29 JUIN : SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL – Homélie prononcée à Bussy par le père Boris le 12 juillet 2002

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29 JUIN : SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL – HOMÉLIE

Homélie prononcée à Bussy par le père Boris le 12 juillet 2002

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,

Cette fête des saints Pierre et Paul est une des grandes fêtes de l’année liturgique. On peut dire que c’est par excellence –après la Pentecôte, bien sûr– la fête de l’Église. Quand saint Pierre et saint Paul sont représentés, soit à la Pentecôte, soit à l’Ascension, Paul est toujours près de Pierre. Le rassemblement de ces deux apôtres signifie la plénitude de l’Église.
Je commencerai par parler de saint Pierre. Quand nous regardons sa vie, nous voyons que Pierre n’est jamais seul. Il apparaît d’abord avec son frère André, et encore ce n’est pas Pierre qui découvre le Seigneur, mais c’est André qui va l’annoncer à son frère Pierre. Tous deux étaient du village de Bethsaïde, près du Lac de Tibériade. Il y a actuellement des icônes de saint André et de saint Pierre qui ont un sens symbolique. Dans la mesure où l’on veut que Pierre représente l’Église romaine –et il n’est pas seul à la représenter, il est apôtre pour l’Église entière– et André l’Église d’Orient, cette icône voudrait être le symbole de la réconciliation entre les Églises d’Orient et d’Occident, celles qu’on appelle quelquefois les deux poumons de l’Église. Pierre fut donc avec André parmi les premiers appelés. Mais très tôt, dans les Évangiles, ce n’est plus avec son frère qu’on le voit mais avec Jean, et Jacques, les fils de Zébédée. Quand le Seigneur envoyait les disciples deux par deux, Pierre allait avec Jean. Il y a donc un lien particulier qui s’instaure entre Pierre et le « disciple que Jésus aimait. » On le voit à la Sainte Cène, lorsque Pierre, n’osant pas s’adresser directement à Jésus, s’adresse à Jean dont la tête repose sur la poitrine du Maître pour qu’il demande « Et qui est celui qui va te livrer ? » Jean avait une intimité avec le Seigneur que Pierre n’avait pas, malgré son courage, malgré sa force, malgré toute sa spontanéité. Après la Résurrection, on les voit tous les deux courir ensemble vers le Tombeau et c’est Jean qui « vit et crut ». De même, lorsqu’ils pêchaient sur le lac de Tibériade, c’est Jean qui reconnaît Jésus sur la rive, mais c’est Pierre qui se jette à l’eau pour aller à sa rencontre. Dans l’Église primitive, à Jérusalem ou en Samarie, Pierre et Jean vont ensemble prêcher la Bonne Nouvelle.
Mais on trouve ensuite, dans la tradition ecclésiale, un autre couple formé par Pierre et Paul. Ils participent tous les deux au premier Concile de Jérusalem, Pierre le premier –il est toujours nommé le premier dans les listes des apôtres, on précise souvent « Pierre d’abord »– et Paul le dernier –lui qui s’appelait « l’avorton »– apparu comme un paradoxe, une contradiction, lui qui persécutait les chrétiens et gardait les vêtements de ceux qui lapidaient Étienne. À partir de là, par un retour en arrière, l’Église situe Paul en face de Pierre dans une relation unique jusqu’à la fin des temps. C’est pourquoi, dans toute la vie de l’Église, Pierre et Paul seront toujours évoqués ensemble et représentés ensemble même avant qu’ils ne se rencontrent, à la Pentecôte et à l’Ascension.
Je voudrais dire aussi quelques mots sur ce que l’on peut appeler « les faiblesses » de saint Pierre. Pierre, celui qui avait encore une foi chancelante, qui voulait marcher sur les eaux mais qui sombrait, celui qui voulait dissuader le Seigneur d’aller vers les souffrances. C’est ce qui suit immédiatement le passage que nous venons de lire, la confession de Pierre à Césarée. Quand Pierre dit au Seigneur : « Non, ne va pas à Jérusalem, Seigneur », le Seigneur lui répond : « Éloigne-toi de moi, Satan. Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes.»
Quel mot terrible ;! Satan, c’est-à-dire tentateur. Simon se souviendra de cette leçon dans sa première épître, qui est une des plus sublimes de tout le Nouveau Testament. Il y revit toute la passion du Christ à travers la prophétie d’Isaïe : « Lui qui n’a pas commis de péché et dans la bouche duquel il ne s’est pas trouvé de mensonge. Lui qui a porté nos péchés dans son corps sur le bois, afin que, morts pour le péché, nous vivions pour la justice ; lui par les meurtrissures duquel vous avez été guéris.» Pierre applique cette prophétie à Jésus, « qui n’ouvre pas la bouche quand il est mené à l’immolation ».
D’autre part, saint Pierre a reçu du Seigneur un nom nouveau, comme nous l’avons entendu aujourd’hui : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » Il est le roc et l’Église se souvient de cette parole en considérant que tout évêque chargé de veiller sur le troupeau de l’Église entre dans le mystère du roc, qu’on appelle la « pétrinité » de saint Pierre. Rome a voulu en faire une exclusive pour le siège du pape, ce que l’Orient n’a pas accepté tout en reconnaissant à Rome une primauté dans l’amour, une primauté dans le service plus qu’une primauté dans l’autorité. Et, c’est à cela que répond déjà Pierre dans son épître d’une façon très claire : « Approchez-vous du Seigneur, Lui la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu. Et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce.»
Simon, fils de Jonas, dit Pierre, ne se réserve pas ce nom symbolique que Dieu lui a donné, il rappelle que la seule pierre véritable, c’est Jésus, sur lequel l’Église est fondée. Et nous, tous ensemble, nous formons des pierres, tous ensemble nous sommes unis par le ciment de l’Esprit Saint, lien de l’amour et de l’unité, qui fait de nous non plus des cailloux épars mais un édifice vivant, saint, capable de porter en lui la présence de Dieu. Il ne s’agit pas seulement de l’église comme bâtiment, mais de l’église que chaque fidèle est, car nous sommes tous le temple de Dieu, l’édifice spirituel, l’Église du Christ dans lequel se réalise la présence du Tout-Autre, du Tout-Saint, du Dieu Trinité.
Une dernière chose : dans son épître, saint Pierre reprend les Béatitudes et y met un point d’orgue, en guise de paroles de consolation pour les Églises éprouvées. « Ne soyez pas surpris comme d’une chose étrange qui vous arrive, de la fournaise qui est au milieu de vous pour vous éprouver. Réjouissez-vous – comme dans les Béatitudes – de la part que vous avez aux souffrances du Christ afin que vous soyez aussi dans la joie et l’allégresse lorsque sa gloire apparaîtra. Et si vous êtes outragés pour le nom du Christ, bienheureux êtes-vous, car l’Esprit de gloire, l’esprit de Dieu repose sur vous.» Voyez-vous, cette joie qui nous est promise au Royaume et qui nous est annoncée dès maintenant, c’est la joie et la plénitude dans l’Esprit Saint.
Quelques mots pour terminer sur saint Paul. Il y a tellement à dire ;! Dans cette seconde épître aux Corinthiens nous avons entendu les épreuves de saint Paul, ses souffrances sans nom, mais en même temps la grâce que Dieu lui a donnée d’être élevé au troisième ciel et d’entendre des paroles ineffables que nul homme ne peut répéter et qu’il ne pouvait lui-même nous redire. Et, pour qu’il ne s’enorgueillisse pas, le Seigneur lui a donné « une écharde dans la chair, comme un ange de Satan qui le souffletait » – c’est très mystérieux, nous ne savons pas de quoi il s’agissait. Était-ce une tentation ? Était-ce une maladie ? nous ne savons –. Saint Paul en souffrait, il supplia le Seigneur de l’en libérer, par trois fois, mais le Seigneur lui répondit : « Ma grâce te suffit. C’est dans la faiblesse que se manifeste ma puissance. » C’est pourquoi saint Paul ne voulait se glorifier que de ses propres faiblesses, afin qu’à travers ses faiblesses puisse se manifester davantage la puissance de Dieu.
Que dirai-je encore ? Saint Paul possédait cette évidence intérieure de la vie en Christ, lorsqu’il disait : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ». Quelle audace de pouvoir le dire ! mais quelle joie aussi ! C’est notre programme à chacun : car ce « moi » est le vieil homme, c’est le moi avare, le moi colérique, égoïste, avec toutes les tares du vieil homme qui s’agglutinent dans ce moi pécheur qui doit mourir. Quand le Christ vit en moi, par la grâce du Saint Esprit, alors je regarde le monde lui-même d’un œil nouveau : Ce n’est plus moi qui parle, c’est le Christ qui parle en moi ; ce n’est plus moi qui aime, c’est le Christ qui aime en moi. Il y a ainsi un recentrement profond de notre existence entière sur le Christ, sans que ma personnalité –oh… ma personnalité…– ne soit brimée ni contrainte ni réduite à zéro. Au contraire, elle renaît dans une vie nouvelle de joie. Alors, nous trouvons la puissance et la grâce d’aimer, comme saint Paul, de participer avec l’Esprit Saint à la naissance nouvelle des enfants de Dieu.
C’est sur cela que je voudrais terminer, sur cette parole de saint Paul : « Mes petits enfants – pour saint Paul, nous sommes tous ses petits enfants, pas plus – pour qui je souffre à nouveau les douleurs de l’enfantement jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous. » Les douleurs de l’enfantement, cela signifie que, pour que le Christ puisse naître en nous, il y a tout un travail intérieur à faire. L’enfantement est une image, que le Seigneur reprend dans le Discours des adieux : « Lorsqu’une femme met au monde un enfant, elle est dans la souffrance, mais quand elle a enfanté elle est dans la joie parce qu’un homme est venu au monde. » Cet enfant qui vient au monde, ce sont les enfants de saint Paul et de tous ceux qui participent avec lui à cette gestation, oubliant à la fin leur souffrance, car celui qui participe, qui est auprès d’une âme en train de naître en Christ, sent en lui-même ses propres douleurs. C’est le mystère de la compassion, du partage de la souffrance de l’autre que nous vivons par l’Esprit Saint. Dans l’Esprit Saint nous devenons capables de sentir comme si c’était notre propre souffrance les souffrances de l’autre, comme si c’était notre propre joie les joies de l’autre. Tout cela nous est donné dans l’Esprit Saint et tout cela, les saints apôtres Pierre et Paul nous le communiquent.
Creusons davantage, à travers les épîtres pauliniennes, les épîtres de saint Pierre et les Actes des apôtres, toutes ces lois de la vie chrétienne, qui nous conduisent par la naissance et la croissance jusqu’à la plénitude de vie en Christ par l’Esprit Saint.

Amen.

Père Boris

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