HOMÉLIE DE L’ASCENSION DU SEIGNEUR, C
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HOMÉLIE DE L’ASCENSION DU SEIGNEUR, C
Ac 1, 1-11 ; He 9, 24-28 ; 10, 19-23 ; Lc 24, 46-53
Si vous parcourez les quatre évangiles et les actes des apôtres, vous découvrirez des présentations différentes de l’Ascension. Ainsi, dans les Actes, Jésus disparaît à la fin d’un repas. Dans l’évangile de Luc, c’est en cours de route, après avoir béni les disciples. Marc évoque Jésus « enlevé au ciel ». Jean utilise un tout autre langage… Au cours de la fête de la Pâque, il fait dire à Jésus : « Je ne suis plus avec vous que pour un peu de temps, puis, je m’en irai vers celui qui m’a envoyé » (Jn 7, 33).
J’ai bien dit « présentation » et non pas « récit » ni compte rendu, ni reportage. Luc ne raconte pas ce qu’il a vu. Même avec une caméra perfectionnée, il n’aurait rien pu enregistrer. Il n’est pas témoin d’un miracle. Par contre, il exprime un mystère. Il veut nous faire partager une expérience de foi par des images et des symboles. Comme peut le faire un peintre, un poète, un mystique, ou tout simplement une personne attentive aux réalités spirituelles. C’est une façon de s’exprimer. On pourrait même parler d’un procédé littéraire. Ainsi, les orientaux utilisent admirablement bien le merveilleux pour exprimer l’ineffable. Pour nous faire comprendre, par exemple, qu’au-delà des apparences immédiates, visibles, matérielles, il y a une réalité divine au cœur même des réalités humaines. Une manière de s’exprimer, qui n’est pas habituellement la nôtre. De sorte que bien des images et des symboles, utilisés par les évangélistes, peuvent nous faire sourire, comme s’il s’agissait d’un monde irréel quelque peu enfantin. Il est vrai que nous vivons dans une tout autre culture. Habituellement, nous attachons plus d’importance à un fait qu’à une signification, qu’à un sens. D’où aussi, le danger de matérialiser les symboles . Il n’empêche que dans la vie courante, nous utilisons la symbolique. Celle des nombres, par exemple. Offrir un bouquet de roses a un sens, et le sens peut même varier selon le nombre de fleurs offertes. De même, personne ne fera appeler une ambulance si je vous dis qu’une mauvaise nouvelle vient de me couper bras et jambes.
Dans la Bible, la nuée n’est pas un gros nuage, mais le symbole de l’invisible, celui de la présence de Dieu, qu’on ne peut voir ni vraiment nommer, etc.
Les évangélistes, pétris de culture biblique, soulignent constamment l’importance du sens, même en dramatisant les faits. D’où, les interventions du tonnerre, des éclairs, des tremblements de terre, qui étaient, pour eux, autant d’expressions symboliques traditionnelles et familières. D’autant plus, qu’à l’époque, ils en ignoraient la véritable cause. Le tonnerre ne pouvait être que la voix de Dieu.
Voyez aussi, dans notre liturgie, le cierge pascal, symbole du Christ ressuscité, lumière du monde. Autrefois, l’éteignait après la proclamation de l’évangile. Signe d’un départ, d’une disparition. Or, ce n’est pas simplement d’un départ qu’il s’agit. C’est l’inauguration du temps de l’Esprit et du temps de l’Eglise. Jésus passe la main, si l’on peut dire. Il y a une transmission de pouvoir et de mission. Le Ressuscité envoie ses disciples dans le monde, pour qu’ils répandent le message de la Bonne Nouvelle, précise saint Matthieu qui, lui, ne parle pas d’ascension. Par contre, il évoque les doutes exprimés par certains des disciples, tout en faisant dire à Jésus : « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ». Mais avec un autre mode de présence. Ainsi, il est présent « là où deux ou trois sont réunis en son nom ». Il est présent dans le pain rompu et partagé…
Alors, pourquoi fixer le ciel, pourquoi pleurer sa mort ?, chante Michel Scouarnec. Sa tombe est vide, le ciel est vide, mais notre cœur est plein de lui. Nos mains sont vides, nos yeux sont vides, mais nos chemins mènent vers lui. Dieu vivant.
Il ne s’agit donc pas de rester là, plantés, à regarder le ciel, les bras croisés, attristés, sans rien faire, en attendant son retour. Il faut aussi regarder la terre, regarder l’humanité. Un monde à évangéliser, à transformer. C’est là que le Christ nous envoie comme témoins. Nous assurons la relève. Nous sommes les artisans d’un monde nouveau.
Dans l’évangile de Jean, Jésus déclare à Pilate : « Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage ». Il n’est pas venu d’abord pour enseigner une doctrine ni proclamer des règles de bonne conduite. Non. D’abord témoigner. Et pour témoigner, il faut beaucoup d’amour, non seulement envers Dieu, mais envers nos frères et sœurs en humanité.
Avec l’Ascension, nous pouvons aussi activer le symbolisme de la montée, de l’escalade. C’est, en effet, une invitation à nous élever, à aider les autres à grandir. Monter ensemble, progresser ensemble, en aidant les plus faibles à vivre, à survivre, à marcher et à poursuivre leur route. Depuis la mort et la résurrection du Christ, ce n’est même pas seulement l’Eglise des baptisés qui est devenue le corps du Christ, c’est l’humanité tout entière. Là où il y a beaucoup de « saints cachés », disait saint Augustin. Or, nous sommes ses yeux, ses mains, sa parole. C’est une nouvelle présence du Christ. Nous sommes vraiment envoyés pour accomplir des miracles de réconciliation et de paix, de justice et de partage… N’attendons surtout pas demain pour nous mettre au travail, pour participer au projet de Jésus sur l’humanité.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
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