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DIMANCHE 16 JUIN : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT: DEUXIEME LECTURE – GALATES 2, 16. 19-21
14 juin, 2013http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
DIMANCHE 16 JUIN : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT
DEUXIEME LECTURE – GALATES 2, 16. 19-21
Frères,
16 nous le savons bien,
ce n’est pas en observant la Loi
que l’homme devient juste devant Dieu,
mais seulement par la foi en Jésus Christ ;
c’est pourquoi nous avons cru en Jésus Christ
pour devenir des justes par la foi au Christ,
mais non par la pratique de la loi de Moïse,
car personne ne devient juste en pratiquant la Loi.
19 Grâce à la Loi (qui a fait mourir le Christ)
j’ai cessé de vivre pour la loi
afin de vivre pour Dieu.
Avec le Christ, je suis fixé à la croix :
20 je vis, mais ce n’est plus moi,
c’est le Christ qui vit en moi.
Ma vie aujourd’hui dans la condition humaine,
je la vis dans la foi au fils de Dieu
qui m’a aimé
et qui s’est livré pour moi.
21 Il n’est pas question pour moi de rejeter la grâce de Dieu.
En effet, si c’était par la Loi qu’on devient juste,
alors le Christ serait mort pour rien.
Paul aborde ici une question qui a fait couler beaucoup d’encre (comme on dit) dans les premières communautés chrétiennes ; je commence par vous rappeler sa position pour essayer de dire ensuite de quoi il s’agit : « Ce n’est pas en observant la Loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ ». On appelle cette affirmation de Paul la « justification par la foi ». De quoi s’agit-il ?
Un mot, d’abord, sur le vocabulaire de la justification ; on pourrait remplacer l’expression « devenir juste devant Dieu » par « être en règle avec Dieu ». La question, c’est : que faut-il faire pour être en règle avec Dieu ? Car le mot « juste » ou « justification » se rapporte non à la justice sociale mais à la justesse d’un instrument : est juste l’homme qui correspond au projet de Dieu, comme un instrument sonne juste quand il est bien accordé ; dans le livre de la Genèse, par exemple, Abraham est dit « juste » simplement parce qu’il a fait confiance à Dieu qui lui proposait d’entrer dans son Alliance (« Abraham eut foi dans le SEIGNEUR et cela lui fut compté comme justice. » Gn 15, 6). Puis Dieu avait renouvelé son Alliance au Sinaï en donnant à Moïse les tables de la Loi : désormais, concrètement, pour le peuple de l’Alliance, se conformer au projet de Dieu consistait à observer la Loi. Peu à peu elle modelait les hommes de l’Alliance en vue de les rendre « justes », bien « accordés ».
Aux yeux de Paul, avec la venue de Jésus-Christ, une étape est franchie ; être juste, accordé au projet de Dieu, désormais c’est tout simplement croire en Jésus-Christ puisqu’il est l’envoyé de Dieu. Evidemment, la question qu’on pouvait légitimement se poser était la suivante : fallait-il continuer quand même à pratiquer la Loi juive ? Concrètement, pour être en règle avec Dieu pour être en alliance avec lui, si vous préférez, fallait-il continuer à pratiquer la circoncision des petits garçons, fallait-il observer les nombreuses règles de pureté de la religion juive, y compris en ce qui concerne l’alimentation ; on dirait aujourd’hui « fallait-il continuer à manger cacher » ? Avec ce que cela comporte de complications quand il y a à la même table des gens qui veulent manger cacher et des non-Juifs qui ne s’embarrassent pas de ces questions.
En ce qui concerne la circoncision, la question se régla assez vite et semble-t-il assez facilement : Paul raconte à ces mêmes Galates (au début de ce chapitre) qu’à l’occasion d’un voyage à Jérusalem, alors qu’il était accompagné d’un Grec chrétien issu du paganisme, donc non-circoncis, Tite, il eut la satisfaction de constater que les apôtres de Jérusalem n’exigèrent pas sa circoncision : « On ne contraignit même pas Tite, mon compagnon, un Grec, à la circoncision. » (Ga 2, 3). Au cours de ce même voyage, une décision dans ce sens avait été officiellement prise : les païens qui souhaitaient devenir Chrétiens n’avaient pas à être circoncis.
Mais toutes les questions de cohabitation n’étaient pas réglées pour autant, à propos des pratiques alimentaires en particulier. (Et certains en venaient à manger à des tables séparées : Chrétiens d’origine juive, d’un côté, Chrétiens d’origine païenne de l’autre). Evidemment, un tel comportement ne pouvait que diviser la communauté.1
Cela a donné à Paul l’occasion, et c’est notre lecture d’aujourd’hui, de développer sa pensée sur le fond : « Ce n’est pas en observant la Loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ. » Car, au-delà des problèmes de cohabitation, Paul percevait un enjeu beaucoup plus grave : le Baptême suffit-il, oui ou non, pour faire le Chrétien ? Si oui, la circoncision (et les autres pratiques) ne s’imposent plus ; si non, cela veut dire que tous les Chrétiens qui ne sont pas Juifs d’origine et à qui on n’a pas imposé la circoncision (conformément à la décision de Jérusalem, cf supra) doivent être considérés comme ne faisant pas partie de l’Eglise.
Mais cela veut dire aussi, et c’est encore plus grave, que le Christ ne sauve pas les hommes, puisque, pour être reconnu juste devant Dieu, il faut observer des quantités de pratiques en plus du Baptême. Le Christ ne serait-il pas le Sauveur ? Evidemment, c’est tout l’édifice de Paul qui s’écroulerait : « Si c’était par la Loi qu’on devient juste, alors le Christ serait mort pour rien. » Bien sûr, il n’est pas mort pour rien, puisque son Père l’a ressuscité ; en ressuscitant Jésus, Dieu a en quelque sorte pris parti. La résurrection du Christ prouve que la Loi est désormais dépassée ; la Loi ou en tout cas l’usage que les hommes en ont fait.
Car on peut faire un mauvais usage de la Loi : c’est ce qui s’est passé dans la Passion du Christ ; puisque c’est au nom de cette Loi, pourtant donnée par Dieu, précisément, que les autorités religieuses ont agi, avec les meilleures intentions ; ils croyaient réellement débarrasser le peuple juif d’un imposteur et d’un blasphémateur ; c’est donc bien au nom de la Loi que le Christ a été condamné et exécuté. C’est le sens de la phrase à première vue difficile parce que très concise : « Grâce à la Loi (qui a fait mourir le Christ) j’ai cessé de vivre pour la loi afin de vivre pour Dieu. (v. 19). Traduisez : j’ai cessé de dépendre de la Loi, de me croire obligé de la pratiquer, puisqu’elle a fait la preuve de ses limites ; des pratiquants rigoureux de la Loi ont pu, en son nom, tuer le Fils de Dieu.
Le vrai « juste », accordé au projet de Dieu, c’est le Christ, obéissant, c’est-à-dire confiant en son Père même à travers la mort. Cette confiance que le Christ a montrée jusqu’au bout, nous pouvons la partager : « Ma vie aujourd’hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi. »
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NOTE
1 – A ce propos, on connaît la querelle qui opposa Paul et Pierre : cela se passait à Antioche de Syrie, une communauté mélangée, qui comprenait d’anciens Juifs (on les appelle judéo-chrétiens) et aussi d’anciens païens (on les appelle pagano-chrétiens) ; Pierre, de passage dans cette communauté, n’avait vu aucun inconvénient, lui Juif d’origine, à prendre ses repas avec les pagano-chrétiens ; ce faisant il transgressait inévitablement les règles alimentaires de la religion juive. Mais voilà que des amis de Jacques, le responsable de la communauté de Jérusalem, de passage eux aussi à Antioche, s’étaient montrés beaucoup plus rigides : pas question pour nous, judéo-chrétiens de manquer à nos pratiques traditionnelles ; traduisez il faut faire des tables séparées : judéo-chrétiens d’une part, pagano-chrétiens de l’autre. Or, à l’arrivée des envoyés de Jacques, Pierre, tout d’un coup, a changé de pratique. Il s’est mis à faire « table à part » pourrait-on dire. Dans cette même lettre aux Galates, Paul raconte : « Avant que soient venus des gens envoyés par Jacques, Pierre prenait son repas avec les païens ; mais, après leur arrivée, il se mit à se dérober et se tint à l’écart, par crainte des circoncis ; et les autres Juifs entrèrent dans son jeu. » (Ga 2, 12-13).
C’est ce que l’on a appelé « L’incident d’Antioche » (Ga 2, 11-24) : Paul raconte aux Galates qu’il n’a pas hésité à s’opposer à Pierre ; indirectement, il leur prouve ainsi sa liberté de parole envers les apôtres de la première heure et donc sa légitimité d’apôtre à son tour.
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COMPLÉMENTS
- Ici, dans la lettre aux Galates, Paul présente la chronologie des événements d’une manière différente de celle de Luc dans les Actes des Apôtres (Ac 15). Ceci s’explique probablement par le long délai qui sépare l’écriture de ces deux textes (Galates précède les Actes de plusieurs dizaines d’années) et par les perspectives particulières à chacun des deux auteurs qui les amènent à insister sur des aspects différents.
- Croire pour être sauvé : Entendons-nous, ce n’est pas de simple croyance ou opinion qu’il s’agit, mais d’un engagement de tout l’être au point que le même Paul peut affirmer sans exagérer : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20).
HOMÉLIE DU 11E DIMANCHE ORDINAIRE C
14 juin, 2013http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU 11E DIMANCHE ORDINAIRE C
2 S 12, 7-10, 13 ; Ga 2, 16, 19-21 ; Lc 7, 36 – 8, 3 (bref : 7, 36-50)
Aujourd’hui comme au temps de Jésus, bien des croyants les plus convaincus et les plus pieux n’échappent pas toujours à la tentation de se décerner eux-mêmes des prix de vertu et de multiplier les comparaisons flatteuses à leur égard. Au milieu des foules indifférentes, des infidèles et des pécheurs, ne sont-ils pas les fidèles observateurs de la Loi ? L’élite !
La satisfaction d’être en règle avec la Loi rassure et comble les esprits légalistes. Mais, nous rappelle Paul, « ce n’est pas en observant la Loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ… Car personne ne devient juste en pratiquant la Loi ». Plus fort encore, c’est précisément la Loi vénérée et observée minutieusement par les plus religieux des Juifs qui les a conduits à s’opposer à Jésus, à l’excommunier, puis à le condamner à mort. De quelle hérésie était-il coupable ? Quel crime avait-il commis ? Il avait prêché et pratiqué la supériorité de l’esprit sur la lettre, celle de la foi sur la Loi. La lettre tue. Elle a tué Jésus et les croyants peuvent continuer à le crucifier et à le faire mourir quand ils restent prisonniers de la rigidité et des étroitesses que secrète la lettre de la Loi.
Ce qui sauve, ce qui fait vivre, c’est l’amour de Dieu. C’est ce même amour qui exprime dans la Loi sa radicalité, ses libertés, ses exigences. Mais une Loi qui ne peut être comprise que par la foi, seule capable de transformer des mentalités, de briser les limites de la lettre pour ouvrir le cœur et l’esprit à l’amour.
Croyant engagé et pieux, le pharisien présenté par Luc l’était au plus haut point. Mais il était aussi formaliste et donc intransigeant, rivé à la sécurité des tabous et incapable de comprendre et d’évaluer, encore moins d’inventer, un geste d’amour et de miséricorde.
Curieux, intrigué à méfiant, le pharisien a invité le jeune prédicateur à sa table sans pour autant se mouiller par un accueil chaleureux. La présence de Jésus rend « l’impure » audacieuse jusqu’à la témérité. Bravant les interdits, elle accable le « pur » de démonstrations surprenantes, voire ambiguës. Quel scandale !
Poli, le maître de maison se tait, mais ses yeux le trahissent. Quel spectacle, en effet, et quel enseignement dans les regards qui se croisent ! Celui de Jésus, chargé d’affection et de respect, de compréhension et de miséricorde. Lui, il a compris l’attitude et les intentions de la femme en pleurs. Elle obtiendra d’ailleurs le pardon espéré, « à cause de son grand amour ». Une femme de foi.
Emotion de la pécheresse sentant fixés sur elle les yeux du Maître. Un regard bienveillant, tellement différent de ceux qui d’habitude la poursuivent.
Regard du pharisien, froid, sévère et lourd de mépris pour l’indigne créature. Regard à la fois satisfait et réprobateur envers ce prophète qui prouve bien qu’il n’en est pas un. Mais que dira-t-il alors lorsqu’il verra le rabbi Jésus, au mépris des habitudes, usages et traditions, être entouré de femmes-disciples « qu’il avait délivrées d’esprits mauvais et guéries de leurs maladies » ? Un scandale sans nom.
Entre-temps, grâce à Dieu, Simon aura compris qu’il ne faut pas juger sur les apparences et le qu’en dira-t-on ? Qu’il ne faut pas non plus dresser des frontières définitives entre les bons et les mauvais, les justes et les infidèles, les dignes et les indignes.
N’est-ce pas grâce à la pécheresse aimante et pardonnée que Simon a découvert qu’il était, lui aussi, digne de pardon et appelé à se débarrasser de l’amour de la Loi pour vivre la Loi de l’amour ? Il ne suffit pas de « marcher droit selon la loi » pour être assuré de « marcher droit selon la vérité de l’Evangile ». De même, l’obéissance à « la pratique dominicale » ne prouve pas qu’on adopte pour autant les conséquences de conversion et d’engagement qu’exige l’eucharistie.
N’est-il pas surprenant que les « justes » que nous croyons être, avons tant de difficulté pour découvrir et confesser nos péchés envers l’Amour, parce que nous observons commandements et traditions ?
Aurions-nous oublié « le regard qui tue, la parole qui frappe comme un coup de poignard, l’indifférence qui raye quelqu’un de la carte, la calomnie qui casse une réputation » (1), alors que la foi engendre « le geste qui sauve, le sourire qui efface l’anonymat, l’attention qui remet à flot », la confiance qui crée, la bienveillance qui épanouit ?
(1) « Peut-on ressusciter ? », A. Reboux-Caubel, Centurion, p 23.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008