Archive pour le 11 juin, 2013
11 JUIN – SAINT BARNABE, APÔTRE
11 juin, 2013http://je-n-oeucume-guere.blogspot.it/2011/06/11-juin-saint-barnabe-apotre.html
11 JUIN – SAINT BARNABE, APÔTRE
« Il n’y a pas d’autre différence entre l’Evangile et la vie des Saints qu’entre une musique notée et une musique chantée.” (Saint François de Sales.) »"
Saint Barnabé est qualifié du nom d’Apôtre, quoiqu’il ne fût pas du nombre des douze que JÉSUS avait choisis ; on lui a donné ce titre glorieux parce que le SAINT-ESPRIT l’avait appelé d’une manière toute spéciale et qu’il eut une grande part, de concert avec les apôtres, dans l’établissement du christianisme.
Il était Juif, de la tribu de Lévi, et natif de l’île de Chypre ; son nom de Joseph lui fut changé par les apôtres contre celui de Barnabé, qui signifie fils de consolation. Il avait été ami d’enfance de Saint Paul, et c’est lui qui, après l’étonnante conversion de cet apôtre, le présenta à Pierre, le chef de l’Église.
La première mission de Barnabé fut d’aller diriger l’Église d’Antioche, où la foi prenait de grands accroissements; il vit tant de bien à faire, qu’il appela Paul à son secours, et les efforts des deux apôtres réunis opérèrent des merveilles.
Mais un jour le SAINT-ESPRIT lui-même fit entendre sa voix aux chefs de l’Église chrétienne : « Séparez-moi Paul et Barnabé pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés. » Après un jeûne solennel et de longues prières, ils reçoivent l’onction épiscopale et ils s’élancent, au souffle d’en haut, vers les peuples gentils, pour les convertir.
Salamine, Paphos, Chypre, la Pamphylie, la Pisidie, Icône, Lystre, la Lycaonie et d’autres pays encore, entendent leur parole éloquente, sont témoins de leurs miracles, et sous leurs pas la foi se répand avec une rapidité prodigieuse. Paul et Barnabé se séparent ensuite, pour donner plus d’extension à leur ministère. L’île de Chypre, d’où il était originaire, était particulièrement chère à Barnabé; c’est là qu’il devait sceller de son sang la foi qu’il avait prêchée.
Les Juifs de Salamine, capitale de l’île, formèrent un complot contre celui qui menaçait de rendre leurs synagogues désertes; l’apôtre en eut connaissance; mais, loin de fuir, il réunit les fidèles et leur annonça les combats qu’il allait soutenir pour le SEIGNEUR JÉSUS : « Je vais aller sceller de mon sang, dit-il, la vérité que je vous ai annoncée; tenez-vous prêts à me suivre, car le loup ne s’attaque d’abord au pasteur que pour se jeter ensuite sur le troupeau. Soyez fermes dans la foi; je ne vous abandonnerai pas, je vous protégerai du haut du ciel. »
Les chrétiens fondaient en larmes, et suppliaient Barnabé de fuir ; ce fut en vain. Barnabé, fortifié par une visite du SAUVEUR, continue ses prédications dans la synagogue ; mais bientôt les Juifs furieux se jettent sur lui, le traînent, l’insultent et le lapident comme un blasphémateur ; son corps est enfin jeté sur un bûcher, pour qu’il n’en reste pas de traces ; mais les flammes le respectent, et les fidèles l’enlèvent de nuit et l’ensevelissent en secret. C’était environ l’an 61.
Pratique. Soyez heureux du succès des autres ; n’ayez qu’un désir, voir DIEU plus honoré et plus aimé.
LA SAINTE PAUVRETÉ – Emile BESSON. avril 1962
11 juin, 2013http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Besson/Articles2/pauvrete.html
Emile BESSON. avril 1962
LA SAINTE PAUVRETÉ
Une des paroles les plus prestigieuses que saint Paul ait prononcées est celle-ci: « Ayez les sentiments qui animaient Jésus-Christ; il était de condition divine et il s’est dépouillé lui-même en prenant la condition d’esclave… Il était riche, et il s’est fait pauvre, par amour pour vous, afin que vous soyez enrichis par sa pauvreté » .
« Dans les anciennes Écritures Dieu ne promet à ses serviteurs que de prolonger leurs jours, d’enrichir leurs familles, de multiplier leurs terres, leurs troupeaux et leurs héritages ». Le Christ promet à Ses amis des afflictions et des croix.
Les pauvres. Il a été l’un d’eux, Il a voulu être l’un d’eux.
Avant de descendre sur cette terre, Il était riche, Il était Dieu; Il S’est fait pauvre. Ici-bas Il est né dans la pauvreté; Il n’avait pas un lieu où reposer Sa tête; et Il a raconté à Ses amis que Dieu, voulant remplir Sa maison et ne voyant venir aucun de ceux qu’Il avait invités, envoya Ses serviteurs Lui chercher tous les misérables qu’ils pourraient trouver, les pauvres et les infirmes, les aveugles et les impotents, tous ceux qui, selon la parole de Bossuet, « portent son caractère, c’est-à-dire la croix et l’infirmité ».
Dans Sa première prédication, à Nazareth, Il rappelle la parole du prophète Isaïe: « Le Seigneur m’a envoyé pour annoncer l’Evangile aux pauvres », et Il ajoute: « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture ».
Voici les premières paroles du Sermon sur la Montagne: « Heureux êtes-vous, ô pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous ».
Ce sont les pauvres qui L’ont suivi; Ses premiers disciples furent des pêcheurs du lac de Galilée. Les grands de ce monde, les riches ne L’ont pas aimé; s’il s’en est trouvé parmi eux qui ont voulu Le connaitre, ils venaient Le voir de nuit, en cachette.
jésus a été pauvre. Il a été « le Pauvre de l’éternelle Pauvreté » -. Au moment de donner Sa vie sur la croix, Il réunit Ses disciples et Il fait le geste de l’esclave: Il leur lave les pieds l’un après l’autre. Et puis Il leur rappelle le devoir primordial d’aimer et. d’assister les pauvres, les pauvres qui, leur dit-Il, sont Lui-même
Des millions d’êtres ont admiré le Christ. Toutefois le Christ n’a que faire d’admirateurs; ce qu’Il veut, ce sont des imitateurs: « je vous ai donné un exemple pour qu’à votre tour vous fassiez comme j’ai fait ». Mais «l’imitation de Jésus Christ » pauvre, mais la pauvreté volontaire est un idéal vraiment difficile à imaginer, vraiment surhumain à atteindre ! Et pourtant, comme le Christ, le disciple du Christ est nécessairement un Pauvre. Les richesses de cet univers sont sans attrait pour lui. Au reste, le Prince de ce monde s’est vanté que tous les trésors que renferme la terre lui appartiennent et qu’il les garde pour ses féaux. Le disciple du Christ ne saurait conserver de fortune que celle que lui dispense chaque jour l’éternel Ami qui chemine à ses côtés.
François d’Assise a pris dans son sens littéral, dans son sens absolu la parole du Christ an jeune homme riche: « Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu as et le donne aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi ». Cette ‘parole a été la règle constante de sa vie et il a élu la divine Pauvreté comme sa Dame.
Envoyant ses disciples prêcher l’Evangile, il leur (lit: « Considérons que Dieu dans sa bonté ne nous a pas seulement appelés pour notre salut, mais aussi pour celui de beaucoup de gens, afin que nous allions par le monde, exhortant les hommes, plus par notre exemple que par nos paroles, à faire pénitence de leurs péchés et à se souvenir des commandements… Vous trouverez des hommes pleins de foi, de donceur et de bonté, qui vous recevront avec joie, vous et vos paroles; mais vous en trouverez d’autres et en plus grand nombre, sans foi, orgueilleux, blasphémateurs, (lui vous injurieront et qui résisteront à vous et à vos paroles. Soyez donc résolus à tout supporter avec patience et humilité ».
Voici quelques lignes de son Testament.
« Quand le Seigneur m’eut donné des frères, personne ne me montrait ce que je devais faire, mais le Très-Haut lui même me révéla que je devais vivre selon le modèle du saint Evangile ».
« Ceux qui se présentaient pour embrasser ce ,genre de vie distribuaient aux pauvres tout ce qu’ils pouvaient avoir… je travaillais de mes mains et veux continuer, et je veux aussi que tous les autres frères travaillent à quelque métier honorable. Que ceux qui n’eu ont point en apprennent un non dans le but (le recevoir le prix de leur travail, mais pour le bon exemple et pour fuir l’oisiveté. Et quand on ne nous donne pas le prix du travail, ayons recours à la table du Seigneur, en demandant l’aumône de porte en porte. Le Seigneur me révéla la salutation que nous devions faire: « Dieu vous donne la paix ».
« Que les Frères aient grand soin de ne rien recevoir… que si tout est comme il convient à la sainte pauvreté dont nous avons fait vœu.
« S’ils ne sont pas reçus quelque part, qu’ils aillent ailleurs pour faire pénitence avec la bénédiction de Dieu.
« … Que quiconque aura observé ces choses soit comblé au ciel des bénédictions du Père céleste et sur la terre de celles de son Fils bien-aimé et du Saint-Esprit consolateur… Et moi, petit frère François, votre serviteur, je vous confirme autant que je puis cette très sainte bénédiction ».
Le jeudi 1° octobre 1226, avant-veille de sa mort, il se fit dépouiller de ses vêtements et demanda qu’on l’étendît par terre, car il voulait mourir entre les bras de sa Dame la Pauvreté. Il embrassa d’un regard les vingt ans qui s’étaient écoulés depuis leur union; puis il dit aux Frères: « J’ai fait mon devoir, que le Christ maintenant vous enseigne le vôtre! ».
Et le samedi, à la nuit tombante, il ferma les yeux, tandis qu’un vol d’alouettes venait s’abattre en chantant sur le chaume de sa cellule.
RELIGION ET CULTURE – FOI CHRETIENNE ET CULTURE (1994)
11 juin, 2013FOI CHRETIENNE ET CULTURE (1994)
MGR FRANC RODE
SECRÉTAIRE DU CONSEIL PONTIFICAL DE LA CULTURE
1. Religions et culture
Les religions traditionnelles – australiennes, mélanésiennes, africaines -aussi bien que l’hindouisme, le bouddhisme, le shintoïsme ou l’islam, ne connaissent pas de véritable distinction entre communauté religieuse et société politique, spirituel et temporel, activité religieuse et activité culturelle. La culture n’est que l’expression du religieux dans les différents domaines de la vie. La religion pénètre, informe et modèle toutes les activités de l’homme, de la construction d’une habitation ou d’un monument, jusqu’à la célébration des moments culminants de la vie individuelle et sociale. L’activité de l’homme se réduit à la répétition de ce que les dieux ou les ancêtres mythiques firent dans le temps primordial et fort des commencements. Les créations politiques et les institutions sociales, voire les expressions artistiques, se limitent à reproduire et à imiter les gestes des êtres divins. Aussi, dans ce cas, n’est-il pas possible de parler de culture autonome, car la religion envahit entièrement le domaine de la culture et l’absorbe.
2. Sociétés séculières et culture
A l’opposé de la conception religieuse de la culture, apparaît dans les temps modernes et dans les sociétés héritières du christianisme – et là seulement – un modèle de culture séculière et laïque. Contrairement au Moyen-Age chrétien, où l’activité culturelle était conçue comme un service pour l’achèvement de l’oeuvre de Dieu qu’est le monde, les temps modernes, et notamment les Lumières, conçoivent l’oeuvre de l’homme comme création. L’homme revendique pour soi et pour le monde une totale autonomie par rapport à Dieu, et, dans cette logique, la culture tend à se substituer à la religion. Désormais c’est la culture, conçue comme oeuvre créatrice de l’homme, qui donne un sens à la vie. Goethe déjà l’affirmait: «Qui possède la science et l’art, possède déjà la religion».
Dans cette vision, la nature – ou la matière selon le marxisme – est parée d’attributs proprement religieux: elle est éternelle, avec des ressources inépuisables, autocréatrice, fondée en elle-même. Les facultés créatrices de l’homme puisent à cette source mystérieuse pour l’accomplissement de l’oeuvre de celui-ci, elle aussi autonome, et ne tolérant aucune règle extérieure. Aussi, Dieu est-il de trop et il est rejeté. Tout élément religieux est ressenti comme un danger pour l’homme et pour la réussite de son oeuvre.
L’homme créateur devrait se jeter dans tous les dangers, épuiser la démesure, s’abandonner aux instincts pour que son oeuvre acquière sa pleine intensité. L’erreur, la révolte, le mal seraient nécessaires pour la naissance du grand art, comme l’écrivait Arthur Rimbaud: «Arriver à l’inconnu par le dérèglement de tous les sens» (Lettre à G. Izambard, 13 mai 1871).
Même si parfois les civilisations religieuses donnent l’impression d’écraser l’homme par l’élément sacré omniprésent, elles ont créé des cultures d’une très haute qualité et des oeuvres d’art de valeur permanente. En revanche, il n’est pas possible de dire la même chose des civilisations séculières ou ouvertement athées, comme en témoignent les sociétés communistes que nous avons vu mourir sous nos yeux. Que restera-t-il de ces soixante-dix ans, qui soit digne de mention dans le domaine de la culture, de l’art et de la philosophie? A l’évidence, une culture qui refuse toute transcendance, étouffe dans sa propre immanence et se stérilise elle-même. Nous y reviendrons.
3. Christianisme et culture
Avec le christianisme, une nouvelle réalité entre dans le monde, quelque chose d’inouï et d’absolument original par rapport aux religions naturelles: «Un cas isolé de l’histoire a valeur normative universelle» (Romano Guardini, Christianisme et culture, Paris, Casterman, 1967, p. 161).
La personne de Jésus-Christ est le coeur même du christianisme. «C’est lui – le voir c’est voir le Père – qui, par toute sa présence et par la manifestation qu’il fait de lui-même par paroles et oeuvres, par signes et miracles, et plus particulièrement par sa mort et sa résurrection glorieuse d’entre les morts, par l’envoi enfin de l’Esprit de vérité, achève en la complétant la révélation, et la confirme encore en attestant divinement que Dieu lui-même est avec nous pour nous arracher aux ténèbres du péché et de la mort et nous ressusciter pour la vie éternelle» (Dei Verbum, 4).
Jésus-Christ c’est Dieu avec nous, Dieu parmi nous. Quelle est son attitude devant les réalités terrestres? Quel est son comportement devant la culture? Le Christ possède à l’égard du monde une indépendance souveraine, son jugement sur le monde et la qualité de son action ne proviennent pas du monde, ne reflètent pas l’opinion reçue, ils n’en sont pas prisonniers. Ses décisions sont libres, conditionnées uniquement par la volonté du Père. C’est la transcendance absolue d’un Dieu qui diffère essentiellement du monde, d’un Dieu souverainement indépendant de sa création. Il introduit également une immanence nouvelle, car il est la vraie lumière qui éclaire tout homme (Jn 1,9-10), ouvrant à celui qui l’accepte dans la foi l’accès à une nouvelle intimité avec Dieu.
Dans le Christ et avec le Christ, le chrétien assume ainsi une nouvelle position à l’égard du monde: il est à la fois en dehors de lui, souverainement libre et indépendant de ses contraintes, et cependant intérieur à lui, responsable, proche et fraternel, dépassant en intériorité tout ce que connaissent les religions et les philosophies de ce monde.
Ces nouveaux rapports reflètent le mystère même du Verbe Incarné. Dans la Personne du Verbe la nature divine et la nature humaine sont unies «sans mélange ni confusion, sans division ni séparation» (in duabus naturis inconfuse, immutabiliter, indivise, inseparabiliter in unam personam atque subsistentiam concurrentes), selon la définition magistrale du Concile de Chalcédoine (Denz. 302).
Nous sommes ici à l’exact opposé des religions naturelles où tout est mélange et confusion, comme aussi aux antipodes des sociétés séculières où règnent division et séparation. Les premières écrasent l’homme avec une sacralité diffuse et omniprésente qui ne favorise pas l’éveil de la responsabilité et de la liberté personnelles, les secondes se coupent arbitrairement de la source transcendante et font violence à l’homme qui «passe infiniment l’homme» (Pascal).
Le christianisme est différent. Il ne mélange pas, mais distingue. Il ne sépare pas, mais unit. Dans la ligne des deux natures unies mais non mélangées dans la Personne du Verbe, il reconnaît une valeur propre à la culture profane, et non uniquement en fonction des valeurs religieuses. C’est dire qu’il reconnaît à la culture «une juste liberté pour s’épanouir et une légitime autonomie d’action» (Gaudium et spes, 59). Romano Guardini ose même affirmer: «C’est l’une des marques les plus profondes de l’esprit authentiquement religieux que de reconnaître leur autonomie relative aux choses et aux valeurs de la nature, sans les réduire à leur rapport direct avec la religion» (op. cit., p. 167).
Certes, le christianisme relativise les valeurs naturelles, lorsqu’il les juge du point de vue de l’éternité. Mais il repousse la tentation de les déclarer sans valeur. Ce serait tomber dans la gnose, le manichéisme, le bouddhisme, le luthéranisme, ce que l’Eglise a toujours refusé. Lorsque Dieu en Jésus-Christ s’approche de l’homme et l’invite à la plénitude de la vie, et lorsque celui-ci accueille le don de Dieu dans la foi, l’espérance et la charité, sa vie avec tout ce qu’elle comporte, acquiert une valeur d’absolu, sans perdre pourtant sa valeur, sa beauté et sa consistance terrestre.
Les choses étant ce qu’elles sont, se pose la question de savoir quel est le rapport juste, en perspective chrétienne, entre le divin et l’humain, entre créativité naturelle et inspiration d’en-haut, entre l’attachement à la terre et la recherche du Royaume, bref, entre culture et christianisme. Comme l’union des deux natures dans le Verbe Incarné, cette réalité est en elle-même un mystère. Nous ne pouvons dire quelque chose de ce rapport qu’à partir des effets qu’il produit dans tous les secteurs de l’activité humaine.
Or, ce principe de l’union sans mélange se révèle prodigieusement fécond dans le domaine de la philosophie, de la science, de la politique et de l’art. Bref, dans le domaine de la culture. La civilisation chrétienne en offre la preuve splendide.
Cette attitude sans mélange ni confusion entraîne la reconnaissance et l’affirmation de la solidité réelle, de la liberté intime et de la beauté propre des choses de ce monde, issues de la Parole Première. C’est le Royaume de la terre dans toute sa splendeur, la merveille d’un monde dans la joie de son autonomie, la beauté où rayonne l’essence des choses.
Mais cette réalité solide, belle et autonome ne doit pas être soumise à un régime de division et de séparation, elle ne doit pas être coupée de sa Source, ravalée au rang d’une réalité opaque qui est là, bêtement là (Sartre).
Seul le double principe de non-mélange et de non-confusion crée les conditions d’une pensée libre, d’une science autonome, d’une vraie démocratie, d’un art avec toute sa saveur terrestre et son aura eschatologique.
4. Conclusion
En d’autres termes, et toujours dans la ligne de Chalcédoine, les rapports entre la foi chrétienne et la culture s’établissent ainsi:
Contrairement aux religions païennes, la foi chrétienne ne réduit pas en esclavage la culture, ne l’absorbe pas, mais elle ne se soumet pas non plus à ses diktats. D’autre part, elle ne permet pas que les idéologies séculières la marginalisent et l’enferment dans l’espace éthéré de la pure religiosité. La foi est en dialogue permanent avec la culture, comme la culture authentique est en dialogue fécond avec la foi.
Et ceci à trois niveaux:
1. D’abord au niveau du dialogue entre philosophie et théologie. Dès le début et tout au long de son histoire, le Christianisme a dialogué avec la raison, a confronté ses affirmations avec les exigences de la raison, a respecté son indépendance, sans mélange ni confusion. Dans ce sens, il s’est toujours opposé au fidéisme. Car la foi chrétienne est par excellence «fides quaerens intellectum».
D’autre part, l’Eglise n’a jamais accepté le principe de division et séparation entre la révélation divine et la raison humaine, lorsqu’elle s’opposait au rationalisme, c’est-à-dire, à une raison close, idéologique, qui prétend absorber le réel dans l’idéel, ou réduire l’idée à la réalité, comme c’est le cas dans le matérialisme spéculatif ou pratique. Elle a toujours maintenu le principe du «intellectus quaerens fidem».
Ainsi, l’Eglise a libéré la raison, et a donné en même temps à l’acte de foi toute sa dignité d’acte raisonnable.
2. Dans la même ligne de Chalcédonie, se développe le dialogue entre la foi et la création artistique.
Le principe sans mélange ni confusion signifie, pour l’artiste chrétien, que les réalités de ce monde gardent leur sens, leur beauté, leur poids, indépendamment de la religion. En elles-mêmes et par elles-mêmes, avec l’autonomie qu’elles tiennent de Dieu. Et c’est un principe capital pour l’authentique oeuvre d’art. Car, dès que l’artiste perd le sens de la terre, dès qu’il prétend tout réduire au religieux, tout sacraliser, son oeuvre perd sa saveur et son sens, devient anémique, pâle, ennuyeuse. Un exemple: l’art de Saint-Sulpice et ses imitations dans les pays catholiques au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, produit d’une expérience chrétienne faible et rare. Le Moyen-âge, la Renaissance et le Baroque produisaient spontanément un art de qualité, parce que, du point de vue humain et chrétien, ils étaient beaucoup plus sains et authentiques.
L’autre erreur, fruit des idéologies totalitaires de notre époque, est celle qui veut créer un art selon le principe de la division et de la séparation, et conçoit le monde comme auto-suffisant, absolument autonome, sans lien avec la Transcendance, fermé à toute pensée sur l’Au-delà. De ce manichéisme métaphysique est né un art dont l’expression achevée est le réalisme socialiste, qui a dominé dans les pays communistes, comme aussi l’art de l’époque national-socialiste en Allemagne, et l’art d’inspiration fasciste en Italie. C’est un art sans âme et de valeur artistique fort douteuse.
3. Finalement, le dialogue entre foi et culture se fait au niveau politique. Le principe sans mélange ni confusion entre pouvoir politique et autorité spirituelle est le seul à garantir le respect de la liberté religieuse, alors que la confusion des deux pouvoirs conduit fatalement au cléricalisme, noir ou rouge. Le principe de non-confusion crée les conditions pour une participation, à conditions d’égalités, de tous, croyants et non-croyants, à la vie publique. Par ailleurs, le principe de division et séparation entre l’Eglise et l’Etat – une formule malheureuse, née des luttes politiques du passé – conduit facilement à la discrimination des croyants dans la vie publique.
Le chrétien, conscient de sa mission, sera toujours un homme de culture capable de traduire sa foi dans des réalisations concrètes. Ainsi, la culture n’apparaîtra pas comme étrangère à la foi, mais comme sa réalisation même. Et en même temps, la foi ne sera pas considérée comme un obstacle à l’épanouissement de la culture, mais bien au contraire, comme un ferment qui travaille à sa promotion et lui donne ses lettres de noblesse.