HOMÉLIE 14E DIMANCHE ORDINAIRE C
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HOMÉLIE 14E DIMANCHE ORDINAIRE C
Is 66, 10, 14c ; Ga 6, 14-18 ; Lc 10, 1-12, 17-20
Commençons par une devinette. Qui a dit, en s’adressant à des gens qu’il considérait comme mécréants : « Si vous n’accueillez pas le prophète et son message, un feu tombera du ciel pour vous détruire ». Et bien, ce n’est pas Ben Laden. La réponse nous a été donnée le week-end dernier dans l’évangile de Luc. Il s’agit des apôtres Jacques et Jean que Jésus avait d’ailleurs surnommés les fils du tonnerre (Mc 3, 17). C’était bien trouvé. La preuve, c’est qu’ils voulaient utiliser la peur et la violence pour évangéliser les Samaritains, leurs frères ennemis. Mais pourquoi ? Parce qu’ils se croyaient les exécutants impitoyables d’un Dieu autoritaire. Ils réagissaient comme des fanatiques. La réponse de Jésus ne s’est pas fait attendre : « Il se retourna et les interpella vivement ».
Aujourd’hui, Luc nous montre comment Jésus s’y prenait pour que ses disciples puissent annoncer la Bonne Nouvelle : Les objectifs à atteindre, les méthodes et les moyens à utiliser, les risques à courir.
Premièrement, Jésus désigne lui-même les volontaires. Il y a évidemment les Douze, le noyau de base, les premiers et proches collaborateurs. Mais il choisit encore 72 personnes, nous dirions aujourd’hui des laïcs, parmi ceux et celles qui ont déjà accueilli son message et qui lui font confiance. Ils sont aussi envoyés pour venir au secours des diverses détresses humaines. Ce qu’on appellera le pouvoir de guérir. Mais, pourquoi 72 ? C’est un nombre symbolique. Dans la Bible, il correspond au nombre des nations païennes. Ou encore celui de tous les peuples. Un peu comme nous utilisons 36 pour exprimer un nombre indéterminé. Il y en a 36 sortes ! J’ai vu 36 chandelles ! Et, remarquez que 36, c’est la moitié de 72. En termes ecclésiastiques, nous dirions aujourd’hui qu’il n’y a pas que les évêques, les prêtres, les consacré(e)s, les spécialistes, qui sont envoyés pour annoncer la venue du Seigneur, préparer le chemin et témoigner par leur comportement de la proximité du Royaume de Dieu. Chacun, en effet, peut être témoin actif de miséricorde, de pardon et de paix.
Deuxième constat : Il faut prier. Non pas réciter des prières, mais cultiver le contact, l’intimité et l’amitié avec le Seigneur. Non seulement le disciple doit agir en fonction des dons qu’il a reçus, mais comme dit saint Paul : « Celui qui plante n’est rien. Celui qui arrose n’est rien : Dieu seul compte. C’est lui qui fait croître ». Dès lors, les disciples n’ont pas à tirer vanité de leur réussite, ni à se lamenter de leurs échecs.
Autre précision : La Bonne Nouvelle de l’évangile peut être rejetée, et les envoyés mal accueillis. Les disciples n’ont pas pour autant mission de forcer, ni d’imposer, ni d’embrigader . Le message de l’Evangile, la foi au Christ sont présentés et offerts à la liberté de chacun. Pas question donc pour le messager ou le témoin d’être obsédé par le rendement, ni la hantise d’échouer, ou de voir plafonner ou baisser les statistiques. En aucun cas, l’évangélisation ne peut s’exercer par des pressions, des chantages ou des menaces… Mais, bien sûr, cela s’est déjà vu. Quant à l’équipement essentiel et indispensable pour les disciples, c’est la foi et la confiance en Jésus qui nous envoie. La mission ne peut donc pas dépendre des armes du prestige, de la puissance ou de la richesse. D’autre part, le témoin ne se laissera pas déstabiliser par l’échec, la déception ou l’angoisse. Ce qui ne l’empêchera pas pour autant de faire un examen de conscience sur la manière dont il s’y est pris, mais sans dramatiser. Les messagers de paix n’ont pas nécessairement la cote.
Voyons maintenant les consignes données aux évangélisateurs. Tout d’abord, il ne suffit pas de présenter des vérités à croire et des lois à observer. Des rites, des pratiques ou des coutumes à respecter. La priorité et l’urgence c’est d’apporter la paix, de la rayonner, de l’établir. Comment ? Par un type de relation qui ne soit pas conditionné par la jalousie, le racisme, l’orgueil, l’intérêt, mais bien par le respect, le pardon, le souci de justice. Un programme qui est accessible à tous.
L’urgence ne se situe donc pas au niveau de la doctrine, des rites et dévotions. Comme l’écrit saint Paul aux Galates, « ce qui importe, ce n’est ni la circoncision ni l’incirconcision, mais la nouvelle création ». Dans le même esprit, Jésus précise : Si vous êtes accueilli dans une maison, ne faites pas la fine bouche sous prétexte de piété. Ne vous singularisez pas, mais mangez et buvez ce que l’on vous servira. Ce qui, pour l’époque était révolutionnaire. Ses disciples, en effet, mangent casher et ils risquent d’être invités chez des Samaritains, par exemple, et même des païens. Ce qui veut dire : tenez compte des diversités culturelles. Ne confondez pas rites et coutumes avec la foi qu’ils aident à exprimer. Il n’y a pas qu’une seule et unique façon de le faire, que l’on soit à Rome, Mexico ou Pékin.
Cette page d’évangile est toujours d’actualité. Nous avons aussi été appelés par le baptême et la confirmation. Et nous sommes aujourd’hui ré-unis en assemblée, pour faire le point, recevoir éclaircissements, avertissements, consignes et rompre le pain pour faire corps, le corps de l’Eglise, qui est le corps du Christ. Pour être ensuite envoyés comme des artisans de paix au milieu de toutes les formes de violence. Comme des brebis au milieu des loups, mais sans les calculs et les ruses humaines. Confiants dans la force de la Parole – le Verbe.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
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