Archive pour le 27 juillet, 2013
PREMIERE LECTURE – GENÈSE 18, 20-32
27 juillet, 2013http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
Dimanche 28 juillet : commentaires de Marie Noëlle Thabut
PREMIERE LECTURE – GENÈSE 18, 20-32
Les trois visiteurs d’Abraham allaient partir pour Sodome.
20 Le SEIGNEUR dit :
« Comme elle est grande,
la clameur qui monte de Sodome et de Gomorrhe !
o Et leur faute, comme elle est lurde !
21 Je veux descendre pour voir
si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu’à moi.
Si c’est faux, je le reconnaîtrai. »
22 Les deux hommes se dirigèrent vers Sodome,
tandis qu’Abraham demeurait devant le SEIGNEUR.
23 Il s’avança et dit :
« Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le pécheur ?
24 Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville.
Vas-tu vraiment les faire périr ?
Est-ce que tu ne pardonneras pas
à cause des cinquante justes qui sont dans la ville ?
25 Quelle horreur, si tu faisais une chose pareille !
Faire mourir le juste avec le pécheur,
traiter le juste de la même manière que le pécheur,
quelle horreur !
Celui qui juge toute la terre
va-t-il rendre une sentence contraire à la justice ? »
26 Le SEIGNEUR répondit :
« Si je trouve cinquante justes dans Sodome,
à cause d’eux je pardonnerai à toute la ville. »
27 Abraham reprit :
« Oserai-je parler encore à mon Seigneur,
moi qui suis poussière et cendre ?
28 Peut-être, sur les cinquante justes, en manquera-t-il cinq :
pour ces cinq-là, vas-tu détruire toute la ville ? »
Il répondit :
« Non, je ne la détruirai pas,
si j’en trouve quarante-cinq. »
29 Abraham insista :
« Peut-être en trouvera-t-on seulement quarante ? »
Le SEIGNEUR répondit :
« Pour quarante,
je ne le ferai pas. »
30 Abraham dit :
« Que mon Seigneur ne se mette pas en colère,
si j’ose parler encore :
peut-être y en aura-t-il seulement trente ? »
Il répondit :
« Si j’en trouve trente,
je ne le ferai pas. »
31 Abraham dit alors :
« Oserai-je parler encore à mon Seigneur ?
Peut-être en trouvera-t-on seulement vingt ? »
Il répondit : « Pour vingt, je ne détruirai pas. »
32 Il dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère :
je ne parlerai plus qu’une fois.
Peut-être en trouvera-t-on seulement dix ? »
Et le SEIGNEUR répondit :
« Pour dix, je ne détruirai pas la ville de Sodome. »
Ce texte marque un grand pas en avant dans l’idée que les hommes se font de leur relation à Dieu : c’est la première fois que l’on ose imaginer qu’un homme puisse intervenir dans les projets de Dieu. Malheureusement, la lecture liturgique ne nous fait pas entendre les versets précédents, là où l’on voit Dieu, parlant tout seul, se dire à lui-même : « Maintenant que j’ai fait alliance avec Abraham, il est mon ami, je ne vais pas lui cacher mes projets. » Manière de nous dire que Dieu prend très au sérieux cette alliance ! Voici ce passage : « Les hommes se levèrent de là et portèrent leur regard sur Sodome ; Abraham marchait avec eux pour prendre congé. Le SEIGNEUR dit : Vais-je cacher à Abraham ce que je fais ? Abraham doit devenir une nation grande et puissante en qui seront bénies toutes les nations de la terre, car j’ai voulu le connaître… » Et c’est là que commence ce que l’on pourrait appeler « le plus beau marchandage de l’histoire ». Abraham armé de tout son courage intercédant auprès de ses visiteurs pour tenter de sauver Sodome et Gomorrhe d’un châtiment pourtant bien mérité : « SEIGNEUR, si tu trouvais seulement cinquante justes dans cette ville, tu ne la détruirais pas quand même ? Sinon, que dirait-on de toi ? Ce n’est pas moi qui vais t’apprendre la justice ! Et si tu n’en trouvais que quarante-cinq, que quarante, que trente, que vingt, que dix ?… »
Quelle audace ! Et pourtant, apparemment, Dieu accepte que l’homme se pose en interlocuteur : pas un instant, le Seigneur ne semble s’impatienter ; au contraire, il répond à chaque fois ce qu’Abraham attendait de lui. Peut-être même apprécie-t-il qu’Abraham ait une si haute idée de sa justice ; au passage, d’ailleurs, on peut noter que ce texte a été rédigé à une époque où l’on a le sens de la responsabilité individuelle : puisque Abraham serait scandalisé que des justes soient punis en même temps que les pécheurs et à cause d’eux ; nous sommes loin de l’époque où une famille entière était supprimée à cause de la faute d’un seul. Or, la grande découverte de la responsabilité individuelle date du prophète Ezéchiel et de l’Exil à Babylone, donc au sixième siècle. On peut en déduire une hypothèse concernant la composition du chapitre que nous lisons ici : comme pour la lecture de dimanche dernier, nous sommes certainement en présence d’un texte rédigé assez tardivement, à partir de récits beaucoup plus anciens peut-être, mais dont la mise en forme orale ou écrite n’était pas définitive.
Dieu aime plus encore probablement que l’homme se pose en intercesseur pour ses frères ; nous l’avons déjà vu un autre dimanche à propos de Moïse (Ex 32) : après l’apostasie du peuple au pied du Sinaï, se fabriquant un « veau d’or » pour l’adorer, aussitôt après avoir juré de ne plus jamais suivre des idoles, Moïse était intervenu pour supplier Dieu de pardonner ; et, bien sûr, Dieu qui n’attendait que cela, si l’on ose dire, s’était empressé de pardonner. Moïse intervenait pour le peuple dont il était responsable ; Abraham, lui, intercède pour des païens, ce qui est logique, après tout, puisqu’il est porteur d’une bénédiction au profit de « toutes les familles de la terre ». Belle leçon sur la prière, là encore ; et il est intéressant qu’elle nous soit proposée le jour où l’évangile de Luc nous rapporte l’enseignement de Jésus sur la prière, à commencer par le Notre Père, la prière « plurielle » par excellence : puisque nous ne disons pas « Mon Père », mais « Notre Père ».. Nous sommes invités, visiblement, à élargir notre prière à la dimension de l’humanité tout entière.
« Peut-être en trouvera-t-on seulement dix ? » (Ce fut la dernière tentative d’Abraham.) « Et le SEIGNEUR répondit : Pour dix, je ne détruirai pas la ville de Sodome. » Ce texte est un grand pas en avant, disais-je, une étape importante dans la découverte de Dieu, mais ce n’est qu’une étape, car il se situe encore dans une logique de comptabilité : sur le thème combien faudra-t-il de justes pour gagner le pardon des pécheurs ? Il restera à franchir le dernier pas théologique : découvrir qu’avec Dieu, il n’est jamais question d’un quelconque paiement ! Sa justice n’a rien à voir avec une balance dont les deux plateaux doivent être rigoureusement équilibrés ! C’est très exactement ce que Saint Paul essaiera de nous faire comprendre dans le passage de la lettre aux Colossiens que nous lisons ce dimanche.
HOMÉLIE 17E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE:
27 juillet, 2013http://www.homelies.fr/homelie,,3541.html
17E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
DIMANCHE 28 JUILLET 2013
HOMÉLIE MESSE
Les disciples viennent de contempler leur Maître en train de prier et un d’eux se risque à lui demander : « Seigneur apprends-nous à prier, comme Jean-Baptiste l’a appris à ses disciples. »
Nous aussi, nous nous sommes sans aucun doute heurtés souvent à cette difficulté de savoir comment prier. Les premiers mots de la réponse de Jésus sont ici très importants car ils donnent la tonalité de tout ce qui va suivre. « Quand vous priez, dites : ‘Notre Père…’ ». Jésus invite ses disciples à tourner leur regard vers le Père. Jésus n’est pas en train de leur apprendre une formule à réciter mais de leur dire que prier c’est d’abord et avant tout entrer en relation avec Dieu. Jésus leur révèle ici que la prière qui, depuis l’aube des temps, accompagnait l’histoire du salut comme un appel réciproque entre Dieu et l’homme, trouve en lui son accomplissement. En Lui, l’appel de Dieu trouve la réponse de l’homme et le cri de l’homme trouve le cœur rempli de compassion de Dieu. En lui, la soif de Dieu rencontre la soif de l’homme. En nous enseignant à prier « Notre Père », Jésus nous révèle ainsi le mystère de notre salut : en lui, l’Alliance entre Dieu et l’homme, brisée par le péché de ce dernier, se trouve restaurée.
Jusqu’à la venue du Fils de Dieu sur la terre, la prière de l’homme prit souvent la forme d’un drame : drame de l’épreuve de la foi en la fidélité de Dieu à son Alliance. La première lecture de ce jour l’illustre de façon tout à fait significative. Depuis l’épisode du chêne de Mambré où Dieu lui a confié son dessein, Abraham se trouve accordé à la compassion de son Seigneur envers les hommes. Aussi, devant la situation de péché dans laquelle se trouve Sodome, il ose intercéder auprès de Dieu : « Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le pécheur ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville. Vas-tu vraiment les faire périr ? Est-ce que tu ne pardonneras pas à cause des cinquante justes qui sont dans la ville ? » Et de continuer de marchander avec Dieu jusqu’à lui obtenir la promesse de ne pas détruire la ville de Sodome s’il ne s’y trouve que dix justes. Le problème c’est que Dieu n’a jamais dit qu’il voulait détruire Sodome. En effet, le texte biblique rapporte seulement ces paroles de Dieu à Abraham : « Comme elle est grande, la clameur qui monte de Sodome et de Gomorrhe ! Et leur faute, comme elle est lourde ! Je veux descendre pour voir si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu’à moi. Si c’est faux, je le reconnaîtrai. » La peur d’Abraham de voir Dieu châtier les villes de Sodome et Gomorrhe serait-elle révélatrice du combat intérieur qu’il est en train de mener dans sa relation de confiance au Seigneur ? Sa prière audacieuse d’intercession exprime bien l’épreuve de la foi qu’il est en train de vivre : Dieu sera-t-il fidèle à son Alliance de compassion envers son peuple ?
Jésus, en priant « Notre Père », introduit l’homme à de nouvelles dispositions vis-à-vis de Dieu. Il l’invite à entrer dans son humble confiance filiale. Cependant, il ne faudrait pas croire que cette attitude n’était pas présente chez l’homme biblique de l’Ancien Testament. La longue prière d’action de grâce du psaume de ce dimanche en est la preuve. « De tout mon cœur Seigneur je te rends grâce » ; « Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité » ; « Si je marche au milieu des angoisses, tu me fais vivre » ; « Ta droite me rend vainqueur » ; « Le Seigneur fait tout pour moi ! Seigneur, éternel est ton amour »… Autant d’expressions qui manifestent la confiance en Dieu. Mais, ce qui chez le psalmiste était encore en butte à une foule d’ennemis et de tentations dans l’attente de ce que ferait le Dieu fidèle disparaît totalement dans la prière de Jésus.
En Jésus, Dieu a tenu sa promesse de salut et ce, de façon irrévocable et définitive. Dès lors, pourquoi douter de sa bienveillance paternelle envers-nous ? Dans l’évangile, Jésus nous assure que les prières que nous adresserons à notre Père seront toujours exaucées : « demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on ouvrira. » Mais il est à noter qu’il ne précise pas ce que nous recevrons ou trouverons. Il nous dit seulement : « qui demande reçoit ; celui qui cherche trouve ; et pour celui qui frappe, la porte s’ouvre. » Il nous conduit ainsi à une confiance absolue en ce que Dieu non seulement nous exaucera mais nous donnera ce qu’il y a de meilleur pour nous.
Ne peut-on pas lire aussi dans ces paroles de Jésus cette autre certitude que le Donateur est plus précieux que les dons qu’il accorde ? C’est lui, le premier et le plus grand trésor que nous recevons dans notre prière.
La prière nous introduit dans la communion avec Dieu. Et nous touchons ici à l’essence de la prière « chrétienne ». Prier, c’est demeurer en présence du Dieu trois fois saint et en communion avec lui. Prier, c’est permettre à Dieu de venir habiter en nous et nous laisser transformer par lui. Peu à peu, nous retrouvons avec lui la ressemblance que le péché originel nous avait fait perdre et nous pouvons nous faire les médiateurs authentiques de son amour auprès de nos frères en humanité.
Cette communion à la vie divine nous a été rendue accessible par notre baptême par lequel nous avons reçu l’Esprit-Saint et par lequel nous sommes devenus un même être avec le Christ. Ce jour-là, le Christ est venu nous rejoindre au cœur de notre péché pour nous en libérer (Cf. Deuxième lecture). Comme il y a deux mille ans, il a franchi le seuil de la majesté divine pour nous permettre d’appeler, dans le souffle de l’Esprit, Dieu : « Notre Père ».
Comme les disciples, contemplons Jésus en prière, lui en qui s’accomplit cet échange merveilleux entre l’homme et Dieu. Nous sommes les disciples d’aujourd’hui. Laissons-nous toucher par la prière du Maître. Quand Jésus prie, il nous enseigne à prier. Contemplons et entrons à notre tour dans son humilité et sa confiance filiale envers son Père qui est aussi « Notre Père ».
Nous verrons alors que prier nous configure toujours davantage au Christ faisant de nous de véritables disciples. En effet, non seulement la prière nous filialise mais elle nous introduit aussi dans la loi de réconciliation : « Remets-nous nos dettes, comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient. » Prier nous conduira jusqu’au pardon sur la croix. A notre tour, nous reprendrons les paroles mêmes de Jésus : « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». A ce moment-là, nous serons vraiment disciples car nous serons devenus à la suite de Jésus, dans la force de son Esprit, les porteurs de la Parole de miséricorde du Père qui veut sauver tout homme.
Frère Elie