HOMÉLIE DU 5E DIMANCHE DE PÂQUES C
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HOMÉLIE DU 5E DIMANCHE DE PÂQUES C
Ac 14, 21b-27 ; Ap 21, 1-5a ; Jn 13, 31-33a. 34-35
Voici deux textes de l’apôtre Jean, qui semblent n’avoir guère de lien l’un avec l’autre. Le deuxième nous est certainement familier et paraît facile à comprendre, même si sa pratique s’avère très exigeante. Par contre, une citation est bien mystérieuse : Jésus est glorifié et Dieu est glorifié en lui. Alors, Dieu, en retour, lui donnera sa propre gloire.
Quand on dit « gloire », nous pensons sans doute spontanément à « succès ». Comme on dira « Justine Henin a atteint le sommet de la gloire » quand elle est devenue première mondiale en tennis. Ou encore, des sauveteurs pompiers, des soldats, des savants, se sont couverts de gloire. C’est très humain, très naturel, de rêver de gloire. A petite ou à grande échelle. Battre un record, recevoir un premier prix, gagner le gros lot au jeu du millionnaire… Mais ce n’est pas de cela que parle l’Evangile.
Ici, au contraire, c’est au moment où tout semble échouer, à quelques heures de son arrestation qui signifiait son arrêt de mort, que Jésus déclare : « Maintenant, je suis glorifié, et Dieu est glorifié en moi. Et si Dieu est glorifié en moi, il me donnera sa propre gloire en retour ».
La gloire n’est pas ici la conséquence d’un succès, mais le rayonnement de ce qu’il est. Or il est vérité, donc, lumière. Il est amour, autrement dit : création et vie. En lui, vérité et amour se confondent. Mais ce rayonnement de Dieu, cette puissance d’amour, nous ne les voyons pas, tout simplement parce que « nul n’a jamais vu Dieu ». A une exception près. « Nul n’a jamais vu Dieu, dit Jésus, sauf le Fils ». Et il dira à Philippe : « Qui m’a vu a vu le Père ». Ce qui permet de comprendre que la gloire de Dieu, c’est Jésus. Beaucoup ont donc pu en quelque sorte voir, entendre, toucher la vérité et l’amour incarnés.
Or, cette gloire ne s’exprime pas dans l’éclat d’un succès, mais bien dans l’humilité, qui est précisément comme une synthèse de la vérité et de l’amour. Voyez, Dieu se fait humain. Le tout puissant devient faible. Le premier prend la place du dernier. Le maître devient serviteur. Ce qui est précisément à l’opposé du succès et de la gloire dont rêvent trop souvent les hommes et les femmes que nous sommes.
Jésus peut donc dire qu’il est glorifié puisqu’il est totalement fidèle à Dieu. Et il peut ajouter que Dieu est glorifié en lui puisqu’il en est l’image parfaite, l’écho fidèle, le témoin crédible.
C’est précisément pour cette raison qu’il y a un commandement nouveau, pour que naisse et se développe un royaume nouveau : Aimez-vous les uns les autres. C’est bien connu, souvent cité, mais nous oublions discrètement la deuxième partie : comme je vous ai aimés. Ce qui constitue le label d’authenticité.
Or, ce commandement nouveau s’est ritualisé dans le lavement des pieds et la fraction du pain : Faites ceci en mémoire de moi. C’est-à-dire : soyez au service les uns des autres, partagez le pain et le vin, aimez-vous comme je vous ai aimés. Soyez des hommes et des femmes de pardon et de réconciliation, d’entraide et de partage. Et l’Evangile nous rappelle que cela s’est passé quelques heures avant l’ultime don de lui-même dans la Passion et la mort sur la croix, entre la communion-trahison de Judas et le pardon accordé aux bourreaux.
Malheureusement, dans le domaine de l’amour, l’admirable langue française n’est pas très riche en nuances et distinctions… En utilisant le même mot, on peut en effet parler d’aimer Dieu et d’aimer une voiture, aimer son chat, aimer son conjoint. On peut même « faire l’amour » sans le moindre amour.
Comme l’a écrit un membre de l’Institut (1) : « Sous le terme d’amour, nous mettons n’importe quoi – et le reste ». J’ai même vu et entendu à la télévision un homme tellement attaché à son animal de compagnie qu’il déclarait : « Je préfère être séparé de ma femme que de mon perroquet ». Or, le véritable amour est l’origine, la vie et le but ultime du christianisme. En Dieu, l’Etre et l’amour sont synonymes. C’est l’agapè. Un mot forgé pour mieux définir l’originalité de cet amour et le distinguer de l’eros, qui est l’amour-désir. Et le différencier aussi de philia, qui est l’amour d’amitié. Ainsi, l’agapè est cet amour révélé en Jésus comme écho de la vie intime de Dieu, qui est « le mystère de l’autre et de l’amour ». Il va jusqu’à aimer l’autre tel qu’il est, et même sans rien attendre en retour. C’est du totalement gratuit.
Jean a décrit ce mystère et cette réussite divine dans un tableau de l’Apocalypse : un monde où Dieu est vraiment chez lui chez nous. Là où chacun s’efforce d’essuyer les larmes, de faire taire les cris, de guérir les blessures et les tristesses. Une terre où chacun, là où il est, combat pour la paix, la réconciliation, l’entraide, la solidarité et la justice.
Un monde idéal, mais qui est à construire chaque jour, patiemment, par chacun. Comme Jésus a tenté de le faire en nous laissant le soin et la mission de le poursuivre…
(1) Institut de France, qui comprend cinq Académies.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T) – 1925 – 2008
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