DIMANCHE 1ER SEPTEMBRE : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIERE ET DEUXIEME LECTURE

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DIMANCHE 1ER SEPTEMBRE : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT 

PREMIERE LECTURE – BEN SIRAC 3, 17-18. 20. 28-29
17 Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, 
 et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur.
18 Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : 
 tu trouveras grâce devant le Seigneur.
20 La puissance du Seigneur est grande, 
 et les humbles lui rendent gloire.
28 La condition de l’orgueilleux est sans remède, 
 car la racine du mal est en lui.
29 L’homme sensé médite les maximes de la sagesse ; 
 l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute.

Ce texte s’éclaire si on en commence la lecture par la fin : « L’homme sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute. » Quand on dit « sagesse » dans la Bible, on veut dire l’art de vivre heureux. Etre un « homme sensé, un homme sage », c’est l’idéal de tout homme en Israël et du peuple tout entier : ce peuple tout petit, né plus tard que beaucoup de ses illustres voisins (si l’on considère qu’il mérite véritablement le nom de peuple au moment de la sortie d’Egypte) a ce privilège (grâce à la Révélation dont il a bénéficié) de savoir que « Toute sagesse vient du Seigneur » (Si 1, 1) : dans le sens que Dieu seul connaît les mystères de la vie et le secret du bonheur. C’est donc au Seigneur qu’il faut demander la sagesse : dans sa souveraine liberté, il a choisi Israël pour être le dépositaire de ses secrets, de sa sagesse. Pour dire cela de manière imagée, Jésus Ben Sirac, l’auteur de notre lecture de ce dimanche, fait parler la sagesse elle-même comme si elle était une personne : « Le Créateur de toutes choses m’a donné un ordre, Celui qui m’a créée a fixé ma demeure. Il m’a dit : En Jacob, établis ta demeure, en Israël reçois ton patrimoine. » (Si 24, 8). Israël est ce peuple qui recherche chaque jour la sagesse : « Devant le Temple, j’ai prié à son sujet et jusqu’au bout je la rechercherai. » (Si 51, 14). Si l’on en croit le psaume 1, il y trouve son bonheur : « Heureux l’homme qui récite la loi du SEIGNEUR jour et nuit. » (Ps 1, 2).
 Il récite « jour et nuit », cela veut dire qu’il est tendu en permanence ; « Qui cherche trouve » dira plus tard un autre Jésus : encore faut-il chercher, c’est-à-dire reconnaître qu’on ne possède pas tout, qu’on est en manque de quelque chose. Ben Sirac le sait bien : il a ouvert à Jérusalem, vers 180 av.J.C., ce que nous appellerions aujourd’hui une école de théologie (une beth midrash). Pour faire sa publicité, il disait : « Venez à moi, gens sans instruction, installez-vous à mon école ». (Si 51, 23). Ne s’inscrivaient, bien sûr, que des gens qui étaient désireux de s’instruire. Si l’on croit tout savoir, on ne juge pas utile d’apprendre par des cours, des conférences, des livres. Au contraire, un véritable fils d’Israël ouvre toutes grandes ses oreilles ; sachant que toute sagesse vient de Dieu, il se laisse instruire par Dieu : « L’homme sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute. » Le peuple d’Israël a si bien retenu la leçon qu’il récite plusieurs fois par jour « Shema Israël, Ecoute Israël » (Dt 6, 4).
 On voit bien ce qu’il y faut d’humilité ! Au sens d’avoir l’oreille ouverte pour écouter les conseils, les consignes, les commandements. A l’inverse, l’orgueilleux, qui croit tout comprendre par lui-même, ferme ses oreilles. Il a oublié que si la maison a les volets fermés, le soleil ne pourra pas y entrer ! C’est de simple bon sens. « La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. » dit Ben Sirac (verset 28). En somme, l’orgueilleux est un malade incurable : parce qu’il est « plein de lui-même », comme on dit, il a le coeur fermé, comment Dieu pourrait-il y entrer ? La parabole du pharisien et du publicain (Lc 18) prend ici une résonance particulière. Etait-ce donc si admirable, ce qu’a fait le publicain ? Il s’est contenté d’être vrai. Dans le mot « humilité », il y a « humus » : l’humble a les pieds sur terre ; il se reconnaît fondamentalement petit, pauvre par lui-même ; il sait que tout ce qu’il a, tout ce qu’il est vient de Dieu. Et donc il compte sur Dieu, et sur lui seul. Il est prêt à accueillir les dons et les pardons de Dieu… et il est comblé. Le pharisien qui n’avait besoin de rien, qui se suffisait à lui-même, est reparti comme il était venu ; le publicain, lui, est rentré chez lui, transformé. « Toute sagesse vient du Seigneur ; avec lui elle demeure à jamais », dit Ben Sirac, et il continue « Dieu l’accorde à ceux qui l’aiment, lui. » (Si 1, 10). Et plus loin, faisant parler Israël : « Pour peu que j’aie incliné l’oreille, je l’ai reçue, et j’ai trouvé pour moi une abondante instruction. » (Si 51, 16). Isaïe dit la joie de ces humbles que Dieu comble : « De plus en plus les humbles se réjouiront dans le Seigneur, et les pauvres gens exulteront à cause du Saint d’Israël. » (Is 29, 19). Ce qui nous vaut une lumineuse parole de Jésus, ce que l’on appelle sa « jubilation » : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. » (Mt 11, 25 // Lc 10, 21).
 Avec ceux-là, les humbles, Dieu peut faire de grandes choses : il en fait les serviteurs de son projet. C’est ainsi, par exemple, qu’Isaïe décrit l’expérience du Serviteur de Dieu : « Matin après matin, il (le Seigneur) me fait dresser l’oreille, pour que j’écoute comme les disciples ; le SEIGNEUR Dieu m’a ouvert l’oreille. Et moi, je ne me suis pas cabré, je ne me suis pas rejeté en arrière ». Cette vocation est, bien sûr, une mission confiée au service des autres : « Le SEIGNEUR m’a donné une langue de disciple : pour que je sache soulager l’affaibli, il a fait surgir une parole. » (Is 50, 4-5). On comprend alors où se ressourçait Moïse qui fut un si grand et infatigable serviteur du projet de Dieu ; le livre des Nombres nous dit son secret : « Moïse était un homme très humble, plus qu’aucun autre homme sur la terre… » (Nb 12, 3). Jésus, lui-même, le Serviteur de Dieu par excellence, confie : « je suis doux et humble de coeur » (Mt 11, 29). Et quand Saint Paul, à son tour, décrit son expérience spirituelle, il peut dire : « S’il faut s’enorgueillir, je mettrai mon orgueil dans ma faiblesse… Le Seigneur m’a déclaré : Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » (2 Co 11, 30 ; 12, 9)
 En définitive, l’humilité est plus encore qu’une vertu. C’est un minimum vital, une condition préalable !

 DEUXIEME LECTURE – HÉBREUX 12, 18-19. 22-24A
Frères,
18 quand vous êtes venus vers Dieu, 
 il n’y avait rien de matériel comme au Sinaï, 
 pas de feu qui brûle, 
 pas d’obscurité, de ténèbres, ni d’ouragan,
19 pas de son de trompettes, 
 pas de paroles prononcées par cette voix 
 que les fils d’Israël demandèrent à ne plus entendre.
22 Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion 
 et vers la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, 
 vers des milliers d’anges en fête
23 et vers l’assemblée des premiers-nés 
 dont les noms sont inscrits dans les cieux. 
 Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous les hommes, 
 et vers les âmes des justes arrivés à la perfection.
24 Vous êtes venus vers Jésus, 
 le médiateur d’une Alliance nouvelle.

La lettre aux Hébreux s’adresse très probablement à des Chrétiens d’origine juive ; son objectif clairement avoué est donc de situer correctement la Nouvelle Alliance par rapport à la Première Alliance. Avec la venue du Christ, sa vie terrestre, sa Passion, sa mort et sa Résurrection, tout ce qui a précédé est considéré par les Chrétiens comme une étape nécessaire dans l’histoire du salut, mais révolue pour eux. Révolue, peut-être mais pas annulée pour autant. Qui veut situer correctement la Nouvelle Alliance par rapport à la première Alliance devra donc manifester à la fois continuité et radicale nouveauté.
 En faveur de la continuité, on entend ici des mots très habituels en Israël : Sinaï, feu, obscurité, ténèbres, ouragan, trompettes, Sion, Jérusalem, les noms inscrits dans les cieux, juge et justice, alliance… Ce vocabulaire évoque toute l’expérience spirituelle du peuple de l’Alliance ; il est très familier aux auditeurs de cette prédication. Prenons le temps de relire quelque textes de l’Ancien Testament puisqu’ils sont la source : « Le troisième jour, quand vint le matin, il y eut des voix, des éclairs, une nuée pesant sur la montagne et la voix d’un cor très puissant ; dans le camp, tout le peuple trembla. Moïse fit sortir le peuple à la rencontre de Dieu hors du camp, et ils se tinrent tout en bas de la montagne. Le mont Sinaï n’était que fumée, parce que le SEIGNEUR y était descendu dans le feu ; sa fumée monta, comme la fumée d’une fournaise et toute la montagne trembla violemment. La voix du cor s’amplifia : Moïse parlait et Dieu lui répondait par la voix du tonnerre. » (Ex 19, 16-19). « Tout le peuple percevait les voix, les flamboiements, la voix du cor et la montagne fumante ; le peuple vit, il frémit et se tint à distance… Mais Moïse approcha de la nuit épaisse où Dieu était. » (Ex 20, 18. 21). Et le livre du Deutéronome commente : « En ce jour-là, vous vous êtes approchés, vous vous êtes tenus debout au pied de la montagne : elle était en feu, embrasée jusqu’en plein ciel, dans les ténèbres des nuages et de la nuit épaisse. » (Dt 4, 11). La mémoire d’Israël est nourrie de ces récits ; ils sont les titres de gloire du peuple de l’Alliance.
 La surprise que nous réserve ce texte de la lettre aux Hébreux, c’est qu’il semble déprécier cette expérience mémorable ; car, désormais, l’Alliance a été complètement renouvelée ; nous l’avons vu un peu plus haut : Moïse approchait de Dieu alors que le peuple était tenu à distance : « Le peuple vit, il frémit et se tint à distance… Mais Moïse approcha de la nuit épaisse où Dieu était. » Et quelques versets auparavant, le peuple s’était vu interdire l’accès de la montagne.
 Au contraire, désormais, dans la Nouvelle Alliance, les baptisés sont établis dans une véritable relation d’intimité avec Dieu. L’auteur décrit cette nouvelle expérience spirituelle comme l’entrée paisible dans un nouveau monde de beauté, de fête : « Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des milliers d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous les hommes, et vers les âmes des justes arrivés à la perfection. Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une Alliance nouvelle. »
 Dès l’Ancien Testament, on le sait, la crainte de Dieu avait changé de sens : au temps du Sinaï, elle était de la peur devant les démonstrations de puissance ; une peur telle que le peuple demandait même à « ne plus entendre la voix de Dieu » ; et puis, peu à peu les relations du peuple avec Dieu avaient évolué et la crainte s’était transformée en confiance filiale.
 Pour ceux qui ont connu Jésus, c’est plus beau encore : ils ont découvert en lui le vrai visage du Père : « Vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père. Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » (Rm 8, 15-16). Jésus joue donc pleinement son rôle de « médiateur d’une Alliance nouvelle » puisqu’il permet à tous les baptisés d’approcher de Dieu, de devenir des « premiers-nés » (au sens de « consacrés »). L’antique promesse faite à Moïse et au peuple d’Israël, au pied du Sinaï, est enfin réalisée : « Si vous entendez ma voix et gardez mon Alliance, vous serez ma part personnelle parmi tous les peuples – puisque c’est à moi qu’appartient toute la terre – et vous serez pour moi un royaume de prêtres (de consacrés) et une nation sainte. » (Ex 19, 4). Ce que l’auteur de notre lettre traduit : « Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le trône de la grâce » (He 4, 16).

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