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DIMANCHE 26 MAI : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIERE LECTURE – Proverbes 8, 22-31
24 mai, 2013http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
DIMANCHE 26 MAI : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT
PREMIERE LECTURE – Proverbes 8, 22-31
Ecoutez ce que déclare la Sagesse :
22 « Le SEIGNEUR m’a faite pour lui au commencement de son action,
avant ses oeuvres les plus anciennes.
23 Avant les siècles, j’ai été fondée,
dès le commencement, avant l’apparition de la terre.
24 Quand les abîmes n’existaient pas encore,
qu’il n’y avait pas encore les sources jaillissantes,
je fus enfantée.
25 Avant que les montagnes ne soient fixées,
avant les collines, je fus enfantée.
26 Alors que Dieu n’avait fait ni la terre, ni les champs,
ni l’argile primitive du monde,
27 lorsqu’il affermissait les cieux, j’étais là.
Lorsqu’il traçait l’horizon à la surface de l’abîme,
28 chargeait de puissance les nuages dans les hauteurs
et maîtrisait les sources de l’abîme ;
29 lorsqu’il imposait à la mer ses limites,
pour que les eaux n’en franchissent pas les rivages,
lorsqu’il établissait les fondements de la terre,
30 j’étais à ses côtés comme un maître d’oeuvre.
J’y trouvais mes délices jour après jour,
jouant devant lui à tout instant,
31 jouant sur toute la terre,
et trouvant mes délices avec les fils des hommes. »
Pour les hommes de la Bible, il ne fait pas de doute que Dieu conduit le monde avec sagesse ! « Tu as fait toutes choses avec sagesse » dit le psaume 104 (103) que nous avons chanté pour la Pentecôte. C’est même tellement une évidence qu’on en arrive à écrire des discours entiers sur ce sujet. C’est le cas du texte que nous venons de lire : il s’agit d’une véritable prédication sur le thème : « Mes frères, n’engagez pas vos vies sur des fausses pistes. Dieu seul connaît ce qui est bon pour l’homme ; conformez-vous à l’ordre des choses qu’il a établi depuis les origines du monde, c’est le seul moyen d’être heureux. »
Pour donner plus de poids à sa prédication, l’auteur fait parler la sagesse elle-même comme si elle était une personne. Mais ne nous y trompons pas : ce n’est qu’un artifice littéraire ; la preuve, c’est qu’au chapitre suivant, Dame Folie parle aussi.
Pour l’instant donc, c’est Dame Sagesse qui se présente à nous : première remarque, elle ne parle pas d’elle toute seule… elle ne parle d’elle qu’en fonction de Dieu, comme s’ils étaient inséparables. « Le SEIGNEUR m’a faite POUR LUI au commencement de son action… Avant les siècles, j’ai été fondée (sous-entendu par Dieu)… Quand les abîmes n’existaient pas encore, je fus enfantée (sous-entendu par Dieu)… Lorsque Dieu établissait les fondements de la terre, j’étais là à ses côtés… » Donc entre Dieu et la Sagesse existe une relation de très forte intimité… La foi juive au Dieu unique n’a jamais envisagé un Dieu-Trinité : mais il semble bien ici, que, sans abandonner l’unicité de Dieu, elle pressent qu’au sein même du Dieu UN, il y a un mystère de dialogue et de communion.
Deuxième remarque : « AVANT » est le mot qui revient le plus souvent dans ce passage ! « Le SEIGNEUR m’a faite AVANT ses oeuvres les plus anciennes… AVANT les siècles, j’ai été fondée … DES LE COMMENCEMENT, AVANT l’apparition de la terre. Quand les abîmes n’existaient PAS ENCORE, qu’il n’y avait PAS ENCORE les sources jaillissantes, je fus enfantée. AVANT que les montagnes ne soient fixées, AVANT les collines, je fus enfantée. Alors que Dieu n’avait fait ni la terre, ni les champs, ni l’argile primitive du monde, lorsqu’il affermissait les cieux, J’ETAIS LA … » C’est clair : le leitmotiv est bien : « J’étais là de toute éternité, AVANT toute création »… Il y a donc là une insistance très forte sur l’antériorité de celle qui se prénomme la Sagesse par rapport à toute création.
Troisième remarque, la Sagesse joue un rôle dans la Création : « Lorsque Dieu imposait à la mer ses limites, pour que les eaux n’en franchissent pas les rivages, lorsqu’il établissait les fondements de la terre, j’étais à ses côtés, comme un maître d’oeuvre ». Pour une oeuvre si belle qu’elle engendre une véritable jubilation : « J’y trouvais mes délices jour après jour, jouant devant lui à tout instant, jouant sur toute la terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. » La Sagesse est auprès de Dieu et « elle trouve ses délices » auprès de Dieu… elle est auprès de nous… et « elle trouve ses délices » auprès de nous. On entend là comme un écho du refrain de la Genèse : « Dieu vit que cela était bon » ; plus encore, au sixième jour, tout de suite après la création de l’homme qui était comme le couronnement de toute son oeuvre, « Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voilà, c’était très bon ! » (Gn 1, 31).
Du coup, ce texte nous révèle un aspect particulier et éminemment positif de la foi d’Israël : la Sagesse éternelle a présidé à toute l’oeuvre de Création : l’insistance du texte est très forte là-dessus ; on peut en déduire deux choses : premièrement, depuis l’aube du monde, l’humanité et le cosmos baignent dans la Sagesse de Dieu. Deuxièmement, le monde créé n’est donc pas désordonné puisque la Sagesse en est le maître d’oeuvre. Cela devrait nous engager à ne jamais perdre confiance. Enfin, c’est bien la folie de la foi d’oser croire que Dieu est sans cesse présent à la vie des hommes, et plus encore qu’il trouve ses délices en notre compagnie… C’est une folie, mais le fait est là : si Dieu continue inlassablement de proposer son Alliance d’amour, c’est bien parce qu’il « trouve jour après jour ses délices avec les fils des hommes ».
Reste une question : pourquoi ce texte nous est-il proposé pour la fête de la Trinité ? Pas une fois on n’entend parler de Trinité dans ces lignes, ni même des mots Père, Fils et Esprit.
En ce qui concerne le Livre des Proverbes, cela n’a rien d’étonnant puisque quand il a été écrit, il n’était pas question de Trinité : non seulement, le mot n’existait pas, mais l’idée même de Trinité n’effleurait personne. Au début, pour le peuple élu, la première urgence était de s’attacher au Dieu Unique ; d’où la lutte farouche de tous les prophètes contre l’idolâtrie et le polythéisme parce que la vocation de ce peuple est précisément d’être témoin du Dieu unique ; n’oublions pas cette phrase du livre du Deutéronome : « A toi, il t’a été donné de voir, pour que tu saches que c’est le SEIGNEUR qui est Dieu ; il n’y en a pas d’autre que lui. »
Première étape, donc, découvrir que Dieu est UN ; pas question de parler de plusieurs personnes divines ! Plus tard seulement, les croyants apprendront que ce Dieu unique n’est pas pour autant solitaire, il est Trinité. Ce mystère de la vie trinitaire n’a commencé à être deviné que dans la méditation du Nouveau Testament, après la résurrection du Christ. A ce moment-là, quand les Apôtres et les écrivains du Nouveau Testament ont commencé à entrevoir ce mystère, ils se sont mis à scruter les Ecritures et ils ont donc fait ce qu’on appelle une relecture ; et en particulier, ils ont relu les lignes que nous venons d’entendre et qui parlent de la Sagesse de Dieu et ils y ont lu en filigrane la personne du Christ.
Saint Jean, par exemple, écrira : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu… » et vous savez combien cette expression en grec dit une communion très profonde, un dialogue d’amour ininterrompu. Le livre des Proverbes, lui, n’en était pas encore là.
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Complément
Irénée et Théophile d’Antioche ont identifié la Sagesse avec l’Esprit, tandis qu’Origène l’identifiait avec le Fils. C’est cette deuxième interprétation qui a finalement été retenue par la théologie.
HOMÉLIE DE LA SAINTE TRINITÉ, C
24 mai, 2013http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DE LA SAINTE TRINITÉ, C
PR 8, 22-31 ; RM 5, 1-5 ; JN 16, 12-15
Jésus, le Nazaréen, n’était pas rabbin de la synagogue de son village ni membre de l’équipe sacerdotale au Temple de Jérusalem. Il ne nous a pas laissé un journal intime ni un traité de théologie. Pas même un petit catéchisme ou des dossiers d’animation pastorale. Il a cependant beaucoup appris à ses auditeurs. Surtout à ses proches et à ses intimes, dont certains, hommes et femmes, l’ont constamment suivi. Mais nous savons par le témoignage écrit des évangélistes que même ses disciples les plus convaincus et les plus engagés ont eu du mal à le comprendre vraiment, malgré des mois de proximité, d’enseignement, de recyclage et de signes étonnants. Il n’a jamais défini ni Dieu ni lui-même, mais il a vécu et rayonné d’une expérience profonde, intime, du mystère même de Dieu. C’est ainsi que « Jésus voit et donne à voir pour montrer comment Dieu sent et agit » (1).
Il est vrai que les croyants fidèles à la Loi de Moïse, étaient, comme tous les croyants de tous les temps, persuadés de connaître, et eux seuls, « La Vérité » que l’on confond aisément avec des idées toutes faites ou des certitudes tranquillisantes. Comme si l’infini pouvait se définir, et le plus grand des mystères se révéler dans une formule. Ni l’amour ni la foi, qui sont de la même veine, n’atteignent la plénitude en une seule démarche, en une seule étape, mais bien en se purifiant constamment. Un chemin de conversion et de dépouillement. N’est-ce pas d’ailleurs l’erreur radicale de tous les intégrismes que de vouloir sacraliser farouchement un moment particulier de l’histoire : « En ce temps-là était la vérité… » ?
Jean nous le confirme quand il évoque les dernières recommandations de Jésus à ses disciples : « J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière ». Cet Esprit qui, selon la très belle expression de saint Irénée, « nous adapte à Dieu »… alors que très souvent et inconsciemment nous voudrions plutôt que Dieu s’adapte à nous.
De plus, à toute époque et partout dans le monde, les changements font peur et « une idée nouvelle est souvent considérée a priori comme une menace ». Or, le monde est toujours et encore en genèse. Nous ne sommes pas encore à la fin de l’univers, mais à son commencement. Nous n’avons pas encore accueilli ni découvert tout l’Evangile. Son incarnation est bien loin d’être effective. Que l’on songe aux petits pas faits par Paul pour humaniser l’esclavage, cette injure à la dignité humaine, toujours pratiquée aujourd’hui, même par des chrétiens, sous d’autres formes plus discrètes mais non moins révoltantes, alors même qu’il est interdit par les lois de ce monde.
Combien de temps aussi n’a-t-il pas fallu pour qu’un concile affirme que « l’Eglise catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions » (non chrétiennes). Et même qu’elles « apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les êtres humains ». Que dire aussi du dialogue interreligieux, hier interdit et combattu au nom d’une certaine vérité monopolisée, mais aujourd’hui encouragé et déclaré nécessaire pour que chacun puisse se laisser guider sur la route qui donne accès « à la vérité tout entière ». Non pas en une seule leçon, mais bien en nous guidant par monts et par vaux, ténèbres et lumières, rochers et sables mouvants, crainte et confiance, accueils et refus… L’Esprit nous éduque à l’humilité.
La progression vers la vérité tout entière n’est pas pour autant la simple acquisition de connaissances intellectuelles. Elle relève plutôt de l’intelligence pratique de la Bonne Nouvelle. Une expérience de vie. Un amour vivant. C’est la vie même de Dieu, son intimité, son être et son mystère que l’Esprit veut nous faire expérimenter. « C’est le comportement de Dieu, ce sont les options préférentielles de Dieu, les entrailles de Dieu, qu’il s’agit de rejoindre en écoutant Jésus proclamer les Béatitudes ou raconter une parabole… » (1).
Dieu vit en nous qui sommes créés à son image et comme à sa ressemblance. Or, il est mystérieuse réalité de la communication parfaite, de la communion réussie, de l’éternel dialogue et de l’inépuisable réciprocité. Une Histoire d’amour. « La source de laquelle doivent jaillir l’éthique du paysan et le code déontologique du médecin, les devoirs des individus et les obligations des institutions… toute l’existence chrétienne » (Mgr T. Bello).
(1) « Au carrefour des Ecritures », J. Dupont, B. Standaert, osb, Cahiers de Clerlande.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008