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DIMANCHE 5 MAI : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIERE LECTURE – Actes 15, 1-2. 22-29
3 mai, 2013http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
DIMANCHE 5 MAI : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT
PREMIERE LECTURE – Actes 15, 1-2. 22-29
1 Certaines gens venus de Judée
voulaient endoctriner les frères d’Antioche
en leur disant :
« Si vous ne recevez pas la circoncision
selon la loi de Moïse,
vous ne pouvez pas être sauvés. »
2 Cela provoqua un conflit et des discussions assez graves
entre ces gens-là et Paul et Barnabé.
Alors on décida que Paul et Barnabé,
avec quelques autres frères,
monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens
pour discuter de cette question.
22 Finalement, les Apôtres et les Anciens
décidèrent, avec toute l’Eglise,
de choisir parmi eux
des hommes qu’ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabé.
C’étaient des hommes
qui avaient de l’autorité parmi les frères ;
Jude (appelé aussi Barsabbas), et Silas.
23 Voici la lettre qu’ils leur confièrent :
« Les Apôtres et les Anciens saluent fraternellement
les païens convertis, leurs frères,
qui résident à Antioche, en Syrie et en Cilicie.
24 Nous avons appris que quelques-uns des nôtres,
sans aucun mandat de notre part,
sont allés tenir des propos
qui ont jeté chez vous le trouble et le désarroi.
25 Nous avons décidé à l’unanimité
de choisir des hommes que nous enverrions chez vous,
avec nos frères bien-aimés Barnabé et Paul,
26 qui ont consacré leur vie
à la cause de Notre Seigneur Jésus-Christ.
27 Nous vous envoyons donc Jude et Silas
qui vous confirmeront de vive voix ce qui suit :
28 L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé
de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations
que celles-ci, qui s’imposent :
29 vous abstenir de manger
des aliments offerts aux idoles,
du sang, ou de la viande non saignée,
et vous abstenir des unions illégitimes.
En évitant cela, vous agirez bien.
Courage ! »
Nous avons déjà entendu parler de la communauté d’Antioche de Syrie dans les textes des dimanches précédents… aujourd’hui, nous la trouvons affrontée à une crise grave : on est vers l’an 50 de notre ère ; dès le début, à Antioche, il y a eu des chrétiens d’origine juive et des chrétiens d’origine païenne ; mais peu à peu, entre eux, la cohabitation est devenue de plus en plus difficile : leurs modes de vie sont trop différents. Non seulement, les chrétiens d’origine juive sont circoncis et considèrent comme des païens ceux qui ne le sont pas ; mais plus grave encore, tout les oppose dans la vie quotidienne, à cause de la multiplicité des pratiques juives auxquelles les chrétiens d’origine païenne n’ont aucune envie de s’astreindre : de nombreuses règles de purification, d’ablutions et surtout des règles très strictes concernant la nourriture.
Et voilà qu’un jour des Chrétiens d’origine juive sont venus tout exprès de Jérusalem pour envenimer la querelle en expliquant qu’on ne doit admettre au baptême chrétien que des Juifs ; concrètement, les païens sont priés de se faire Juifs d’abord, (circoncision comprise) avant de devenir Chrétiens.
Derrière cette querelle, il y a au moins trois enjeux : premièrement, faut-il viser l’uniformité ? Pour vivre l’unité, la communion, faut-il avoir les mêmes idées, les mêmes rites, les mêmes pratiques ?
Le deuxième enjeu est une question de fidélité : tous ces chrétiens, de toutes origines, souhaitent rester fidèles à Jésus-Christ, c’est évident !… Mais, concrètement, en quoi consiste la fidélité à Jésus-Christ ? Jésus-Christ lui-même était juif et circoncis : cela veut-il dire que pour devenir Chrétien il faut d’abord devenir Juif comme lui ?
Il est vrai aussi que les tout premiers Chrétiens sont tous des Juifs. Puisque les apôtres choisis par le Christ étaient tous juifs… et même, pour aller plus loin, ils étaient tous originaires de Galilée… On ne va pas restreindre l’annonce de l’Evangile aux Galiléens pour autant… c’est une évidence !
On ne va pas la restreindre aux Juifs de naissance, non plus… d’ailleurs, la question est déjà tranchée à Antioche. Certains chrétiens sont d’origine païenne, on l’a déjà vu. Mais ces chrétiens d’origine païenne, peut-être faudrait-il les initier d’abord au judaïsme pour ensuite en faire des Chrétiens ? Concrètement, cela veut dire qu’on accepterait de baptiser des païens, mais à condition qu’ils adhèrent d’abord à la religion juive et qu’ils se fassent circoncire.
Oui, mais on peut tenir un autre raisonnement : Jésus-Christ a agi de telle manière, dans les circonstances où il se trouvait ; dans d’autres circonstances, il aurait agi différemment ; par exemple, lui qui était galiléen s’est entouré de Galiléens, mais ce n’est pas une condition pour devenir Chrétien.
La décision prise à l’époque, à Jérusalem, nous venons de le lire, adoptera cette deuxième façon de voir : être fidèle à Jésus-Christ ne veut pas dire forcément reproduire un modèle figé. Pour le dire autrement, fidélité n’est pas répétition : quand on étudie l’histoire de l’Eglise, on est émerveillé justement de la faculté d’adaptation qu’elle a su déployer pour rester fidèle à son Seigneur à travers les fluctuations de l’histoire !
Enfin, il y a un troisième enjeu, plus grave encore : le salut est-il donné par Dieu sans conditions, oui ou non ? « Si vous ne recevez pas la circoncision, vous ne pouvez pas être sauvés », c’est ce qu’on commence à entendre dire à Antioche : cela voudrait dire que Dieu lui-même ne peut pas sauver des non-Juifs… cela voudrait dire que c’est nous qui décidons à la place de Dieu qui peut ou ne peut pas être sauvé… cela voudrait dire enfin que la foi en Jésus-Christ ne suffit pas ? Mais pourtant Jésus lui-même a bien dit « celui qui croira et sera baptisé sera sauvé » ; il n’a pas ajouté qu’il fallait en plus être Juif pratiquant et circoncis… et puis, par définition, la grâce, c’est gratuit ! Nous ne pouvons pas ajouter par nous-mêmes des conditions à la grâce de Dieu.
On sait la fin de l’histoire ; les Apôtres prennent une double décision : les Chrétiens d’origine juive ne doivent pas imposer la circoncision et les pratiques juives aux Chrétiens d’origine païenne ; mais de l’autre côté, les Chrétiens d’origine païenne, par respect pour leurs frères d’origine juive, s’abstiendront de ce qui pourrait troubler la vie commune, en particulier pour les repas. Il est très intéressant de remarquer qu’on n’impose à la communauté chrétienne que les règles qui permettent de maintenir la communion fraternelle. C’est certainement la meilleure manière d’être vraiment fidèle à Jésus-Christ : lui qui a dit « c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on vous reconnaîtra pour mes disciples » (Jn 13, 35).
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Compléments
Ces questions autour de la circoncision et des pratiques de la loi juive peuvent paraître d’un autre âge : sommes-nous vraiment concernés ?
Oui, car la question de fond autour de la grâce est toujours d’actualité ; nous avons toujours besoin de nous réentendre dire que la grâce est gratuite : c’est le sens même de ce mot ! Cela veut dire que Dieu ne fait jamais de comptes avec nous !
HOMÉLIE DU 6E DIMANCHE DE PÂQUES C
3 mai, 2013http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU 6E DIMANCHE DE PÂQUES C
Ac 15, 1-2, 22-29 ; Ap 21, 10-14, 22-23 ; Jn 14, 23-29
Allongé sur un lit d’hôpital, « planté d’aiguilles ». Prolongé de tuyaux, de sondes, d’engins divers. « Cloué ». Maurice Bellet n’en a pas moins écrit de petites notes qu’il nous livre dans un ouvrage poignant d’humanité et d’humilité. « Oh, écrit-il, le poids mortel des nécessités qui n’en sont pas ! Des évidences qui, dix ans, vingt ans après, sont condamnées au nom d’évidences plus récentes et contraires ! Mais entre-temps, les premières vous ont écrasé au nom de votre propre bien ». Un constat et des paroles que chacun peut prendre à son compte. On peut aussi remplacer « évidences » par certitudes, règlements, ou même traditions.
L’histoire et l’expérience quotidienne de l’humanité en général et des religions en particulier, montrent bien qu’il en est ainsi. Certains s’en étonnent, s’en inquiètent ou en sont troublés : « La religion change ! » C’est évident. C’est même un signe de vie et de fidélité.
L’évangile de ce jour nous en explique d’ailleurs les raisons profondes, et la page « magazine » des Actes des Apôtres nous fournit un exemple bien concret qui peut sans peine être conjugué au présent à n’importe quelle période de l’histoire.
Au point de départ, la Parole de Dieu, livrée en Jésus Christ. Une Parole qui est Vérité, Chemin et Vie, Amour et Beauté. Encore faut-il pouvoir accueillir cette révélation, la comprendre, la respecter, en accepter les mille et une conséquences. C’est beaucoup pour des esprits souvent encombrés de prétentions et de préjugés, d’égoïsme et d’orgueil, de soupçons et de peurs. Les obstacles ne manquent pas.
La précieuse Parole livrée à l’intelligence, au cœur, à la mémoire et à notre responsabilité, n’est pas un dépôt en banque, ni objet rare et précieux confié à un musée. Il s’agit d’une Parole Vivante, dynamique, créatrice, qui doit courir le risque des semailles en des terres peu hospitalières, pour porter du fruit.
Chacun sait aussi que fruits, fleurs, branches, troncs et racines, sont déjà dans la minuscule semence, mais qu’il faut également beaucoup de temps et de conditions favorables pour qu’elle développe et révèle la totalité et la perfection de son être.
C’est pourquoi, si Jésus a tout dit et révélé durant sa vie mortelle, il a bien précisé qu’après lui l’Esprit viendrait non seulement réveiller les mémoires, mais aussi « enseigner tout ». L’Esprit n’est donc pas simple répétiteur. Force et Souffle, il inspire, suscite le mouvement, crée la nouveauté. Il nous aide constamment à déchiffrer l’éternel et inépuisable message, compte tenu des nécessités du temps, du langage et des problèmes de l’humanité. Non seulement pour que nous puissions « en saisir la signification profonde », mais aussi pour permettre aux disciples d’appliquer les instructions du maître à des situations inédites et souvent imprévisibles.
La fidélité et la vraie tradition sont toujours créatrices. Par contre, nous succombons très souvent à la tentation de mettre Dieu en cage, de l’emprisonner dans des coutumes, des règlements ou des formules, et même de le mettre au service de nos idéologies ou de nos intérêts.
Le conflit d’Antioche montre bien les réticences humaines, le rôle et les surprises de l’Esprit, et la nécessité du discernement, même s’il reste fragile, relatif et chargé de compromis.
Un conflit exemplaire entre deux tendance, deux interprétations, deux cultures. Pour les uns, il faut passer par le judaïsme pour devenir chrétien : « Pas de salut sans circoncision ». Pour d’autres, au contraire, la Bonne Nouvelle et le salut sont proposés à tous, quelle que soit la race, le peuple ou la culture. Les premiers veulent « endoctriner » ceux qui ne sont pas passés par la circoncision et ceux qui les accueillent dans l’Eglise. Trouble et désarroi chez les tenants de l’ouverture qui ont innové en préférant l’intuition et l’audace de l’amour à l’obéissance littérale à des traditions humaines. Le Concile de Jérusalem tranchera en libérant les nouveaux convertis du poids d’obligations qui se révélaient manifestement très relatives.
C’est ainsi qu’à toute époque la religion change et doit changer chaque fois « que la mission est en cause, c’est-à-dire la présentation du message et certaines habitudes religieuses ». Une invitation à l’humilité et à la modestie, car nul ne possède la vérité dans sa plénitude. Nous resterons toujours des chercheurs et des découvreurs, nous rappelant que l’Esprit vient chaque jour pour aider l’Eglise à déchiffrer la Parole, à poursuivre et approfondir l’enseignement et à le vivre dans l’aujourd’hui, qui n’est plus hier et n’est pas encore demain. Il ne tient compte d’aucune frontière. Et nul ne peut le monopoliser.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008