans l’Évangile de saint Luc, au moment de la naissance de Jésus, après l’adoration des bergers. Il y est affirmé que Marie « retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur » (Lc 2, 19) ; en grec le terme est symballon, nous pourrions dire qu’Elle « retenait ensemble », qu’elle « mettait ensemble » dans son cœur tous les événements qui lui arrivaient ; elle plaçait chaque événement particulier, chaque parole, chaque fait à l’intérieur du tout et elle le confrontait, elle le conservait, reconnaissant que tout provient de la volonté de Dieu. Marie ne s’arrête pas à une première compréhension superficielle de ce qui se passe dans sa vie, mais elle sait regarder en profondeur, elle se laisse interpeller par les événements, elle les élabore, elle les discerne et acquiert cette compréhension que seule la foi peut garantir. C’est l’humilité profonde de la foi obéissante de Marie, qui accueille en elle également ce qu’elle ne comprend pas dans l’action de Dieu, en laissant Dieu ouvrir son esprit et son cœur. « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » (Lc 1, 44), s’exclame sa parente Élisabeth. C’est précisément en raison de sa foi que toutes les générations l’appelleront bienheureuse.
Chers amis, la solennité du Noël du Seigneur que nous célébrerons d’ici peu, nous invite à vivre cette même humilité et obéissance de foi. La gloire de Dieu ne se manifeste pas dans le triomphe et dans le pouvoir d’un roi, elle ne resplendit pas dans une ville célèbre, dans un palais somptueux, mais elle prend sa demeure dans le sein d’une vierge, elle se révèle dans la pauvreté d’un enfant. La toute-puissance de Dieu, même dans notre vie, agit avec la force, souvent silencieuse, de la vérité et de l’amour. La foi nous dit alors que la puissance sans défense de cet Enfant vainc le bruit des puissances du monde.

DIMANCHE 6 OCTOBRE : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

4 octobre, 2013

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

DIMANCHE 6 OCTOBRE : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

PREMIERE LECTURE – Habacuc 1, 2-3 ; 2, 2-4
1, 2 « Combien de temps, SEIGNEUR,
 vais-je t’appeler au secours,
 et tu n’entends pas,
 crier contre la violence,
 et tu ne délivres pas !
3 Pourquoi m’obliges-tu à voir l’abomination
 et restes-tu à regarder notre misère ?
 Devant moi pillage et violence ;
 dispute et discorde se déchaînent.
2, 1 Je guetterai ce que dira le SEIGNEUR. »
2, 2 Alors le SEIGNEUR me répondit :
 « Tu vas mettre par écrit la vision,
 bien clairement sur des tablettes,
 pour qu’on puisse la lire couramment.
3 Cette vision se réalisera, mais seulement au temps fixé,
 elle tend vers son accomplissement, elle ne décevra pas.
 Si elle paraît tarder, attends-la :
 elle viendra certainement, à son heure.
4 Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite,
 mais le juste vivra par sa fidélité. »

Le prophète Habacuc n’est plus très à la mode aujourd’hui, mais il l’était certainement à l’époque du Nouveau Testament, puisqu’il y est cité plusieurs fois. Par exemple, la phrase de la Vierge Marie dans le Magnificat : « Je bondis de joie dans le Seigneur, j’exulte en Dieu, mon Sauveur » se trouvait déjà, des siècles auparavant, dans le livre d’Habacuc (Ha 3, 18) ; c’est de lui également que Saint Paul a retenu et cité à plusieurs reprises une phrase si importante pour lui, qui fait partie de notre lecture d’aujourd’hui : « Le juste vivra par sa fidélité » (Rm 1, 17 ; Ga 3, 11) ; ce petit livre vaut donc la peine d’être ouvert ; ce n’est qu’un tout petit livre en effet, trois chapitres seulement, d’environ vingt versets chacun, mais quelle palette de sentiments ! De la complainte à la violence, de l’appel au secours à l’exultation pure ; ses cris de détresse font penser à Job : « Combien de temps, SEIGNEUR, vais-je t’appeler au secours, et tu n’entends pas, crier contre la violence et tu ne délivres pas ! » Mais l’espérance ne le quitte jamais : quand Saint Pierre invite ses lecteurs à la patience, lui aussi reprend une expression inspirée d’Habaquq : « Non, le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse… » (2 P 3, 9).
 Les premiers versets d’aujourd’hui sont un cri : « Combien de temps, SEIGNEUR, vais-je t’appeler au secours, et tu n’entends pas… crier contre la violence et tu ne délivres pas ! » C’est un cri de détresse, d’appel au secours, devant le déchaînement de la violence ; mais aussi et surtout le cri de la détresse suprême, celle du silence de Dieu. Ce cri-là est toujours d’actualité. Et ici, comme dans le livre de Job, comme dans beaucoup de psaumes, la Bible ose dire des phrases presque impertinentes, où l’homme se permet de demander des comptes à Dieu. « Combien de temps, SEIGNEUR, vais-je t’appeler au secours, et tu n’entends pas, crier contre la violence, et tu ne délivres pas !
 La violence dont parle Habacuc ici, c’est celle de l’ennemi du moment, Babylone. Il l’appelle « Les Chaldéens », traduisez les armées de Nabuchodonosor. Nous sommes vers 600 avant Jésus-Christ : l’ennemi numéro un, il n’y a pas longtemps encore, c’étaient les Assyriens de Ninive. Mais ils ont été écrasés à leur tour par Babylone qui est désormais la puissance montante au Moyen-Orient. Depuis que le monde est monde, les mêmes horreurs de la guerre se répètent ; on les devine ici : « Pourquoi m’obliges-tu à voir l’abomination et restes-tu à regarder notre misère ? Devant moi, pillage et violence ; dispute et discorde se déchaînent. »
 Mais Habacuc ne perd pas la foi pour autant. Il ajoute : « Je guetterai ce que dira le SEIGNEUR Dieu » ; dans cette expression, il y a au moins deux choses : d’abord c’est le guet du veilleur, assuré que l’aube viendra ; c’est le thème du psaume 129/130 : « Mon âme attend le Seigneur, plus sûrement qu’un veilleur n’attend l’aurore ». Et ce verbe « attendre » veut dire attendre tout de Lui. Dans la phrase « Je guetterai ce que dira le SEIGNEUR Dieu », la première chose, c’est donc la confiance ; la deuxième chose, c’est la conscience que son interpellation est un peu osée : le prophète Habacuc a demandé des comptes à Dieu et il s’attend à être rappelé à l’ordre : « Je guetterai ce que dira le SEIGNEUR Dieu ».
 Or, chose intéressante, Habacuc ne se fait pas rappeler à l’ordre. La réponse de Dieu ne lui fait aucun reproche ; il l’invite seulement à la patience et à la confiance ; les heures de victoire de l’ennemi ne dureront pas toujours : « Le SEIGNEUR me répondit : Tu vas mettre par écrit la vision, bien clairement sur des tablettes, pour qu’on puisse la lire couramment. Cette vision se réalisera, mais seulement au temps fixé, elle tend vers son accomplissement, elle ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la : elle viendra certainement, à son heure. » Pour l’instant, Habacuc ne décrit pas la vision elle-même, ce sera l’objet du chapitre suivant ; mais, on s’en doute déjà, il s’agit de la libération de ceux qui, actuellement, sont opprimés.
 Pour autant, Dieu n’a pas vraiment répondu à la question ; il n’a pas dit pourquoi, à certains moments, il semble devenu sourd à nos prières. Il a seulement réaffirmé une fois de plus qu’il ne nous abandonne jamais… Si bien que le message d’Habacuc semble bien être : dans les épreuves, même les plus terribles, la seule voie possible pour le croyant c’est de garder confiance en Dieu : accepter de ne pas comprendre, mais ne pas accuser Dieu. Toute autre attitude nous détruit : la méfiance à l’égard de Dieu ne nous fait que du mal. C’est probablement l’un des sens de la formule finale de ce texte : « Le juste vivra par sa fidélité » ou, pour le dire autrement, c’est la confiance en Dieu qui nous fait vivre ; le soupçon ou la révolte nous détruit. Mais si la Bible nous fait lire les cris de détresse et même les reproches faits à Dieu, c’est qu’un croyant a le droit de crier sa détresse, son impatience de voir cesser la violence qui l’écrase.
 Reprenons la dernière phrase : « Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité ». L’insolent, c’est Babylone qui s’enorgueillit de ses conquêtes et qui croit fonder sur elles une prospérité durable ; le juste, lui, sait que Dieu seul fait vivre. A ce sujet, l’exemple le plus célèbre dans l’histoire d’Israël, c’est Abraham : quand il a quitté son pays, sa famille, sur un simple appel de Dieu, il ne savait pas bien où Dieu le conduisait, vers quelle destinée. Quand, encore sur un appel de Dieu, Abraham s’apprêtait à offrir son fils unique, il ne comprenait pas, mais il a continué de faire confiance à celui qui lui a donné ce fils… Et, là encore, sa foi les a fait vivre, lui et son fils (Gn 22). Le texte biblique dit de lui « Abraham eut foi dans le SEIGNEUR et cela lui fut compté comme justice » (Gn 15, 6).
 Dernière remarque : quand Habacuc parle de Babylone, il dit « les Chaldéens » (entre parenthèses, c’est l’Irak d’aujourd’hui) mais, souvenons-nous, Abraham lui-même était un Chaldéen… or Abraham est qualifié de « juste » par la confiance qu’il a manifestée envers Dieu alors que les Chaldéens, ses compatriotes, quelques siècles plus tard, sont traités d’insolents qui n’ont pas l’âme droite. On peut en déduire que la justice n’est pas une affaire d’origine, de race, ou de circoncision, donc de religion, mais seulement d’attitude du coeur. Nous ferions peut-être bien de nous en souvenir quand nous rencontrons des croyants d’autres religions … ?
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 Compléments

 - « Tu vas mettre par écrit la vision, bien clairement sur des tablettes » : on écrivait sur des tablettes les textes que l’on souhaitait conserver ; on peut comprendre ici comme une insistance de Dieu : « Mes petits enfants, n’oubliez jamais ». Dieu est silencieux, mais il n’est pas absent, il reste à nos côtés
 - « Je guetterai ce que dira le SEIGNEUR » : Le rôle du prophète est d’être un guetteur. Ezéchiel emploie le même mot pour dire sa vocation : « Fils d’homme, je t’établis guetteur pour la maison d’Israël ; quand tu entendras une parole venant de ma bouche, tu les avertiras de ma part. » (Ez 3,17 // 33, 7)

27E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – HOMÉLIE

4 octobre, 2013

http://www.homelies.fr/homelie,,3611.html

27E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

DIMANCHE 6 OCTOBRE 2013

FAMILLE DE SAINT JOSEPH

HOMÉLIE-MESSE

Voilà une liturgie de la Parole qui nous rejoint certes dans nos questionnements, mais dont les réponses nous laissent plutôt perplexes.
Qui d’entre nous un jour de détresse n’a pas crié vers Dieu avec les paroles du prophète Habacuc ? La première partie de la réponse du Seigneur semble laisser annoncer une prochaine intervention divine spectaculaire, qui rétablirait le bon droit de l’opprimé. Mais le discours de Dieu change de ton et débouche sur une parole énigmatique : « Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité ».
Difficile de ne pas entendre dans ce verset une pointe de reproche. Disons que le Seigneur nous remet à notre place : accuser Dieu de ne pas intervenir en notre faveur est en effet à la limite de l’insolence. « L’âme droite » n’exige pas qu’on lui fasse justice, mais manifeste qu’elle est « juste » en demeurant fidèle contre vents et marées. L’âme droite n’est-elle pas celle qui peut dire avec Esther : « Tout dépend de ta volonté, Seigneur, et rien ne peut lui résister : c’est toi qui as fait le ciel et la terre et les merveilles qu’ils contiennent. Tu es le Maître de l’univers » (Ant. d’ouv.) ? Nous n’avons pas à attendre de Dieu qu’il change le cours des événements ; par contre nous sommes invités à changer notre manière de les appréhender et de les vivre. Comment pouvons-nous imaginer, ne fût-ce qu’un instant, que nous sommes livrés, impuissants, au hasard des événements ou à la malice des hommes ? Ce serait faire mentir le Christ qui nous assure que nos vies sont dans la main du Père, et que nul ne peut rien arracher de sa main (cf. Jn 10, 29).
Certes Dieu n’annule pas les causes secondes et ne peut rien contre la liberté des hommes mauvais. Mais la résurrection de Notre-Seigneur ne proclame-t-elle pas une fois pour toutes que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu ? Une telle lecture n’est évidemment accessible que dans la foi ; c’est pourquoi il nous est sans doute bon de supplier avec les Apôtres : « Augmente en nous la foi ! » Nouvelle surprise : la réponse de Jésus est tout aussi déconcertante que celle donnée par Dieu au prophète Habacuc. Que représente ce grand arbre qui est supposé nous obéir au nom de notre foi ? Et quel rapport avec la parabole par laquelle Notre-Seigneur illustre son propos ? Essayons d’y voir clair.
Dans la Bible, l’arbre solidement enraciné en terre – probablement un mûrier noir (sycomore) qui peut résister six siècles aux intempéries – représente la vie ; la mer est toujours symbole de la mort. Jésus affirme donc que si nous avions de la foi gros comme la plus petite des graines potagères, nous pourrions faire fleurir la vie au cœur même des situations les plus désespérées.
Il est clair qu’un tel regard sur les événements ne peut procéder du « vieil homme », lui qui est devenu affreusement myope depuis que le péché l’a privé de la lumière de la grâce. Aussi ne peut-il évaluer les situations et les événements auxquels il est confronté, que sur l’horizon restreint de cette vie éphémère. La sagesse voudrait qu’il se laisse conduire par la main, comme un aveugle faisant confiance à celui qui voit. Hélas il n’en est rien : nous prétendons mener notre barque comme bon nous semble au risque de l’échouer sur les récifs des épreuves inévitables de nos vies.
Mais comment prendre autorité sur ce vieil homme auquel nous nous identifions spontanément ? Par la parabole du « serviteur quelconque », Notre-Seigneur nous répond : en nous appuyant par la foi sur un Autre, qui voit plus loin que nous, et qui s’est engagé à nous conduire au bon port : « Moi je suis la lumière du monde, proclame Jésus. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jn 8, 12).
Le bon sens exige que le matelot qui travaille dans la soute, obéisse aveuglément au capitaine qui dirige les manœuvres depuis le pont. On imagine mal que le soir le capitaine aille prendre la place des matelots, leur laissant le gouvernail alors qu’ils n’ont aucune compétence pour conduire le navire. L’obéissance du matelot n’a rien d’aliénant : elle résulte de la reconnaissance de la place et du rôle de chacun, dans la complémentarité des responsabilités et des missions.
Cette image illustre fort bien notre situation concrète : dans la barque de l’Église, chacun est invité à tenir son poste dans l’obéissance au capitaine, le Seigneur Jésus ressuscité, qui depuis le pont, dispense à chacun ses ordres afin que tous ensemble nous puissions arriver à bon port. La foi consiste à accueillir cette autorité suprême du Christ, dont les directives nous viennent par la voix de la hiérarchie qui répercute jusqu’à nous ce qui se dit sur le pont. « Les fonctions dans l’Église sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est toujours le même Dieu qui agit en tous. Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous. Le même et unique Esprit distribue ses dons à chacun, selon sa volonté » (1 Co 12, 4-11). Du haut au bas de l’échelle hiérarchique, tous sans exception nous devrions pouvoir dire en vérité : « Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n’avons fait que notre devoir ». Saint Paul propose une autre image très parlante : celle de la multiplicité des membres d’un même corps et de l’indispensable coopération de chacun de ces membres aux activités du corps tout entier sous la direction de la tête : le Christ.
De ce qui précède, il apparaît que la foi présente deux dimensions indissociables : la première – la plus fondamentale – est une confiance absolue en Dieu, qui ne se laisse pas ébranler par les tempêtes de la vie. Notre capitaine est digne de confiance : il a traversé les grandes eaux de la mort et saura conduire notre barque jusqu’à l’autre rivage – à condition bien sûr que nous ne lui arrachions pas le gouvernail des mains.
La seconde dimension de la foi consiste à reconnaître la nécessité d’obéir à celui qui désire nous conduire en lieu sûr. Cette « obéissance de la foi » (Rm 1, 5 ; 16, 26) se vit dans le contexte de la complémentarité des appels et des missions au sein de l’Église, que le Christ conduit par son Esprit.
A la lumière de ces quelques considérations, l’exhortation de saint Paul proposée en 2nd lecture, prend tout son sens : demandons à Dieu de « réveiller en nous » le don de l’Esprit dont nous avons été gratifiés au jour de notre baptême. « Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de raison ». Nous disposons ainsi dans la foi de la force nécessaire pour « prendre notre part de souffrance pour l’annonce de l’Évangile », sans maugréer ni nous révolter ; nous disposons de l’amour qui permet de vivre le service dans un esprit de charité et d’unité ; nous disposons enfin d’une raison éclairée par l’Esprit, qui peut prendre autorité sur les revendications indues du vieil homme.
27e dimanche du Temps Ordinaire
dimanche 6 octobre 2013Famille de Saint Joseph Octobre 2013   semaine précédente Lu 30  Ma 1  Me 2  Je 3  Ve 4  Sa 5  Di 6  semaine suivante HomélieMesse Envoyer à un ami  Imprimer
Voilà une liturgie de la Parole qui nous rejoint certes dans nos questionnements, mais dont les réponses nous laissent plutôt perplexes.
Qui d’entre nous un jour de détresse n’a pas crié vers Dieu avec les paroles du prophète Habacuc ? La première partie de la réponse du Seigneur semble laisser annoncer une prochaine intervention divine spectaculaire, qui rétablirait le bon droit de l’opprimé. Mais le discours de Dieu change de ton et débouche sur une parole énigmatique : « Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité ».
Difficile de ne pas entendre dans ce verset une pointe de reproche. Disons que le Seigneur nous remet à notre place : accuser Dieu de ne pas intervenir en notre faveur est en effet à la limite de l’insolence. « L’âme droite » n’exige pas qu’on lui fasse justice, mais manifeste qu’elle est « juste » en demeurant fidèle contre vents et marées. L’âme droite n’est-elle pas celle qui peut dire avec Esther : « Tout dépend de ta volonté, Seigneur, et rien ne peut lui résister : c’est toi qui as fait le ciel et la terre et les merveilles qu’ils contiennent. Tu es le Maître de l’univers » (Ant. d’ouv.) ? Nous n’avons pas à attendre de Dieu qu’il change le cours des événements ; par contre nous sommes invités à changer notre manière de les appréhender et de les vivre. Comment pouvons-nous imaginer, ne fût-ce qu’un instant, que nous sommes livrés, impuissants, au hasard des événements ou à la malice des hommes ? Ce serait faire mentir le Christ qui nous assure que nos vies sont dans la main du Père, et que nul ne peut rien arracher de sa main (cf. Jn 10, 29).
Certes Dieu n’annule pas les causes secondes et ne peut rien contre la liberté des hommes mauvais. Mais la résurrection de Notre-Seigneur ne proclame-t-elle pas une fois pour toutes que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu ? Une telle lecture n’est évidemment accessible que dans la foi ; c’est pourquoi il nous est sans doute bon de supplier avec les Apôtres : « Augmente en nous la foi ! » Nouvelle surprise : la réponse de Jésus est tout aussi déconcertante que celle donnée par Dieu au prophète Habacuc. Que représente ce grand arbre qui est supposé nous obéir au nom de notre foi ? Et quel rapport avec la parabole par laquelle Notre-Seigneur illustre son propos ? Essayons d’y voir clair.
Dans la Bible, l’arbre solidement enraciné en terre – probablement un mûrier noir (sycomore) qui peut résister six siècles aux intempéries – représente la vie ; la mer est toujours symbole de la mort. Jésus affirme donc que si nous avions de la foi gros comme la plus petite des graines potagères, nous pourrions faire fleurir la vie au cœur même des situations les plus désespérées.
Il est clair qu’un tel regard sur les événements ne peut procéder du « vieil homme », lui qui est devenu affreusement myope depuis que le péché l’a privé de la lumière de la grâce. Aussi ne peut-il évaluer les situations et les événements auxquels il est confronté, que sur l’horizon restreint de cette vie éphémère. La sagesse voudrait qu’il se laisse conduire par la main, comme un aveugle faisant confiance à celui qui voit. Hélas il n’en est rien : nous prétendons mener notre barque comme bon nous semble au risque de l’échouer sur les récifs des épreuves inévitables de nos vies.
Mais comment prendre autorité sur ce vieil homme auquel nous nous identifions spontanément ? Par la parabole du « serviteur quelconque », Notre-Seigneur nous répond : en nous appuyant par la foi sur un Autre, qui voit plus loin que nous, et qui s’est engagé à nous conduire au bon port : « Moi je suis la lumière du monde, proclame Jésus. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jn 8, 12).
Le bon sens exige que le matelot qui travaille dans la soute, obéisse aveuglément au capitaine qui dirige les manœuvres depuis le pont. On imagine mal que le soir le capitaine aille prendre la place des matelots, leur laissant le gouvernail alors qu’ils n’ont aucune compétence pour conduire le navire. L’obéissance du matelot n’a rien d’aliénant : elle résulte de la reconnaissance de la place et du rôle de chacun, dans la complémentarité des responsabilités et des missions.
Cette image illustre fort bien notre situation concrète : dans la barque de l’Église, chacun est invité à tenir son poste dans l’obéissance au capitaine, le Seigneur Jésus ressuscité, qui depuis le pont, dispense à chacun ses ordres afin que tous ensemble nous puissions arriver à bon port. La foi consiste à accueillir cette autorité suprême du Christ, dont les directives nous viennent par la voix de la hiérarchie qui répercute jusqu’à nous ce qui se dit sur le pont. « Les fonctions dans l’Église sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est toujours le même Dieu qui agit en tous. Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous. Le même et unique Esprit distribue ses dons à chacun, selon sa volonté » (1 Co 12, 4-11). Du haut au bas de l’échelle hiérarchique, tous sans exception nous devrions pouvoir dire en vérité : « Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n’avons fait que notre devoir ». Saint Paul propose une autre image très parlante : celle de la multiplicité des membres d’un même corps et de l’indispensable coopération de chacun de ces membres aux activités du corps tout entier sous la direction de la tête : le Christ.
De ce qui précède, il apparaît que la foi présente deux dimensions indissociables : la première – la plus fondamentale – est une confiance absolue en Dieu, qui ne se laisse pas ébranler par les tempêtes de la vie. Notre capitaine est digne de confiance : il a traversé les grandes eaux de la mort et saura conduire notre barque jusqu’à l’autre rivage – à condition bien sûr que nous ne lui arrachions pas le gouvernail des mains.
La seconde dimension de la foi consiste à reconnaître la nécessité d’obéir à celui qui désire nous conduire en lieu sûr. Cette « obéissance de la foi » (Rm 1, 5 ; 16, 26) se vit dans le contexte de la complémentarité des appels et des missions au sein de l’Église, que le Christ conduit par son Esprit.
A la lumière de ces quelques considérations, l’exhortation de saint Paul proposée en 2nd lecture, prend tout son sens : demandons à Dieu de « réveiller en nous » le don de l’Esprit dont nous avons été gratifiés au jour de notre baptême. « Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de raison ». Nous disposons ainsi dans la foi de la force nécessaire pour « prendre notre part de souffrance pour l’annonce de l’Évangile », sans maugréer ni nous révolter ; nous disposons de l’amour qui permet de vivre le service dans un esprit de charité et d’unité ; nous disposons enfin d’une raison éclairée par l’Esprit, qui peut prendre autorité sur les revendications indues du vieil homme.

« Seigneur Jésus, au terme de trois années de dur labeur, au cours desquelles tu t’es épuisé à labourer les terres rebelles de nos cœurs, tu ne t’es pas assis à table pour te faire servir, mais comme un “serviteur quelconque” tu as versé de l’eau dans un bassin, et tu t’es mis à laver les pieds de tes disciples. Puis prenant le pain, c’est toi qui les as nourris de ta propre chair : “Prenez et mangez en tous, ceci est mon Corps, livré pour vous”. Donne-nous d’entrer dans l’intelligence de la foi à la lumière de l’amour dont tu nous as aimés. Notre obéissance alors ne sera pas servile, mais procédera de notre volonté délibérée de nous livrer avec une infinie confiance à l’amour de Dieu, que tu nous invites à appeler “Père”. »
Père Joseph-Marie« Seigneur Jésus, au terme de trois années de dur labeur, au cours desquelles tu t’es épuisé à labourer les terres rebelles de nos cœurs, tu ne t’es pas assis à table pour te faire servir, mais comme un “serviteur quelconque” tu as versé de l’eau dans un bassin, et tu t’es mis à laver les pieds de tes disciples. Puis prenant le pain, c’est toi qui les as nourris de ta propre chair : “Prenez et mangez en tous, ceci est mon Corps, livré pour vous”. Donne-nous d’entrer dans l’intelligence de la foi à la lumière de l’amour dont tu nous as aimés. Notre obéissance alors ne sera pas servile, mais procédera de notre volonté délibérée de nous livrer avec une infinie confiance à l’amour de Dieu, que tu nous invites à appeler “Père”. »

Père Joseph-Marie