ANTOINE DE PADOUE (13 juin): LA PAUVRETÉ
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ANTOINE DE PADOUE
LA PAUVRETÉ
Avec l’enthousiasme qu’Antoine ressent du printemps franciscain, il exalte l’importance de la pauvreté dans la vie spirituelle. Il vise surtout la pauvreté absolue, vécue avec tant d’élan personnel par les premiers fils du Poverello d’Assise. La vocation pour une vie selon l’évangile, dont le début était marqué par le renoncement à tous les biens terrestres, impliquait également pour François la vocation d’une vie de pauvreté absolue.
Cependant, bien que François aimait intimement cette pauvreté et y adhérait de tout son cœur, pour lui elle n’était pas une fin en soi mais un élément essentiel de la vie d’un vrai disciple du Christ. Avec la pauvreté, il entendait suivre à la lettre les ormes du Christ. La pauvreté est seulement la voie vers le Christ, une participation à son règne.
La pauvreté a une valeur salvatrice pour l’homme. C’est la voie du salut. De plus : c’est la voie qui le conduit à la participation de l’œuvre rédemptrice du Christ lui-même.
Cette place de la pauvreté dans l’histoire du salut, développée dans le Sacrum commercium dans toutes ses dimensions, perd son sens profond si la pauvreté devient elle-même l’épouse avec laquelle François veut célébrer ses noces. L’histoire des noces mystiques de saint François avec madone Pauvreté, que l’on commença à élaborer (d’abord dans l’Ordre puis à l’extérieur, surtout dans les œuvres des peintres et des poètes) à partir de la moitié du 13e siècle, finit par étouffer et fausser le concept biblique authentique de la pauvreté franciscaine ». Si la vie de pauvre devient une fin en soi-même, même en conservant sa valeur ascétique, elle n’est plus dans la perspective de François, décidément inspirée de la parole du Seigneur : « Heureux soient les pauvres d’esprit car le règne des cieux est à eux » (Mt 5, 3).
Dans la règle définitive, François explique à ses frères, de façon claire et sans équivoque, son concept de la pauvreté, quels en sont les fondements et les valeurs salvatrices : « Que les frères ne s’approprient rien, ni maison, ni lieu, ni aucune autre chose. Et tels des pèlerins et des forestiers, servant en ce monde le Seigneur de façon pauvre et humble, qu’ils aillent en faisant l’aumône, confiants ; et ils ne doivent pas avoir honte car, par amour de nous, le Seigneur se fit pauvre en ce monde. Ceci est le sommet sublime de cette pauvreté très élevée qui vous a fait, très chers frères, héritiers et rois du règne des cieux et, en vous rendant pauvres de substance, il vous a enrichis de vertu. Que ceci soit votre part qui conduit à la terre des vivants. Et outre ceci, très chers frères, restant totalement unis, rien d’autre jamais vous ne devrez, au nom du Seigneur Notre Jésus-Christ, essayer de posséder sous le ciel ».
C’est cette pauvreté qui avait touché l’imagination et attiré le cœur d’Antoine, depuis qu’il avait vu les enfants du Poverello d’Assise mendier à la porte du monastère de Coïmbre, là où il demeurait à cette époque en tant que chanoine augustinien. Le fait de vivre, au jour le jour, de travail et de charité, de ne rien posséder, ni individuellement ni en communauté, se détachait sans aucun doute de la discipline des antiques Ordres monastiques et représentait un degré plus élevé sur l’échelle de la perfection morale. Cela suffisait pour que le saint en subisse la fascination.
Au travers de nombreuses pages des Sermones se respire la forte attraction de madone Pauvreté à laquelle Antoine attribuait une radieuse fécondité élévatrice et sanctificatrice. La pauvreté est la vraie richesse, elle conserve et génère l’humilité, elle est la source de la joie spirituelle ; la pauvreté libère des désirs qui lient l’homme aux choses. Et de libération en libération, la pauvreté conduit l’homme à la gloire du ciel, là où il s’enfonce dans le mystère ineffable de la divinité.
Le saint contemple la réalisation de l’idéal de la pauvreté absolue dans la vie de Jésus lui-même. C’est pourquoi il ne peut pas ne pas l’aimer et le faire sien.
Antoine demeura fidèle à son amour pour la pauvreté jusqu’à sa mort. Il passa ses derniers jours à Camposampiero, comme invité du comte Tiso, feudataire du lieu, non dans une chambre de son riche château mais dans la solitude d’une cellule suspendue préparée sur un noyer séculaire qui lui rappelait les misérables cabanes de l’ermitage de Montepaolo.
Peu avant de mourir, occupé à la rédaction de ses Sermones festivi, le saint laissa échapper une lamentation sur la répugnance que tant de personnes éprouvaient pour l’idéal de la pauvreté absolue : « Nombreux sont ceux – écrit-il – qui, de bon gré et pendant longtemps, vivraient dans la stricte pauvreté s’ils savaient avec certitude qu’ils pourraient posséder un jour en échange le règne de France ou d’Espagne ! En revanche, de nos jours, personne ne veut vivre dans la vraie pauvreté du Christ pour gagner le règne des cieux ».
Les adjectifs « stricte » et « vraie », attribués ici à la pauvreté, font penser que la lamentation ait été provoquée par le comportement de certains frères. Les paroles sont peut-être le reflet des conflits existants dans l’Ordre franciscain au sujet de l’interprétation de la règle. Frère Antoine était revenu depuis quelques mois seulement du chapitre d’Assise de 1230 et de la légation romaine envoyée par ce même chapitre au pape Grégoire IX, ceci afin que, grâce à son autorité, il mette fin à la crise à laquelle l’Ordre était en proie, crise due à la difficulté d’interprétation de la règle, surtout en matière de pauvreté. La question était de savoir si l’Ordre devait continuer ou non l’observance stricte de la pauvreté, selon la pensée exprimée par saint François dans son testament.
Il y avait d’une part ceux qui voulaient rester rigoureusement fidèles aux exemples et aux règles de François; mais cette fidélité portait en elle quelque chose d’indiscret et de factieux, ainsi que le danger de se cristalliser dans l’amertume et dans la protestation, loin de la réalité qui est en changement constant. D’autre part, des âmes également généreuses s’orientaient vers une interprétation plus souple et réaliste du message franciscain, convaincues qu’aucune institution ne peut être féconde si elle ne demeure pas actuelle, si elle ne s’adapte pas savamment aux circonstances.
Avec la bulle Quo elongati du 28 septembre 1230, Grégoire IX tempéra la première observance et déclara qu’il n’était pas obligatoire pour les frères, mais seulement facultatif, de se conformer au testament du fondateur.
Saint Antoine, qui par tempérament et par formation n’était certainement pas enclin aux compromis d’une vie confortable, utilisa ces facultés pour rester personnellement fidèle à l’idéal de la plus stricte pauvreté. Il demeure fièrement fidèle aux principes de saint François ; mais dans sa spiritualité, il réussit à dépasser le rigorisme typique des exaltés.
Ce sens de l’équilibre qui accompagna sans cesse les comportements les plus résolus, auxquels le menait sa nature forte, l’éprouve. Jamais, par exemple, il n’appliqua aux religieux des antiques Ordres, bénédictins et augustiniens, le critère du détachement absolu de toute propriété qu’il avait embrassé avec enthousiasme en entrant parmi les Frères Mineurs. S’adressant aux moines, il n’excluait pas qu’ils puissent posséder en commun, mais il stigmatisait seulement que certains le soient également individuellement, pensant ainsi pouvoir concilier la vie monastique et la vie séculière. L’état religieux, disait-il, est un sentier étroit et la profession de pauvreté est comme un manteau court qui suffit à une seule personne ; on ne peut pas le mettre à deux, le propriétaire et le pauvre par choix. Mais le saint se dressa même en temps que défenseur des biens des monastères contre certains usuriers qui paupérisaient les communautés religieuses avec l’usure.
Avec sagesse, donc, frère Antoine distinguait différents degrés dans la vertu de la pauvreté. Lui demeura au plus haut et plus difficile, et laissa les autres s’exercer à celui auquel le Seigneur les avait appelés.
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