HOMÉLIE: 25E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

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25E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

FAMILLE DE SAINT JOSEPH

HOMÉLIE- MESSE

Nous sommes sous le règne du roi Jéroboam II (787-747), une époque qui ne sera jamais aussi prospère pour le peuple d’Israël dans le Royaume du Nord. Les récoltes sont bonnes, pas d’ennemis pour venir les piller. Le commerce avec les Phéniciens va bon train et l’on assiste à un enrichissement sensible du Royaume. Mais arrive ce qui se produit souvent dans ce genre de situation : les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent.

C’est alors que le Seigneur suscite parmi son peuple un prophète, Amos, pour dénoncer, comme nous le rapporte la première lecture de ce dimanche, la gangrène de l’injustice sociale qui est en train de gagner tout le pays. Le riche, accaparé par le souci de son profit matériel, à savoir le gain de la vente de son blé et de son froment, ne prête même plus attention à celui qui est la source de tout bien et qu’il célèbre le jour du sabbat. Il est tellement obsédé par cela qu’il est prêt aux pires escroqueries pour gagner le plus d’argent possible et ce même si cela doit conduire ses débiteurs à la ruine et à la servitude. Amos s’insurge. Comment Dieu pourrait-il cautionner des intentions aussi désolantes de la part de ses enfants, lui qui, « de la poussière relève le faible et retire le pauvre de la cendre pour qu’il siège parmi les princes, parmi les princes de son peuple » ! (Cf. Psaume)

La dénonciation par Amos du désir de l’argent qui aveugle et conduit à l’oubli de Dieu et à l’élimination de ses frères, se retrouve chez Jésus qui affirme : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent ». Paroles claires, percutantes, qui terminent l’évangile de ce jour et qui ne laissent place à aucune ambiguïté dans l’interprétation.
Pourtant, Jésus ne vient-il pas de faire l’éloge d’un gérant trompeur à travers la parabole qu’il vient de raconter ? Comment Jésus peut-il bien vanter un homme malhonnête ? Et que dire de son invitation à nous faire des amis avec l’Argent trompeur ? N’y a-t-il pas ici une contradiction ? Avouons que cette parabole a quelque chose de déroutant.
Toutefois, il ne faudrait peut-être pas trop vite juger de la moralité de notre Seigneur. N’oublions pas le genre littéraire de cette histoire, la parabole, dont le but premier est de piquer la curiosité – et « ce qui déroute » fait partie des moyens utilisés à cette fin – pour inviter à chercher à travers analogies et métaphores le véritable sens du récit. Autrement dit, il s’agit ici de bien lire pour se laisser conduire.

Et que lisons-nous ? « Ce gérant trompeur, le maître fit son éloge » et non : « La tromperie de ce gérant, le maître fit son éloge ». Et Jésus d’expliciter : « Effectivement, il s’était montré habile… Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’Argent trompeur, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles ».
En fait, Jésus fait l’éloge de l’habilité de cet homme. L’exemple de ce gérant n’est donc pas dans sa malhonnêteté mais dans son attitude vis-à-vis de ses débiteurs. Que fait cet homme ? Il se dessaisit de l’Argent trompeur en remettant à ses débiteurs pour se faire des amis. Plutôt que de se révolter contre la décision du maître, il préfère remettre et entrer dans une logique de miséricorde, en espérant qu’à son tour il lui sera fait miséricorde.

Nous aurons compris que, dans cet évangile, l’« Argent » désigne les biens dont nous disposons. Jésus nous invite donc à entrer dans la logique divine du don, du partage et de la miséricorde. Les biens de ce monde nous sont confiés par le Seigneur. Si nous nous montrons dignes de cette « confiance » dans l’usage habile que nous en faisons alors nous sera confié le bien véritable : « Si vous n’avez pas été digne de confiance avec l’Argent trompeur, qui vous confiera le bien véritable ? ». Jésus nous rappelle donc que nous n’avons pas à chercher notre bien véritable dans les biens de ce monde.

Et quel est ce bien véritable ? Saint Paul nous le montre, dans la deuxième lecture, lorsqu’il nous invite à porter le salut des âmes comme un souci permanent de notre être de chrétien. S’il nous exhorte à intercéder pour ceux qui assument des responsabilités dans le monde n’est-ce pas pour qu’ils ne perdent jamais de vue la finalité ultime de toute action humaine : conduire à Dieu, à celui qui est la plénitude de la vérité ? Celui qui prie en levant les mains vers le ciel, sans colère et sans esprit de rivalité ou de jalousie, ne découvre-t-il pas que la richesse de la grâce divine qu’il reçoit par la médiation de Jésus-Christ est l’unique Bien auquel tout autre bien est relatif ?

C’est ce Bien là, à savoir notre participation à la vie divine, que nous devons viser en usant habilement des biens que Dieu nous confie, y compris celui, spirituel, d’une prière de foi et d’espérance (Cf. Deuxième lecture). Comment ? En les partageant. C’est bien là le seul pouvoir que nous ayons sur eux : les partager jusqu’à donner même ce que l’on n’a pas et qui nous reviendrait de droit.

« Seigneur, fais-nous la grâce d’entrer toujours plus profondément dans la logique de la miséricorde et du partage. C’est le seul chemin qui nous permettra de parvenir jusqu’à toi, le Bien qui dépasse tous les autres biens. Nous en avons tous fait l’expérience, si nous n’usons pas des biens que tu nous confies en vue du service de la charité, ils ne tardent pas à s’imposer à nous en maîtres. Aujourd’hui, tu insistes pour nous dire : ‘Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il détestera le premier, et aimera le second ; ou bien, il s’attachera au premier, et méprisera le second. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent.’ Puissions-nous accueillir ces paroles que tu nous adresses comme un encouragement à te choisir comme le sens et la finalité de tout ce que nous vivons. »


Frère Elie

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