Archive pour septembre, 2013
BENOÎT XVI: SAINT JÉRÔME – 30 SEPTEMBRE
30 septembre, 2013BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
MERCREDI 7 NOVEMBRE 2007
SAINT JÉRÔME – 30 SEPTEMBRE
c’est la première catéchèse , le Pape Benoît XVI a fait un autre:
http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2007/documents/hf_ben-xvi_aud_20071114_fr.html
Chers frères et soeurs!
Nous porterons aujourd’hui notre attention sur saint Jérôme, un Père de l’Eglise qui a placé la Bible au centre de sa vie: il l’a traduite en langue latine, il l’a commentée dans ses œuvres, et il s’est surtout engagé à la vivre concrètement au cours de sa longue existence terrestre, malgré le célèbre caractère difficile et fougueux qu’il avait reçu de la nature.
Jérôme naquit à Stridon vers 347 dans une famille chrétienne, qui lui assura une formation soignée, l’envoyant également à Rome pour perfectionner ses études. Dès sa jeunesse, il ressentit l’attrait de la vie dans le monde (cf. Ep 22, 7), mais en lui prévalurent le désir et l’intérêt pour la religion chrétienne. Après avoir reçu le Baptême vers 366, il s’orienta vers la vie ascétique et, s’étant rendu à Aquilée, il s’inséra dans un groupe de fervents chrétiens, qu’il définit comme un « chœur de bienheureux » (Chron. ad ann. 374) réuni autour de l’Evêque Valérien. Il partit ensuite pour l’Orient et vécut en ermite dans le désert de Calcide, au sud d’Alep (cf. Ep 14, 10), se consacrant sérieusement aux études. Il perfectionna sa connaissance du grec, commença l’étude de l’hébreu (cf. Ep 125, 12), transcrivit des codex et des œuvres patristiques (cf. Ep 5, 2). La méditation, la solitude, le contact avec la Parole de Dieu firent mûrir sa sensibilité chrétienne. Il sentit de manière plus aiguë le poids de ses expériences de jeunesse (cf. Ep 22, 7), et il ressentit vivement l’opposition entre la mentalité païenne et la vie chrétienne: une opposition rendue célèbre par la « vision » dramatique et vivante, dont il nous a laissé le récit. Dans celle-ci, il lui sembla être flagellé devant Dieu, car « cicéronien et non chrétien » (cf. Ep 22, 30).
En 382, il partit s’installer à Rome: là, le Pape Damase, connaissant sa réputation d’ascète et sa compétence d’érudit, l’engagea comme secrétaire et conseiller; il l’encouragea à entreprendre une nouvelle traduction latine des textes bibliques pour des raisons pastorales et culturelles. Quelques personnes de l’aristocratie romaine, en particulier des nobles dames comme Paola, Marcella, Asella, Lea et d’autres, souhaitant s’engager sur la voie de la perfection chrétienne et approfondir leur connaissance de la Parole de Dieu, le choisirent comme guide spirituel et maître dans l’approche méthodique des textes sacrés. Ces nobles dames apprirent également le grec et l’hébreu.
Après la mort du Pape Damase, Jérôme quitta Rome en 385 et entreprit un pèlerinage, tout d’abord en Terre Sainte, témoin silencieux de la vie terrestre du Christ, puis en Egypte, terre d’élection de nombreux moines (cf. Contra Rufinum 3, 22; Ep 108, 6-14). En 386, il s’arrêta à Bethléem, où, grâce à la générosité de la noble dame Paola, furent construits un monastère masculin, un monastère féminin et un hospice pour les pèlerins qui se rendaient en Terre Sainte, « pensant que Marie et Joseph n’avaient pas trouvé où faire halte » (Ep 108, 14). Il resta à Bethléem jusqu’à sa mort, en continuant à exercer une intense activité: il commenta la Parole de Dieu; défendit la foi, s’opposant avec vigueur à différentes hérésies; il exhorta les moines à la perfection; il enseigna la culture classique et chrétienne à de jeunes élèves; il accueillit avec une âme pastorale les pèlerins qui visitaient la Terre Sainte. Il s’éteignit dans sa cellule, près de la grotte de la Nativité, le 30 septembre 419/420.
Sa grande culture littéraire et sa vaste érudition permirent à Jérôme la révision et la traduction de nombreux textes bibliques: un travail précieux pour l’Eglise latine et pour la culture occidentale. Sur la base des textes originaux en grec et en hébreu et grâce à la confrontation avec les versions précédentes, il effectua la révision des quatre Evangiles en langue latine, puis du Psautier et d’une grande partie de l’Ancien Testament. En tenant compte de l’original hébreu et grec, des Septante et de la version grecque classique de l’Ancien Testament remontant à l’époque pré-chrétienne, et des précédentes versions latines, Jérôme, ensuite assisté par d’autres collaborateurs, put offrir une meilleure traduction: elle constitue ce qu’on appelle la « Vulgate », le texte « officiel » de l’Eglise latine, qui a été reconnu comme tel par le Concile de Trente et qui, après la récente révision, demeure le texte « officiel » de l’Eglise de langue latine. Il est intéressant de souligner les critères auxquels ce grand bibliste s’est tenu dans son œuvre de traducteur. Il le révèle lui-même quand il affirme respecter jusqu’à l’ordre des mots dans les Saintes Ecritures, car dans celles-ci, dit-il, « l’ordre des mots est aussi un mystère » (Ep 57, 5), c’est-à-dire une révélation. Il réaffirme en outre la nécessité d’avoir recours aux textes originaux: « S’il devait surgir une discussion entre les Latins sur le Nouveau Testament, en raison des leçons discordantes des manuscrits, ayons recours à l’original, c’est-à-dire au texte grec, langue dans laquelle a été écrit le Nouveau Pacte. De la même manière pour l’Ancien Testament, s’il existe des divergences entre les textes grecs et latins, nous devons faire appel au texte original, l’hébreu; de manière à ce que nous puissions retrouver tout ce qui naît de la source dans les ruisseaux » (Ep 106, 2). En outre, Jérôme commenta également de nombreux textes bibliques. Il pensait que les commentaires devaient offrir de nombreuses opinions, « de manière à ce que le lecteur avisé, après avoir lu les différentes explications et après avoir connu de nombreuses opinions – à accepter ou à refuser -, juge celle qui était la plus crédible et, comme un expert en monnaies, refuse la fausse monnaie » (Contra Rufinum 1, 16).
Il réfuta avec énergie et vigueur les hérétiques qui contestaient la tradition et la foi de l’Eglise. Il démontra également l’importance et la validité de la littérature chrétienne, devenue une véritable culture désormais digne d’être comparée avec la littérature classique: il le fit en composant le De viris illustribus, une œuvre dans laquelle Jérôme présente les biographies de plus d’une centaine d’auteurs chrétiens. Il écrivit également des biographies de moines, illustrant à côté d’autres itinéraires spirituels également l’idéal monastique; en outre, il traduisit diverses œuvres d’auteurs grecs. Enfin, dans le fameux Epistolario, un chef-d’œuvre de la littérature latine, Jérôme apparaît avec ses caractéristiques d’homme cultivé, d’ascète et de guide des âmes.
Que pouvons-nous apprendre de saint Jérôme? Je pense en particulier ceci: aimer la Parole de Dieu dans l’Ecriture Sainte. Saint Jérôme dit: « Ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ ». C’est pourquoi, il est très important que chaque chrétien vive en contact et en dialogue personnel avec la Parole de Dieu qui nous a été donnée dans l’Ecriture Sainte. Notre dialogue avec elle doit toujours revêtir deux dimensions: d’une part, il doit être un dialogue réellement personnel, car Dieu parle avec chacun de nous à travers l’Ecriture Sainte et possède un message pour chacun. Nous devons lire l’Ecriture Sainte non pas comme une parole du passé, mais comme une Parole de Dieu qui s’adresse également à nous et nous efforcer de comprendre ce que le Seigneur veut nous dire. Mais pour ne pas tomber dans l’individualisme, nous devons tenir compte du fait que la Parole de Dieu nous est donnée précisément pour construire la communion, pour nous unir dans la vérité de notre chemin vers Dieu. C’est pourquoi, tout en étant une Parole personnelle, elle est également une Parole qui construit une communauté, qui construit l’Eglise. Nous devons donc la lire en communion avec l’Eglise vivante. Le lieu privilégié de la lecture et de l’écoute de la Parole de Dieu est la liturgie, dans laquelle, en célébrant la parole et en rendant présent dans le Sacrement le Corps du Christ, nous réalisons la parole dans notre vie et la rendons présente parmi nous. Nous ne devons jamais oublier que la Parole de Dieu transcende les temps. Les opinions humaines vont et viennent. Ce qui est très moderne aujourd’hui sera très vieux demain. La Parole de Dieu, au contraire, est une Parole de vie éternelle, elle porte en elle l’éternité, ce qui vaut pour toujours. En portant en nous la Parole de Dieu, nous portons donc en nous l’éternel, la vie éternelle.
Et ainsi, je conclus par une parole de saint Jérôme à saint Paulin de Nola. Dans celle-ci, le grand exégète exprime précisément cette réalité, c’est-à-dire que dans la Parole de Dieu, nous recevons l’éternité, la vie éternelle. Saint Jérôme dit: « Cherchons à apprendre sur la terre les vérités dont la consistance persistera également au ciel » (Ep 53, 10).
LES PETITES CHOSES
30 septembre, 2013http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Besson/Articles2/petites.html
Emile BESSON.juillet 1965.
LES PETITES CHOSES
Celui qui est fidèle dans les petites choses l’est aussi dans les grandes. (Luc XVI, 10).
Lorsque nous ouvrons les yeux sur l’univers, il nous apparaît sous deux aspects également admirables : l’infini dans la grandeur et l’infini dans la petitesse.
L’infini dans la grandeur : les espaces interstellaires, les océans, les montagnes formidables; l’infini dans la petitesse : le microscopique, les merveilles d’organisation, de coloris, les splendeurs concentrées dans des êtres que l’oeil est impuissant à percevoir et dont une goutte d’eau renferme des milliers.
Mais, si nous regardons de plus près, nous nous rendons compte que les monuments énormes de la nature sont composés de milliards et de milliards de fragments minuscules, que les siècles sans terme sont formés de myriades d’instants infinitésimaux.
Dans la vie des individus comme dans la vie des collectivités il y a de même de grandes choses, de grands événements, lesquels sont faits de tout petits composants. Dans une existence les grands devoirs, les grandes épreuves, les grandes joies sont en nombre restreint; par contre les petits devoirs, les petits travaux, les petits chagrins, les petites satisfactions sont constamment devant nous.
Les grands devoirs s’imposent à nous de façon indiscutable; nous ne pouvons pas ne pas les voir; ils requièrent toutes nos énergies et, si nous ne les accomplissons pas, nous nous ‘sentons coupables, notre conscience nous accuse. Les petits devoirs nous apparaissent facilement comme négligeables; « c’est peu de chose », disons-nous, et nous passons. Or l’on est plus aisément à la hauteur d’une grande éventualité qu’à la hauteur d’une conjoncture minime. Ceci nous aide à comprendre la déclaration du Maître : Celui qui est fidèle dans les petites choses l’est aussi dans les grandes.
Notre existence se compose d’une profusion de petites choses, de petites obligations, de petits sacrifices. Et c’est sur ces petites servitudes que doit surtout se concentrer notre attention.
Les saints nous émeuvent, nous subjuguent ; ils nous enthousiasment. Mais leur vie est faite d’une multitude de renoncements obscurs, d’obligations sans gloire. Nous avons raison de les admirer, nous aurons raison de chercher à les imiter.
Les petites choses. – Saint Paul écrivait aux chrétiens de Corinthe : « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu ». Pascal disait de même: « Faire les petites choses comme grandes à cause de la majesté de Jésus-Christ qui les fait en nous et qui vit notre vie, et les grandes comme petites et aisées, à cause de sa toute puissance ». Il y a une façon divine de tenir sa maison, il v a une façon divine de s’habiller, d’élever ses enfants, il y a une façon divine de parler, de dire les choses les plus habituelles, comme il y a une façon divine de supporter l’épreuve, de se sacrifier pour le prochain.
Faire grandement les petites choses, c’est subordonner les petits devoirs à un grand idéal. – Le prédicateur anglais Spurgeon, au siècle dernier, avait une femme de ménage qui lui dit un jour : « Savez vous à quel signe j’ai reconnu que mon coeur était vraiment tourné vers Dieu ? ». Et, devant son silence, l’humble femme ajouta : « C’est quand j’ai commencé à balayer sous les paillassons ». jusque là elle travaillait pour son employeur, elle faisait ce que celui ci voyait; désormais elle travailla pour Dieu qui est partout et qui voit tout.
Qui dira l’importance des petites choses ? Il a suffi de la question d’une servante pour perdre l’apôtre Pierre. C’est assez d’un caillou pour provoquer une chute. Il suffit de peu de chose pour faire beaucoup de peine; il suffit de peu de chose pour donner beaucoup de joie. Il suffit dune parole pour rendre le courage, pour donner la vie; il suffit d’un peu de sympathie pour adoucir la souffrance.
La veuve dont parle l’Evangile, qui a mis le quart d’un sou dans le tronc des offrandes, a donné plus que les riches qui y ont déposé des fortunes; la plainte muette du péager repentant lui a valu le pardon de Dieu que l’étalage des vertus du pharisien content de soi ne pouvait obtenir.
Tout ce que Dieu nous a donné se fortifie par l’exercice. Ce n’est pas dans le seul domaine matériel qu’est vraie la parole : A celui qui a il sera encore donné. Une faculté physique, morale, intellectuelle se développe par le travail, s’affaiblit par l’inaction. En méconnaissant les petits devoirs, le sentiment du devoir s’étiole, la conscience s’anémie, s’émousse. C’est ainsi que la vie spirituelle grandit en qu’elle s’affaiblit. Les grandes catastrophes dans l’ordre moral ont souvent commencé par de minuscules manquements. Et d’autre part le Christ a parlé de la vertu d’un simple verre d’eau donné par amour pour Lui.
Si nous élevons nos regards, nous voyous que Dieu nous montre la voie. Par les guerres, les cataclysmes, les épidémies Il dépeuple des régions de Son empire pour transporter leurs habitants dans d’autres régions. Formidables sont les manifestations de Sa puissance; et en même temps Il Se penche sur Ses faibles créatures, Sa sollicitude s’étend sur la plus petite épreuve, sur nos minuscules chagrins. Il compte chacune de nos larmes, Il sourit au moindre effort de notre bonne volonté.
Quand le Christ est venu sur la terre, Il S’est entouré des plus petits, des humbles. Entre tous les êtres Il les a instruits, consolés, aidés et c’est par ces petits, ces obscurs qu’Il a conquis le monde.
Toute grandeur, toute beauté a sa contrepartie.
Nous venons d’apercevoir la grandeur des petites choses. A l’antipode il y a l’esprit mesquin, tatillon qui s’absorbe dans des petits détails comme si seuls ils avaient de l’importance ; il y a la maladie du scrupule, bien dénommée maladie, – l’attitude des êtres timorés, tremblants, perpétuellement inquiets, qui n’osent prendre un parti ni faire un pas et qui lie connaissent qu’une obéissance servile et sans joie. Il y a aussi l’esprit pharisien qui s’attache de préférence aux petits devoirs jusqu’à les préférer aux grands. Le Christ a reproché aux scribes de Son temps d’envisager exclusivement les devoirs insignifiants, comme payer la dîme des petites herbes ou compter le nombre de pas que l’on était autorisé à faire un jour de sabbat, ce qui les rassurait à leurs propres yeux lorsqu’ils négligeaient, lorsqu’ils oubliaient leurs devoirs primordiaux.
Sédir a souvent rappelé à ses amis qu’il y a une hiérarchie des devoirs et que, s’il ne s’agit pas de faire parmi eux un choix arbitraire, il faut les avoir devant l’esprit, chacun à sa place, tous subordonnés à l’idéal qui est à la fois la trame et le but de la vie.
Heureux ceux qui, au terme de leur carrière, entendront la parole d’approbation et d’encouragement par laquelle le Christ termine une de Ses paraboles : C’est bien, bon et fidèle serviteur, dans une petite chose tu t’es montré fidèle; je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître !
Abraham and three Angels
28 septembre, 2013LES ANGES DU SEIGNEUR
28 septembre, 2013http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Huan/lesanges.html
LES ANGES DU SEIGNEUR
« Considérons, non les choses visibles, mais celles qui sont invisibles ». (II, Cor., IV, 18).
Sainte Françoise Romaine nous apprend, dans ses visions, que le 20 janvier 1432 la Divinité lui fut montrée tout d’abord, avant qu’aucune créature n’existât : « elle vit donc sur un vide aériforme un cercle immense et tout splendide qui se soutenait par soi-même et qui avait dans son centre une blanchissime Colombe ». En continuant de regarder, elle aperçut, au premier moment de la création, « les Anges floconner comme la neige et se diviser en choeurs ». Sainte Mechtilde se sert, dans ses Révélations, d’une autre image et compare les hiérarchies célestes à un psalterion à dix cordes « du corps divin sortit un instrument mélodieux c’était un psaltérion à dix cordes. Neuf de ces cordes représentaient les neuf choeurs des Anges parmi lesquels est rangé le peuple des saints. La dixième corde représentait le Seigneur lui-même, Roi des Anges et sanctificateur des Saints. » (2 èmepartie, ch. XXXV).
Le nombre des Anges nous est, évidemment incalculable. Le livre de Daniel (7-10) nous décrit leur multitude comme « un fleuve de feu coulant et sortant de devant l’Éternel. Mille milliers le servaient et dix mille millions se tenaient en sa présence ». Le Psaume 67, dit que « le char de Dieu, ce sont des milliers et des milliers d’Anges : le Seigneur est au milieu d’eux ». Citons enfin ce passage de l’Apocalypse (V, 11) : « je vis et j’entendis autour du Trône, autour des animaux et des Vieillards, la voix d’une multitude d’Anges, et leur nombre était des myriades de myriades et des milliers de milliers ». N’est-ce pas déclarer que leur nombre est vraiment incommensurable ? Notons cependant que des rabbins cabalistes, tel Isaac Loriah, l’ont évalué à soixante myriades (1).
Les Anges ne forment évidemment pas une foule indistincte et confuse : une hiérarchie, dont l’ordre a été éternellement fixé par Dieu, les répartit en choeurs subordonnés les uns aux autres. L’Ancien Testament fait mention à plusieurs reprises des Séraphins et des Chérubins (Isaïe, 6, 1-4 et 6-7 ; Isaïe, 37, 16 ; Ezéchiel, 1, 7 et suiv. ; Psaumes 17, 1l ; 79, 2 ; 98, 1). A toutes les pages de la Bible il est parlé des Anges et des Archanges. Saint Paul, dans ses Epitres, mentionne à son tour les Principautés, les Puissances, les Vertus, les Dominations (Ephès. 1, 21), et, ailleurs, les Trônes, les Dominations, les Principautés, les Puissances (Coloss. 1, 16). Il dit à Coloss 11, 10 que le Christ est « le chef de toute Principauté et de toute Puissance » ; à Rom. VIII, 38, il fait allusion aux Anges, aux Principautés et aux Puissances. Enfin la première Épître de Pierre déclare qu’au Christ sont soumis les Anges, les Principautés et les Puissances (111, 22). Au total neuf choeurs angéliques que la tradition énumère dans l’ordre suivant : Séraphins, Chérubins, Trônes, Dominations, Vertus, Puissances, Principautés, Archanges, Anges et qu’elle divise en trois séries hiérarchiquement subordonnées.
Cette subordination hiérarchique des choeurs angéliques les uns aux autres, n’est-ce point précisément l’échelle mystérieuse que Jacob vit en songe ? « Et, voici, une échelle était appuyée sur la terre et son sommet touchait au Ciel. Et les Anges de Dieu montaient et descendaient par cette échelle » (Genèse, 28, 12). De ce texte il convient de rapprocher celui de l’Evangile de jean (1, 51) : « en vérité, en vérité, vous verrez désormais le Ciel ouvert et les Anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme ».
Qu’est-ce maintenant que ces Etres singuliers et merveilleux, qui n’apparaissent jamais à l’homme que revêtus de robes éclatantes de blancheur et tout resplendissants de la lumière de l’Eternel ? Le Psaume 103 enseigne que Dieu a fait « des Esprits ses Anges, des flammes de feu ses serviteurs ». D’autre part le pseudo-Denys rappelle qu’« ils sont spécialement et par excellence honorés du nom d’Anges, parce que la splendeur divine leur est départie tout d’abord et que la révélation des secrets surnaturels est faite à l’homme par leur intermédiaire » (2).
Leur intervention dans les affaires humaines est considérable et incessante ; on peut dire qu’ils sont les instruments privilégiés de la Providence divine à l’égard de l’humanité. Dès les premiers Livres de l’Ancien Testament il est question des Anges comme d’Êtres supérieurs et puissants à qui Dieu confie des missions spéciales soit pour encourager les mortels ou les diriger dans la voie du salut, soit pour les punir et les frapper selon l’ordre de la justice suprême. Ce sont des Chérubins armés d’une épée flamboyante que l’Éternel met à l’orient du jardin d’Éden, d’où Adam vient d’être chassé, pour garder le chemin de l’Arbre de vie (Genèse, 3, 24). Un Ange apparaît à Agar qui fuit dans le désert ; un autre à Abraham qui va sacrifier son fils Isaac ; un autre lutte avec Jacob toute la nuit et le blesse au nerf de la cuisse. Devant le camp des Israélites sortis d’Égypte marche un Ange de Dieu portant la colonne de fumée (Exode 14, 19). Rappelons encore l’Ange qui fait reculer l’ânesse de Balaam (Nombres, 22, 22 et suiv.), celui qui se manifeste à Gédéon, fils de Joas ; puis à la femme de Manoach (Juges, 6, Il et 13, 3-17). Notons au premier livre des Rois (19, 5), l’Ange qui apporte sa nourriture à Elie fuyant devant la colère de jezabel ; au second livre de Samuel (24, 16) l’Ange qui étend la main sur Jérusalem pour la détruire ; au premier livre des Macchabées, l’Ange qui frappa de mort dans le camp des Assyriens 185.000 hommes. Isaïe nous parle du Séraphin qui vola vers lui tenant à la main une pierre ardente qu’il avait prise sur l’autel avec des pincettes et qui lui en toucha les lèvres pour le purifier de son iniquité (Isaïe, 6, 6, 7).
Le livre de Daniel renferme les deux épisodes de Daniel et de ses trois compagnons dans la fournaise et de Daniel dans la fosse aux lions, où la soudaine intervention d’un Ange les protège contre le feu et contre les fauves.
Le Nouveau Testament n’est pas moins fertile en renseignements sur le rôle missionnaire des Anges. C’est un Ange dit Seigneur qui apparaît en songe à Joseph pour lui révéler la conception miraculeuse de Jésus (Matth. I, 20) ; c’est encore un Ange du Seigneur qui apparaît à Joseph pendant son sommeil pour l’inviter à fuir en Égypte la colère d’Hérode (Matth. II, 13) ; c’est enfin un Ange du Seigneur qui prescrit à Joseph de quitter la terre d’exil et de rentrer à Nazareth (Matth. II, 9). Des Anges nourrissent Jésus après son jeûne dans. le désert de la quarantaine ; ce sont eux qui annoncent aux deux Maries, le matin de Pâques, la résurrection du Sauveur (Matth. IV, II et XXVIII). L’Évangile de Matthieu décrit enfin avec quelques détails les fonctions que rempliront les Anges à la fin des Temps pour le jugement dernier : l’Apocalypse développera avec l’ampleur que l’on sait le rôle eschatologique des Anges dans les événements grandioses qui prépareront la parousie ; mais elle nous. donnera aussi de la Jérusalem céleste cette magnifique vision où le Trône de Dieu apparaît entouré de myriades d’anges comme d’un arc en ciel de la couleur de l’émeraude…..« et sept lampes ardentes brûlent devant le trône, ce sont les Esprits de Dieu » (IV, 3 et suiv.).
De ces sept Esprits, trois nous sont plus particulièrement connus, car l’Écriture nous entretient à plusieurs reprises de leur personnalité : Ce sont Saint Michel, Saint Gabriel et Saint Raphaël, dont le nom, d’après l’hébreu, signifie : « qui est semblable à Dieu » – « la force de Dieu » – « le remède de Dieu ». Il est question, dans le livre de Daniel, de Saint Michel comme du Prince des milices célestes : « en ce temps-là se lèvera Micaël, le grand chef, le défenseur des enfants de ton peuple, et ce sera une époque de détresse… » (12, 1) ; et ailleurs : « le chef du royaume des Perses m’a résisté vingt-et-un jours ; mais voici, Micaël, l’un des principaux chefs, est venu à mon secours ».(10, 13). Nous lisons dans le livre de Josué (5, 13-14) : « Comme Josué était près de Jéricho, il leva les yeux et regarda : voici, un homme se tenait debout devant lui, son épée nue dans la main. Il alla vers lui et lui dit es-tu des. nôtres ou de nos ennemis ? Il répondit non, mais je suis le chef de l’armée de l’Éternel ». Une tradition très ancienne veut que l’Ange qui consola le Christ en agonie au jardin des Olives (Luc., XXII, 43) fût Saint Michel. L’Apocalypse décrit le combat que l’Archange livra, dans le ciel, avec ses Anges, contre le Dragon et les Anges rebelles : « et le Dragon et ses Anges combattirent, mais ils ne purent vaincre et leur place même ne fut plus trouvée dans. le ciel. » (XII, 7, 9). Signalons enfin ce curieux passage de l’Épître de Jude : « l’Archange Michel lui-même, lorsqu’il contestait avec le diable et lui disputait le corps de Moïse, n’osa pas porter contre lui une sentence d’exécration, mais il se contenta de dire : que le Seigneur te punisse » – allusion à une vieille légende juive se rattachant au Deutéronome (34, 5-6) : « Moïse, le serviteur de Yaweh, mourut là dans le pays de Moab, selon l’ordre de Yaweh. Et il l’enterra dans la vallée du pays de Moab, en face de Beth-Phogor. Aucun homme n’a connu son sépulcre jusqu’à ce jour ».
Il est déjà question de saint Gabriel dans le livre de Daniel (8, 15-16 et 9, 21) : c’est lui qui est chargé d’expliquer au prophète le sens de sa vision. Mais son rôle dans l’Évangile de Luc est plus important. Voici d’abord l’annonce à Zacharie que sa femme, la stérile, va concevoir : « Un ange du Seigneur lui apparut debout à droite de l’autel de l’encens… je suis Gabriel, qui nie tiens devant Dieu, j’ai été envoyé pour te parler et t’annoncer l’heureuse nouvelle » (1. 11 et 19). Voici surtout l’annonce à Marie : « l’Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée appelée Nazareth auprès d’une Vierge … » (1. 26).
Saint Raphaël remplit de sa personne et de ses actes le livre de Tobie : « le Saint-Ange du Seigneur, Raphaël, fut envoyé pour guérir Tobie et Sara dont les prières avaient été prononcées en même temps en présence du Seigneur » (3, 25). C’est lui qui guide le jeune Tobie dans son voyage pour aller chercher l’argent jadis confié à Gabelius ; et, lorsque sa mission est achevée, il révèle son identité : « je suis l’Ange Raphaël, un des sept qui nous tenons en présence du Seigneur ». En entendant ces paroles, ils furent hors d’eux-mêmes et tout tremblants, ils tombèrent la face contre terre. Et l’Ange leur dit : que la paix soit avec vous. Ne craignez point, car, lorsque j’étais avec vous, j’y étais par la volonté de Dieu, bénissez-le donc et chantez ses louanges. Il vous a paru que je mangeais et buvais avec vous mais je me nourrissais d’un aliment invisible et d’une boisson que l’oeil de l’homme ne peut atteindre. Il est donc temps que je retourne vers Celui qui m’a envoyé ; mais vous, bénissez Dieu et publiez toutes ses merveilles. Après avoir ainsi parlé, il fut dérobé à leurs regards et ils ne purent le voir. » (12, 15 et suiv.).
*
Quelle que soit la splendeur propre à chacun de ces Êtres invisibles que nous appelons les Anges, il ne faudrait pas croire que, tous, ils participent, au même titre et dans la même mesure, à la lumière de gloire qui environne le trône du Tout-Puissant : par cela seul qu’ils forment une hiérarchie, s’il est vrai de dire avec le pseudo-Denys que les dons de la purification, de l’illumination et de la perfection leur sont communs, il ne s’ensuit pas qu’ils les possèdent tous également au même degré. L’ordre hiérarchique exige en effet « que les uns soient purifiés et que les autres purifient, que les uns soient illuminés et que les autres illuminent, que les uns soient perfectionnés et que les autres perfectionnent, de façon que chacun ait son mode propre d’imiter Dieu… qui est la pureté, la lumière, et la perfection. absolues » (3).
Si donc tous les Anges reçoivent la lumière de Dieu, les uns la reçoivent immédiatement et en premier lieu ; les autres immédiatement et à un degré inférieur. Et comme, dans toute institution hiérarchique, ce sont les ordres supérieurs qui possèdent les dons et les facultés des ordres inférieurs, sans que ceux-ci puissent réciproquement prétendre à la perfection de ceux-là, il faut conclure que dans la hiérarchie céleste « les ordres inférieurs des pures intelligences sont instruits des choses divines par les ordres supérieurs, et les esprits du premier rang à leur tour reçoivent directement de Dieu la communication de la science. » (4).
De là viennent les dénominations spéciales attribuée à chaque choeur angélique. Régi par le suprème Initiateur lui-même, le premier ordre est un embrasement de lumière brûlante (Séraphins), une plénitude de science qui déborde en fleuves de sagesse (Chérubins), une immutabilité à jamais fixée dans le centre divin (Trônes). Le second ordre, purifié, illuminé, perfectionné par les splendeurs qui émanent du premier ordre, possède cette sublime spiritualité qui demeure affranchie de toute entrave (Dominations), cette force invincible dont aucun obstacle ne peut suspendre l’élan (Vertus), cette autorité calme qui accomplit son oeuvre dans la stabilité d’une paix assurée (Puissances). Le troisième ordre, s’il reçoit avec moins de clarté les dons d’en haut, n’en manifeste pas moins à son rang les attributs de la majesté infinie : au troisième ordre est échu le secret divin de commander à soi-même et aux autres dans le parfait équilibre d’une justice indéfectible (Principautés) ; il reçoit aussi les lumières spéciales qui lui sont nécessaires pour exercer les missions dont il est investi (Archanges) ; enfin il sert d’intermédiaire immédiat et habituel entre le Créateur et ses créatures raisonnables (Anges).
Quel que soit le rang qu’ils occupent dans la hiérarchie céleste, les Anges, sont qualifiés par les théologiens d’intelligences séparées, d’esprits purs, et par cette expression il faut entendre que les Anges sont, par nature, des êtres incorporels, c’est-à-dire libres de toute matière et par conséquent immatériels. Et ceci n’exclut pas seulement le corps de matière grossière, mais aussi le corps de matière subtile. Sans doute, l’opinion des théologiens a varié sur ce point au cours des âges : certains Pères de l’Eglise prêtaient aux Anges des « corps spirituels » ; Saint Bonaventure enseignait qu’ils ont une matière à eux, spéciale et d’un ordre plus relevé que la matière corporelle. Mais, s’il est vrai que la vie de l’esprit consiste pour nous autres hommes, ici-bas, à aimer Dieu beaucoup plus qu’à le connaître, la vie éternelle, dit saint Jean, est proprement et essentiellement de connaître Dieu. (Jean, XVII, 3). Or, dans le processus de cette connaissance, l’opération de la substance intellectuelle demeure évidemment étrangère à toute matière ; donc, à fortiori, la substance intellectuelle doit-elle être, en elle-même et par elle-même, indépendante de toute matière : elle est forme pure. Toutefois, si les esprits angéliques n’ont pas de corps qui leur soit naturellement uni, ils peuvent, selon la volonté ou la permission divine, s’en former un à leur gré par un procédé dont la disposition nous échappe nécessairement (5).
Ajoutons que, par cela même qu’il n’est pas uni à un corps, l’Ange ne possède pas d’autre connaissance que la connaissance intellectuelle, connaissance qui a d’ailleurs son objet toujours en acte, parce que les idées représentatives des choses lui sont innées, « connaturelles » selon le terme thomiste, au même titre que sa propre essence : c’est donc une connaissance directe, immédiate, intuitive. Mais, si l’Ange a reçu de Dieu, dès le premier moment de sa création, la connaissance de toutes choses par les Idées que Dieu a déposées en lui et qui font ainsi partie de sa propre nature, c’est seulement après l’épreuve, à laquelle un grand nombre succomba, que Dieu donna à l’Ange, outre cette connaissance naturelle de toutes choses par les Intelligibles, la connaissance surnaturelle de la nature divine elle-même, en laquelle consiste la vision béatifique et qui comprend : a) la connaissance de Dieu face à face, c’est-à-dire dans son essence, par une union immédiate et sans fin ; b) la connaissance des oeuvres de Dieu en Dieu lui-même et non plus seulement dans les idées représentatives des choses. Par cette union avec Dieu, l’Ange, confirmé dans la grâce surnaturelle, participe désormais à la vie divine elle-même, de sorte que c’est Dieu même qui devient en lui la vie de son esprit.
Du fait qu’ils sont incorporels, les Anges ne peuvent être localisés suivant la quantité dimensive ; mais on peut admettre qu’ils occupent un lieu de la création en ce sens qu’ils appartiennent au Ciel de gloire. « L’Ange, dit très bien saint Thomas dans son Commentaire sur les sentences, étant une substance intellectuelle, a pour opération propre la contemplation. Il s’ensuit que tous les Anges ont été créés dans le lieu le plus en harmonie avec cet acte de la contemplation. D’autre part, la vie de la gloire ne diffère de la vie de nature pour eux que selon une différence de degré, comme le parfait diffère de l’imparfait. Ce sera donc le même lieu qui conviendra aux Anges, soit qu’on les considère au moment de leur création, soit qu’on les considère dans leur état de gloire ». Mais, si les Anges n’ont pas été créés dans l’état de gloire, puisque, tous, ils ont eu besoin de la grâce pour se tourner vers Dieu comme objet de leur béatitude par la vision de son essence, si même l’on estimait qu’ils n’ont pas été créés dans l’état de grâce sanctifiante, mais dans l’état de. nature pure, et qu’ils ont dû mériter comme une récompense cette béatitude qui demeure dans tous les cas une fin improportionnée à leur nature propre, néanmoins le fait qu’ils ont tous été créés dès le principe dans un lieu qui n’est pas différent de celui où ils sont maintenant à jamais fixés dans leur état de gloire, implique évidemment que la nature angélique n’a pas seulement été créée bienheureuse, mais qu’elle a été faite par Dieu pour la grâce et la béatitude, les divers degrés de cette nature étant d’ailleurs préordonnés par la Sagesse divine aux divers degrés de la grâce et de la gloire. Et la question se pose de savoir comment parmi les Anges un certain nombre a pu déchoir de ce haut état de nature ou de grâce.
Si les Anges ont pu pécher, c’est qu’ils étaient des créatures, car c’est seulement par un don de la grâce et non en vertu de la nature qu’on ne peut pas pécher. Or le péché de la créature consiste principalement à désirer comme fin dernière de sa béatitude ce à quoi elle peut atteindre par la seule vertu de sa nature propre et, par conséquent, à refuser le don de cette fin surnaturelle qui est la vision béatifique, ou tout au moins à nier la nécessité de la grâce divine pour obtenir la vision béatifique. Et ce refus ou cette négation sont la marque distinctive de l’orgueil. L’essence du péché réside dans l’orgueil de la créature qui, pleine de sa propre suffisance, veut se soustraire à toute dépendance à l’égard de Dieu, et, pour se soustraire à cette dépendance, veut fixer son bien suprême dans l’ordre de la nature, alors que Dieu l’a fixé dans l’ordre surnaturel de la grâce. Créés bons dans leur nature, des Anges ont péché, parce que, suivant un acte de leur libre choix, ils n’ont pas voulu suivre le mouvement de la grâce qui les emportait vers Dieu et, détournant sur eux-mêmes leur propre désir, se sont arrogé une excellence qui ne leur appartenait pas.
Et ce péché des Anges était possible, même dans le Ciel où ils avaient été placés dès l’origine, parce que, si la volonté de l’Ange était nécessairement fixée dans l’amour de Dieu considéré comme principe de l’ordre naturel, il fallait, pour que cette volonté fût également fixée dans l’amour de Dieu considéré comme principe et fin de l’ordre surnaturel, la confirmation gratuite dans le bien par la vision face à face ; et cette confirmation, l’Ange devait la mériter en correspondant humblement à la grâce qu’il avait reçue de Dieu dès le premier instant de son être.
« Qu’il vienne vers nous, Saint-Michel, l’Ange de la paix ; qu’il nous donne
« cette paix et relègue en enfer la guerre, source de larmes ;
« que Saint-Gabriel, l’Ange de la force, repousse nos ennemis et qu’il visite les
« temples aimés du Ciel qui se sont élevés sur la terre après la triomphante «mission qu’il vînt y remplir ;
« qu’il nous assiste du haut du Ciel, Saint-Raphaël, médecin de notre salut, afin «qu’il guérisse tous les malades et dirige
« vers la vraie vie nos pas incertains » (6). GabrielHUAN.
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(1) cf. aussi la Didascabie des douze apôtres, trad. Nau., 1). 170.
(2) De la hiérarchie céleste, ch. IV, 2.
(3) Pseudo-Denys, la hiérarchie céleste, ch. III, 2.
(4) Op. Cit., ch. VII,-3.
(5) Citons ce passage caractéristique du livre des Juges (13, 3-17) : après la prophétie de l’Ange a la femme de Manoach, pour lui annoncer qu’elle, la stérile, enfanterait un fils (Samson) qui serait consacré à Dieu : Manoach dit à l’Ange de l’Éternel. : « quel est ton nom afin que nous te rendions gloire, quand ta parole s’accomplira ? » L’Ange de l’Éternel lui répondit : « Pourquoi demandes-tu -mon nom ? il est merveilleux ». Manoach prit le chevreau et l’offrande et fit un sacrifice à l’Éternel sur le rocher. Il s’opéra un prodige pendant que Manoach et sa femme regardaient : comme la flamme montait de dessus l’autel vers le Ciel, l’Ange de l’Éternel monta dans la flamme de l’autel. »
(6) Hymne de Raban Maur.
SAINTS ARCHANGES
27 septembre, 201329 SEPTEMBRE: SAINTS ARCHANGES
27 septembre, 2013http://missel.free.fr/Sanctoral/09/29.php
(Est ma fête , parce que je célèbre l’Archange depuis que je suis toute petite, une prière pour moi?, merci!)
29 SEPTEMBRE: SAINTS ARCHANGES
Sommaire :
Les textes commentés de la messe
Homélie (Saint Grégoire le grand)
Regina Coeli (24/04/1994)
Prière à St Michel
Historique
homélie XXXIV sur les péricopes évangéliques.
Chaque fois qu’il est besoin d’un déploiement de force extraordinaire, c’est Michel qui est envoyé : son action et son nom font comprendre que nul ne peut faire ce qu’il appartient à Dieu seul de faire. L’antique ennemi, qui a désiré par orgueil être semblable à Dieu, disait : J’escaladerai les cieux, par-dessus les étoiles du ciel j’érigerai mon trône, je ressemblerai au Très-Haut. Or, l’Apocalypse nous dit qu’à la fin du monde, lorsqu’il sera laissé à sa propre force, avant d’être éliminé par le supplice final, il devra combattre contre l’archange Michel : Il y eut un combat contre l’archange Michel.
Saint Grégoire le Grand
Regina Cæli du 24 avril 1994
Puisse la prière nous fortifier pour ce combat spirituel dont parle la lettre aux Ephésiens : « Rendez-vous puissants dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force » (Ephésiens, VI, 10). C’est à ce même combat que se réfère le Livre de l’Apocalypse, nous mettant devant les yeux l’image de Saint Michel Archange (cf. Ap 12, 7). Le pape Léon XIII avait certainement bien présente cette image quand, à la fin du siècle dernier, il introduisit dans l’Église toute entière une prière spéciale à Saint Michel : « Saint Michel Archange, défends-nous dans le combat contre le mal et les embûches du malin, soit notre rempart…. »
Même si aujourd’hui on ne récite plus cette prière à la fin de la célébration eucharistique, je vous invite tous à ne pas l’oublier mais à la réciter pour obtenir d’être aidés dans le combat contre les forces des ténèbres et contre l’esprit de ce monde.
Jean-Paul II
Prière à Saint Michel
Glorieux Archange ! que votre fidélité et votre soumission aux or-dres de Dieu attachent si constamment au maintien de sa gloire et aux intérêts des hommes, employez, en ma faveur, ce crédit inséparable du bonheur dont vous jouissez. Portez au trône du Saint des Saints tous les vœux que je confie aujourd’hui à votre puissante protection. Ayez égard aux besoins d’un Royaume dont vous avez été si longtemps le patron spécial, et qui depuis n’a été dévoué à votre Reine, que pour vous accroître, par votre médiation auprès d’elle, nos ressources et notre défense. Bannissez, écartez de nos contrées tout ce que le dérèglement des moeurs, l’hérésie et l’impiété s’efforcent d’y répandre de contagieux. Vainqueur des attentats de Lucifer contre la majesté du Très-Haut, ne permettez pas qu’il triomphe de votre héritage et qu’il l’enlève au Rédempteur qui l’a conquis au prix de son Sang. Chargé, enfin, de présenter nos âmes au Tribunal de Dieu, dans l’instant de notre mort, remplissez, en faveur de la mienne, un ministère de charité pour toute ma vie, et de sauvegarde pour l’instant qui la terminera. Ainsi soit-il.
Madame Louise France, fille de Louis XV, en religion Mère Thérèse de Saint-Augustin.
Historique
Rien n’est assurément plus mystérieux que le culte des anges dont les origines plongent dans la nuit des temps. Nous savons que si les anges se présentèrent aux hommes comme des messagers de Dieu, ils sont avant tout, de purs esprits qui se déploient dans une dimension étrangère à notre espace, sans être soumis à la durée ni au rythme du temps. L’ordinaire de la vie immortelle de ces créatures personnelles, pour parler comme Jésus, est de contempler sans cesse la face du Père qui est aux cieux1, bonheur dont ils s’éloignent par amour de Dieu et des hommes, pour porter la parole de l’un aux autres. « Ange, dit saint Augustin, désigne la fonction non pas la nature. Tu demandes comment s’appelle cette nature ? Esprit. Tu demandes la fonction ? Ange. D’après ce qu’il est, c’est un esprit, d’après ce qu’il fait, c’est un ange.2 »
Tout au long de l’Ancien Testament, les anges sont présents pour instruire, protéger, réconforter et conduire les hommes. Après l’expulsion de nos premiers parents, l’ange à l’épée flamboyante interdit l’entrée du Paradis terrestre3. Un ange consola Agar dans le désert4. C’est un ange qui arrêta le bras d’Abraham prêt à immoler Isaac5. Avant que Sodome fût détruite par le feu du ciel, un ange fit sortir Loth et sa famille de la ville6. Le patriarche Jacob vit en songe des multitudes d’anges monter et descendre l’échelle qui allait de la terre au ciel7. Dieu envoya un ange pour conduire à travers le désert les Hébreux vers la Terre Promise8. Elie fut réconforté dans le désert par un ange9.
Le Nouveau Testament est aussi tout rempli du ministère des anges. L’ange Gabriel fut le messager du mystère de l’Incarnation auprès de Zacharie10 et de Marie11. Un ange fut préposé à instruire saint Joseph de ce mystère12 et à l’assister dans sa vocation de père nourricier13. Un ange annonça la naissance du Messie aux bergers de Bethléem et des multitudes d’anges chantèrent dans le ciel de Noël14. Des anges servirent Jésus après sa victoire sur la triple tentation, après le jeûne au désert15, et un ange le réconforta lors de son Agonie, dans la nuit du jardin des Oliviers16. Des anges furent envoyés par Dieu pour annoncer la Résurrection du Sauveur aux saintes femmes17, à Marie-Madeleine18. Des anges, enfin, introduisirent les Apôtres après l’Ascension19. Dans son enseignement, Jésus parla souvent des anges comme les auxiliaires à la fin du monde20, et il parla des anges gardiens21.
L’Eglise primitive, comme le Seigneur, est assistée par les anges dont l’un fait échapper les Apôtres des mains des Saducéens22, et dont un autre délivre saint Pierre de la prison d’Hérode23. Un ange conduisit le centurion Corneille vers saint Pierre24, un autre sauva saint Paul d’un naufrage25. Saint Paul, dans ses épîtres, et saint Jean, dans l’Apocalypse, enseignèrent bien des choses sur les anges.
Or, l’Ecriture ne nous a révélé les noms que de trois d’entre les anges26 : Gabriel qui veut dire « la force Dieu », Raphaël « Dieu guérit », et Michel « Qui est comme Dieu ? » L’Eglise les célèbre aujourd’hui tous les trois ensemble, mais, traditionnellement, le 29 septembre est la fête de saint Michel archange. En effet, le martyrologe hieronymien27 célèbre, au 29 septembre, « à Rome, au sixième mille, sur la voie Salaria, dédicace de la basilique de saint Michel. »
La seule signification du nom du saint archange Michel nous indique le rôle qui lui est échu depuis le commencement jusqu’à la fin des temps. A la tête des armées célestes, il rejeta Lucifer des cieux, au moment de ce grand déchirement où s’ouvre le porche tragique de l’histoire ; Lucifer qui, oubliant son état de créature, ne veut pas servir les desseins de Dieu, est repoussé par la victorieuse question de Michel : Qui est comme Dieu ?
La force de saint Michel archange ne procède pas de la cuirasse ou des armes étincelantes que notre impuissance à représenter les réalités spirituelles lui attribue, mais de son amour de Dieu qu’il proclame. Cet amour que les bons anges ont pour Dieu ne consiste pas seulement à vouloir l’adorer, le servir et lui plaire, mais aussi, et peut-être surtout, à se mettre au service de l’homme, en sachant que, par le mystère de l’Incarnation du Verbe divin, cette créature moins parfaite que lui, lui deviendra supérieure. Il faut en convenir, même si l’on peut considérer que les anges sont membres du Christ, qu’ils ne le sont pas aussi parfaitement que les hommes, puisqu’ils n’ont pas avec lui cette identité d’espèce et cette solidarité en vertu desquelles la grâce s’écoule du Christ en nous, d’un mouvement en quelque sorte naturel28. De plus, n’ayant pas péché, ils n’ont pas eu besoin de la Rédemption et la grâce leur a été conférée indépendamment du sacrifice du Sauveur. Dieu nous dit, affirme saint Jean Chrysostome : « Je commande aux anges, et toi aussi par les prémices (le Christ). Je suis assis sur le trône royal, et toi aussi par les prémices. ‘Il nous a ressuscités avec lui, est-il écrit, et assis avec lui à la droite du Père.29’ Les chérubins et les séraphins et toute l’armée céleste, les principautés, les puissances, les trônes et les dominations t’adorent à cause des prémices.30 »
Si, à la seule question de saint Michel, les cieux s’ouvrirent pour laisser choir Lucifer et ses démons éternellement maudits, la lutte, bien loin de se terminer, devint comme le moteur de l’histoire et saint Paul, dans un texte fameux, nous rappelle ces combats terribles que ne cessent de se livrer les puissances invisibles autour de nos âmes. Si saint Michel archange fut, avant l’origine des temps, le chef des cohortes célestes, il est raisonnable de croire qu’il est encore et jusqu’à la fin du monde, le stratège de cette guerre implacable où nous sommes engagés. « Toutes les fois, dit saint Grégoire le Grand, qu’il s’agit d’une œuvre de merveilleuse puissance, c’est Michel que l’on nous dit envoyé, pour que son intervention même et son nom nous donnent à entendre que personne ne peut faire ce que Dieu seul a le privilège de faire. L’antique ennemi, qui a désiré par orgueil être semblable à Dieu, disait : J’escaladerai les cieux, par-dessus les étoiles du ciel j’érigerai mon trône, je ressemblerai au Très-Haut. Or, l’Apocalypse nous dit qu’à la fin du monde, lorsqu’il sera laissé à sa propre force, avant d’être éliminé par le supplice final, il devra combattre contre l’archange Michel : Il y eut un combat contre l’archange Michel.31 »
Si vous pensez que les temps sont mauvais et que nous sommes affrontés à de formidables systèmes qui, s’arrogeant le droit de réviser la Loi divine, veulent emprisonner les âmes pour les rendre incapables de vivre avec Dieu en esprit et en vérité, qui pourriez-vous mieux appeler à votre secours que saint Michel archange ? La sublime question qui nomme l’Archange, Qui est comme Dieu ? ne s’adresse pas au seul Lucifer, ni même à ses seuls anges, elle s’adresse aussi à chaque homme et, singulièrement, aux chefs des peuples.
Si l’affreuse bête de l’Apocalypse dont les exploits funèbres remplissent les derniers temps, recule devant l’archange saint Michel, ce n’est point seulement parce qu’il crie sa formidable question, mais parce qu’il est lui-même cette question. Vous aussi, à son imitation, devenez cette question redoutable qui terrasse les démons ; criez-la aux ténèbres répandues sur le monde, par votre attention à la parole de Dieu, par votre stricte observance et par votre pratique cultuelle. Criez-la en appliquant votre intelligence à la vérité révélée que l’Eglise vous enseigne, en soumettant votre volonté aux commandements divins que l’Eglise vous rappelle, en nourrissant vos vies des grâces que le Seigneur vous a préparées et que l’Eglise vous distribue.
Vous demandez que saint Michel vous protège et vous voulez gagner avec lui le combat contre les puissances démoniaques, alors battez-vous avec ses armes en étant, à la face du monde de ceux qui proclament que nul n’est comme Dieu. Sachez-le bien, vous ne vous battez pas, quoi qu’il puisse vous en paraître, contre des hommes, sous leurs systèmes immondes qui offensent la face du Tout-Puissant ; ce sont les démons qui agissent et ceux-là, vous n’en serez pas vainqueurs par des discours, par des suffrages électoraux, par des finesses diplomatiques ou par les armes du monde, mais par la pénitence, la prière, le sacrifice et l’observance.
Puissent vos cœurs s’ouvrir largement au mystère de l’archange saint Michel de sorte qu’il vous aide à devenir plus droits, plus forts et plus purs, témoins incorruptibles de la vérité divine qui demande notre aveu.
Notes sur le site
DIMANCHE 29 SEPTEMBRE : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIERE LECTURE – AMOS 6, 1…7
27 septembre, 2013http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
DIMANCHE 29 SEPTEMBRE : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT
PREMIERE LECTURE - AMOS 6, 1…7
1 Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles dans Jérusalem,
et à ceux qui se croient en sécurité sur la montagne de Samarie.
4 Couchés sur des lits d’ivoire,
vautrés sur leurs divans,
ils mangent les meilleurs agneaux du troupeau,
les veaux les plus tendres ;
5 ils improvisent au son de la harpe,
ils inventent, comme David, des instruments de musique ;
6 ils boivent le vin à même les amphores,
ils se frottent avec des parfums de luxe,
mais ils ne se tourmentent guère du désastre d’Israël !
7 C’est pourquoi maintenant ils vont être déportés,
ils seront les premiers des déportés ;
et la bande des vautrés n’existera plus.
Dans la Bible, Amos est le premier prophète « écrivain », comme on dit, c’est-à-dire qu’il est le premier dont il nous reste un livre. D’autres grands prophètes antérieurs sont restés très célèbres : Elie par exemple ou Elisée, ou Natan… mais on ne possède pas leurs prédications par écrit. On a seulement des souvenirs de leur entourage. Amos a prêché vers 780–750 av. J.C. Combien de temps ? On ne le sait pas. Il a certainement été amené à dire des choses qui n’ont pas plu à tout le monde puisqu’il a fini par être expulsé sur dénonciation au roi. Vous vous rappelez que, originaire du Sud, il a prêché dans le Nord à un moment de grande prospérité économique. La semaine dernière, nous avions lu, déjà, un texte de lui, reprochant à certains riches de faire leur richesse au détriment des pauvres. Il suffit de lire le passage d’aujourd’hui pour imaginer le luxe qui régnait en Samarie : « Couchés sur des lits d’ivoire, ils mangent les meilleurs agneaux du troupeau, les veaux les plus tendres ; ils improvisent au son de la harpe… ils se frottent avec des parfums de luxe… ils ne se tourmentent guère du désastre d’Israël »… la politique de l’autruche, en somme. Les gouvernants ne savent pas ou ne veulent pas savoir qu’une terrible menace pèse sur eux. « Ils ne se tourmentent guère du désastre d’Israël ».
Il est vrai que, a posteriori, l’histoire nous apprend que cette confortable inconscience a été durement secouée quelques années plus tard. « Ils vont être déportés, ils seront les premiers des déportés ; et la bande des vautrés n’existera plus. » C’est très exactement ce qui s’est passé. On n’a pas écouté ce prophète de malheur qui essayait d’alerter le pouvoir et la classe dirigeante, et même on l’a fait taire en se débarrassant de lui. Mais ce qu’il craignait est arrivé.
C’est donc aux riches et aux puissants, aux responsables que le prophète Amos s’adresse ici. Que leur reproche-t-il au juste ? C’est la première phrase qui nous donne la clé : « Malheur à ceux qui se croient en sécurité sur la montagne de Samarie. » Manière de dire : vous êtes bien au chaud, tout contents dans votre confort et même votre luxe… eh bien moi, je ne partage pas votre inconscience, je vous plains. Je vous plains parce que vous n’avez rien compris : vous êtes comme des gens qui se mettraient sous leur couette pour ne pas voir le cyclone arriver. Le cyclone, ce sera l’écroulement de toute cette société, quelques années plus tard, l’écrasement par les Assyriens, la mort de beaucoup d’entre vous et la déportation de ceux qui restent… « Je vous plains », dit sur ce ton-là, c’est quelque chose qu’on n’aime pas entendre !
« Malheur à ceux qui se croient en sécurité sur la montagne de Samarie »… Mais, où est le mal ? Le mal, c’est de fonder sa sécurité sur ce qui passe : quelques succès militaires passagers, la prospérité économique, et les apparences de la piété… pour ne pas déplaire à Dieu et à son prophète. Ils se vantent même de leurs réussites, ils croient en avoir quelque mérite, alors que tout leur vient de Dieu. Or la seule sécurité d’Israël, c’est la fidélité à l’Alliance… C’est la grande insistance de tous les prophètes : rappelez-vous Michée (qui prêchera quelques années plus tard à Jérusalem) « On t’a fait savoir, ô homme, ce qui est bien… rien d’autre que de pratiquer le droit, rechercher la justice et marcher humblement avec ton Dieu ». C’est juste le contraire à Samarie ; pire encore, ils sont hypocrites : quand ils offrent des sacrifices, ils transforment le repas qui suit en beuverie… car les repas que Amos décrit sont probablement des repas sacrés, comme il y en avait après certains sacrifices. Maintenant, ces repas sont sacrilèges, et n’ont plus grand chose à voir avec l’Alliance.
Ce qui fait la difficulté de ce passage, c’est sa concision : car, pour comprendre ces quelques lignes, il faut avoir en tête la prédication prophétique dans son ensemble ; la logique d’Amos, comme celle de tous les prophètes est la suivante : le bonheur des hommes et des peuples passe inévitablement par la fidélité à l’Alliance avec Dieu ; et fidélité à l’Alliance veut dire justice sociale et confiance en Dieu. Dès que vous vous écartez de cette ligne de conduite, tôt ou tard, vous êtes perdus.
C’est précisément sur ces deux points que Amos a des choses à redire : la justice sociale, on sait ce qu’il en pense, il suffit de relire le chapitre de la semaine dernière où il reprochait à certains riches de faire leur fortune sur le dos des pauvres ; et dans le texte d’aujourd’hui, les repas de luxe qu’on nous décrit ne profitent évidemment pas à tout le monde ; quant à Dieu, on n’a plus besoin de lui… croit-on ; pire, on fait des simulacres de cérémonie ; comme le dit Isaïe : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son coeur est loin de moi » (Is 29, 13). Il est probable qu’Amos, ce prophète venu d’ailleurs, puisqu’il venait du Sud, avait le regard d’autant plus aiguisé sur les faiblesses du royaume du Nord ; car au Sud, on ne connaissait pas encore une période aussi faste, et on conservait encore le style de vie des origines d’Israël ; tandis qu’au Nord, nous avons vu la semaine dernière que le règne de Jéroboam II était une période plus brillante. Mais la croissance économique exigeait une grande vigilance dans la transformation de la société. Malheureusement on s’éloignait de plus en plus de l’idéal des origines : au début, la Loi défendait l’égalité entre tous les citoyens et prévoyait donc la distribution égale de la terre entre tous. Or Samarie se couvrait de palais luxueux, construits par certains aux dépens des autres ; quand on s’était bien enrichi, grâce au commerce florissant, par exemple, on avait vite fait d’exproprier un petit propriétaire ; et nous avons vu que certains plus pauvres en étaient réduits à l’esclavage ; c’était notre texte de dimanche dernier.
L’archéologie apporte d’ailleurs sur ce point des précisions très intéressantes : alors qu’au dixième siècle, les maisons étaient toutes sur le même modèle et représentaient des trains de vie tout-à-fait identiques, au huitième siècle, au contraire, on distingue très bien des quartiers riches et des quartiers pauvres. Fini le bel idéal de la Terre Sainte, avec une société sans classes.
A bon entendeur, salut : si nous voulons être fidèles aujourd’hui à ce que représentait pour les hommes de la Bible l’idéal de la terre sainte, il nous est bon de relire le prophète Amos.
HOMÉLIE DU 26E DIMANCHE ORDINAIRE C
27 septembre, 2013http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU 26E DIMANCHE ORDINAIRE C
AM 6, 1-7 ; 1 TM 6, 11-16 ; LC 16, 19-31
Il est intéressant de constater que les actualités fournies par la presse sont souvent aussi des actualités de l’Evangile. Ainsi, dimanche dernier la première lecture nous racontait que, huit siècles avant Jésus Christ, Monsieur Amos, prophète indépendant, dénonçait le très prospère royaume d’Israël. Pourquoi ? Parce que, derrière une façade brillante et des fêtes religieuses imposantes, il avait découvert un monde d’injustice et d’exploitation des plus pauvres. Ce qui restait d’actualité au temps de Jésus. D’où, cet avertissement évangélique : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent ». Il y a quelques années, dans un quotidien, un compositeur de chanson titrait son article : » L’argent n’a pas d’odeur… « . Et quelques pages plus loin, le programme TV annonçait une émission consacrée à une nation « pourrie par le fric » et affirmait que « la misère et la faim sont une prison où plus d’un milliard de femmes, d’hommes et d’enfants consument leur existence ».
Ce dimanche, Monsieur Amos, gardien de gros bétail, un personnage aisé, et le Docteur Luc, évangéliste de surcroît, viennent nous secouer et nous interpeller pour les mêmes raisons. Ne serions-nous pas plus ou moins esclaves de l’argent ? ou tout simplement trop peu attentifs ou trop peu soucieux de bien le gérer selon l’esprit de l’évangile ? D’où, une parabole, c’est-à-dire une histoire inventée, mais à partir de faits réels tirés de l’actualité. Une actualité qui est de toutes les époques.
D’un côté, un riche, qui peut aussi être un pays tout entier, et qui n’est pas qualifié de mauvais riche. Tout simplement un riche anonyme. Il vit dans un certain luxe. Ce qui n’est pas interdit. Il appartient à une famille qui « possède des biens », et il a cinq frères bien dans leurs papiers. Cet homme, sans doute élégant et fin gourmet, était même un croyant, pratiquant fidèle et fier de l’être. Un homme comblé, parmi beaucoup d’autres. Jésus ne vise donc personne en particulier.
Autre personnage, autre nation : Lazare. On sort de l’anonymat. Mais c’est un personnage fictif qui signifie « Dieu a aidé ». Tout un symbole ! Mais Lazare est d’un autre monde, là où l’on manque de tout, y compris du nécessaire et même de l’indispensable. Tout comme cette femme indienne, de la catégorie des intouchables, qui a vendu son bébé pour 130 dollars après avoir vu son autre fils de deux ans mourir de malnutrition. L’argent de la vente a servi à éponger les dettes de la famille et à acheter de la nourriture.
Le riche n’a rien refusé à Lazare, il ne l’a pas chassé. Ce qui n’est pas toujours le cas. Mais il ne l’a même pas vu, dirait-on, comme s’il était aveugle et inconscient. Il y a comme un mur entre les deux, ou un grand abîme apparemment infranchissable.
Pourtant, l’homme comblé, croyant, pratiquant, qui plus loin interpelle son père Abraham et qui se préoccupe avec beaucoup de cœur de ses cinq frères, aurait dû savoir que la loi de l’Alliance, dont il se réclame, et même aujourd’hui celle des droits et devoirs de la personne humaine, demande précisément de « rompre les chaînes injustes…, de partager le pain avec l’affamé, d’héberger les pauvres sans abri, de vêtir celui qui est nu ». Ce que les prophètes n’ont cessé de répéter au cours des siècles. Or, cet habitué du Temple est resté sourd à la Parole. Tout comme ses frères qui multipliaient sans doute les pratiques religieuses, se passionnaient pour les visions et espéraient des miracles, mais délaissaient la parole prophétique des Ecritures qui aurait pu les éclairer et les convertir.
Bien sûr, à l’époque, les croyants étaient persuadés que les richesses étaient signes de la bienveillance de Dieu à leur égard. Une sorte de récompense pour bonne conduite dans l’observance de la Loi de Moïse… Mais la Loi de Moïse précisait déjà : « S’il y a chez toi un indigent… tu ne raidiras pas ton cœur et tu ne fermeras pas ta main devant ton frère indigent… Je te le commande : tu devras ouvrir ta main pour ton frère, pour ton pauvre, pour ton indigent dans ton pays » (Dt 15, 7-11).
Or, aujourd’hui, tout a pris des dimensions planétaires, y compris la pauvreté, la misère, l’exclusion, le chômage. Les Lazare sont légion. Et ils doivent se contenter des miettes de nos sociétés dites d’abondance. Il en est même accroupis le long de notre table, comme le disait déjà le Père Lebret il y a plus de cinquante ans. Aujourd’hui, ajoutait-il, Lazare, c’est la majorité de l’humanité, et il a beaucoup d’enfants. Il va bientôt devenir 80 ou 90 % de la population du monde. Une menace pour notre paix et notre sécurité. Or, ce qu’il attend, c’est « de la compréhension et de l’amour ». Il nous appartient donc de faire, à tous les niveaux, un usage biblique, évangélique, de toutes nos richesses, y compris celles du cœur, de l’intelligence et de l’imagination. Elles nous pousseront à l’initiative, si modeste soit-elle, de manière à pouvoir « inviter des pauvres à notre table ». C’est-à-dire la table de la connaissance, la table de la culture, celle du progrès et du développement, celle des soins de santé et de la dignité respectée, tout comme la table des échanges commerciaux.
N’attendons pas demain pour mieux servir Dieu en nos frères et sœurs éprouvés comme Lazare.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008