Archive pour juin, 2013

Jesus and his disciples

29 juin, 2013

Jesus and his disciples  dans images sacrée disc3
http://gardenofpraise.com/bibl27s.htm

DIMANCHE 30 JUIN : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIERE LECTURE – 1 Rois 19, 16b. 19-21

29 juin, 2013

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

DIMANCHE 30 JUIN : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

PREMIERE LECTURE – 1 Rois 19, 16b. 19-21

Le Seigneur avait dit au prophète Elie :
16 « Tu consacreras Elisée, fils de Shafate,
 comme prophète pour te succéder. »
19 Elie s’en alla.
 Il trouva Elisée, fils de Shafate, en train de labourer. 
 Il avait à labourer douze arpents,
 et il en était au douzième.
 Elie passa près de lui et jeta vers lui son manteau.
20 Alors Elisée quitta ses boeufs, courut derrière Elie, 
 et lui dit :
 « Laisse-moi embrasser mon père et ma mère,
 puis je te suivrai. »
 Elie répondit :
« Va-t’en, retourne là-bas !
 Je n’ai rien fait. »
21 Alors Elisée s’en retourna ;
 mais il prit la paire de boeufs pour les immoler,
 les fit cuire avec le bois de l’attelage,
 et les donna à manger aux gens. 
 Puis il se leva, partit à la suite d’Elie
 et se mit à son service.

Elie et Elisée sont deux très grands prophètes de l’Ancien Testament : leur prédication nous est rapportée par les deux livres des Rois ; quelques mots d’abord sur ces livres des Rois pour nous replonger dans le contexte : ils font partie de ce que nous appelons les « livres historiques » et cette classification risque de nous tromper un peu ; en apparence, effectivement, ce sont des livres d’histoire : sur cinq siècles, du dixième au sixième siècles avant J.C., ils décrivent deux histoires parallèles, deux dynasties, celle du Nord et celle du Sud, puisque, dès la mort de Salomon, en 933, le territoire a été divisé en deux royaumes distincts ; le royaume du Nord garde le nom d’Israël, le royaume du Sud s’appellera Juda.
 Mais, en réalité, les livres des Rois ne sont pas des manuels d’histoire comme on en écrirait aujourd’hui, avec un souci de rigueur et d’objectivité : visiblement, les auteurs ont sélectionné leurs matériaux avec des intentions bien précises pour que nous retenions la leçon, ce que nous appelons la « morale de l’histoire ». Leur but est toujours d’ordre théologique ; la grande leçon sous-jacente à tout cet ensemble est simple : seule, la fidélité à l’Alliance proposée par Dieu peut assurer le bonheur du peuple élu. Et, si ces livres y insistent tant, c’est que ce rappel n’est pas superflu ! Précisément, sur toute la période de la royauté dans les deux royaumes d’Israël et de Juda, les auteurs n’ont que trop d’occasions de rapporter les infidélités du peuple mal guidé par ses rois, l’idolâtrie permanente, mais aussi les malheurs incessants : guerres, rivalités, injustices criantes. Et ceci explique cela : respecter les commandements de Dieu, c’est semer la paix et la justice. A l’inverse, oublier Dieu, c’est oublier sa Loi, rechercher le pouvoir et l’argent, mentir, voler, tuer… Et, inexorablement, semer l’injustice et la haine, donc la violence… Et, malheureusement, pendant toute cette période, l’exemple vient de haut.
 Les deux prophètes Elie et Elisée, qui se succèdent au neuvième siècle, se font donc les champions de la fidélité au Dieu unique et ils consacrent leur vie et toutes leurs énergies (et Dieu sait qu’ils n’en manquent pas !) à ramener le peuple au seul vrai Dieu. Ce dimanche, nous lisons le récit de la vocation d’Elisée : « Le Seigneur avait dit au prophète Elie : Tu consacreras Elisée, fils de Shafate, comme prophète pour te succéder ». L’intention du texte est claire : il s’agit d’affirmer que c’est Dieu lui-même qui a choisi Elisée, et Elie ne fait que lui transmettre l’appel de Dieu. Il s’agit de bien montrer que, par choix de Dieu, Elisée est le digne successeur d’Elie, son fils spirituel.
 Elisée était en train de labourer : première remarque, c’est au sein de sa vie quotidienne que l’appel retentit. Jusqu’ici, il était agriculteur ; quand on fait la liste des personnages bibliques, on constate qu’ils sont recrutés dans des milieux et des métiers très divers. Et que l’appel de Dieu retentit quand on ne s’y attend pas, au milieu des occupations quotidiennes. Moïse, David et Amos gardaient leurs moutons, Gédéon battait le blé, Samuel dormait en pleine nuit, Saül rentrait des champs derrière ses boeufs ; même chose pour les appelés du Nouveau Testament : Matthieu était à sa table de douane, et les premiers disciples étaient à la pêche.
 Le texte continue : « Il avait à labourer douze arpents, et il en était au douzième » : toujours, dans la Bible, ce chiffre douze est signe de plénitude, d’accomplissement parfait ; Elisée en est au douzième arpent : il a donc fini sa tâche ; son ancienne mission, son ancienne vie est terminée ; une nouvelle vie commence. « Elie passa près de lui et lui jeta son manteau » : il faut croire que ce geste était très parlant puisqu’Elisée a tout de suite compris ce qu’Elie voulait dire ; en jetant son manteau sur les épaules d’Elisée, Elie l’invitait à participer à sa mission. Alors Elisée quitte ses boeufs et court derrière Elie pour lui dire : « Laisse-moi seulement le temps de faire mes adieux chez moi et je te suivrai ». Il a donc très bien compris l’appel mais il prend le temps d’accomplir ce qu’il considère comme son devoir : embrasser son père et sa mère, manger une dernière fois avec eux.
 Elie répond : « Va-t’en, retourne là-bas ! Je n’ai rien fait ». Cette phrase d’Elie nous surprend peut-être et certains y voient un geste d’humeur. Mais, en fait Elie n’a pas repris son manteau : on sait bien que les dons de Dieu sont sans repentance. Elie rappelle seulement à Elisée qu’il est libre ; en même temps il veut lui faire comprendre que cette vocation, s’il l’accepte, implique un choix radical, une rupture : il lui faut se tourner résolument vers l’avenir, tout quitter.
 Là encore, le texte est étonnant de sobriété : quelques mots seulement, des gestes qui parlent, et visiblement les deux interlocuteurs se sont parfaitement compris ! C’est en toute liberté qu’Elisée retourne faire ses adieux ; et son geste est très significatif : il tue les deux boeufs de son attelage, brûle l’attelage lui-même pour faire cuire les boeufs et fait un repas d’adieu pour toute la maison. Geste définitif : désormais, plus rien ne le retient, il ne possède plus rien, il est totalement libre pour se mettre au service d’Elie pour la mission que Dieu voudra. C’est bien une rupture définitive, radicale avec son ancienne vie. La mission à laquelle il est appelé exige cette radicalité ; mais sans violence pour sa famille et ses proches ; il prend le temps de leur dire adieu.
 Plus tard, quand Elie sera enlevé au ciel, Elisée ramassera son manteau. Il sera alors « habillé » en quelque sorte de la mission d’Elie : Saint Paul a repris exactement cette symbolique du vêtement pour parler du Baptême et nous faire comprendre que nous participons à notre tour à la mission du Christ : « Vous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ ».

TREIZÈME DIMANCHE DANS L’ANNÉE C – 30 JUIN 2013 – HOMÉLIE

29 juin, 2013

http://www.kerit.be/homelie.php#3

TREIZÈME DIMANCHE DANS L’ANNÉE C – 30 JUIN 2013 – HOMÉLIE

1 Rois 19, 16b.19-21
Psaume 15
Galates 5, 1. 13-18
Luc 9, 51-62

L’évangile que nous venons d’entendre semble présenter deux portraits très contrastés de  Jésus. Les deux frères Jacques et Jean, devant l’hostilité de Samaritains, appelleraient bien Dieu à la rescousse pour  bouter le feu à leur village. Jésus les reprend vivement avant de poursuivre sa route en quête d’un lieu plus hospitalier. Bienveillance et non-violence : voilà deux qualités que nous aimons retrouver sans problème chez le Christ.
Mais lorsqu’à un homme qui voulait le suivre partout où il irait, Jésus répond : «Sache que le Fils de l’Homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête». Nous sommes étonnés. A un autre qui voulait aller aux funérailles de son père, Jésus demande de partir immédiatement annoncer le Royaume : «Laisse les morts enterrer les morts. » C’est scandalisés que nous sommes ! A un troisième qui veut tout simplement aller dire au revoir à sa famille, Jésus rappelle : «Celui qui regarde en arrière après avoir mis les mains à la charrue n’est pas digne du Royaume de Dieu». Là, pour le compte, nous sommes désorientés. Le Christ est plus dur que le prophète Elie appelant Elisée à le suivre !
Avec des formules aussi  dures,  peut-on continuer à parler de l’Évangile comme d’une Bonne Nouvelle ? Ne nous présente-t-il  pas un Dieu pervers, un Dieu cruel qui exige l’impossible ?
Main non, pas du tout. Il ne faut d’abord pas prendre à la lettre, de manière fondamentaliste, ce genre de propos, comme si Jésus exigeait qu’on n’aille plus enterrer ses parents ! Alors, comment comprendre ces paroles… ?
Le message  de Jésus n’est que bonne nouvelle, qu’heureuse annonce de bonheur. Mais Jésus rencontre un obstacle terrible chez ses contemporains, comme  aujourd’hui chez nous. Cet obstacle, c’est la dureté de cœur. De toutes les manières, Jésus a essayé de briser cette dureté. De toutes les manières, d’abord en se faisant tendre, par des paroles de douceur, à d’autres moments en se faisant ferme,  par des paroles cinglantes.
En tout cela, il ne cherche qu’une seule chose : ouvrir une brèche dans notre cœur endurci. La dureté, elle est en nous. Pas chez Jésus.
Nous sommes durs d’oreille, pas étonnant que Jésus élève le ton pour se faire entendre. Nous sommes durs à mettre en route, toujours portés à remettre à plus tard. Pas étonnant que Jésus rappelle sèchement : « C’est maintenant, c’est tout de suite, c’est urgent, convertissez-vous ! » Nous sommes surtout durs de cœur. Le monde est dur. Dur avec les pauvres, les sans-voix. La dureté de certaines paroles de Jésus ou la rudesse de son ton sont proportionnées à la dureté du monde.
Jésus n’est pas violent, mais il ne tolère pas l’intolérable. Il n’est pas quelqu’un de doucereux ou de mièvre, mais un homme courageux et exigeant. Et nous devons, nous aussi, à sa suite, parler haut et fort et lutter pour dénoncer l’intolérable, ou alors ne nous disons plus disciples de ce Jésus.
Jésus ne veut que notre bonheur, l’Évangile est Bonne Nouvelle. L’amour de Dieu, l’amitié de Dieu pour l’humanité est le cœur même de l’Évangile. La rudesse de la Parole de Dieu n’est pas pour détruire mais pour guérir. Le message de saint Paul entendu tout à l’heure le confirme : «Le Christ vous a libérés. C’est à la liberté que vous êtes appelés». Le Christ ne vient pas brimer notre liberté, mais la faire vraiment exister. Cat il n’y a de liberté que pour aimer en actes et en vérité.

Sts. Peter and Paul the Apostles

28 juin, 2013

Sts. Peter and Paul the Apostles  dans images sacrée agiois_petros___paylos2

http://full-of-grace-and-truth.blogspot.it/2010/06/sermon-of-st-augustine-of-hippo-on-sts.html

29 JUIN : SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL – Homélie prononcée à Bussy par le père Boris le 12 juillet 2002

28 juin, 2013

http://www.crypte.fr/homelies/pierre-et-paul.html

29 JUIN : SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL – HOMÉLIE

Homélie prononcée à Bussy par le père Boris le 12 juillet 2002

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,

Cette fête des saints Pierre et Paul est une des grandes fêtes de l’année liturgique. On peut dire que c’est par excellence –après la Pentecôte, bien sûr– la fête de l’Église. Quand saint Pierre et saint Paul sont représentés, soit à la Pentecôte, soit à l’Ascension, Paul est toujours près de Pierre. Le rassemblement de ces deux apôtres signifie la plénitude de l’Église.
Je commencerai par parler de saint Pierre. Quand nous regardons sa vie, nous voyons que Pierre n’est jamais seul. Il apparaît d’abord avec son frère André, et encore ce n’est pas Pierre qui découvre le Seigneur, mais c’est André qui va l’annoncer à son frère Pierre. Tous deux étaient du village de Bethsaïde, près du Lac de Tibériade. Il y a actuellement des icônes de saint André et de saint Pierre qui ont un sens symbolique. Dans la mesure où l’on veut que Pierre représente l’Église romaine –et il n’est pas seul à la représenter, il est apôtre pour l’Église entière– et André l’Église d’Orient, cette icône voudrait être le symbole de la réconciliation entre les Églises d’Orient et d’Occident, celles qu’on appelle quelquefois les deux poumons de l’Église. Pierre fut donc avec André parmi les premiers appelés. Mais très tôt, dans les Évangiles, ce n’est plus avec son frère qu’on le voit mais avec Jean, et Jacques, les fils de Zébédée. Quand le Seigneur envoyait les disciples deux par deux, Pierre allait avec Jean. Il y a donc un lien particulier qui s’instaure entre Pierre et le « disciple que Jésus aimait. » On le voit à la Sainte Cène, lorsque Pierre, n’osant pas s’adresser directement à Jésus, s’adresse à Jean dont la tête repose sur la poitrine du Maître pour qu’il demande « Et qui est celui qui va te livrer ? » Jean avait une intimité avec le Seigneur que Pierre n’avait pas, malgré son courage, malgré sa force, malgré toute sa spontanéité. Après la Résurrection, on les voit tous les deux courir ensemble vers le Tombeau et c’est Jean qui « vit et crut ». De même, lorsqu’ils pêchaient sur le lac de Tibériade, c’est Jean qui reconnaît Jésus sur la rive, mais c’est Pierre qui se jette à l’eau pour aller à sa rencontre. Dans l’Église primitive, à Jérusalem ou en Samarie, Pierre et Jean vont ensemble prêcher la Bonne Nouvelle.
Mais on trouve ensuite, dans la tradition ecclésiale, un autre couple formé par Pierre et Paul. Ils participent tous les deux au premier Concile de Jérusalem, Pierre le premier –il est toujours nommé le premier dans les listes des apôtres, on précise souvent « Pierre d’abord »– et Paul le dernier –lui qui s’appelait « l’avorton »– apparu comme un paradoxe, une contradiction, lui qui persécutait les chrétiens et gardait les vêtements de ceux qui lapidaient Étienne. À partir de là, par un retour en arrière, l’Église situe Paul en face de Pierre dans une relation unique jusqu’à la fin des temps. C’est pourquoi, dans toute la vie de l’Église, Pierre et Paul seront toujours évoqués ensemble et représentés ensemble même avant qu’ils ne se rencontrent, à la Pentecôte et à l’Ascension.
Je voudrais dire aussi quelques mots sur ce que l’on peut appeler « les faiblesses » de saint Pierre. Pierre, celui qui avait encore une foi chancelante, qui voulait marcher sur les eaux mais qui sombrait, celui qui voulait dissuader le Seigneur d’aller vers les souffrances. C’est ce qui suit immédiatement le passage que nous venons de lire, la confession de Pierre à Césarée. Quand Pierre dit au Seigneur : « Non, ne va pas à Jérusalem, Seigneur », le Seigneur lui répond : « Éloigne-toi de moi, Satan. Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes.»
Quel mot terrible ;! Satan, c’est-à-dire tentateur. Simon se souviendra de cette leçon dans sa première épître, qui est une des plus sublimes de tout le Nouveau Testament. Il y revit toute la passion du Christ à travers la prophétie d’Isaïe : « Lui qui n’a pas commis de péché et dans la bouche duquel il ne s’est pas trouvé de mensonge. Lui qui a porté nos péchés dans son corps sur le bois, afin que, morts pour le péché, nous vivions pour la justice ; lui par les meurtrissures duquel vous avez été guéris.» Pierre applique cette prophétie à Jésus, « qui n’ouvre pas la bouche quand il est mené à l’immolation ».
D’autre part, saint Pierre a reçu du Seigneur un nom nouveau, comme nous l’avons entendu aujourd’hui : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » Il est le roc et l’Église se souvient de cette parole en considérant que tout évêque chargé de veiller sur le troupeau de l’Église entre dans le mystère du roc, qu’on appelle la « pétrinité » de saint Pierre. Rome a voulu en faire une exclusive pour le siège du pape, ce que l’Orient n’a pas accepté tout en reconnaissant à Rome une primauté dans l’amour, une primauté dans le service plus qu’une primauté dans l’autorité. Et, c’est à cela que répond déjà Pierre dans son épître d’une façon très claire : « Approchez-vous du Seigneur, Lui la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu. Et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce.»
Simon, fils de Jonas, dit Pierre, ne se réserve pas ce nom symbolique que Dieu lui a donné, il rappelle que la seule pierre véritable, c’est Jésus, sur lequel l’Église est fondée. Et nous, tous ensemble, nous formons des pierres, tous ensemble nous sommes unis par le ciment de l’Esprit Saint, lien de l’amour et de l’unité, qui fait de nous non plus des cailloux épars mais un édifice vivant, saint, capable de porter en lui la présence de Dieu. Il ne s’agit pas seulement de l’église comme bâtiment, mais de l’église que chaque fidèle est, car nous sommes tous le temple de Dieu, l’édifice spirituel, l’Église du Christ dans lequel se réalise la présence du Tout-Autre, du Tout-Saint, du Dieu Trinité.
Une dernière chose : dans son épître, saint Pierre reprend les Béatitudes et y met un point d’orgue, en guise de paroles de consolation pour les Églises éprouvées. « Ne soyez pas surpris comme d’une chose étrange qui vous arrive, de la fournaise qui est au milieu de vous pour vous éprouver. Réjouissez-vous – comme dans les Béatitudes – de la part que vous avez aux souffrances du Christ afin que vous soyez aussi dans la joie et l’allégresse lorsque sa gloire apparaîtra. Et si vous êtes outragés pour le nom du Christ, bienheureux êtes-vous, car l’Esprit de gloire, l’esprit de Dieu repose sur vous.» Voyez-vous, cette joie qui nous est promise au Royaume et qui nous est annoncée dès maintenant, c’est la joie et la plénitude dans l’Esprit Saint.
Quelques mots pour terminer sur saint Paul. Il y a tellement à dire ;! Dans cette seconde épître aux Corinthiens nous avons entendu les épreuves de saint Paul, ses souffrances sans nom, mais en même temps la grâce que Dieu lui a donnée d’être élevé au troisième ciel et d’entendre des paroles ineffables que nul homme ne peut répéter et qu’il ne pouvait lui-même nous redire. Et, pour qu’il ne s’enorgueillisse pas, le Seigneur lui a donné « une écharde dans la chair, comme un ange de Satan qui le souffletait » – c’est très mystérieux, nous ne savons pas de quoi il s’agissait. Était-ce une tentation ? Était-ce une maladie ? nous ne savons –. Saint Paul en souffrait, il supplia le Seigneur de l’en libérer, par trois fois, mais le Seigneur lui répondit : « Ma grâce te suffit. C’est dans la faiblesse que se manifeste ma puissance. » C’est pourquoi saint Paul ne voulait se glorifier que de ses propres faiblesses, afin qu’à travers ses faiblesses puisse se manifester davantage la puissance de Dieu.
Que dirai-je encore ? Saint Paul possédait cette évidence intérieure de la vie en Christ, lorsqu’il disait : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ». Quelle audace de pouvoir le dire ! mais quelle joie aussi ! C’est notre programme à chacun : car ce « moi » est le vieil homme, c’est le moi avare, le moi colérique, égoïste, avec toutes les tares du vieil homme qui s’agglutinent dans ce moi pécheur qui doit mourir. Quand le Christ vit en moi, par la grâce du Saint Esprit, alors je regarde le monde lui-même d’un œil nouveau : Ce n’est plus moi qui parle, c’est le Christ qui parle en moi ; ce n’est plus moi qui aime, c’est le Christ qui aime en moi. Il y a ainsi un recentrement profond de notre existence entière sur le Christ, sans que ma personnalité –oh… ma personnalité…– ne soit brimée ni contrainte ni réduite à zéro. Au contraire, elle renaît dans une vie nouvelle de joie. Alors, nous trouvons la puissance et la grâce d’aimer, comme saint Paul, de participer avec l’Esprit Saint à la naissance nouvelle des enfants de Dieu.
C’est sur cela que je voudrais terminer, sur cette parole de saint Paul : « Mes petits enfants – pour saint Paul, nous sommes tous ses petits enfants, pas plus – pour qui je souffre à nouveau les douleurs de l’enfantement jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous. » Les douleurs de l’enfantement, cela signifie que, pour que le Christ puisse naître en nous, il y a tout un travail intérieur à faire. L’enfantement est une image, que le Seigneur reprend dans le Discours des adieux : « Lorsqu’une femme met au monde un enfant, elle est dans la souffrance, mais quand elle a enfanté elle est dans la joie parce qu’un homme est venu au monde. » Cet enfant qui vient au monde, ce sont les enfants de saint Paul et de tous ceux qui participent avec lui à cette gestation, oubliant à la fin leur souffrance, car celui qui participe, qui est auprès d’une âme en train de naître en Christ, sent en lui-même ses propres douleurs. C’est le mystère de la compassion, du partage de la souffrance de l’autre que nous vivons par l’Esprit Saint. Dans l’Esprit Saint nous devenons capables de sentir comme si c’était notre propre souffrance les souffrances de l’autre, comme si c’était notre propre joie les joies de l’autre. Tout cela nous est donné dans l’Esprit Saint et tout cela, les saints apôtres Pierre et Paul nous le communiquent.
Creusons davantage, à travers les épîtres pauliniennes, les épîtres de saint Pierre et les Actes des apôtres, toutes ces lois de la vie chrétienne, qui nous conduisent par la naissance et la croissance jusqu’à la plénitude de vie en Christ par l’Esprit Saint.

Amen.

Père Boris

CÉLÉBRATION DES PREMIÈRES VÊPRES DE LA SOLENNITÉ DE SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL, À L’OCCASION DE L’INAUGURATION DE L’ANNÉE PAULINIENNE – HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI (2008)

28 juin, 2013

 http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/homilies/2008/documents/hf_ben-xvi_hom_20080628_vespri_fr.html

CÉLÉBRATION DES PREMIÈRES VÊPRES DE LA SOLENNITÉ DE SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL, À L’OCCASION DE L’INAUGURATION DE L’ANNÉE PAULINIENNE

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs
Samedi 28 juin 2008

 Votre Sainteté et chers délégués fraternels,
Messieurs les cardinaux,
Vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et sœurs,

Nous sommes réunis auprès de la tombe de saint Paul, qui naquit il y a deux mille ans à Tarse de Cilicie, dans l’actuelle Turquie. Qui était ce Paul? Dans le temple de Jérusalem, devant la foule agitée qui voulait le tuer, il se présente lui-même avec ces mots:  « Je suis juif:  né à Tarse, en Cilicie, mais élevé ici dans cette ville [Jérusalem], j’ai reçu, à l’école de Gamaliel, un enseignement strictement conforme à la Loi de nos pères; je défendais la cause de Dieu avec une ardeur jalouse… » (Ac 22, 3). A la fin de son chemin, il dira de lui-même:  « J’ai reçu la charge… [d'enseigner] aux nations païennes la foi et la vérité » (1 Tm 2, 7; cf. 2 Tm 1, 11). Maître des nations, apôtre et annonciateur de Jésus Christ, c’est ainsi qu’il se décrit lui-même en regardant rétrospectivement le parcours de sa vie. Mais avec cela, son regard ne va pas seulement vers le passé. « Maître des nations » – cette parole s’ouvre à l’avenir, vers tous les peuples et toutes les générations. Paul n’est pas pour nous une figure du passé, que nous rappelons avec vénération. Il est également notre maître, pour nous aussi apôtre et annonciateur de Jésus Christ.
Nous sommes donc réunis non pour réfléchir sur une histoire passée, irrévocablement révolue. Paul veut parler avec nous – aujourd’hui. C’est pourquoi j’ai voulu promulguer cette « Année paulinienne » spéciale:  pour écouter et pour apprendre à présent de lui, qui est notre maître, « la foi et la vérité », dans lesquelles sont enracinées les raisons de l’unité parmi les disciples du Christ. Dans cette perspective, j’ai voulu allumer, pour ce bimillénaire de la naissance de l’Apôtre, une « Flamme paulinienne » spéciale, qui restera allumée pendant toute l’année dans un brasero spécifique placé dans le quadriportique de la Basilique. Pour conférer de la solennité à cet événement, j’ai également inauguré la « Porte paulinienne », à travers laquelle je suis entré dans la Basilique accompagné par le Patriarche de Constantinople, par le cardinal archiprêtre et par les autres autorités religieuses. C’est pour moi un motif de joie profonde que l’ouverture de l’ »Année paulinienne » assume un caractère œcuménique, en raison de la présence de nombreux délégués et représentants d’autres Eglises et communautés ecclésiales, que j’accueille le cœur ouvert. Je salue tout d’abord Sa Sainteté le Patriarche Bartholomaios I et les membres de la délégation qui l’accompagne, ainsi que le groupe nombreux de laïcs qui, de différentes parties du monde, sont venus à Rome pour vivre avec Lui et avec nous tous, ces moments de prière et de réflexion. Je salue les délégués fraternels des Eglises qui ont un lien particulier avec l’Apôtre Paul – Jérusalem, Antioche, Chypre, Grèce – et qui forment le cadre géographique de la vie de l’Apôtre avant son arrivée à Rome. Je salue cordialement les frères des différentes Eglises et communautés ecclésiales d’Orient et d’Occident, en même temps que vous tous qui avez voulu prendre part à cette ouverture solennelle de l’ »Année » consacrée à l’Apôtre des Nations.
Nous sommes donc ici rassemblés pour nous interroger sur le grand Apôtre des Nations. Nous nous demandons non seulement:  qui était Paul? Nous nous demandons surtout:  Qui est Paul? Que me dit-il? En cette heure, au début de l’ »Année paulinienne » que nous inaugurons, je voudrais choisir dans le riche témoignage du Nouveau Testament trois textes, dans lesquels apparaît sa physionomie intérieure, la spécificité de son caractère. Dans la Lettre aux Galates, il nous a offert une profession de foi très personnelle, dans laquelle il ouvre son cœur aux lecteurs de tous les temps et révèle quelle est l’impulsion la plus profonde de sa vie. « Je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). Tout ce que Paul accomplit part de ce centre. Sa foi est l’expérience d’être aimé par Jésus Christ de manière tout à fait personnelle; elle est la conscience du fait que le Christ a affronté la mort non pour quelque chose d’anonyme, mais par amour pour lui – de Paul – et que, en tant que Ressuscité, il l’aime toujours, c’est-à-dire que le Christ s’est donné pour lui. Sa foi est le fait d’être frappé par l’amour de Jésus Christ, un amour qui le bouleverse jusqu’au plus profond de lui-même et qui le transforme. Sa foi n’est pas une théorie, une opinion sur Dieu et sur le monde. Sa foi est l’impact de l’amour de Dieu sur son cœur. Et ainsi, cette foi est l’amour pour Jésus Christ.
Paul est présenté par de nombreuses personnes comme un homme combatif qui sait manier l’épée de la parole. De fait, sur son parcours d’apôtre les disputes n’ont pas manqué. Il n’a pas recherché une harmonie superficielle. Dans la première de ses Lettres, celle qui s’adresse aux Thessaloniciens, il dit:  « Nous avons cependant trouvé l’assurance qu’il fallait pour vous annoncer, au prix de grandes luttes, l’Evangile de Dieu… Jamais, vous le savez, nous n’avons eu un mot de flatterie » (1 Th 2, 2.5). Il considérait que la vérité était trop grande pour être disposé à la sacrifier en vue d’un succès extérieur. La vérité dont il avait fait l’expérience dans la rencontre avec le Ressuscité méritait pour lui la lutte, la persécution, la souffrance. Mais ce qui le motivait au plus profond, était d’être aimé par Jésus Christ et le désir de transmettre cet amour aux autres. Paul était un homme capable d’aimer, et toute son œuvre et sa souffrance ne s’expliquent qu’à partir de ce centre. Les concepts de base de son annonce se comprennent uniquement à partir de celui-ci. Prenons seulement l’une de ses paroles-clés:  la liberté. L’expérience d’être aimé jusqu’au bout par le Christ lui avait ouvert les yeux sur la vérité et sur la voie de l’existence humaine – cette expérience embrassait tout. Paul était libre comme un homme aimé par Dieu qui, en vertu de Dieu, était en mesure d’aimer avec Lui. Cet amour est à présent la « loi » de sa vie et il en est précisément ainsi de la liberté de sa vie. Il parle et agit, mû par la responsabilité de la liberté de l’amour. Liberté et responsabilité sont liées ici de manière inséparable.  Se  trouvant dans la responsabilité de l’amour, il est libre; étant quelqu’un qui aime, il vit totalement dans la responsabilité de cet amour et ne prend pas la liberté comme prétexte pour l’arbitraire et l’égoïsme. C’est dans le même esprit qu’Augustin a formulé la phrase devenue ensuite célèbre:  Dilige et quod vis fac (Tract. in 1Jo 7, 7-8) – aime et fais ce que tu veux. Celui qui aime le Christ comme Paul l’a aimé peut vraiment faire ce qu’il veut, car son amour est uni à la volonté du Christ et donc à la volonté de Dieu; car sa volonté est ancrée à la vérité et parce que sa volonté n’est plus simplement sa volonté, arbitre du moi autonome, mais qu’elle est intégrée dans la liberté de Dieu et apprend de celle-ci le chemin à parcourir.
Dans  la  recherche  du  caractère intérieur de saint Paul je voudrais, en deuxième lieu, rappeler la parole que le Christ ressuscité lui adressa sur la route de Damas. Le Seigneur lui demande d’abord:  « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? ». A la question:  « Qui es-tu, Seigneur? », est donnée la réponse:  « Je suis Jésus, celui que tu persécutes » (Ac 9, 4). En persécutant l’Eglise, Paul persécute Jésus lui-même:  « Tu me persécutes ». Jésus s’identifie avec l’Eglise en un seul sujet. Dans cette exclamation du Ressuscité, qui transforma la vie de Saul, est au fond désormais contenue toute la doctrine sur l’Eglise comme Corps du Christ. Le Christ ne s’est pas retiré au ciel, en laissant sur la terre une foule de fidèles qui soutiennent « sa cause ». L’Eglise n’est pas une association qui veut promouvoir une certaine cause. Dans celle-ci, il ne s’agit pas d’une cause. Dans celle-ci il s’agit de la personne de Jésus Christ, qui également en tant que Ressuscité est resté « chair ». Il a la « chair et les os » (Lc 24, 39), c’est ce qu’affirme le Ressuscité dans Luc, devant les disciples qui l’avaient pris pour un fantôme. Il a un corps. Il est personnellement présent dans son Eglise, « Tête et Corps » forment un unique sujet dira saint Augustin. « Ne le savez-vous pas? Vos corps sont les membres du Christ », écrit Paul aux Corinthiens (1 Co 6, 15). Et il ajoute:  de même que, selon le Livre de la Genèse, l’homme et la femme deviennent une seule chair, ainsi le Christ devient un seul esprit avec les siens, c’est-à-dire un unique sujet dans le monde nouveau de la résurrection (cf. 1 Co 6, 16sq). Dans tout cela transparaît le mystère eucharistique, dans lequel l’Eglise donne sans cesse son Corps et fait de nous son Corps:  « Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ? Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain » (1 Co 10, 16sq). En ce moment, ce n’est pas seulement Paul, mais le Seigneur lui-même qui s’adresse à nous:  Comment avez-vous pu laisser déchirer mon Corps? Devant le visage du Christ, cette parole devient dans le même temps une question urgente:  Réunis-nous tous hors de toute division. Fais qu’aujourd’hui cela devienne à nouveau la réalité:  Il y a un unique pain, et donc, bien qu’étant nombreux, nous sommes un unique corps. Pour Paul, la parole sur l’Eglise comme Corps du Christ n’est pas une comparaison quelconque. Elle va bien au-delà d’une comparaison:  « Pourquoi me persécutes-tu? » Le Christ nous attire sans cesse dans son Corps à partir du centre eucharistique, qui pour Paul est le centre de l’existence chrétienne, en vertu duquel tous, ainsi que chaque individu, peuvent faire de manière personnelle l’expérience suivante:  Il m’a aimé et s’est donné lui-même pour moi.
Je voudrais conclure par l’une des dernières  paroles  de  saint  Paul, une exhortation à Timothée de la prison, face à la mort:  « Prends ta part de souffrance pour l’annonce de l’Evangile », dit l’apôtre à son disciple (2 Tm 1, 8). Cette parole, qui se trouve à la fin des chemins parcourus par l’apôtre, comme un testament renvoie en arrière, au début de sa mission. Alors qu’après sa rencontre avec le Ressuscité, Paul, aveugle, se trouvait dans sa maison de Damas, Ananie reçut le mandat d’aller chez le persécuteur craint et de lui imposer les mains, pour qu’il retrouve la vue. A Ananie, qui objectait que ce Saul était un dangereux persécuteur des chrétiens, il fut répondu:  Cet homme doit faire parvenir mon nom auprès des peuples et des rois. « Et moi, je lui ferai découvrir tout ce qu’il lui faudra souffrir pour mon Nom » (Ac 9, 15sq). La charge de l’annonce et l’appel à la souffrance pour le Christ vont de pair inséparablement. L’appel à devenir le maître des nations est dans le même temps et intrinsèquement un appel à la souffrance dans la communion avec le Christ, qui nous a rachetés à travers sa Passion. Dans un monde où le mensonge est puissant, la vérité se paye par la souffrance. Celui qui veut éviter la souffrance, la garder loin de lui, garde loin de lui la vie elle-même et sa grandeur; il ne peut pas être un serviteur de la vérité et donc un serviteur de la foi. Il n’y a pas d’amour sans souffrance – sans la souffrance du renoncement à soi-même, de la transformation et de la purification du moi pour la véritable liberté. Là où il n’y a rien qui vaille la peine de souffrir, la vie elle-même perd sa valeur. L’Eucharistie – le centre de notre être chrétiens – se fonde sur le sacrifice de Jésus pour nous, elle est née de la souffrance de l’amour, qui a atteint son sommet dans la Croix. Nous vivons de cet amour qui se donne. Il nous donne le courage et la force de souffrir avec le Christ et pour Lui dans ce monde, en sachant que précisément ainsi notre vie devient grande, mûre et véritable. A la lumière de toutes les lettres de saint Paul, nous voyons que sur son chemin de maître des nations s’est accomplie la prophétie faite à Ananie à l’heure de l’appel:  « Et moi je lui ferai découvrir tout ce qu’il lui faudra souffrir pour mon Nom ». Sa souffrance le rend crédible comme maître de vérité, qui ne cherche pas son propre profit, sa propre gloire, la satisfaction personnelle, mais qui s’engage pour Celui qui nous  a  aimés et qui s’est donné lui-même pour nous tous.
En cette heure, nous rendons grâce au Seigneur, car il a appelé Paul, le rendant lumière des nations et notre maître à tous, et nous le prions:  Donne-nous aujourd’hui aussi des témoins de la résurrection, touchés par ton amour et capables d’apporter la lumière de l’Evangile dans notre temps. Saint Paul, prie pour nous! Amen.

St. Peter’s Tomb in The Vatican Necropolis, Vatican City –

27 juin, 2013

St. Peter's Tomb in The Vatican Necropolis, Vatican City -  dans images sacrée Image454524352
http://newcovenantjournal.blogspot.it/2011/09/tomb-of-st-peter-in-rome-vatican.html

PIERRE ET PAUL AUX ORIGINES DE L’ÉGLISE DE ROME – PAUL POUPARD

27 juin, 2013

http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/pierre_et_paul_aux_origines_de_l_eglise_de_rome.asp

PIERRE ET PAUL AUX ORIGINES DE L’ÉGLISE DE ROME

PAUL POUPARD

Président du Conseil pontifical de la culture

Depuis la première année sainte de l’Église de Boniface VIII en 1300, les temps ont bien changé, comme le visage de Rome qui accueille les pèlerins. Mais la démarche demeure la même : aller prier aux Limina Apostolorum, ou « Mémoires des apôtres », ces lieux sacrés de Rome où sont conservés et vénérés les tombeaux des apôtres Pierre et Paul, grâce auxquels la Ville est devenue le centre de l’unité catholique. Dès le IIe siècle, les fidèles se rendent à Rome pour voir et vénérer les trophées des apôtres Pierre et Paul, et contempler sa basileia, sa royale majesté. Au IVe siècle, le pèlerinage de Rome devient en Occident le parallèle de celui qui, en Orient, conduisait à Jérusalem au tombeau du Seigneur.
C’est parce que Pierre est venu à Rome et qu’il y a été enseveli après son martyre qu’irrésistiblement les pèlerins ont afflué vers Saint-Pierre, lieu de sa sépulture, et que le pape, son successeur, s’est établi à son voisinage. Les deux faits ont la même origine. L’emplacement de la basilique Saint-Pierre n’a pas été choisi arbitrairement. L’édifice s’élève au-dessus de la tombe ; très précisément, le cœur de la basilique, l’autel de la confession, a été édifié au-dessus de sa sépulture. Son Éminence le Cardinal Paul Poupard, président du Conseil pontifical de la culture et auteur de Rome Pèlerinage (Bayard-L’Emmanuel, 1997) relate ici comment la tradition et les épîtres de la fin du Ier siècle se sont trouvées confirmées par les fouilles archéologiques menées depuis 1940 dans les Grottes vaticanes et à Saint-Paul-hors-les-Murs.

Le témoignage de la tradition
Une tradition immémoriale affirme que Pierre, venu à Rome implanter l’Église au cœur de l’empire y périt martyr. Que pouvons-nous dire de sûr à ce sujet à la lumière de l’histoire et de l’archéologie ? Les zones d’ombre se sont progressivement réduites depuis que le pape Pie XII fit entreprendre des travaux gigantesques, à l’occasion de la sépulture de son prédécesseur, le pape Pie XI.
Une première constatation s’impose, et elle est capitale. Aucune voix ne s’est jamais élevée dans l’Antiquité contre cette croyance du martyre de Pierre à Rome. Cet argument a silentio, du silence, a une grande force. Quant aux textes allégués en faveur de la tradition, il s’agit de l’épître de saint Clément de Rome aux Corinthiens et de l’Épître aux Romains de saint Ignace d’Antioche.
Clément, l’évêque de Rome, écrit aux Corinthiens vers la fin du Ier siècle pour apaiser les dissensions qui divisaient la communauté chrétienne. Dans sa lettre, il évoque la multitude innombrable des fidèles qui ont péri à Rome pendant la persécution de Néron, et en particulier les apôtres Pierre et Paul : « Jetons les yeux sur nos excellents apôtres : Pierre qui, victime d’une injuste jalousie, souffrit non pas une ou deux, mais de nombreuses fatigues et qui, après avoir rendu son témoignage, s’en est allé au séjour de gloire qui lui était dû. C’est par suite de la jalousie et de la discorde que Paul a montré le prix de la patience […] et, ayant rendu son témoignage devant ceux qui gouvernent, il a quitté le monde et s’en est allé au saint lieu ». Clément a peut-être connu personnellement les deux apôtres. Des allusions de sa lettre on peut légitimement déduire que c’est Rome qu’il évoque, cette ville dont il est l’évêque et d’où il écrit.
C’est de Smyrne qu’Ignace, évêque d’Antioche en Syrie, écrit son épître aux Romains, sous le règne de Trajan, peut-être en 107. « Je ne vous donne pas des ordres, leur écrit-il, comme Pierre et Paul ; ils étaient des apôtres, et moi, je ne suis qu’un condamné ; ils étaient libres, et moi, jusqu’à présent, je suis esclave ; mais si je souffre, je deviendrai un affranchi de Jésus-Christ en qui je ressusciterai libre ». On ne peut qu’être frappé par la mention conjointe des deux apôtres, à qui Ignace rendra bientôt témoignage, à Rome précisément, par son propre martyre.
Au début du IIIe siècle apparaît la tradition selon laquelle l’apôtre Pierre aurait été crucifié la tête en bas, comme le pèlerin peut le voir sur un très beau relief du XVe siècle dans les Grottes vaticanes. La cruauté de Néron rend ce supplice possible, mais rien ne permet de l’affirmer avec certitude. Par contre, c’est sur des bases solides que repose la tradition du martyre et de la sépulture de Pierre au Vatican pendant la persécution de Néron, décrite par une célèbre page des Annales de Tacite. Après l’incendie criminel de l’an 64, il ne subsistait à Rome aucun autre lieu capable d’abriter de tels sinistres et grandioses spectacles. Le Circus Maximus avait été endommagé par le feu et le Circus Flaminius était trop petit. Les Romains avaient coutume de placer les croix des condamnés le long des voies. On peut penser que celle de Pierre a été dressée, avec d’autres mentionnées par Tacite, le long d’une de ces routes au voisinage du cirque.
Quant à la tradition bien affirmée de la sépulture de Pierre au Vatican, le premier document qui l’atteste est un célèbre passage de Gaïus, que nous a conservé l’historien Eusèbe. Celui-ci, dans son Histoire ecclésiastique, rapporte la polémique de ce docte prêtre romain avec Proclus, membre de la secte hérétique montaniste, dans les dernières années du IIe ou les premières années du IIIe siècle. Pour affaiblir l’autorité de l’Église romaine, Proclus exaltait la présence en Asie Mineure de la tombe de l’apôtre Philippe et d’autres grands personnages de la chrétienté primitive. Gaïus répliqua avec force : « Mais moi, je puis te montrer les trophées des saints apôtres. En effet, si tu veux te rendre au Vatican ou sur la voie d’Ostie, tu trouveras les trophées de ceux qui ont fondé cette Église ». Gaïus parle de « trophées ». On ne peut réduire la signification de ce terme à de simples monuments commémoratifs, dans ce contexte polémique qui oppose ces trophées à des insignes tombes d’Asie Mineure. Le raisonnement, autrement, serait sans aucune portée. Il s’agit d’un mot grec, tropaion, qui signifie « monument de victoire », entendons ici de la victoire obtenue par les deux martyrs au nom de Jésus-Christ : en subissant la mort, ils entraient victorieusement dans la vie avec le Ressuscité.
Ainsi, dès la fin du IIe siècle apparaît le ferme témoignage que Pierre avait au Vatican sa tombe glorieuse, comme Paul avait la sienne sur la voie d’Ostie. Dans le Vatican de Néron, un monument s’imposait par son importance. C’était le cirque commencé par l’empereur Caligula (37-41) et terminé par Néron (54-68). Les fouilles ont pu le localiser le long du côté sud de l’actuelle basilique Saint-Pierre, entre l’Arco delle Campane et la Piazza di Santa Marta, c’est-à-dire à ga ornement était l’obélisque dressé en son centre, que, d’après Pline l’Ancien, Caligula avait fait venir tout exprès d’Égypte. C’est ce même obélisque que le pèlerin peut contempler aujourd’hui au centre de la place Saint-Pierre, où il fut transféré en 1586 par l’architecte Domenico Fontana sur l’ordre du pape Sixte Quint. Les fouilles récentes ont permis de retrouver les fondations primitives de l’obélisque.
On sait aussi, grâce aux mêmes fouilles, que, dès le Ier siècle, la plaine vaticane recevait des tombes le long des voies qui la traversaient. Cet antique usage est bien attesté, comme le pèlerin le découvre en voyant les tombeaux qui bordent la via Appia. Riches et pauvres s’y côtoyaient, ces derniers se glissant dans les petits espaces demeurés libres entre les somptueux tombeaux érigés pour les patriciens romains. Rien d’étonnant à ce qu’un pauvre crucifié, reconnaissable après sa mort – il n’avait été ni défiguré par le feu, ni broyé par les fauves – soit recueilli par les fidèles et que son cadavre soit déposé dans une fosse creusée dans le sol nu.

Les fouilles de Pie XII
Le pape Pie XI avait exprimé le désir d’être enterré ad caput Sancti Petri, au plus près de la tombe de l’apôtre Pierre. Pour accéder à ce vœu, son successeur Pie XII fit entreprendre, en juillet 1940, les travaux nécessaires à la mise en place du lourd sarcophage dans les Grottes vaticanes. On appelle ainsi le sous-sol de la basilique Saint-Pierre, formé par la différence de niveau entre l’ancienne et la nouvelle basilique. Ses voûtes basses, supportées par des pilastres qui le divisent en trois nefs, soutiennent le pavement de l’édifice actuel. À peine eut-on atteint 0,20 m de profondeur, au cours des travaux, qu’apparut le pavement de l’ancienne basilique constantinienne, puis, sous ce pavement, un grand nombre de sépultures chrétiennes. En creusant plus profondément, on découvrit des murs de fondation de l’antique sanctuaire et une nécropole romaine – celle-ci peut se visiter aujourd’hui en obtenant une autorisation préalable – que la construction de ce dernier avait ensevelie.
L’exploitation scientifique de ce chantier d’une ampleur imprévue devait fournir des informations importantes et incontestées. Deux campagnes de fouilles furent successivement menées, de 1939 à 1949, puis de 1953 à 1958. L’examen du sol révéla une donnée étonnante : pour créer la base nécessaire à la construction de l’édifice de Constantin, ses architectes avaient dû à la fois remplir de terre et entrecouper d’œuvres massives de soutènement une zone encore non utilisée de la nécropole, et en même temps entailler une partie de la colline du Vatican. Pourquoi Constantin avait-il choisi, pour bâtir sa basilique, un endroit déjà occupé par un cimetière, et par ailleurs si peu favorable, car le sol argileux demandait d’importants travaux de drainage et des travaux de terrassement à flanc de coteau ? Tout aurait dû lui faire écarter ce site. Tout, sauf la tradition vivante à son époque de la présence du tombeau de Pierre, tout près du lieu de son martyre.
Les pilastres qui supportent la voûte des Grottes vaticanes, sous la nef centrale de la basilique, reposent sur un fond artificiellement formé d’un mélange d’argile et de sable. L’édifice est érigé au-dessus de l’endroit où la tradition localisait la tombe de Pierre. Les fouilles ont exhumé une tombe pauvre, appelée thêta, recouverte de tuiles, dont l’une porte un sceau que l’on peut dater du règne de l’empereur Vespasien (69-79). Tout le matériel trouvé aux alentours immédiats remonte à la même époque : fragment de petite lampe portant la marque de son atelier de fabrication, morceaux de verre irisé et doré à l’égyptienne.

La nécropole païenne
Une nécropole plus récente a été mise au jour, qui remonte aux IIe et IIIe siècles. Cette nécropole païenne commença à accueillir des tombes chrétiennes, comme le révèlent les inscriptions des monuments funéraires. C’est ainsi que le petit sépulcre païen des Julii de la seconde moitié du IIe siècle se transforme en sépulcre chrétien, à la première moitié du IIIe siècle. En sa décoration lumineuse, on retrouve les scènes chères aux chrétiens. Sur les murs se succèdent les images du Bon Pasteur, du pêcheur mystique, de Jonas englouti par le monstre marin, ce qui symbolise le Christ descendu aux enfers et ressuscité après trois jours à la lumière des cieux. Et, au plafond, parmi les sarments couleur émeraude d’une vigne symbolique, s’élève, sur un quadrige tiré par des chevaux blancs, la radieuse représentation du Christ-Soleil, glorieuse image de la résurrection espérée. Le contraste est grand entre la richesse de cette décoration et l’humilité de la position de cette tombe, entre deux autres sépulcres qui l’étouffent, pour ainsi dire, à l’intérieur de la nécropole. C’est que rien n’était excessif pour décorer un édifice dont le privilège était de se trouver au voisinage immédiat de la memoria de Pierre.

La « memoria » de Pierre
Les fouilles ont en effet démontré que l’autel central de la basilique Saint-Pierre est construit exactement au-dessus de la memoriade l’apôtre. C’est Clément VIII qui l’a fait édifier (1592-1605). En descendant sous le riche baldaquin de bronze du Bernin, on remonte du flamboyant XVIe siècle renaissant vers les siècles passés, grâce aux dispositions de Jean-Paul II qui a remis en communication directe l’autel de la Confession de Pierre avec son tombeau, caché depuis cent cinquante ans par la grande statue de Pie VI à genoux, de Canova. Sous l’autel de Clément VIII se trouve un autre autel, celui de Calixte II (1119-1124), et, sous celui-ci, un autre encore, de Grégoire le Grand (590-604), encastré dans l’autel de Calixte II. En allant au-dessous, on rencontre un monument constantinien de forme quadrangulaire revêtu de marbre blanc et de porphyre rouge. Constantin l’a lui-même dédié à l’apôtre. Il remonte peut-être aux cérémonies commémoratives de la victoire décisive du pont Milvius, le 28 octobre 312.

Le Mur rouge
Entre ses murs de marbre, ce monument constantinien enferme une construction plus ancienne, un petit édicule. Considéré manifestement par l’empereur comme digne d’un exceptionnel respect, cet édicule est élevé sur une petite place rectangulaire de 8 mètres du nord au sud et de 4 mètres d’est en ouest, appelée conventionnellement par les chercheurs le campo P. Les chambres funéraires qui l’entourent remontent aux années 130 à 150. Sur le côté ouest se dresse un mur appelé Mur rouge, à cause de la couleur rouge vif dont il est peint. Derrière, un chemin – clivus – donnait accès à d’autres chambres funéraires. En dessous de ce chemin, un égout permettait l’écoulement des eaux. Les tuiles dont il est recouvert portent un sceau indiquant les propriétaires, personnages historiques bien connus, puisqu’il s’agit d’Aurelius Caesar, le futur empereur Marc Aurèle, et de sa femme, Faustina Augusta. Nous sommes donc entre 146, date à laquelle Faustina prit le nom d’Augusta, et 161, où le nouvel empereur prit le nom de Marc Aurèle.
Certaines des tombes fort modestes qui s’appuient sur le Mur rouge témoignent par leurs tuiles d’une origine antérieure. Quant au petit édicule, le plus important pour le pèlerin, il subit diverses destructions et déformations, qui n’empêchent pourtant pas une sérieuse reconstitution. Deux niches superposées sont creusées dans le Mur rouge. Entre elles s’avance, comme une table, une plaque de travertin soutenue par deux colonnettes de marbre blanc ; celle de gauche est encore bien visible dans la maçonnerie ajoutée à une époque postérieure. Dans le pavé, une ouverture fermée par une dalle, et d’une orientation différente, donnait sur une sorte de cachette doublée de petites plaques de marbre, où l’on a retrouvé des ossements, des restes de vieilles étoffes, des morceaux de verre, des pièces de monnaie. Nul doute qu’on y ait déposé quelques restes alors jugés dignes du plus grand respect.

Le trophée de Gaïus
Si tous les archéologues ne s’accordent pas en tout point, le pèlerin peut du moins avoir la certitude, en ce lieu sacré, de l’existence d’un édicule construit dans la nécropole vaticane vers 160, et inclus par Constantin dans son monument érigé en mémoire de saint Pierre. Il s’agit sans aucun doute du fameux trophée dont parlait le prêtre Gaïus quelques années plus tard. L’identité de l’édicule du Mur rouge et de ce trophée est désormais admise par tous les savants. Cet édicule n’a pu être construit en ce point que fort malaisément. Une raison impérieuse commandait donc de le situer là, et non pas ailleurs. Quelle autre raison, pour ce point précis, sinon la présence en ce lieu d’une dépouille mortelle déjà vénérée en cet endroit même ?
Peut-on aller plus loin et assurer avec certitude que la tombe de Pierre existait réellement sous l’édicule ? Les fouilles ont révélé des indices d’une fosse antique, dont l’orientation est la même que celle de l’ouverture dont nous avons parlé plus haut, et qui est différente de celle de l’édicule lui-même. Les ossements humains qui ont été retrouvés sous les fondations du Mur rouge n’ont, à l’examen scientifique, révélé aucun rapport avec l’apôtre Pierre. Mais à l’intérieur du monument constantinien, les fouilles ont fait apparaître en 1941 un loculus large de 0,77 m sur 0,29 et haut de 0,315, revêtu à l’intérieur de bandes de marbre grec, creusé dans le mur préexistant, le mur G pour les spécialistes, postérieur au Mur rouge, mais antérieur au monument constantinien qui l’a respecté et inclus. Il contenait, lors de l’inventaire, du plâtras tombé de haut, jusqu’à mi-hauteur, avec des ossements qui y étaient mêlés. On recueillit ces ossements dans une petite caisse de bois et on les déposa dans un lieu voisin situé dans les Grottes vaticanes.

La cachette et la caissette
Aussi surprenant que la chose paraisse, ils y restèrent longtemps oubliés ! Et devant la cachette vide, les spécialistes formulèrent naturellement l’hypothèse qu’elle avait été destinée à recevoir les restes de Pierre. Ainsi s’exprimèrent le père Antoine Ferma en 1952, Jérôme Carcopino en 1953, le père Engelbert Kirschbaum et Pascal Testini en 1957. C’est Margherita Guarducci qui redécouvrit en 1953 la caissette de bois contenant le matériel prélevé dans la cachette. Outre les os, elle contenait aussi de la terre, des fragments de plâtre rouge, de petits restes d’étoffe précieuse et deux fragments de marbre. Tout cela fut confié à l’examen scientifique du professeur Venerando Correnti. Après une longue et minutieuse analyse, le savant conclut, en juin 1963, que les ossements appartenaient à un seul individu de sexe masculin, de constitution robuste, âgé au moment de sa mort de soixante à soixante-dix ans. Les analyses expérimentales du tissu mêlé à la terre révélèrent de l’or authentique, de l’étoffe teinte de vraie pourpre, et de la terre analogue à celle du lieu.

Conclusions de l’enquête
Cette enquête permet de conclure, en récapitulant les données de l’analyse. Selon une tradition séculaire, Pierre vint à Rome et y subit le martyre sous le règne de Néron dans les jardins du Vatican, près du cirque impérial, situé le long du côté sud de la basilique actuelle. L’existence dans la nécropole voisine de tombes chrétiennes dans un cimetière païen s’explique par la conviction que la sépulture de Pierre était dans le voisinage immédiat. Seule cette conviction explique qu’aient été affrontées les difficultés énormes pour ériger en cet endroit la basilique constantinienne, malgré la nécessité de bousculer des tombes et d’opérer des travaux de terrassement considérables, à mi-pente de la colline. Le monument constantinien en l’honneur de Pierre était donc considéré comme le sépulcre du martyr. À l’intérieur de ce monument-sépulcre, le loculus creusé dans le mur G fut revêtu de marbre à l’époque de Constantin, et ne fut jamais violé jusqu’à sa découverte en 1941, lors des fouilles entreprises sur l’ordre du pape Pie XII.
De ce loculus proviennent les ossements conservés dans un lieu voisin, où ils furent repris en 1953. Ces ossements sont donc ceux qui, au temps même de Constantin, ont été considérés comme les restes mortels du saint apôtre Pierre. Leur examen anthropologique le confirme. Le tissu de pourpre tissé de fils d’or dans lequel ils furent enveloppés atteste la haute dignité qu’on leur attribuait, en parfaite consonance avec le porphyre royal qui ornait l’extérieur du monument. La terre qui les entoure comme d’une croûte s’est révélée à l’examen pétrographique correspondre au sable marneux où fut creusée la tombe primitive, alors qu’en d’autres lieux du Vatican la terre est constituée d’argile bleue ou de sable jaune.
Tous ces éléments forment entre eux comme les anneaux d’une chaîne qui conduit à identifier ce qui a été conservé des ossements de Pierre. Ce fut, après examen personnel, la conviction du pape Paul VI, qui déclara en célébrant les saints apôtres Pierre et Paul, le 29 juin 1976 :
« Pour ce qui est de saint Pierre, nous avons la chance d’être parvenus à cette certitude – annoncée par Pie XII, notre prédécesseur de vénérée mémoire – que la tombe de saint Pierre est ici, en ce vénérable lieu où a été construite cette solennelle basilique qui lui est consacrée et où nous sommes rassemblés en ce moment dans la prière. »

Pierre et Paul
On ne peut dissocier Pierre et Paul. L’Église de Rome a été fondée par les deux apôtres. L’un et l’autre y sont morts martyrs. Et le pèlerinage le plus antique conduit à vénérer leurs restes mortels. L’histoire de Saint-Paul-hors-les-Murs, pour être moins complexe que celle de la basilique Saint-Pierre, n’en est pas moins ténébreuse. Le pèlerin qui arrive à la moderne basilique ne soupçonne rien des siècles passés, puisqu’un malencontreux incendie détruisit les 15 et 16 juillet 1823 presque entièrement la première basilique.
Comment pouvons-nous reconstituer l’histoire ? Paul, l’apôtre des Gentils, appartient à une famille d’origine juive, établie à Tarse en Cilicie, – la Turquie actuelle – où elle a acquis droit de cité romain. Après ses voyages missionnaires, il va porter le produit d’une collecte à Jérusalem. Poursuivi par le ressentiment tenace des Juifs, il est arrêté et conduit à Césarée devant le procurateur Félix. Celui-ci le garde prisonnier pendant deux ans. Devant Festus qui lui succède, Paul en appelle à César, puisqu’il est citoyen romain. C’est en 60 qu’il arrive à Rome, après un naufrage sur les rivages de Malte. De 61 à 63, il jouit de ce qu’on appelle la custodia libera, ce qui lui permet d’écrire plusieurs de ses épîtres et d’annoncer le royaume de Dieu avec assurance. Fit-il, de 63 à 66, une dernière tournée apostolique en Orient ou vers l’Espagne ? Rien ne permet de répondre à cette question. En 66, en tout cas, il est de nouveau prisonnier à Rome. Et il a la tête tranchée sur la route de Rome à Ostie, en 67.

Le témoignage de Luc
Il vaut la peine de relire, après le récit de la tempête et du naufrage que nous a laissé saint Luc, auteur des Actes des Apôtres, l’évocation de l’arrivée à Rome et la prédication de l’apôtre intrépide, au cœur de l’empire romain. C’est sur cette page missionnaire que se termine la grande fresque des Actes des Apôtres brossée par le médecin compagnon de Paul.
« C’est trois mois plus tard que nous avons pris la mer sur un bateau qui avait hiverné dans l’île ; il était d’Alexandrie et portait les Dioscures comme enseigne. Nous avons débarqué à Syracuse pour une escale de trois jours. De là, bordant la côte, nous avons gagné Reggio. Le lendemain, le vent du sud s’est levé et nous sommes arrivés en deux jours à Pouzzoles. Nous avons trouvé là des frères qui nous ont invités à passer une semaine chez eux. Voilà comment nous sommes allés à Rome. Depuis cette ville, les frères qui avaient appris notre arrivée sont venus à notre rencontre jusqu’au Forum d’Appius et aux Trois-Tavernes. Quand il les vit, Paul rendit grâces à Dieu : il avait repris confiance.
Lors de notre arrivée à Rome, Paul avait obtenu l’autorisation d’avoir un domicile personnel, avec un soldat pour le garder. Trois jours plus tard, il invita les notables juifs à s’y retrouver. Quand ils furent réunis, il leur déclara :

« Frères, moi qui n’ai rien fait contre notre peuple ou contre les règles reçues de nos pères, je suis prisonnier depuis qu’à Jérusalem j’ai été livré aux mains des Romains. Au terme de leur enquête, ces derniers voulaient me relâcher, car il n’y avait rien dans mon cas qui mérite la mort. Mais l’opposition des Juifs m’a contraint de faire appel à l’empereur sans avoir pour autant l’intention de mettre en cause ma nation. Telle est la raison pour laquelle j’ai demandé à vous voir et à m’entretenir avec vous. En réalité, c’est à cause de l’espérance d’Israël que je porte ces chaînes… »
Ils lui répondirent : « Nous n’avons reçu, quant à nous, aucune lettre de Judée à ton sujet, et aucun frère à son arrivée ne nous a fait part d’un rapport ou d’un bruit fâcheux sur ton compte. Mais nous demandons à t’entendre exposer toi-même ce que tu penses : car, pour ta secte, nous savons bien qu’elle rencontre partout l’opposition ».
Ayant convenu d’un jour avec lui, ils vinrent le retrouver en plus grand nombre à son domicile. Dans son exposé, Paul rendait témoignage au Règne de Dieu et, du matin au soir, il s’efforça de les convaincre, en parlant de Jésus, de sortir de la loi de Moïse et des prophètes. Les uns étaient convaincus par ce qu’il disait, les autres refusaient de croire…
Paul vécut ainsi deux années entières à ses frais et il recevait tous ceux qui venaient le trouver, « proclamant le Règne de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ avec une entière assurance et sans entraves » (Actes 28, 11-31).

La via Appia
Je n’ai jamais pu fouler les pavés de l’antique voie appienne, la via Appia, sans évoquer cette arrivée à Rome du vigoureux apôtre, épuisé par les épreuves, prisonnier entravé par les chaînes du Christ, mais toujours intrépide pour annoncer l’Évangile. De longue date, il avait désiré voir Rome pour porter la bonne nouvelle dans ce haut lieu de l’empire.
Des riches patriciens ou des pauvres esclaves, qui pouvait se soucier du petit Juif arrivant avec d’autres prisonniers, encadrés par un détachement de soldats, dans le va-et-vient de la grande foule cosmopolite vaquant à ses affaires et à ses plaisirs ? Selon l’usage, Paul passa sans doute dix jours au corps de garde du camp des prétoriens sur le mont Coelius. Burrhus, préfet des prétoriens, autrement dit le chef de la police impériale, ayant pu se convaincre de la véracité du bon témoignage rendu au prisonnier par le gouverneur Festus, l’autorisa à prendre un logement hors du camp, avec toujours son bras droit enchaîné au bras gauche du soldat chargé de le garder.

Martyre et sépulture
Dans les Actes, saint Luc rapporte le séjour romain de Paul et son annonce de l’Évangile, d’abord aux Juifs, jusqu’à la fin abrupte du récit. La seule chose qui soit certaine sur cette période de captivité est l’écriture, par l’apôtre, des lettres aux Colossiens, aux Éphésiens et à Philémon. Dans cette considérable marge d’incertitudes et d’hypothèses, il semble prudent d’admettre que Pierre vint à Rome alors que Paul, contre lequel aucune charge n’avait été retenue, avait fini par être libéré ; que Paul y revint après son dernier périple missionnaire, après aussi les hécatombes de Néron, où Pierre avait péri crucifié et avait été furtivement enseveli un soir d’automne par quelques fidèles. En arrivant à Rome vers l’année 67, Paul trouvait une communauté chrétienne décimée et humiliée. Quelles que soient les conditions de son retour, il ne dut pas enseigner longtemps sans être dénoncé et arrêté. C’est alors qu’il aurait dicté sa dernière lettre à Timothée, comme son testament spirituel. Condamné, Paul devait avoir la tête tranchée, supplice réservé aux citoyens romains. D’après le témoignage d’Eusèbe, son martyre eut lieu la quatorzième année du règne de Néron, soit entre juillet 1967 et juin 1968. La tradition rapporte que la tête, en rebondissant trois fois sur le talus, y aurait fait jaillir trois sources, nos modernes Tre Fontane. Rien ne permet d’accréditer cette version de caractère légendaire, adoptée par saint Grégoire, mort en 604.
Pour Paul comme pour Pierre, la proximité du lieu du supplice et du tombeau semble un fait historique. Pour Paul, ce lieu était voisin du Tibre, les décapitations se faisant généralement au long des fleuves. Un sarcophage de la fin du IVe siècle représente du reste la décapitation de saint Paul près d’un fleuve. Attesté dès la première moitié du IVe siècle, le culte liturgique supposait la présence d’un sanctuaire ad corpus édifié à cet endroit. Or celui-ci est situé, comme pour Pierre, dans la nécropole qui bordait la route, au milieu de tombes païennes portant des urnes, des inscriptions, des peintures et des stucs qui vont des derniers temps de la république jusqu’au IVe siècle, à deux kilomètres des murs d’Aurélien et de la porte du même nom. Sans avoir pour la sépulture de Paul les mêmes détails que pour celle de Pierre, nous avons la même certitude : la tombe de l’apôtre des Gentils se trouve au-dessous de l’autel majeur de l’actuelle basilique Saint-Paul-hors-les-Murs. Il y eut d’abord en cet endroit une construction constantinienne. Un mur c suite.

« Paulo Apostolo mart (yri) »
La construction d’une basilique monumentale sur cet emplacement remonte en 386, un demi-siècle après la mort de Constantin. Les empereurs Valentinien II, Théodose et Arcadius écrivent alors au préfet de Rome, Salluste, pour s’assurer de l’approbation du Sénat et du peuple romain pour ce projet destiné à édifier une grande basilique remplaçant celle qui avait été « anciennement » consacrée à saint Paul. À 1,37 m sous la table d’autel actuelle, une plaque de marbre de 2,12 m sur 1,27 m porte l’inscription – datant selon les uns de la première, selon les autres de la seconde moitié du IVe siècle – PAULO APOSTOLO MART. La plaque est composée de plusieurs morceaux rapportés. Seul celui qui porte le mot PAULO est muni de trois orifices, un rond et deux carrés, qui ne peuvent qu’être liés au culte funéraire de saint Paul. En effet, l’orifice rond, le seul qui n’abîme pas l’inscription, et qui donc peut lui être contemporain, est relié à un petit puits qui devait rejoindre la tombe. La présence sur le marbre des traces d’un couvercle métallique articulé, permettant d’ouvrir et de fermer à volonté l’orifice, semble bien le rapporter, ainsi que son conduit, à l’usage attesté par ailleurs aux catacombes de verser des parfums dans les tombeaux chrétiens. Un poème de Prudence, du début du Ve siècle, fait allusion à cet usage. Cependant, ce culte a ensuite changé de forme : les deux puits carrés sont venus abîmer l’inscription PAULO. Ils furent construits plus tard pour rejoindre, à des niveaux différents, le puits rond. Ainsi le bloc de maçonnerie sous-jacent a été retravaillé avant que l’on repose l’ancienne plaque, dont il est impossible, dans l’état actuel, de se représenter l’état primitif, encore qu’elle soit le témoin vénérable d’un culte vraisemblablement antérieur à la grandiose construction de 386.
Telles sont les données de l’archéologie, qui rejoignent ce qu’écrivait le prêtre Gaïus, déjà cité, dans sa lettre au montaniste Proclus : « Je puis te montrer les trophées des Apôtres. Que tu ailles au Vatican ou sur la route d’Ostie, tu y rencontreras les trophées de ceux qui ont établi l’Église romaine ».
Beaucoup d’incertitudes demeurent sur ces temps reculés. Qui furent les premiers chrétiens de Rome ? Quels ont été les premiers missionnaires ? L’histoire ne nous le dit pas. Nous savons seulement que saint Paul parle de l’Église de Rome comme d’une Église nombreuse, connue, célèbre par sa foi et ses œuvres. Quand il arrive dans la ville, saint Luc nous précise au livre des Actes des Apôtres que les frères de cette ville viennent à sa rencontre sur la voie appienne. Nous savons les martyres et la sépulture de Pierre au Vatican, ensuite de Paul sur la voie d’Ostie.
Depuis lors, comme l’assure le vieil adage, tous les chemins mènent à Rome. Et découvrir la Rome de Pierre et Paul est pour le moderne Romée une réponse au vœu de Paul : « Il faut aussi que je voie Rome » (Actes des Apôtres 19, 21).

PAUL POUPARD
AVRIL 2002

ÉPHÈSE AU TEMPS DE SAINT PAUL. TEXTES ET ARCHÉOLOGIE.

27 juin, 2013

http://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1676.html

ÉPHÈSE AU TEMPS DE SAINT PAUL. TEXTES ET ARCHÉOLOGIE.

Par Jerome Murphy-O’Connor
Jerome Murphy-O’Connor
Éphèse au temps de saint Paul. Textes et archéologie.
« Initiations Bibliques », Éd. du Cerf, Paris, 352 p., 44 €.

Voilà un livre d’une grande richesse : pour une part, un gros dossier, une sorte de compilation de tout ce qui a été écrit dans l’antiquité sur Éphèse ; pour le reste, un récit du ministère de Paul dans cette ville, récit exégétiquement fondé et un tantinet romancé.

Le dossier d’abord : Depuis Hérodote d’Halicarnasse (Ve siècle av. J.-C.) jusqu’à Callimaque de Cyrène (III e siècle apr. J.-C.), vingt six écrivains sont longuement cités – dans certains cas traduits en français pour la première fois – et commentés. Ainsi apparaissent aux yeux du lecteur, le corps et l’âme, si l’on peut dire, de la ville d’Éphèse, et cela de manière étonnamment concrète. Tout d’abord on réalise le rôle économique et stratégique majeur du port qui fut pour Rome la « porte de l’Asie ». Ensuite et surtout, chaque fois qu’il est question d’Éphèse, on constate l’omniprésence du fameux Artemision, le temple d’Artémis, une des sept merveilles du monde (avec, soit dit en passant, une intéressante réflexion sur les intentions sous-jacentes à cette appellation, qui, parait-il, avait le don de « taper sur les nerfs » des romains). Autre exemple significatif, ce qui est dit de la fiscalité romaine sur les provinces : lors de leur passage à Éphèse et sur ordre du sénat, Brutus et Cassius, les assassins de César, prélevèrent l’équivalent d’au moins 2.600 $ par habitant, femmes et enfants compris, et cela par le truchement des publicains bien connus des Évangiles ! Même si ceux de la Judée étaient moins voraces que leurs collègues d’Éphèse, on comprend le peu de sympathie que leur action suscitait.
Quant à la reconstitution du ministère de Paul, elle étonne d’abord le lecteur non prévenu, qui se retrouve tout soudain visitant Jérusalem aux côtés d’un Paul de vingt ans lors de sa première venue dans cette ville… Pour comprendre, il faut se référer aux précédents ouvrages de J. Murphy-O’Connor (J.M-C.). P. Debergé, dans sa recension de l’Histoire de Paul de Tarse et de Corinthe au temps de saint Paul (Cahier Évangile n°128), notait déjà que le lecteur avait intérêt à consulter le livre de J.M.-C. : Paul, a critical life, où il justifiait des prises de position considérées par la suite comme acquises. Il faut savoir aussi qu’il mêle délibérément une certaine part de fiction à ses hypothèses, de manière à donner de Paul et de ce qu’il a vécu une image vivante, incarnée. Le résultat est frappant de réalisme. Le regard porté sur Paul est lucide, un peu sévère sans doute. On a un peu l’impression qu’en réaction contre une vision idéalisée de l’Apôtre, l’auteur décide de le regarder par le petit bout de la lorgnette. Certes, Paul était bourré de défauts… mais on a envie de rappeler – ce que J.M.-C. sait bien, évidemment – que les lettres écrites à Éphèse sont des monuments littéraires et théologiques auprès desquelles le défunt Artemision fait pâle figure ! Signalons enfin que la liste des références des textes de l’antiquité et le tableau résumant l’activité de Paul à Éphèse sont bien utiles au lecteur. (Paul Agneray)
Niveau de difficulté : moyen

Pierre et Paul Apotre

26 juin, 2013

Pierre et Paul Apotre dans images sacrée Pierre-et-Paul-I

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