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FÊTE DE LA VISITATION DE LA VIERGE MARIE – COMMENTAIRES
31 mai, 2013http://rouen.catholique.fr/spip.php?article1571
FÊTE DE LA VISITATION DE LA VIERGE MARIE – COMMENTAIRES
VISITATION : MARIE « EXEMPLE ET MODÈLE DE TENDRESSE POUR QUI EST DANS LE BESOIN »
AUDIENCE DU MERCREDI
ROME, Mercredi 31 mai 2006 (ZENIT.org) – En évoquant la fête liturgique de la Visitation de Marie à Élisabeth, le pape Benoît XVI a adressé une « pensée affectueuse » aux jeunes, aux malades, et aux jeunes mariés, à la fin de l’audience générale, en italien.
il disait : « Chers frères et sœurs, en cette fête de la Visitation de la bienheureuse Vierge l’Église rappelle comment Marie se rend chez sa parente âgée, Élisabeth, pour lui rendre service. Elle devient ainsi pour nous exemple et modèle de tendresse pour qui est dans le besoin ».
« Chers jeunes, exhortait le pape, apprenez de Marie à grandir dans l’adhésion fidèle au Christ et dans l’amour serviable de vos frères ».
« Que la Vierge Sainte vous aide, chers malades, à faire de votre souffrance une offrande au Père céleste, en union avec le Christ crucifié », encourageait le pape.
Il ajoutait : « Soutenus par la maternelle intercession de la Vierge, vous, chers jeunes mariés, laissez-vous toujours guider par l’Évangile dans votre vie conjugale ». ZF06053104
SERMON DE SAINT AMBROISE SUR LE PSAUME 118
(Lectionnaire monastique de Solesmes pour la Visitation, Temps pascal, p. 1033-1037. Éditions du Cerf, Paris)
Tu vois que le Dieu Verbe secoue le paresseux et réveille le dormeur. En effet, celui qui vient frapper à la porte veut toujours entrer. Mais il dépend de nous qu’il n’entre pas toujours, qu’il ne demeure pas toujours. Que ta porte soit ouverte à celui qui vient ; ouvre ton âme, élargis les capacités de ton esprit, afin qu’il découvre les richesses de la simplicité, les trésors de la paix, la suavité de la grâce. Dilate ton cœur, cours à la rencontre du soleil de la lumière éternelle qui illumine tout homme. Et assurément cette lumière véritable brille pour tous ; mais si quelqu’un ferme ses fenêtres, il se privera lui-même de la lumière éternelle.
Donc même le Christ reste dehors, si tu fermes la porte de ton âme. Certes, il pourrait entrer ; pourtant il ne veut pas s’introduire de force, il ne veut pas contraindre ceux qui le refusent. Issu de la Vierge, il est sorti de son sein, irradiant tout l’univers, afin de resplendir pour tous. Ils le reçoivent, ceux qui désirent la clarté d’un éclat perpétuel, qu’aucune nuit ne vient interrompre. En effet, ce soleil que nous voyons chaque jour se laisse vaincre par la nuit obscure ; mais le soleil de justice ne connaît pas de couchant, car la sagesse n’est pas vaincue par le mal.
Bienheureux donc celui à la porte duquel frappe le Christ. Notre porte, c’est la foi qui, si elle est solide, défend toute la maison. C’est par cette porte que le Christ fait son entrée. Aussi l’Église dit-elle dans le Cantique : J’entends la voix de mon frère, il frappe à la porte. Écoute celui qui frappe, écoute celui qui désire entrer : Ouvre-moi, ma sœur, ma fiancée, ma colombe, ma parfaite, car ma tête est couverte de rosée, et mes cheveux des gouttes de la nuit. Considère à quel moment le Dieu Verbe frappe à ta porte, quand sa tête est couverte de la rosée nocturne. Car il daigne visiter ceux qui sont soumis à l’épreuve et aux tentations, afin que nul ne succombe, vaincu par les difficultés. Donc sa tête est couverte de rosée ou de gouttes d’eau, quand son corps est dans la souffrance.
C’est alors qu’il faut veiller, de crainte que, lorsque viendra l’Époux, il ne se retire parce qu’il a trouvé la maison fermée. En effet, si tu dors et si ton cœur ne veille pas, il s’éloigne avant d’avoir frappé ; si ton cœur veille, il frappe et il demande qu’on lui ouvre la porte. Nous disposons donc de la porte de notre âme, nous disposons aussi des portes dont il est écrit : Portes, élevez vos frontons ; élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire fera son entrée.
HOMÉLIE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME
(Lectionnaire monastique de Solesmes pour la Visitation, Temps pascal, p. 1037-1041. Éditions du Cerf, Paris)
Dès son avènement, le Rédempteur de notre race vient aussitôt à son ami Jean qui n’est pas encore né. De sein maternel à sein maternel, Jean plonge le regard, il secoue les limites de la nature, il s’écrie : « Je vois le Seigneur qui a fixé à la nature ses limites et je n’attends pas le moment de naître. Le délai de neuf mois, ici, ne m’est pas nécessaire, car en moi est l’éternel. Je sortirai de cet habitacle ténébreux, je prêcherai la connaissance substantielle de réalités admirables.
Je suis un signe : je signalerai l’avènement du Christ. Je suis une trompette : j’annoncerai l’économie du Fils de Dieu dans la chair. Trompette, je sonnerai et, par là-même, bénédiction pour la langue paternelle, je l’entraînerai à parler. Trompette, je sonnerai, et je vivifierai le sein maternel. »
Tu vois, ami, quel mystère nouveau et admirable ! Jean ne naît pas encore et déjà il parle par ses tressaillements ; il ne paraît pas encore et déjà il profère des avertissements ; il ne peut pas encore crier et déjà il se fait entendre par des actes ; il n’a pas encore commencé sa vie et déjà il prêche Dieu ; il ne voit pas encore la lumière et déjà il montre le soleil ; il n’est pas encore mis au monde et déjà il se hâte d’agir en précurseur. Le Seigneur est là ; il ne peut se retenir, il ne supporte pas d’attendre les limites fixées par la nature, mais il s’efforce de rompre la prison du sein maternel et il cherche à faire connaître d’avance la venue du Sauveur. « Il est arrivé, dit-il, celui qui brise les liens. Et quoi ? Moi, je reste assis enchaîné, et je suis encore tenu à demeurer ici ? Le Verbe vient pour tout rétablir et moi, je reste encore captif ? Je sortirai, je courrai devant lui et je proclamerai à tous : Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. »
Mais, dis-nous, Jean, retenu encore dans l’obscurité du sein de ta mère, comment vois-tu et entends-tu ? Comment contemples-tu les choses divines ? Comment peux-tu tressaillir et exulter ? « Grand, dit-il, est le mystère qui s’accomplit, c’est un acte qui échappe à la compréhension de l’homme. A bon droit j’innove dans l’ordre naturel à cause de celui qui doit innover dans l’ordre surnaturel. »
Je vois, avant même, de naître, car je vois en gestation le soleil de justice. À l’ouïe je perçois, car je viens au monde, voix du grand Verbe. Je crie, car je contemple, revêtu de sa chair, le Fils unique du Père. J’exulte, car je vois le Créateur de l’univers recevoir la forme humaine. Je bondis, car je pense que le Rédempteur du monde a pris corps. Je prélude à son avènement et, en quelque sorte, je vous devance par mon témoignage. »
HOMÉLIE DE SAINT BÈDE LE VÉNÉRABLE
(Lectionnaire monastique de Solesmes pour la Visitation, Temps pascal, p. 1041-1043. Éditions du Cerf, Paris)
Mon âme exalte le Seigneur ; exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur. Le sens premier de ces mots est certainement de confesser les dons que Dieu lui a accordés à elle, Marie, spécialement ; mais elle rappelle ensuite les bienfaits universels dont Dieu ne cesse jamais d’entourer la race humaine. L’âme glorifie le Seigneur quand elle consacre toutes ses puissances intérieures à louer et à servir Dieu ; quand, par sa soumission aux préceptes divins, elle montre qu’elle ne perd jamais de vue sa puissance et sa majesté.
L’esprit exulte en Dieu son Sauveur, quand il met toute sa joie à se souvenir de son Créateur dont il espère le salut éternel. Ces mots, sans doute, expriment exactement ce que pensent tous les saints, mais il convenait tout spécialement qu’ils soient prononcés par la bienheureuse Mère de Dieu qui, comblée d’un privilège unique, brûlait d’un amour tout spirituel pour celui qu’elle avait eu la joie de concevoir dans sa chair.
Elle avait bien sujet, et plus que tous les saints, d’exulter de joie en Jésus, c’est-à-dire en son Sauveur, car celui qu’elle reconnaissait pour l’auteur éternel de notre salut, elle savait qu’il allait, dans le temps, prendre naissance de sa propre chair, et si véritablement qu’en une seule et même personne serait réellement présent son fils et son Dieu.
C’est un usage excellent et salutaire, dont le parfum embaume la sainte Église, que celui de chanter tous les jours, à vêpres, le cantique de la Vierge. On peut en attendre que les âmes des fidèles, en faisant si souvent mémoire de l’incarnation du Seigneur, s’enflamment d’une plus vive ferveur, et que le rappel si fréquent des exemples de sa sainte Mère les affermisse dans la vertu. Et c’est bien le moment, à vêpres, de revenir à ce chant, car notre âme, fatiguée de la journée et sollicitée en sens divers par les pensées du jour, a besoin, quand approche l’heure du repos, de se rassembler pour retrouver l’unité de son attention.
HOMÉLIE D’ORIGÈNE SUR L’ÉVANGILE DE LUC
(SC n° 187, p. 154… 160. Éditions du Cerf)
Les meilleurs vont au-devant des moins bons pour leur procurer, par leur venue, quelque avantage. Ainsi le Sauveur vient à Jean pour sanctifier son baptême. Et dès que Marie eut entendu, selon le message de l’ange, qu’elle allait concevoir le Sauveur et que sa cousine Élisabeth était enceinte, elle partit, se rendit en hâte vers la montagne et entra dans la maison d’Élisabeth. Jésus, dans le sein de la Vierge, se hâtait de sanctifier Jean-Baptiste, encore dans le sein de sa mère. Avant l’arrivée de Marie et la salutation à Élisabeth, le petit enfant n’exulta pas dans le sein de sa mère ; mais dès que Marie eut prononcé la parole que le Fils de Dieu, dans son sein, lui avait suggérée, l’enfant exulta de joie et dès lors Jésus fit de son précurseur un prophète.
L’enfant tressaillit donc dans le sein d’Élisabeth, qui fut remplie du Saint-Esprit et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre les femmes. » Ici nous devons, pour que les hommes simples ne soient pas trompés, réfuter les objections habituelles des hérétiques. Au fait, je ne sais qui a pu se laisser aller à une telle folie pour affirmer que Marie avait été reniée par le Sauveur, parce qu’après la nativité elle se serait unie à Joseph. Voilà ce que quelqu’un a dit et puisse-t-il être capable de répondre de ses paroles et de ses intentions !
Si parfois les hérétiques vous font une telle objection, répondez-leur par ces mots : « C’est remplie du Saint-Esprit qu’Élisabeth a dit : Tu es bénie entre les femmes. Si Marie a été proclamée bienheureuse par le Saint-Esprit, comment le Seigneur a-t-il pu la renier ? Quant à ceux qui affirment qu’elle contracta mariage après son enfantement virginal, ils n’ont pas de quoi le prouver ; et aucun texte de l’Écriture ne mentionne ce fait. »
Si la naissance du Seigneur n’avait pas été toute céleste et bienheureuse, si elle n’avait rien eu de divin et de supérieur à la nature humaine, jamais sa doctrine ne se serait répandue sur toute la terre. Si, dans le sein de la Vierge Marie, il n’y avait eu qu’un homme et non le Fils de Dieu, comment pourraient être guéries, au temps du Christ comme de nos jours encore, des maladies physiques et spirituelles si variées ? N’avons-nous jamais été insensés, nous qui, aujourd’hui, par la miséricorde divine, avons l’intelligence et la connaissance de Dieu ? N’avons-nous jamais manqué de foi en la justice, nous qui, aujourd’hui, à cause du Christ, possédons et suivons la justice ? N’avons-nous jamais été dans l’erreur et l’égarement, nous qui, aujourd’hui, par la venue du Seigneur, ne connaissons plus ni hésitation ni trouble, mais sommes sur le chemin, c’est-à-dire en Jésus qui a dit : je suis le chemin ?
MÉDITATION DE GUIGUES II LE CHARTREUX
(SC n°163, p. 166-168, Ed. du Cerf)
Grand, admirable, incomparable ouvrage du roi très sage ! Que les lions et les lionceaux qui sont sur la terre te révèrent, ma souveraine, voilà qui est peu : toute la cour céleste, ravie bien au-dessus d’elle-même et stupéfaite, admire en toi l’œuvre des doigts de Dieu. Ô pleine de grâce, qu’est-ce donc que tu portes dans ton sein ? C’est le Seigneur, je suis sa servante. Le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses, admirables à bon droit parce que grandes, mais il est puissant, celui qui a fait pour moi ces grandes choses.
Il est le Seigneur, je suis sa servante ; il est la rosée, moi la terre, et de là le froment ; il est la manne, moi le vase, et de là le vermisseau. Je suis un ver, a-t-il dit, et non pas un homme, car tout homme est comme de l’herbe, mais lui est comme le blé. De la rosée du ciel et de la terre, qui est la vierge, a poussé le froment. Ce sont de grandes choses, mais celui qui les a faites est tout-puissant. Un seul grain de blé est né de moi, mais de l’abondance de ce froment, il a été dit : Si le grain meurt, il porte beaucoup de fruit. Or, en mourant, il a répandu le vin en abondance ; en ressuscitant et en montant au ciel, il a répandu l’huile, et il l’a répandue à profusion, comme dit l’Apôtre.
Voici l’abondance du blé, du vin et de l’huile, à partir de la rosée du ciel et de la fécondité de la terre. Ô terre féconde, pleine de grâce, comme la graisse mise à part dans le sacrifice, ainsi tu es séparée de la masse des pécheurs, pleine de grâce, de froment, de vin et d’huile, remplie avec surabondance de tous les dons du Saint-Esprit.
Le Seigneur est avec toi : avec toidans la chambre secrète de ton cœur, avec toi dans la retraite de ton sein ; il demeure avec toi, il ne cesse pas d’être avec toi, et jamais il ne s’éloigne de toi. Le Seigneur est avec toi : qu’est-ce à dire, avec toi ? Le Seigneur a une nature commune avec toi, une nature destinée à être élevée bien au-dessus des anges. Dieu habite dans les anges, mais non pas avec les anges ; il habite en toi, et il habite avec toi. Dieu siège au-dessus des anges, au-dessus des trônes, des chérubins et des séraphins, il siège et il règne en eux tous, mais il n’y a dans aucun royaume une œuvre semblable à ce grand trône d’ivoire.
FÊTE DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST – COMMENTAIRE DE MARIE NOELLE THABUT
31 mai, 2013http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
FÊTE DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST – COMMENTAIRE DE MARIE NOELLE THABUT
PREMIERE LECTURE – Genèse 14, 18-20
Comme Abraham revenait d’une expédition victorieuse
contre quatre rois,
18 Melkisédek, roi de Salem,
fit apporter du pain et du vin ;
il était prêtre du Dieu très-haut.
19 Il prononça cette bénédiction :
« Béni soit Abraham par le Dieu très-haut,
qui a fait le ciel et la terre ;
20 et béni soit le Dieu très-haut,
qui a livré tes ennemis entre tes mains. »
Et Abraham lui fit hommage du dixième de tout ce qu’il avait pris.
Melchisédech est nommé deux fois seulement dans l’Ancien Testament, ici dans le livre de la Genèse et dans le psaume 109/110 que nous lisons également ce dimanche. Deux fois, c’est peu, mais, curieusement, ce personnage devait jouer plus tard un grand rôle dans l’esprit de ceux qui attendaient le Messie et, un rôle bien plus grand encore chez les Chrétiens. La preuve, il est même cité dans une prière eucharistique ! Il nous intéresse donc au plus haut point.
Nous savons qu’Abraham revenait d’une expédition victorieuse quand il a rencontré Melchisédech. A vrai dire, les festivités après une victoire militaire étaient certainement chose courante et la Bible nous les raconte rarement. Pourquoi celle-ci nous est-elle racontée ? Certainement parce que plus tard, peut-être même très longtemps après les événements, on a trouvé à cette histoire un intérêt particulier.
Je commence par vous rappeler l’histoire : une guerre vient d’éclater dans la région ; deux petites coalitions s’affrontent, cinq rois d’un côté, quatre de l’autre. Chacun des belligérants s’est évidemment entouré pour la bataille du meilleur de ses troupes. Le roi de Sodome fait partie des combattants. Précisons tout de suite que ni Melchisédech ni Abraham ne sont directement concernés au début.
Mais les choses vont changer : à l’issue de la bataille, le roi de Sodome est vaincu ; or, parmi ses sujets, il y avait Lot, le neveu d’Abraham, qui est fait prisonnier. Abraham, prévenu, vole au secours de son neveu et délivre Lot et en même temps le roi de Sodome et ses sujets. Conformément aux usages de l’époque, le roi de Sodome va désormais devenir allié d’Abraham.
C’est alors qu’intervient Melchisédech dont le nom signifie « roi de justice » : probablement pour un repas d’Alliance, mais l’auteur de notre texte ne le précise pas, car, à partir de ce moment, il change de sujet : il focalise son récit sur le personnage de Melchisédech et sa relation avec Abraham.
Et que nous dit-il de Melchisédech ? Des choses assez inhabituelles dans la Bible :
Premièrement, il n’a pas de généalogie ; deuxièmement, il est à la fois roi et prêtre, alors que pendant de nombreux siècles de l’histoire d’Israël, c’est une chose qui ne devait pas se produire ; troisièmement, il est roi de Salem : on pense qu’il s’agit peut-être de la ville qui sera plus tard Jérusalem quand David l’aura conquise pour en faire sa capitale ; quatrièmement, l’offrande apportée par Melchisédech se compose de pain et de vin et non pas d’animaux comme le sacrifice qu’offrira Abraham et qui nous sera raconté au chapitre 15 ; cinquièmement, Melchisédech bénit le Dieu très-Haut et bénit Abraham en son nom ; enfin, sixièmement, Abraham verse la dîme (c’est-à-dire le dixième de son butin de guerre) à Melchisédech ; cela signifie qu’il reconnaît son sacerdoce.
Toutes ces précisions ont certainement un grand intérêt pour notre auteur qui s’attache visiblement aux relations entre le pouvoir royal et le sacerdoce : par exemple, c’est la première fois que le mot « prêtre » apparaît dans la Bible ; et, clairement, Melchisédech a toutes les caractéristiques des prêtres puisqu’il offre un sacrifice, qu’il prononce une bénédiction de la part du « Dieu Très-Haut qui crée ciel et terre » et qu’Abraham lui offre la dîme, c’est-à-dire le dixième de ses biens.
- On notera le silence absolu du texte sur les origines de Melchisédech : alors que, généralement, la Bible attache une très grande importance à la généalogie, surtout celle des prêtres, ce prêtre-là, Melchisédech, le premier de la liste, nous ne savons rien de lui… comme s’il était hors du temps…
Voici donc un prêtre reconnu comme tel ; cela veut dire qu’il existait un sacerdoce bien avant l’institution légale du sacerdoce dans la loi juive, avant qu’on ne décide que tous les prêtres devaient être pris dans la tribu de Lévi, lequel est le fils de Jacob et donc l’arrière petit-fils d’Abraham. A certaines époques, quand on était mécontent du pouvoir des prêtres, on était peut-être bien content de leur rappeler qu’il peut y avoir des prêtres qui ne descendent pas de Lévi, c’est ce qu’on appelait « être prêtre selon l’ordre de Melchisédech » (c’est-à-dire à la manière de Melchisédech).
Actuellement, aucun exégète ne sait dire de façon certaine ni par qui, ni quand ni dans quel but ce texte a été écrit. S’agissait-il de légitimer un sacerdoce différent, et lequel ? Ce texte pourrait dater de l’époque où la dynastie de David semblait éteinte à tout jamais et où l’on a commencé à entrevoir un Messie différent : non plus un roi descendant de David, mais un prêtre, capable d’apporter aux descendants d’Abraham la bénédiction du Dieu Très-Haut. On comprend alors ses titres : « roi de justice et roi de paix ».
Plus tard, je vous le disais en commençant, le personnage de Melchisédech a été considéré comme un ancêtre du Messie. Nous le verrons mieux dans le psaume 109/110 que cette même fête du Corps et du Sang du Christ nous propose.
Enfin, on ne se privera pas dans l’avenir de faire remarquer que Abraham n’était pas encore circoncis quand il a été béni par Melchisédech : puisque le rite de la circoncision ne sera donné à Abraham que plus tard, d’après le livre de la Genèse. Les Chrétiens, en particulier, en déduiront qu’il n’est pas nécessaire d’être circoncis pour être béni de Dieu. (On se souvient que c’était une question qui se posait dans les premières communautés chrétiennes composées de Juifs circoncis et de non-Juifs).
Bien sûr, une offrande de pain et de vin, scellant un repas d’Alliance, offerte par les mains du roi de justice et de paix, vrai roi, vrai prêtre du Dieu Très-Haut… nous, Chrétiens, nous y reconnaissons le geste du Christ : et nous y découvrons la continuité du projet de Dieu. A chaque Eucharistie, nous refaisons le geste de Melchisédech accompagnant l’offrande de pain et de vin des mots « Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui donnes ce pain et ce vin… »
***
COMPLÉMENTS
- Nous sommes au chapitre 14 du livre de la Genèse : le Dieu de Melchisédech s’appelle le Dieu Très-haut, exactement comme le Dieu d’Abraham. Mais les chapitres 12-13 et 15 qui sont des chapitres majeurs de l’histoire d’Abraham n’emploient pas le même nom de Dieu ! Ils l’appellent « le SEIGNEUR » (c’est-à-dire le Tétragramme YHVH). Le chapitre 14 est-il donc d’une autre venue que les chapitres qui l’entourent ?
- Pour corser les choses, plus tard, on pensera que cette ville de Salem dont Melchisédech est le roi n’est autre que Jérusalem qui est justement la résidence du Dieu Très-Haut ; mais alors, cela voudrait dire que la religion pratiquée à Jérusalem avant sa conquête par David s’appelait donc déjà la religion du Dieu Très-Haut… Et le plus étonnant, c’est que, quelques versets plus bas, Abraham dira lui aussi : « Je lève la main vers le Seigneur, Dieu Très-Haut qui crée ciel et terre… »
HOMÉLIE DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST – LE SAINT SACREMENT
31 mai, 2013http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST – LE SAINT SACREMENT
GN 14, 18-20 ; 1 CO 11, 23-26 ; LC 9, 11B-17
Pour être bien compris, l’extrait d’un livre ou d’une lettre doit être replacé dans son contexte. C’est le cas pour les dix lignes où Paul rappelle aux Corinthiens les paroles et les gestes de ce que nous appelons l’institution de l’eucharistie.
Pourquoi ce rappel de l’événement fondateur ? parce que le comportement concret, égoïste et individualiste des chrétiens de Corinthe était en contradiction flagrante avec la célébration de l’eucharistie appelée la « fraction du pain ». Vingt ans seulement après la mort de Jésus, il y avait déjà une opposition entre la pratique sacramentelle et la pratique concrète de la vie ecclésiale. La fraction du pain est devenue un contre témoignage. « Quand vous vous réunissez en commun, leur écrit-il quelques lignes plus haut, ce n’est pas le repas du Seigneur que vous prenez ». (1)
Si Paul secoue vertement les chrétiens de Corinthe, ce n’est pas pour des questions de doctrine et de dogme. C’est parce qu’ils ont perdu de vue le sens de leur participation à l’eucharistie. Ils s’imaginent pouvoir être un avec le Christ, faire corps avec lui, sans se soucier d’être un avec leurs frères et sœurs invités au même repas. Or, la communion au Corps et au Sang du Christ n’est pas seulement d’ordre spirituel et sacramentel. Elle est aussi le signe, le désir et la volonté de réaliser cette unité avec lui, en nous et avec les autres, pour faire de la communauté le Corps du Christ.
Cette unité suppose aussi la solidarité et le partage. Non pas seulement le partage du pain eucharistique, mais aussi et tout autant le partage du pain quotidien. Un partage fraternel essentiel au sacrement, comme l’annonçait déjà la multiplication des pains.
« Quand vous mangez ce pain et buvez cette coupe, vous proclamez que le Seigneur est mort », leur rappelle Paul. Autrement dit : vous confessez que le Seigneur est allé jusqu’à la mort pour vous. Comment donc pourriez-vous être ses disciples, alors que, dans le repas très copieux qui précède le repas du Seigneur, vos excès de table et votre refus de partager avec des plus pauvres constituent un geste de mépris vis-à-vis de l’Eglise et un affront à ceux qui n’ont rien ? On ne peut pas dissocier artificiellement le spirituel des exigences concrètes de la vie quotidienne sous peine de désincarnation.
C’est ce que nous dit aussi l’évangile de la multiplication des pains, que les communautés chrétiennes primitives ont orienté dans un sens eucharistique. On y voit les apôtres, qui sont au service du spirituel, conseiller à Jésus de renvoyer ses auditeurs. Ils n’ont qu’à se débrouiller pour trouver un abri et de quoi manger. Ce n’est pas notre problème !
Jésus prend le contre-pied : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Bien sûr, ils cherchaient une nourriture spirituelle. C’est pourquoi ils nous ont suivis et écoutés toute la journée sans même se soucier de l’intendance. Ils nous ont fait confiance. Maintenant, c’est à nous de leur procurer de quoi manger. Ainsi, au lieu de se disperser, ils vont se retrouver convives du même repas pour partager le même pain. Un pain de communion qui signifie et invite à une vie fraternelle et solidaire.
C’est pourquoi l’eucharistie fait l’Eglise et l’Eglise se définit comme un « peuple », et plus précisément comme une « communion » qui doit refléter sur terre les relations d’égalité, de réciprocité, de charité, qui existent précisément entre le Père et le Fils dans l’Esprit Saint.
Ces vérités fondamentales et constitutives de l’eucharistie sont périodiquement minimisées, délaissées, jusqu’à être oubliées. Au profit de dévotions sans doute respectables mais secondaires et particulières. Il suffit de parcourir l’histoire de la messe pour s’en convaincre.
Vers le XIe siècle, par exemple, dans nos pays, les chrétiens ont perdu de vue la relation entre le Corps sacramentel du Christ (le pain consacré) et le Corps ecclésial du Christ, l’Assemblée, l’Eglise. La communion devient un acte purement individuel. Progressivement, ils ont même abandonné la communion. Il est vrai que la discipline pénitentielle et celle du jeûne eucharistique exigeaient de gros efforts. Alors, en compensation, on a cherché une sorte de remplacement de la communion : montrer et voir l’hostie consacrée. Le Saint Sacrement de l’Eucharistie va se réduire au saint sacrement de l’hostie exposée. A tel point que l’adoration va remplacer la participation active à l’eucharistie. Un catéchisme de 1734 va jusqu’à enseigner que la messe n’est qu’une des cinq manières d’honorer Jésus dans son Saint Sacrement. Mais elle ne vient qu’en cinquième position. Le plus important, ce sont les processions, puis les saluts, l’adoration des 40 heures, la communion, et enfin la messe. Nous n’en sommes plus là, heureusement, mais nous devons rester attentifs et prudents.
Les textes liturgiques de ce jour nous précisent à nouveau que l’eucharistie c’est faire le Corps du Christ, c’est rassembler pour unir. Et la loi de l’incarnation : on ne peut se soucier des « âmes » sans se préoccuper des corps. « Le pain eucharistique ne rassasie le cœur de l’homme qu’en lui donnant de mieux aimer ses frères et de leur procurer le pain qu’ils n’ont pas » (2).
Quant à « faire mémoire » de la mort et de la résurrection du Christ par l’eucharistie, c’est aussi affirmer et incarner notre décision d’entrer à sa suite, avec lui et grâce à lui, « dans la même voie d’obéissance et d’amour dont il nous a donné l’exemple ».
En réalité, « ne passe de l’Evangile que ce qui passe par l’humain ».
(1) 1 Co 11, 17-23
(2) « Guide de l’Assemblée chrétienne », T IV, Th. Maertens, J. Frisque, Casterman 1970, p 395.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008