Archive pour le 8 juillet, 2013
LA GRÂCE DANS LE JUDAÏSME : APRÈS ‘HEN, ‘HESED, L’AMOUR GRACIEUX
8 juillet, 2013LA GRÂCE DANS LE JUDAÏSME : APRÈS ‘HEN, ‘HESED, L’AMOUR GRACIEUX
02 JUILLET 2013
‘hesed : un mot d’amour qui, comme ‘hen, peut parfois être traduit par « grâce ». C’est l’un des treize attributs dits de « miséricorde », et dans la Cabale c’est l’une des Séphirot, la première à ne plus être associée directement à la connaissance pour être associée à l’action. D’ailleurs très souvent dans la Bible on dit : « Fais-nous la grâce » : « asinou ‘hesed » (Samuel et Juges). C’est cet amour qui préside dit-on au premier jour de la Création, à l’impulsion initiale. C’est aussi l’amour de la paix comme plénitude, dans les Psaumes (62,13) où il eset associé à « techalem ». Rabbi Simlai dans le Talmud dit que la Torah commence et finit par le ‘hesed, et effectivement, dans le dernier des Proverbes dit de la « femme vaillante », que nous récitons chaque Chabbat, il est question d’une « torat ‘hesed », un enseignement d’amour gracieux.
Très souvent dans la Bible ‘hesed est associé à ce que Dieu est en tant que vérité, « émet » : l’expression est « ‘hesed véémet » (surtout dans les Psaumes, mais aussi en Josué 2, 14). Cela va avec l’idée que la vérité est favorable à l’homme. La vérité n’est pas dure à entendre, dans sa perfection divine : elle fait du bien à l’âme car elle ne ressemble pas à la médisance, au souci de se faire valoir aux dépens des autres. Elle a un côté imprévisible, comme la grâce, en ce que, comme elle, elle est inconditionnelle, même si, comme on le voit parfois dans la Bible, et dans l’enseignement des sages, faire preuve de ‘hesed avec autrui peut entraîner le ‘hesed divin à notre égard (Chroniques 1, 19,2).
Une autre interprétation de l’association ‘hesed véémet se dégage du commentaire de Rachi sur Genèse 47,29 : Jacob implore Joseph de ne pas l’enterrer en Egypte : il lui demande de « faire » « ‘hesed véémet » : il y a là un modèle d’amour gracieux : celui envers les morts, qui n’attend évidemment rien en retour puisqu’ils sont morts. Il y a donc un véritable amour gracieux, un amour désintéressé « béémet », « en vérité », voilà ce qu’est ce ‘hesed qui préside à la création, ce qui n’empêche pas la volonté divine de faire une création sage (‘hokhma) et savante (bina). Cet amour n’est pas inconciliable avec la justice : le Psaume 101,1 dit par exemple : « ‘hesed oumichpat », « amour gracieux et justice du juge ». Jonas, lui, croit que Dieu a trop voulu faire passer le ‘hesed avant l’exécution du jugement prophétique. En réalité, les deux vont ensemble, la prophétie est aussi un acte de ‘hesed.
On connaît la phrase centrale de Michée 6,8 : « On t’a raconté, Adam, ce qui est bien et ce que l’Eternel recherche de ta part : que tu fasses la justice (michpat), et l’amour de la grâce(ahavat ‘hesed), et que tu marches humblement avec ton Dieu. » ‘hesed est au centre, et l’homme doit « faire » l’amour de cette attitude gracieuse en même temps qu’il « fait » la justice.
‘hesed est une vertu associée à Abraham, le premier des patriarches, qui se mit en route le premier par amour pour Dieu.
BENOÎT XVI: LES ÉPOUX PRISCILLE ET AQUILAS (8 juillet)
8 juillet, 2013BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 7 février 2007
LES ÉPOUX PRISCILLE ET AQUILAS (8 juillet)
Chers frères et soeurs,
En faisant un nouveau pas dans cette sorte de galerie de portraits des premiers témoins de la foi chrétienne, que nous avons commencée il y a quelques semaines, nous prenons aujourd’hui en considération un couple d’époux. Il s’agit des conjoints Priscille et Aquilas, qui se trouvent dans le groupe des nombreux collaborateurs qui ont entouré l’apôtre Paul, que j’avais déjà brièvement mentionnés mercredi dernier. Sur la base des informations en notre possession, ce couple d’époux joua un rôle très actif au temps des origines post-pascales de l’Eglise.
Les noms d’Aquilas et de Priscille sont latins, mais l’homme et la femme qui les portent étaient d’origine juive. Cependant, au moins Aquilas provenait géographiquement de la diaspora de l’Anatolie septentrionale, qui s’ouvre sur la Mer Noire – dans la Turquie actuelle -, alors que Priscille, dont le nom se trouve parfois abrégé en Prisca, était probablement une juive provenant de Rome (cf. Ac 18, 2). C’est en tout cas de Rome qu’ils étaient parvenus à Corinthe, où Paul les rencontra au début des années 50; c’est là qu’il s’associa à eux car, comme nous le raconte Luc, ils exerçaient le même métier de fabricants de toiles ou de tentes pour un usage domestique, et il fut même accueilli dans leur maison (cf. Ac 18, 3). Le motif de leur venue à Corinthe avait été la décision de l’empereur Claude de chasser de Rome les Juifs résidant dans l’Urbs. L’historien Romain Suétone nous dit, à propos de cet événement, qu’il avait expulsé les Juifs car « ils provoquaient des tumultes en raison d’un certain Crestus » (cf. « Les vies des douze Césars, Claude », 25). On voit qu’il ne connaissait pas bien le nom – au lieu du Christ, il écrit « Crestus » – et qu’il n’avait qu’une idée très confuse de ce qui s’était passé. Quoi qu’il en soit, des discordes régnaient à l’intérieur de la communauté juive autour de la question de savoir si Jésus était ou non le Christ. Et ces problèmes constituaient pour l’empereur un motif pour expulser simplement tous les juifs de Rome. On en déduit que les deux époux avait déjà embrassé la foi chrétienne à Rome dans les années 40, et qu’ils avaient à présent trouvé en Paul quelqu’un non seulement qui partageait cette foi avec eux – que Jésus est le Christ – mais qui était également un apôtre, appelé personnellement par le Seigneur Ressuscité. La première rencontre a donc lieu à Corinthe, où ils l’accueillent dans leur maison et travaillent ensemble à la fabrication de tentes.
Dans un deuxième temps, ils se rendirent en Asie mineure, à Ephèse. Ils jouèrent là un rôle déterminant pour compléter la formation chrétienne du juif alexandrin Apollos, dont nous avons parlé mercredi dernier. Comme il ne connaissait que de façon sommaire la foi chrétienne, « Priscille et Aquilas l’entendirent, ils le prirent à part et lui exposèrent avec plus d’exactitude la Voie de Dieu » (Ac 18, 26). Quand, à Ephèse, l’Apôtre Paul écrit sa Première Lettre aux Corinthiens, il envoie aussi explicitement avec ses propres salutations celles d’ »Aquilas et Prisca [qui] vous saluent bien dans le Seigneur, avec l’Eglise qui se rassemble chez eux » (16, 19). Nous apprenons ainsi le rôle très important que ce couple joua dans le milieu de l’Eglise primitive: accueillir dans leur maison le groupe des chrétiens locaux, lorsque ceux-ci se rassemblaient pour écouter la Parole de Dieu et pour célébrer l’Eucharistie. C’est précisément ce type de rassemblement qui est appelé en grec « ekklesìa » – le mot latin est « ecclesia », le mot français « église » – qui signifie convocation, assemblée, regroupement. Dans la maison d’Aquilas et de Priscille, se réunit donc l’Eglise, la convocation du Christ, qui célèbre là les saints Mystères. Et ainsi, nous pouvons précisément voir la naissance de la réalité de l’Eglise dans les maisons des croyants. Les chrétiens, en effet, jusque vers le III siècle, ne possédaient pas leurs propres lieux de culte: dans un premier temps, ce furent les synagogues juives, jusqu’à ce que la symbiose originelle entre l’Ancien et le Nouveau Testament ne se défasse et que l’Eglise des Gentils ne soit obligée de trouver sa propre identité, toujours profondément enracinée dans l’Ancien Testament. Ensuite, après cette « rupture », les chrétiens se réunissent dans les maisons, qui deviennent ainsi « Eglise ». Et enfin, au III siècle, naissent de véritables édifices de culte chrétien. Mais ici, dans la première moitié du I et du II siècle, les maisons des chrétiens deviennent véritablement et à proprement parler des « églises ». Comme je l’ai dit, on y lit ensemble les Saintes Ecritures et l’on célèbre l’Eucharistie. C’est ce qui se passait, par exemple, à Corinthe, où Paul mentionne un certain « Gaïus vous salue, lui qui m’a ouvert sa maison, à moi et à toute l’Eglise » (Rm 16, 23), ou à Laodicée, où la communauté se rassemblait dans la maison d’une certaine Nympha (cf. Col 4, 15), ou à Colosse, où le rassemblement avait lieu dans la maison d’un certain Archippe (cf. Phm 1, 2).
De retour à Rome, Aquilas et Priscille continuèrent à accomplir cette très précieuse fonction également dans la capitale de l’Empire. En effet, Paul, écrivant aux Romains, envoie précisément ce salut: « Saluez Prisca et Aquilas, mes coopérateurs dans le Christ Jésus; pour me sauver la vie ils ont risqué leur tête, et je ne suis pas seul à leur devoir de la gratitude: c’est le cas de toutes les Eglises de la gentilité; saluez aussi l’Eglise qui se réunit chez eux » (Rm 16, 3-5). Quel extraordinaire éloge des deux conjoints dans ces paroles! Et c’est l’apôtre Paul lui-même qui le fait. Il reconnaît explicitement en eux deux véritables et importants collaborateurs de son apostolat. La référence au fait d’avoir risqué la vie pour lui est probablement liée à des interventions en sa faveur au cours d’un de ses emprisonnements, peut-être à Ephèse même (cf. Ac 19, 23; 1 Co 15, 32; 2 Co 1, 8-9). Et le fait qu’à sa gratitude, Paul associe même celle de toutes les Eglises des gentils, tout en considérant peut-être l’expression quelque peu excessive, laisse entrevoir combien leur rayon d’action a été vaste, ainsi, en tous cas que leur influence en faveur de l’Evangile.
La tradition hagiographique postérieure a conféré une importance particulière à Priscille, même s’il reste le problème de son identification avec une autre Priscille martyre. Dans tous les cas, ici, à Rome, nous avons aussi bien une église consacrée à Sainte Prisca sur l’Aventin que les catacombes de Priscille sur la Via Salaria. De cette façon se perpétue la mémoire d’une femme, qui a été certainement une personne active et d’une grande valeur dans l’histoire du christianisme romain. Une chose est certaine: à la gratitude de ces premières Eglises, dont parle saint Paul, doit s’unir la nôtre, car c’est grâce à la foi et à l’engagement apostolique de fidèles laïcs, de familles, d’époux comme Priscille et Aquilas, que le christianisme est parvenu à notre génération. Il ne pouvait pas croître uniquement grâce aux Apôtres qui l’annonçaient. Pour s’enraciner dans la terre du peuple, pour se développer de façon vivante, était nécessaire l’engagement de ces familles, de ces époux, de ces communautés chrétiennes, et de fidèles laïcs qui ont offert l’ »humus » à la croissance de la foi. Et c’est toujours et seulement ainsi que croît l’Eglise. En particulier, ce couple démontre combien l’action des époux chrétiens est importante. Lors-qu’ils sont soutenus par la foi et par une forte spiritualité, leur engagement courageux pour l’Eglise et dans l’Eglise devient naturel. Leur vie commune quotidienne se prolonge et en quelque sorte s’élève en assumant une responsabilité commune en faveur du Corps mystique du Christ, ne fût-ce qu’une petite partie de celui-ci. Il en était ainsi dans la première génération et il en sera souvent ainsi.
Nous pouvons tirer une autre leçon importante de leur exemple: chaque maison peut se transformer en une petite Eglise. Non seulement dans le sens où dans celle-ci doit régner le typique amour chrétien fait d’altruisme et d’attention réciproque, mais plus encore dans le sens où toute la vie familiale sur la base de la foi, est appelée à tourner autour de l’unique domination de Jésus Christ. Ce n’est pas par hasard que dans la Lettre aux Ephésiens, Paul compare la relation matrimoniale à la communion sponsale qui existe entre le Christ et l’Eglise (cf. Eph 5, 25-33). Nous pourrions même considérer que l’Apôtre façonne indirectement la vie de l’Eglise tout entière sur celle de la famille. Et en réalité, l’Eglise est la famille de Dieu. Nous honorons donc Aquilas et Priscille comme modèles d’une vie conjugale engagée de façon responsable au service de toute la communauté chrétienne. Et nous trouvons en eux le modèle de l’Eglise, famille de Dieu pour tous les temps.
A LAMPÉDOUSE, LE PAPE PLEURE, PRIE, RÉVEILLE LES CONSCIENCES
8 juillet, 2013http://www.zenit.org/fr/articles/a-lampedouse-le-pape-pleure-prie-reveille-les-consciences
A LAMPÉDOUSE, LE PAPE PLEURE, PRIE, RÉVEILLE LES CONSCIENCES
MONDIALISATION DE L’INDIFFÉRENCE, ANESTHÉSIE DU COEUR
Rome, 8 juillet 2013 (Zenit.org) Anita Bourdin | 192 clics
Le pape François en visite sur l’île de Lampédouse où échouent et débarquent, ou font naufrage des milliers d’immigrés partis des rivages d’Afrique, a dénoncé ce qu’il appelle la « mondialisation de l’indifférence » et « l’anesthésie du coeur ».
Le pape a en effet prononcé l’homélie en direct en Eurovision (RAI et CTV), ce lundi matin, 8 juillet à 10h, après avoir déposé en mer une couronne de fleurs jaunes et blanches – les couleurs du Vatican – en mémoire de naufragés. Il a ensuite rencontré personnellement des rescapés de la traversée, sur le port.
La couleur liturgique était le violet, en signe de pénitence, et le pape a célébré, dans un calice revêtu du bois taillé dans une de ces embarcations précaires, de même que son bâton pastoral.
Le pape a dit être venu pour « prier » et pour « réveiller les consciences. » Il a salué la solidarité des habitants de l’île et souhaité un bon ramadan aux musulmans présents, avant de lancer la salutation amicale locale: « O’scià » (prononcer « hocha », « mon souffle », « ma respiration »). Il a posé cette question: « Qui a pleuré? » sur ces personens qui ont péri en mer? Et il a insisté sur la compassion active: « Qui a pleuré aujourd’hui dans le monde?
Homélie du pape François
Immigrés morts en mer, sur ces bateaux qui au lieu d’être un chemin d’espérance ont été une chemin de mort. C’est ce que disait un titre de journal. Quand, il y a quelques semaines j’ai appris cette nouvelle, qui hélas s’est tant de fois répétée, la pensée m’est revenue continuellement comme une épine dans le coeur qui fait souffrir. Et alors j’ai senti alors que je devais venir ici aujourd’hui pour prier [le pape ému, a été interrompu par les applaudissements], pour accomplir un geste de proximité, mais aussi réveiller nos consciences afin que ce qui est arrivé ne se répète pas, ne se répète pas, s’il vous plaît!
Mais auparavant, je voudrais dire quelques mots de gratitude sincère et d’encouragement à vous, les habitants de Lampédouse et de Linose [applaudissements], aux associations, aux bénévoles, aux forces de sécurité, qui avez montré et qui montrez votre attention pour les personnes en voyage vers quelque chose de meilleur. Vous êtes une petite réalité, mais vous offrez un exemple de solidarité! Merci [applaudissements, cri: Viva il Papa! Viva!]. Merci aussi à l’archevêque, Mgr Francesco Montenegro pour son aide, son travail et sa proximité pastorale. Je salue cordialement le maire, Mme Giuseppina Nicolini: merci beaucoup pour ce que vous avez fait et ce que vous faites [applaudissements].
J’adresse une pensée aux chers immigrés musulmans qui vont commencer aujourd’hui, ce soir, le jeûne du Ramadan, avec mes voeux d’abondants fruits spirituels. L’Eglise est proche de vous dans votre recherche d’une vie digne pour vous et vos familles, à vous « O’ Scià » [salutation locale amicale, applaudissements].
Ce matin, à la lumière de la Parole de Dieu que nous avons écoutée, je voudrais vous proposer des paroles qui provoquent surtout la conscience de tous, poussent à réfléchir et à changer concrètement certains comportements.
« Adam, où es-tu? »: c’est la première question que Dieu adresse à l’homme après le péché. « Où es-tu? » C’est un nommé désorienté qui a perdu sa place dans la création parce qu’il croit devenir puissant, de pouvoir tout dominer, d’être Dieu. Et l’harmonie se rompt, l’homme se trompe et cela se répète aussi dans la relation avec l’autre qui n’est plus le frère à aimer, mais simplement l’autre qui dérange ma vie, mon bien-être. Et Dieu pose la seconde question: « Caïn, où est-ton frère? » Le rêve d’être puissant, d’être grand comme Dieu, et même d’être Dieu, conduit à une chaîne d’erreurs qui est une chaîne de mort: il conduit à verser le sang du frère!
Ces deux questions de Dieu résonnent aussi aujourd’hui, avec toute leur force! Tant parmi nous, je m »inclus moi-même, nous sommes désorientés, nous ne somme plus attentifs au monde dans lequel nous vivons, nous ne prenons pas soin de ce que Dieu a créé pour tous, nous ne le gardons pas, et nous ne sommes plus capables non plus de nous garder les uns les autres. Et quand cette désorientation assume les dimensions du monde, on ne arrive à des tragédies comme celle à laquelle nous avons assisté.
« Où est-ton frère? », la voix de son sang crie jusqu’à moi, dit Dieu Ce n’est pas une question qui s’adresse aux autres, c’est une question adressée à moi, à toi, à chacun de nous. Ces frères et soeurs qui sont nôtres, cherchaient à sortir de situations difficiles pour trouver un peu de sérénité et de paix; ils cherchaient un endroit meilleur pour eux et pour leurs familles, mais ils ont trouvé la mort. Combien de fois ceux qui cherchent cela ne trouvent ni compréhension, ni accueil, ni solidarité! Et leurs voix montent jusqu’à Dieu!
Et encore une fois je vous remercie, vous, les habitants de Lampédouse pour votre solidarité. J’ai entendu parler récemment de l’un de ces frères. Avant d’arriver ici, ils sont passés par les mains des trafiquants, ceux qui exploitenet la pauvreté des autres, ces personnes pour lesquelles la pauvreté des autres est une source de profit. Combien ils ont souffert! Et certains n’ont pas réussi à arriver.
« Où est-ton frère? » Qui est le responsable de ce sang? Dans la littérature espagnole, il y a une comédie de Lope de Vega qui raconte comment les habitants de la ville de Fuente Ovejuna tuent le gouverneur parce qu’il était un tyran, et ils le font de façon à ce que l’on ne sache pas qui a accompli l’exécution. Et lorsque le juge du roi demande: « Qui a tué le gouverneur? », tous répondent: « Fuente Ovejuna, Monsieur ». Tous et personne! Cette question jaillit avec force aujourd’hui encore: qui est le responsable du sang de ces frères et soeurs? Personne! Nous répondons tous ainsi: ce n’est pas moi, je n’ai rien à voir, ce sera quelqu’un d’autre, certainement pas moi. Mais Dieu demande à chacun de nous: « Où est le sang de ton frère qui crie jusqu’à moi? » Aujourd’hui, personne ne se sent responsable de cela; nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle; nous sommes tombés dans l’attitude hypocrite du prêtre et du serviteur de l’autel dont Jésus parle dans la parabole du Bon Samaritain: nous regardons le frère à moitié mort au bord de la route; nous pensons peut-être « le pauvre petit », et nous continuons notre route, ce n’est pas notre affaire; et cela nous tranquillise, et nous nous sentons en règle. La culture du bien-être, qui nous conduit à penser à nous, nous rend insensibles au cri des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon, qui sont belles, mais ne sont rien: elles sont l’illusion de la futilité, du provisoire, qui conduit à l’indifférence pour les autres, et même conduit à la mondialisation de l’indifférence. Dans ce monde de la mondialisation, nous sommes tombés dans la mondialisation de l’indifférence. Nous nous sommes habitués à la souffrance de l’autre, elle ne nous regarde pas, ne nous intéresse pas, ce n’est pas notre affaire!
La figure de l’Innommé de Manzoni revient. La mondialisation de l’indifférence nous rend tous « innommés », responsables dans nom, sans visage.
« Adam, où es-tu? », « Où est-ton frère? »: ce sont les deux questions que Dieu pose au début de l’histoire de l’humanité et qu’il adresse aussi à tous les hommes de notre temps, à nous aussi. Mais je voudrais que nous nous posions une troisième question: « Qui d’entre nous a pleuré pour ce fait et pour des faits comme ceux-ci? », pour la mort de ces frères et soeurs? Qui a pleuré pour ces personnes qui étaient sur le bateau? Pour les jeunes mamans qui portaient leurs enfants? Pour ces hommes qui désiraient quelque chose pour nourrir leurs familles? Nous sommes dans une société qui a publié l’expérience de pleurer, de « souffrir avec »: la mondialisation de l’indifférence!
Dans l’Evangile, nous avons écouté le cri, les pleurs, la grande lamentation: « Rachel pleure ses enfants … parce qu’ils ne sont plus ». Hérode a semé la mort pour défendre son bien-être, sa bulle de savon. Et cela continue de se répéter… Demandons au Seigneur qu’il efface ce qu’il est resté d’Hérode aussi dans notre coeur. Demandons au Seigneur la grâce de pleure sur notre indifférence, de pleurer sur la cruauté qu’il y a dans le monde, en nous, également chez ceux qui dans l’anonymat, prennent des décisions sociales et économiques qui ouvrent la voie à des drames comme celui-là. « Qui a pleuré? » Qui a pleuré aujourd’hui dans le monde?
Seigneur, dans cette liturgie qui est une liturgie de pénitence, demandons pardon pour l’indifférence envers tant de frères et soeurs, nous te demandons pardon, Père, pour qui s’en est accommodé et qui s’est fermé dans son propre bien-être, qui conduit à l’anesthésie du coeur; nous te demandons pardon pour ceux qui, par leurs décisions, au nouveau mondial, ont créé des situations qui conduisent à ces drames. Pardon, Seigneur!
Seigneur, fais que nous entendions aujourd’hui tes questions: « Adam, où es-tu? », « Où est le sang de ton frère? ».
Traduction de Zenit, Anita Bourdin