PRIER LE DIEU VIVANT … – Métropolite Antoine Bloom

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PRIER LE DIEU VIVANT …

EXTRAIT DU LIVRE D’ANTOINE BLOOM « PRIÈRE VIVANTE »

« Nous devons apprendre à nous tenir dans la présence
du Seigneur invisible comme nous le ferions
face au Seigneur présent dans sa chair. »

Métropolite Antoine Bloom

Pour moi prier c’est entrer en relation avec Quelqu’un. D’abord incroyant, j’ai découvert Dieu un beaujour et il m’est apparu immédiatement comme la valeur suprême et la signification plénière de la vie, mais en même temps comme une personne. Je pense que la prière ne peut avoir aucun sens pour celui qui n’a personne à prier.
On ne peut apprendre à prier à celui qui n’a pas le sens du Dieu vivant ; on peut lui apprendre à se comporter comme s’il croyait, mais ce ne sera pas cette attitude spontanée qu’est la véritable prière. Voilà pourquoi, en introduction à ce livre sur la prière, je voudrais dire ma certitude de la réalité personnelle d’un Dieu avec qui on peut entrer en relation. Je demande donc à mon lecteur de traiter Dieu comme un proche, comme quelqu’un, et d’attacher à cette connaissance. la même valeur que celle qu’il attache à sa relation avec un frère ou un ami. Pour moi cela est essentiel.
L’une des raisons pour lesquelles la prière communautaire ou personnelle nous paraît si morne ou si conventionnelle est qu’il y manque trop souvent l’acte même de prier qui naît dans le cœur en communion avec Dieu. Toute expression, qu’elle soit verbale ou gestuelle, peut aider, mais ce n’est que l’expression de l’essentiel à savoir le profond silence de la communion.
Tous nous savons bien que, dans nos relations humaines, amour et amitié n’atteignent leur profondeur que lorsque nous pouvons demeurer en silence avec l’autre.
Tant que l’on a besoin de parier pour garder le contact, on peut présumer à coup sûr, et avec tristesse, que la relation est encore superficielle ; aussi, si nous voulons prier Dieu, devons-nous apprendre avant tout à nous sentir bien, dans le silence, auprès de lui. C’est là chose plus aisée qu’on ne le penserait d’abord ; il y faut un peu de temps, de la confiance et le courage de l’y mettre.
Le curé d’Ars demandait un jour à un vieux paysan ce qu’il faisait, assis durant des heures dans l’église, apparemment sans prier ; le paysan répondit : « Je l’avise et il m’avise et nous sommes heureux ensemble. » Cet homme avait appris à parler à Dieu sans briser par des mots le silence de l’intimité. Si nous sommes capables de cela, nous pouvons utiliser n’importe quelle forme de prière. Mais si nous essayons de créer la prière à partir des mots dont nous nous servons, nousbdeviendrons désespérément las de ces mots, car à moins qu’ils n’aient la profondeur du silence, ils sont superficiels et fastidieux.
Mais comme les mots peuvent être source d’inspiration dès lors qu’ils sont authentifiés par le silence et pénétrés de l’esprit qui convient :
« Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange. » (Ps 51, 17).
(…) Nous devons apprendre à nous tenir dans la présence du Seigneur invisible comme nous le ferions face au Seigneur présent dans sa chair.
Ceci implique d’abord une attitude d’esprit, puis sa traduction corporelle. Si le Christ était là devant nous, et que nous nous tenions totalement transparents à son regard, aussi bien dans l’esprit que par le corps, nous éprouverions révérence, crainte de Dieu, adoration, ou peut-être terreur, mais en tout cas nous ne nous montrerions pas aussi détendus dans notre comportement.
Le monde moderne a pour une bonne part perdu le sens de la prière, et les attitudes physiques sont devenue tout à fait secondaires dans l’esprit des gens, alors qu’elles sont rien moins que telles Nous oublions que nous ne sommes pas une âme habitant un corps, mais un être humain, fait de corps et d’âme, et que nous sommes appelés, selon saint Paul, à glorifier Dieu dans notre esprit et dans notre corps ; nos corps aussi bien que nos âmes seront appelés à la gloire du royaume de Dieu (Co 6. 20).
Trop souvent, la prière n’a pas dans nos vies une importance telle que tout le reste doive s’effacer pour lui faire place. La prière vient en plus de beaucoup d’autres choses ; nous désirons la présence de Dieu, non parce qu’il n’y aurait aucune vie sans lui, non parce qu’il serait la valeur suprême, mais parce que ce serait bien agréable, outre tous les dons que nous recevons de Dieu, d’avoir aussi sa présence. Il fait nombre avec nos besoins, et quand nous le recherchons dans cet esprit-là, nous ne le rencontrons pas.
(…)Les premiers Pères et toute la tradition orthodoxe nous enseignent que nous devons nous concentrer, par un effort de volonté, sur les mots de la prière que nous prononçons. Nous devons articuler attentivement les mots, objectivement, sans chercher à créer une sorte d’état émotionnel, et nous devons laisser à Dieu le soin d’éveiller en nous la réaction dont nous sommes capables.
Saint Jean Climaque nous indique une façon simple d’apprendre à nous concentrer. Il nous dît : choisissez une prière, que ce soit le Notre Père ou toute autre, mettez-vous en présence de Dieu, prenez conscience de l’endroit où vous êtes et de ce que vous êtes en train de faire, et prononcez attentivement les mots de la prière.
Après un certain temps, vous vous apercevrez que vos pensées se sont mises à errer ; recommencez alors la prière aux derniers mots, à la dernière phrase que vous avez prononcés avec attention. Vous aurez peut-être à faire cela dix, vingt ou cinquante fois ; il se pourrait que dans le laps de temps fixé pour votre prière, vous ne prononciez que trois phrases, trois demandes, et soyez incapables d’aller plus loin ; mais dans ce combat vous aurez réussi à vous concentrer sur les mots, de sorte que vous apportez à Dieu, sérieusement, sobrement, respectueusement, des paroles de prière dont vous êtes conscients et non une offrande qui ne serait pas vôtre parce qu’elle ne serait plus consciente.
Jean Climaque nous conseille aussi de lire la prière de notre choix sans hâte, sur un mode monotone, assez lentement pour avoir le temps de porter attention aux mots mais pas au point d’en faire un exercice ennuyeux et de ne ïamais y chercher une expérience affective car notre but est d’établir une relation avec Dieu. Lorsque nous nous approchons de Dieu, nous ne devrions jamais faire du sentiment ; pour prier il faut se mettre en état de prière, le reste dépend de Dieu.
Dans cette sorte d’entraînement, un temps déterminé est réservé pour la prière, et si la prière est attentive, la durée que vous vous êtes fixée importe peu. Si, au contraire, vous vous étiez donné pour règle de lire trois pages, et qu’au bout d’une demi-heure vous vous aperceviez que vous en êtes toujours aux douze premiers mots vous éprouverez évidemment un sentiment de découragement ; c’est pourquoi, il vaut mieux fixer une règle de durée et s’y tenir. Vous savez de combien de temps vous disposez et vous avez le texte sur lequel vous désirez prier; si vous vous efforcez sérieusement, très vite vous vous apercevrez que votre attention devient docile, parce que l’attention est beaucoup plus dépendante de la volonté que nous ne l’imaginons, et lorsqu’il est absolument certain que, quelles que soient la tentatives d’échappatoire, ce sera vingt minutes et pas un quart d’heure, il ne reste plus qu’à persévérer.
Saint Jean Climaque a formé des douzaines de moines par cette formule toute simple : une limite de temps et une attention sans pitié, un point c’est tout.

Antoine Bloom
Prière vivante
Cerf

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