« JE SAIS EN QUI J’AI CRU. » (SAINT PAUL À TIMOTHÉE, 11, 1 V. 12)

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LA DOCTRINE ET LA VIE

 « JE SAIS EN QUI J’AI CRU. » (SAINT PAUL À TIMOTHÉE, 11, 1 V. 12)

Combien de gens donneraient beaucoup pour pouvoir prendre à leur compte une telle profession de foi ! Il y a peut-être parmi nous des coeurs désagrégés par le doute qui gardent néanmoins la nostalgie de la certitude, et aussi des coeurs croyants mais qui se demandent si les fondements de leur foi subsistent fermes. Que d’êtres se tournent vers les croyants du passé, en leur disant, dans la souffrance de leur âme : « Vous étiez heureux ; saint Paul était heureux de pouvoir dire : je sais en qui j’ai cru ! ».
Eh bien ! ce bonheur, ce bonheur de la certitude, il est à la portée de tout être de bonne volonté.
Le premier point est de connaître le Christ, de bien savoir quel Il est, ce qu’Il a fait, ce qu’Il a dit. Et puis, Lui donner notre foi.
Tout ce que nous pouvons connaître du Christ se trouve écrit dans les Evangiles.
Or les Evangiles n’ont pas été écrits pour raconter une belle histoire ni pour donner au monde des leçons de sociologie on des thèmes de méditation. Les quatre évangélistes et en, particulier saint Jean ont exprimé de la façon la plus nette l’intention qui a présidé à la rédaction des Evangiles. «Ils ont été écrits afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu et que, le croyant, vous ayez la vie en Son nom » (Jean XX, 31).
Saint Jean déclare que son Evangile est loin de contenir le récit complet de tout ce que le Christ a dit et accompli, mais que les faits qu’il rapporte suffisent pour créer et pour développer cette foi au Christ, le Fils de Dieu, qui a été toute sa propre vie.
Ainsi donc le but des évangélistes n’est pas la connaissance mais la foi et, par la foi, la vie. Les évangélistes ne sont pas des philosophes mais des témoins et leur témoignage doit amener un grand nombre d’êtres à cette foi et à cette vie.
Or que disent les Evangiles ?
Ils disent avec toute la précision possible que le Christ, en venant sur la terre, a voulu non pas enseigner une philosophie ou une doctrine, non pas former une assemblée de contemplatifs ou de savants, mais qu’Il a voulu réunir autour de Lui non pas des êtres qui penseraient d’une certaine façon, mais des êtres qui vivraient d’une certaine façon, des êtres qui vivraient d’une vie dont Lui-même a incarné le modèle. « Je vous ai donné un exemple afin que vous fassiez comme je vous ai fait ». « Si quelqu’un veut marcher sur mes traces, qu’il renonce à lui même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive ». « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître ». « La Loi et les prophètes se résument en ce double commandement : Aimer Dieu de tout son coeur et aimer le prochain comme soi-même ». « C’est ici mon commandement : aimez-vous les uns les autres ».
Tout ceci est parfaitement clair. Chacun quelle que soit son évolution, peux le comprendre, donc en faire sa règle de conduite, à lui. Car c’est cela la chose importante : prendre l’Evangile comme notre ligne de conduite, comme l’inspiration de notre vie.
Et l’oeuvre des croyants du passé, qui ont consigné par écrit leur foi, leur expérience spirituelle, est bénie parce qu’elle nous aide à approfondir la nôtre, à la mieux traduire dans nos actes.
Mais les croyants de tous les temps, qui ont voulu exprimer leur foi en Dieu, leur foi au Christ, se sont trouvés, eux créatures relatives, devant un absolu. Or, aucune parole humaine, aucune connaissance humaine ne peut appréhender l’Absolu. Pourtant il faut bien que les hommes expriment leur foi, leur pensée, leur amour. Et ils le font ; mais il est certain que chacun l’énonce comme il peut, selon ses facultés, selon sa propre compréhension, selon ses expériences, dans la mesure où il a reçu l’inspiration de Dieu ; par conséquent il est certain que les formules idéologiques dont l’ensemble constitue la théologie appartiennent au monde de la diversité. La théologie d’Origène n’est pas la théologie de saint Irénée, la théologie de saint Augustin n’est pas la théologie de saint Clément d’Alexandrie, la théologie de saint thomas d’Aquin n’est pas la théologie de saint jean Chrysostome – et il est bien probable que jamais les hommes ne se mettront d’accord sur une théologie.
Ici, il est capital de ne pas commettre d’erreur. La théologie est un chose, la vie chrétienne est
une autre chose; la connaissance du Christ est une chose, la vie en Christ est une autre chose. Ce n’est pas l’adhésion à une profession de foi, si orthodoxe soit-elle, qui fera de nous des disciples du Christ; ce n’est pas la ferveur de nos discours ou de nos cantiques, c’est l’amour que nous avons pour le prochain, c’est-à-dire pour tous les êtres. Le Christ l’a dit : « On vous reconnaîtra pour mes disciples si vous vous aimez les uns les autres ».
Ici plus de séparation entre les êtres; les hommes se rencontrent et communient. La théologie des théo­logiens est dans le relatif; la théologie de Bellarmin n’est pas la théologie de Luther; mais la sainteté des saints est dans l’absolu ; la sainteté de saint Etienne, le premier martyr, est la soeur de la sain­teté de saint François d’Assise et du Curé d’Ars.
La doctrine et la vie. – Ce n’est pas par des doctrines toujours mouvantes et toujours inadéquates – comment (les doctrines construites par des hommes exprimeraient-elles l’Indicible, l’Absolu ? -que le monde sera sauvé. « Dieu est amour et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui ». C’est par l’amour que le monde sera sauvé.
La doctrine et la vie. – Sédir, redisant la parole du Christ : « Si vous ne devenez pas semblables aux tout petits, vous n’entrerez pas dans le Royaume de mon Père », ajoutait que l’enfant, en face de sa mère, ne demande pas des papiers d’état-civil avant de l’embrasser, il se jette dans ses bras.
Les apôtres étaient des simples, des ignorants; ils s’exprimaient mal, mais ils aimaient et ils servaient le prochain pour l’amour du Christ et leur parole allait jusqu’au fond des coeurs; et ce sont eux qui ont conquis le monde.
C’est très bien d’avoir des croyances correctes, mais c’est mieux d’avoir une vie correcte. C’est très bien de chanter les louanges du Christ glorifié, mais c’est mieux de se pencher sur le Christ souffrant dans la personne de tous ceux qui souffrent. C’est très bien de se dire disciple du Crucifié, mais c’est mieux de porter la Croix dans son coeur et de s’en aller, sur les pas du Christ, « chercher et sauver ce qui était perdu ».
En résumé, la théologie a une grande importance. Elle indique le chemin. Mais la chose capitale, c’est de suivre le chemin. Or, ceux-là seuls sont des disciples du Christ qui s’engagent dans une ascension continue vers le sommet de la Montagne où les appelle ler Maître.
Par l’intelligence on raisonne sur Dieu, par le coeur on s’unit à Dieu.

Emile BESSON janvier 67

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