Archive pour le 18 juillet, 2013

15th Century Ethiopian Icon

18 juillet, 2013

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AU JAILLISSEMENT DE LA VIE MONASTIQUE : LES PÈRES DU DÉSERT

18 juillet, 2013

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AU JAILLISSEMENT DE LA VIE MONASTIQUE : LES PÈRES DU DÉSERT

Claire de Guillebon

Entre le IIIe et le VIe siècles, des chrétiens décidèrent d’abandonner le monde pour aller vivre dans les déserts d’Égypte, de Palestine, d’Arabie et de Perse. Le désert exerçait une fascination singulière sur ces personnes qui recherchaient une manière parfaite d’imiter le Christ, avec une certaine nostalgie de la communauté chrétienne primitive. A titre d’illustration : une vidéo réalisée par « Le Jour du Seigneur ».
Ceux qui furent ensuite appelés les Pères du désert voulaient trouver dans le désert une certaine préparation au martyre par une vie d’ascèse et de lutte contre les démons. Ces chrétiens, attirés par la solitude totale et désireux de répondre sans réserve à l’appel évangélique, furent les ancêtres du monachisme, tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Saint Antoine fut le premier à oser s’enfoncer dans le désert, vers 270 après J-C. À sa suite, des hommes quittèrent la vie sociale pour rechercher le silence et la simplicité de la foi. Au départ, ils n’étaient qu’une poignée : Antoine, Macaire, Sisoès… Très vite, leur genre de vie étonna et attira. Des disciples vinrent d’un peu partout. Certains, comme Arsène, occupaient les plus hautes charges de la cour impériale. La plupart étaient d’origine modeste tel Moïse, un converti ancien chef d’une bande de brigands, ou Zacharie arrivé encore jeune enfant. En quelques décennies, les cabanes et les grottes dans lesquelles s’étaient installés les premiers ermites attirèrent tellement d’hommes que de véritables colonies monastiques se constituèrent dans les déserts.

L’organisation de la vie au désert
Cette vie érémitique, ou semi-érémitique selon les cas, se développa au départ de façon assez libre et prit des formes diverses. La plupart des moines vivaient dans des cellules, huttes ou cavernes, d’autres dans des habitats plus extraordinaires : sur une colonne, dans un arbre… Au désert, Dieu est le seul maître et, en dehors de sa volonté, il n’y a que peu ou pas de principes. Ainsi saint Antoine disait : « Tout ce que votre âme désire accomplir selon la volonté de Dieu, faites-le et elle sera sauvée ». Cependant, avec l’arrivée de nombreux disciples, il fallut instaurer certaines règles de vie. Des groupements de solitaires s’établirent pour rechercher une discipline de l’élan ascétique, au regard des dangers de la vie au désert. Chacun vivait seul dans son ermitage pendant la semaine, trouvant sa subsistance par son travail manuel, et retrouvait les autres le samedi et le dimanche à l’église pour les offi ces de nuit et l’eucharistie.
Une pédagogie spirituelle se mit en place pour les nouveaux venus : en arrivant dans le désert, ils se mettaient à l’école d’un ancien, expérimenté et apte à discerner l’authentique de l’apparent. Le nouvel arrivé devait apprendre à vivre comme l’ancien et à se désapproprier de tout égocentrisme pour apprendre l’humilité. Lorsqu’il devenait à son tour un « homme spirituel », il s’installait ailleurs, prêt à accueillir, à son tour, de nouveaux disciples auxquels il communiquerait la sagesse évangélique. C’est ainsi que différentes branches fleurirent dans l’institution monastique, à l’école de grands Pères du désert comme saint Pacôme en Égypte, saint Basile en Asie Mineure ou d’autres. Pour les uns, l’idéal spirituel érémitique primait, d’autres voyaient dans l’unité collective l’assurance d’une réussite de la majorité des vocations solitaires et la formation des nouveaux venus, d’autres encore concevaient des monastères avec une véritable clôture pour se couper du monde extérieur, etc.

La sagesse des Pères du désert
Pour vivre dans le désert, les Pères ne pouvaient se permettre d’être des illuminés, faute de quoi ils devenaient fous. Si nous manquons de détails historiques sur l’identité de tous ces moines, de nombreuses paroles qu’ils ont prononcées pendant leur vie érémitique nous sont parvenues. Réunies la plupart du temps sous forme d’apophtegmes, c’est-à-dire de recueil de sentences et d’anecdotes, ces paroles nous font entrevoir la sagesse des pères du désert, l’humilité et le bon sens de la plupart de ces hommes qui vivaient dans la solitude et le labeur, la pauvreté et le jeûne, la charité et la prière pour ne former qu’un seul Esprit dans le Christ.
Tous leurs efforts n’avaient qu’un but : atteindre la pureté de coeur, pour voir Dieu. Les récits de ces Pères du désert retracent les combats de ces hommes prêts à tout pour se débarrasser de leurs défauts et faire croître leur amour envers Dieu et leur prochain. C’est l’abbé Ammonas qui pria quatorze ans pour être délivré de la colère, l’abbé Serapion qui vendit son dernier livre, un exemplaire des Évangiles, pour donner l’argent aux pauvres, vendant ainsi « les paroles mêmes qui lui ordonnaient de se séparer de tout pour les pauvres ». Ou encore saint Antoine, dont la vie racontée par saint Athanase suscita de nombreuses vocations.
Pour la majorité, ces apophtegmes concernent la vie au désert de Scété et l’on trouve plus de cent trente représentants de ce monachisme primitif : saint Antoine, Arsène, Agathon, Théodore de Pherme, Jean Kolobos, Isidore, Macaire d’Alexandrie, Moyse, Poemen surtout, Phambon, Hor et beaucoup d’autres. En dépit de quelques bizarreries, l’impression laissée par les apophtegmes est celle d’une spiritualité évangélique toute de renoncement au monde, d’amour pour le Christ et pour Dieu, toute pénétrée d’humilité personnelle, de charité et de bonté foncière pour le prochain, de discernement, de bon sens et de modération. « Je vis tous les filets de l’ennemi déployés sur la terre, et je dis en gémissant : Qui donc passe outre ces pièges ?, disait saint Antoine. Et j’entendis une voix me répondre : l’humilité ».
Les Pères du désert ont expérimenté dans leur corps et leur esprit les tentations et le combat contre le démon. Leurs paroles sont aujourd’hui encore de véritables sources d’enseignement dans la voie de la sainteté et gardent une valeur spirituelle considérable, car la vie chrétienne y apparaît dans toute sa complexité. Par leur exemple, nous comprenons que le silence, extérieur et intérieur, nous aide à approcher Dieu, à le connaître davantage et à l’aimer. Nous pouvons partir nous aussi au désert, le temps d’une retraite…

PAROLES DE SAGES
Pionniers de la spiritualité chrétienne, les Pères du désert sont redécouverts aujourd’hui, grâce à l’actualité de leurs paroles pour notre monde.
• Un frère alla trouver l’abbé Moyse à Scété pour lui demander une bonne parole. Et l’ancien lui dit : « Va, reste dans ta cellule ; elle t’apprendra tout ce que tu dois savoir ».
• L’abbé Macaire disait : « Si, pour corriger autrui, vous vous mettez en colère, vous gratifi ez vos propres passions. Ne vous perdez pas pour sauver autrui ».
• L’abbé Hyperichios disait : « Mieux vaut manger de la viande et boire du vin que dévorer la chair de votre frère en le dénigrant ».
• L’un des anciens disait : « Si un homme se fi xe dans un endroit sans l’améliorer, cet endroit le rejettera comme un être qui n’a pas porté de fruit ».
• Un frère demanda un jour à l’abbé Poemen : « Comment dois-je me comporter là où je vis ? L’Ancien répondit : « Soyez prudent comme si vous étiez étranger : où que vous soyez, ne désirez pas que vos paroles fassent loi, et vous aurez le repos ».
• À un jeune moine qui craignait beaucoup la souffrance, Abba Daniel dit : « Qui a peur de souffrir souffre déjà de sa peur… »

« PRÈS DE MOI SONT LES FRUITS MÛRS DE LA VÉRITÉ » (SAINT JEAN CHRYSOSTOME)

18 juillet, 2013

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« PRÈS DE MOI SONT LES FRUITS MÛRS DE LA VÉRITÉ » (SAINT JEAN CHRYSOSTOME)

C’est notre cadeau de Noël pour nos lecteurs . Ci-dessous, de nombreux extraits d’une homélie EXCEPTIONNELLE rédigée par Saint Jean Chrysostome à l’occasion de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il faut le souligner : les interrogations sur la malice des juifs endurcis, les précisions, et les subtilités théologiques de Saint Jean Chrysostome sont remarquables, c’est une vraie catéchèse. N’ayez pas peur de vous FORMER en prenant le temps nécessaire pour lire et approfondir les mystères de notre foi ; trop de catholiques ont aujourd’hui un réel problème de formation doctrinale qu’il nous faut absolument réparer. Nous vous souhaitons à tous de saintes fêtes de Noël, jour où le Verbe de Dieu est né dans le temps d’une manière exclusivement DIVINE de la Vierge inviolée pour l’amour de nous tous. N’oublions pas dans nos prières les personnes sans familles, les personnes qui se sentent rejetées de tous, mais aussi toutes celles qui souffrent physiquement ou moralement. Pour elles aussi, le message de l’ange est vrai : « Ne craignez point; car je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d’une grande joie : c’est qu’aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur » (Luc 2, 10-11)
 […] Aujourd’hui, celui qui est né du Père d’une manière ineffable est né de la Vierge, pour l’amour de moi, d’une manière inexplicable et merveilleuse. II est né du Père, avant les siècles, conformément aux lois de sa nature et Celui qui l’a engendré le sait ; aujourd’hui, il est né en dehors des lois de la nature et la grâce de l’Esprit-Saint en est témoin. Sa génération céleste est légitime et la génération terrestre ne l’est pas moins; il est vraiment le Dieu engendré de Dieu, il est vraiment homme né d’une vierge. Dans le ciel, il est le seul Fils unique d’un seul; sur la terre, il est le seul Fils unique d’une vierge seule. De même que dans sa génération céleste il serait impie de lui chercher une mère, de même dans sa génération terrestre ce serait un blasphème de lui chercher un père. Le Père a engendré sans écoulement de sa substance et la Vierge a enfanté sans connaître la corruption. Dieu n’a point souffert d’écoulement de sa substance, car il a engendré comme il convenait à un Dieu, et la Vierge n’a point connu la corruption lorsqu’elle enfantait, parce qu’elle a enfanté spirituellement. D’où il suit que sa génération céleste ne peut être expliquée par des paroles humaines et que sa venue dans le temps ne peut être le sujet de nos investigations. Je sais qu’une vierge a enfanté aujourd’hui, et je crois qu’un Dieu a engendré en dehors du temps; mais j’ai appris que le mode de cette génération doit être honoré par le silence et ne peut être l’objet d’une curiosité indiscrète. Car, lorsqu’il s’agit de Dieu, il ne faut pas nous arrêter à la nature des choses, mais croire à la puissance de Celui qui agit. C’est une loi de la nature qu’une femme mette au monde après qu’elle a contracté mariage; mais si une vierge, sans connaître le mariage, enfante et ensuite reste vierge, ceci est au-dessus de la nature. Que l’on scrute ce qui est conforme à la nature, j’y consens; mais on doit honorer par le silence ce qui est au-dessus de la nature, non parce qu’if faut s’éloigner de tels sujets, mais parce qu’ils sont ineffables et dignes d’être célébrés autrement que par des paroles.
 • […] De même que l’artisan qui trouve une matière très-belle et parfaitement disposée en fabrique un vase merveilleux, ainsi le Christ trouvant le corps saint et l’âme de la Vierge se construit un temple animé, il forme dans son sein l’homme tel qu’il l’a résolu, se revêt de cette nature humaine et se manifeste aujourd’hui, n’ayant point rougi de la difformité de notre nature. Ca n’a pas été pour lui un opprobre de se revêtir de son propre ouvrage, et c’était pour son œuvre une gloire éclatante que celle de devenir le vêtement de Celui qui l’avait faite. De même que dans la première formation il était impossible que l’homme existât avant que la terre dont il fut fait vînt entre les mains de son Créateur, ainsi il était impossible que le corps corruptible de l’homme reçût une nouvelle nature avant que Celui qui l’avait faite s’en fût revêtu. […] « Voici que la vierge concevra » (Isaïe, VII, I4.) La synagogue gardait la promesse écrite ; l’Eglise possède l’objet de la promesse. L’une a possédé le livre et l’autre les trésors promis par ce livre ; l’une a su teindre la laine et l’autre a revêtu la robe de pourpre qui en a été tissue. La Judée l’a enfanté; la terre entière l’a reçu. La synagogue l’a nourri et élevé ; l’Eglise le possède et recueille les fruits de sa présence. Celle-là eut le cep de la vigne et près de moi sont les fruits mûrs de la vérité. Celle-là a vendangé les raisins ; mais les nations boivent le breuvage mystique. Celle-là a semé le grain du froment dans la Judée; mais les nations ont moissonné avec la faux la moisson de la foi. Les nations ont recueilli avec piété la rose, tandis que l’épine de l’incrédulité est demeurée parmi les Juifs. Le petit s’est envolé et les insensés restent assis auprès du nid demeuré vide. Les Juifs interprètent la lettre, qui est semblable à la feuille, et les nations recueillent le fruit de l’Esprit.
 • « La Vierge concevra ». Dis-moi donc le reste, ô juif ! dis-moi quel est Celui qu’elle a enfanté ? Aie en moi autant de confiance qu’en Hérode. Mais tu manques de confiance, et je sais pourquoi. Tu ne penses qu’à tendre des embûches. Tu l’as dit à Hérode afin qu’il le mît à mort; tu ne me le dis pas, pour que je ne puisse l’adorer. Quel est donc Celui qu’elle a enfanté ? Quel est-il ? C’est le Maître de la nature. Lorsque tu gardes le silence, la nature crie. Elle a enfanté Celui qui a été mis au monde de la façon qu’il avait choisie pour naître. Ce n’est pas la nature qui avait réglé cet enfantement, mais c’est le Maître de la nature qui introduit ce mode inusité de naissance, afin de montrer, en se faisant homme, qu’il ne naît pas comme un homme, mais comme un Dieu. Il naît aujourd’hui d’une vierge qui triomphe de la nature et qui remporte la victoire sur le mariage. Il convenait au Dispensateur de la sainteté qu’il naquît d’un enfantement pur et saint. Il est Celui qui forma autrefois Adam d’une terre vierge et ensuite tira la femme d’Adam sans le concours d’une mère. De même qu’Adam, sans mère, donna naissance à la femme, ainsi la Vierge enfante aujourd’hui un homme sans le concours de l’homme. Et parce que le sexe de la femme était redevable envers l’homme depuis qu’Adam avait donné naissance à la femme sans le secours d’une femme, aujourd’hui la Vierge paye à l’homme la dette contractée par Eve, puisqu’elle enfante sans le secours de l’homme. Afin qu’Adam ne puisse s’enorgueillir d’avoir produit la femme sans le secours d’une femme, la Vierge engendre un homme sans le secours de l’homme, de telle sorte que l’égalité résulte de la parité des merveilles opérées. Adam perdit une de ses côtes et n’en fut pas amoindri; d’autre part, le Seigneur s’est formé dans le sein de la Vierge un temple animé et il n’a point détruit sa virginité. Adam demeura sain et sauf après l’enlèvement de sa côte; la Vierge n’a point été flétrie après la naissance de son fils. Le Seigneur […] naît d’une vierge et, en naissant, il garde le sein de sa mère immaculé, et cette vierge elle-même sans souillure, afin que les circonstances inusitées d’un pareil enfantement nous inspirent une foi plus grande. Donc, si le Gentil m’interroge ou si le juif m’interroge pour savoir si le Christ, étant Dieu par nature, s’est fait homme en dehors des lois de la nature, je répondrai qu’il en est ainsi, et j’en donnerai pour preuves les marques d’une virginité qui n’a point été violée. Car il n’y a qu’un Dieu qui puisse vaincre l’ordre de la nature, il n’y a que Celui qui a fait le sein de la femme et lui a donné sa virginité qui ait pu préparer pour lui-même ce mode immaculé de sa naissance et se construire, selon son désir, un temple bâti d’une manière ineffable.
 • Dis-moi donc, ô juif, si la Vierge a enfanté ou non ? Si elle a enfanté, reconnais la merveille de cet enfantement. Mais si elle n’a point enfanté, pourquoi as-tu trompé Hérode ? C’est toi-même qui as répondu lorsqu’il demandait où devait naître le Christ : « A Bethléem, dans la terre de Juda » (Matth. II, 5.) Est-ce que je connaissais cette bourgade ou ce lieu ? Est-ce que j’étais informé de la dignité de Celui qui venait de naître ? Est-ce que ce n’est pas Isaïe qui fait mention de lui comme d’un Dieu ? « Elle enfantera un fils », dit-il, « et on l’appellera Emmanuel » (Isaïe, VII, 14.). N’est-ce pas vous, adversaires sans bonne foi, qui nous avez appris la vérité ? N’est-ce pas vous, scribes et pharisiens, observateurs exacts de la loi, qui nous avez instruits de toute cette affaire ? (Matth. I, 23.) Est-ce que nous connaissions la langue hébraïque ? Est-ce que vous n’avez pas été vous-mêmes les interprètes des Ecritures ? Après que la Vierge eut enfanté, avant qu’elle enfantât, n’est-ce pas vous qui, interrogés par Hérode, afin qu’il fût clair que ce passage n’est pas interprété avec partialité, avez apporté en témoignage le prophète Michée, à l’appui de votre discours ? « Et toi », dit-il, « Béthléem, maison de paix, tu n’es pas la dernière entre les principales villes de Juda; car c’est de toi que sortira le chef qui gouvernera mon peuple d’Israël » (Mich. V, 2; Matth. 2, 6.) Le prophète a dit avec raison : « De toi », car c’est de vous qu’il est sorti pour être donné au monde. Celui qui est se manifeste, mais celui qui n’est pas est créé ou formé. Mais lui, il était; il était auparavant; il était toujours. Il était de toute éternité comme Dieu, gouvernant le monde. Aujourd’hui, il se manifeste comme homme afin de gouverner son peuple, mais comme Dieu il sauve toute la terre. O ennemis utiles ! O accusateurs bienveillants ! Vous dont l’imprudence a révélé le Dieu né dans Béthléem, vous qui avez fait connaître le Seigneur caché dans la crèche, vous qui sans le vouloir avez montré la retraite dans laquelle il repose, vous qui devenus nos bienfaiteurs contre votre gré avez découvert ce que vous vouliez laisser dans l’ombre ! Voyez-vous ces maîtres inhabiles ? Ce qu’ils enseignent, ils l’ignorent: ils meurent de faim et ils nous nourrissent; ils ont soif et ils nous désaltèrent; ils sont dans l’indigence et ils nous enrichissent.
  • Venez donc et célébrons cette fête; venez et que ce soit pour nous un jour de solennité. Que la manière de célébrer cette fête soit extraordinaire, puisque le récit de cette naissance est extraordinaire.  Aujourd’hui, le lien antique est brisé, le diable est couvert de confusion, les démons se sont enfuis, la mort est détruite, le paradis est ouvert, la malédiction est effacée, le péché a été banni, l’erreur a été vaincue, la vérité est revenue, et la parole de la piété est répandue et propagée en tous lieux. La vie du ciel est implantée sur la terre, les anges communiquent avec les hommes, les hommes ne craignent point de s’entretenir avec les anges. Et pourquoi ? Parce qu’un Dieu est venu sur la terre et l’homme dans le ciel, et qu’ainsi tout a été uni et mêlé. Il est venu sur la terre, lui qui est tout entier dans le ciel, et, étant tout entier dans le ciel, il est tout entier sur la terre. Etant Dieu, il s’est fait homme, sans renoncer à sa divinité. Etant le Verbe, non sujet au changement, il s’est fait chair : il s’est fait chair afin d’habiter parmi nous. Il n’est point devenu Dieu, mais il était Dieu. Mais il s’est fait chair, afin qu’une crèche pût recevoir Celui que le ciel ne pouvait contenir. Il est donc posé dans la crèche, afin que Celui qui nourrit toute créature reçoive d’une vierge mère la nourriture qui convient à un petit enfant. De la sorte, le Père des siècles à venir devient un enfant à la mamelle et repose sur les bras d’une vierge, afin d’offrir aux mages un accès plus facile. Car aujourd’hui les mages arrivent et donnent l’exemple de ne point obéir au tyran : le ciel se réjouit et indique le lieu où repose son Seigneur, et ce Seigneur porté sur le nuage léger du corps qu’il a choisi s’avance rapidement vers le pays d’Egypte. En apparence, il fuit les embûches d’Hérode ; dans la réalité, il accomplit ce qui avait été dit par le prophète Isaïe : « En ce jour-là », dit-il, « Israël sera le troisième, après l’Assyrien; parmi les Egyptiens sera mon peuple béni sur la terre que bénit le Seigneur Dieu des armées en disant : Béni sera mon peuple en Egypte, en Assyrie, et en Israël ! » (Isaïe, XIX, 24.)
 • Que diras-tu, ô juif, toi, le premier, qui deviens le troisième ? Les Egyptiens et les Assyriens sont mis avant toi, et Israël, le premier-né, est compté ensuite. Il en est ainsi à bon droit. Les Assyriens viendront d’abord, puisque les premiers, ils ont adoré en la personne des mages. Les Egyptiens après les Assyriens, parce qu’ils l’ont reçu fuyant les embûches d’Hérode. Israël sera compté le dernier parce qu’après la sortie du Jourdain, il l’a reconnu par la personne des apôtres. Il est entré en Egypte renversant les idoles de l’Egypte faites de la main de l’homme, après avoir fait mourir les premiers-nés des Egyptiens. (Isaïe, XIX, 1.) C’est pourquoi aujourd’hui il se présente en qualité de premier-né, afin de faire disparaître un deuil ancien. Qu’il soit appelé premier-né, c’est ce qu’atteste Luc l’évangéliste, en disant : « Et elle mit au monde son premier-né, et elle l’enveloppa de langes, et elle le plaça dans la crèche parce qu’il n’y avait point de place pour eux dans l’hôtellerie. » (Luc, II, 7.) Il entre en Egypte pour mettre fin au deuil antique, apportant la joie et non des plaies nouvelles, et au lieu de la nuit et des ténèbres la lumière du salut. Jadis, l’eau du fleuve avait été souillée par la mort des enfants enlevés avant l’âge. Maintenant, celui-là même entre en Egypte qui, autrefois, avait rougi ces ondes; il donne à l’eau du fleuve la vertu d’engendrer le salut, purifiant par la puissance de l’Esprit tout ce qu’il y avait en elle d’impur et de souillé. Les Egyptiens, frappés de diverses plaies et se laissant aller à leur fureur, avaient méconnu Dieu. Il entre en Egypte et remplit de la connaissance de Dieu les âmes religieuses qui sont dans cette contrée, en sorte que la terre arrosée par le Nil aurait bientôt plus de martyrs que d’épis.
  • A cause de la brièveté du temps, je terminerai ici mon discours. Je terminerai lorsque j’aurai dit comment le Verbe, qui est immuable, est devenu chair, sans changement de sa nature. Mais que dirai-je ou comment parlerai-je ? Je vois un artisan, une crèche, un enfant, des langes, enfant né de la Vierge privé des choses nécessaires, de toutes parts la pauvreté, de toutes parts l’indigence. Avez-vous vu le riche dans une pauvreté profonde ? Comment étant riche est-il devenu pauvre à cause de nous ? Comment n’a-t-il point un lit, point de molle toison, mais la crèche toute nue sur laquelle il est jeté ? O pauvreté, source de richesses ! 0 richesses sans mesure, qui n’avez que l’apparence de la pauvreté ! Il repose dans la crèche et il ébranle le monde entier. Il est enveloppé dans les liens de ses langes et il brise les liens du péché. Il n’a pas encore fait entendre sa voix et il a instruit les mages et il les a disposés à la conversion. Que dirai-je donc ou comment parlerai-je ? Voici l’enfant enveloppé de ses langes et couché dans la crèche ; Marie, vierge et mère est près de lui ; près de lui est Joseph, regardé comme son père. Celui-ci est appelé le mari, celle-là est saluée du nom de femme ; mais ces noms légitimes sont dépouillés de toute leur signification habituelle, ils doivent être compris comme une simple appellation, mais une appellation qui ne va point jusqu’à la nature des choses. Joseph est l’époux de Marie, mais l’Esprit-Saint l’a couverte de son ombre. Et c’est pour cela que Joseph hésite et ne sait quel nom donner à l’enfant. Il n’osait pas dire qu’il fût le fruit de l’adultère et ne pouvait proférer ce blasphème contre la Vierge, mais il ne pouvait pas dire qu’il fût son propre fils, car il savait qu’il ignorait comment et d’où l’enfant tirait son origine. C’est pour cela que, tandis qu’il doute, un oracle du ciel lui est apporté par la voix de l’ange : « Ne crains pas Joseph, car ce qui est né d’elle est de l’Esprit-Saint. » (Matth. I, 20.).
• L’Esprit-Saint a couvert la Vierge de son ombre. Pourquoi donc est-il né de la Vierge, en conservant sa virginité immaculée ? Afin que, si jadis Satan trompa Eve encore vierge, Gabriel, à son tour, vint apporter un heureux message à Marie, elle-même vierge. Mais Eve trompée enfanta une parole qui introduisit la mort dans le monde, tandis que Marie, recevant un heureux message, enfanta dans la chair le Verbe qui nous donne la vie éternelle. La parole d’Eve indiqua le bois par lequel Adam fut chassé du paradis; le Verbe sorti de la Vierge montre la croix par laquelle il introduit le larron à la place d’Adam dans le paradis. Car comme les gentils, les juifs et les hérétiques ne voulaient pas croire que Dieu engendre sans écoulement de sa substance, en demeurant immuable, c’est pourquoi aujourd’hui, sorti d’un corps sujet au changement, il a conservé, dans son intégrité, ce corps sujet au changement, pour nous faire comprendre que, de même qu’il est né d’une vierge sans briser sa virginité, ainsi Dieu, sans changement ni écoulement de sa substance sainte, comme Dieu, a engendré un Dieu, ainsi qu’il convenait à un Dieu. Et, parce que les hommes, ayant abandonné Dieu, se sont fait des statues de forme humaine auxquelles ils portaient leur culte, au mépris du Créateur; à cause de cela, aujourd’hui, le Verbe de Dieu, étant Dieu, apparaît sous la forme de l’homme, afin de détruire le mensonge et de transporter vers lui-même tout culte. A lui donc qui rétablit de la sorte toutes choses dans une voie meilleure, à Celui qui est le Christ Notre-Seigneur, gloire et honneur, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.