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DIMANCHE 21 AVRIL: COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT
20 avril, 2013http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
DIMANCHE 21 AVRIL: COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT
PREMIERE LECTURE – Ac 13, 14. 43-52
Paul et Barnabé
14 étaient arrivés à Antioche de Pisidie.
Le jour du sabbat, ils entrèrent à la synagogue.
43 Quand l’assemblée se sépara,
beaucoup de Juifs et de convertis au judaïsme
les suivirent.
Paul et Barnabé, parlant avec eux,
les encourageaient à rester fidèles à la grâce de Dieu.
44 Le sabbat suivant,
presque toute la ville se rassembla
pour entendre la parole du Seigneur.
45 Quand les Juifs virent tant de monde,
ils furent remplis de fureur ;
ils repoussaient les affirmations de Paul avec des injures.
46 Paul et Barnabé leur déclarèrent avec assurance :
« C’est à vous d’abord
qu’il fallait adresser la parole de Dieu.
Puisque vous la rejetez
et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle,
eh bien ! nous nous tournons vers les païens.
47 C’est le commandement que le Seigneur nous a donné :
J’ai fait de toi la lumière des nations
pour que, grâce à toi,
le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. »
48 En entendant cela, les païens étaient dans la joie
et rendaient gloire à la parole du Seigneur ;
tous ceux que Dieu avait préparés pour la vie éternelle
devinrent croyants.
49 Ainsi, la parole du Seigneur se répandait dans toute la région.
50 Mais les Juifs entraînèrent les dames influentes
converties au judaïsme,
ainsi que les notables de la ville ;
ils provoquèrent des poursuites contre Paul et Barnabé,
et les expulsèrent de leur territoire.
51 Ceux-ci secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds
et se rendirent à Iconium,
52 tandis que les disciples étaient pleins de joie dans l’Esprit Saint.
Nous sommes à la synagogue d’Antioche de Pisidie (en plein milieu de l’Asie Mineure, c’est-à-dire l’ouest de la Turquie actuelle) un samedi matin pour une célébration du shabbat. Le public est plus mélangé que nous ne le pensons spontanément : pour prendre une image, on pourrait dire qu’il y a trois cercles concentriques ; il y a d’abord, évidemment, les Juifs de naissance ; le deuxième cercle, ce sont les prosélytes : c’est-à-dire des non-Juifs de naissance qui ont été attirés par la religion juive au point de se convertir et d’en accepter toutes les pratiques, y compris la circoncision. Luc les appelle « les convertis au Judaïsme ».
Le troisième cercle, ce sont les « craignant Dieu » ; Luc ici les appelle les « païens », mais vous voyez qu’ils ne sont plus tout à fait des païens, puisqu’ils ont été attirés eux aussi par la religion juive et qu’ils se rendent le samedi matin à la synagogue pour le shabbat ; ils connaissent donc les Ecritures juives. En revanche, ils ne sont pas allés jusqu’à la circoncision et à l’ensemble des pratiques juives.
Au départ, le projet de Paul est clair : à peine arrivé dans la ville, il compte se rendre à la synagogue le plus tôt possible pour s’adresser à ses frères juifs ; il leur parlera de Jésus de Nazareth ; pour lui, c’est la démarche qui s’impose de toute évidence ; les Apôtres qui sont tous juifs, ne l’oublions pas, considèrent le Christ comme le Messie attendu par tous les Juifs : ils vivent un accomplissement ; dans leur logique, un Juif qui lit l’Ecriture deviendra forcément chrétien : ils ont donc tout naturellement commencé par essayer de rallier les autres Juifs à leur découverte… et Paul compte bien faire la tournée des synagogues ; dans son idée, quand tout le peuple juif sera converti, on entreprendra la conversion des païens.
Car, aux yeux de Paul, comme de tous ses contemporains, le plan de Dieu comportait deux étapes : d’abord le choix du peuple élu à qui Dieu s’est révélé (c’est ce qu’on appelle « l’élection d’Israël » ) et ensuite c’est ce peuple élu qui devait annoncer le salut de Dieu aux autres peuples, aux païens ; pour exprimer cette « logique de l’élection » dans le plan de Dieu, le prophète Isaïe disait : « J’ai fait de toi la lumière des nations pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre ». D’ailleurs, dans un premier temps, Jésus, lui-même, avait donné cette consigne à ses apôtres : « Ne prenez pas le chemin des païens… allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 10, 5).
Donc, dès le premier sabbat, Paul et Barnabé se rendent à la synagogue d’Antioche de Pisidie ; et ils reçoivent au premier abord un accueil plutôt favorable ; du coup, ils peuvent espérer que certains deviendront chrétiens à leur tour. Le sabbat suivant (c’est-à-dire le samedi suivant), ils recommencent à prendre la parole à la synagogue, et, apparemment, beaucoup de gens se sont dérangés pour les écouter ; mais cette fois leur succès commence à énerver les gens influents ! Luc dit : « quand les Juifs virent tant de monde, ils furent remplis de fureur, ils repoussaient les affirmations de Paul avec des injures. » Là, nous avons un petit problème de vocabulaire, parce que Luc ici appelle « Juifs » ceux qui vont s’opposer à Paul ; en réalité, il y a des Juifs qui deviendront chrétiens (comme Paul lui-même), et des Juifs qui refuseront absolument de reconnaître Jésus comme le Messie (ce sont ceux que Luc appelle « Juifs » ici).
En revanche, Luc note que les païens (c’est-à-dire les craignant Dieu) semblent mieux disposés, il dit : « Les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur ; tous ceux que Dieu avait préparés pour la vie éternelle devinrent croyants. »
Alors se produit un grand tournant dans la vie de Paul ; car c’est là, à Antioche de Pisidie qu’il va décider de modifier ses plans ; voilà comment le problème se pose : d’une part, seuls quelques Juifs acceptent de les suivre, et il faut abandonner l’espoir de convertir l’ensemble du peuple juif au Christianisme. D’autre part, le refus de la majorité des Juifs ne doit pas retarder l’annonce du Messie aux païens. Alors Paul se souvient qu’Isaïe avait déjà prédit que le petit Reste d’Israël sauverait l’ensemble du peuple et l’humanité. Concrètement, Paul comprend que c’est ce petit Reste qui assumera la vocation d’apôtre des nations qui était celle du peuple juif tout entier. Paul et Barnabé et ceux qui voudront bien les suivre seront ce petit Reste.
C’est exactement ce que Paul et Barnabé disent à Antioche : « C’est à vous, d’abord qu’il fallait adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez, et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! Nous nous tournons vers les païens. » Et donc, à partir de ce moment-là, ils tournent leur énergie missionnaire vers les « craignant Dieu » d’abord, puis plus tard, vers les païens.
Décidément, à Antioche de Pisidie, un tournant décisif vient d’être pris dans la vie des premiers Chrétiens !
HOMÉLIE DU 4E DIMANCHE DE PÂQUES, C
20 avril, 2013http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU 4E DIMANCHE DE PÂQUES, C
AC 13, 14, 43-52 ; AP 7, 9, 14B-17 ; JN 10, 27-30
Gros succès de foule pour Paul et Barnabé en mission à Antioche ! La conviction des apôtres, mais surtout la « Bonne Nouvelle » de Jésus Christ qu’ils annonçaient fit des merveilles. La région en fut contaminée et les conversions nombreuses. C’est l’aspect positif d’une face de la grande aventure chrétienne. Celle que nous aimons retenir. L’autre côté, par contre, n’est pas rose. Si les auditeurs sont attentifs, ouverts et accueillants, il y en a d’autres qui se bouchent les oreilles ou ne veulent pas entendre. La bienveillance s’accompagne de jalousie. La joie des uns provoque la fureur des autres, et aux applaudissements succèdent les injures… Et tandis que les uns se rassemblent autour des apôtres (pour recevoir la semence de vérité et rendre grâce à Dieu), d’autres courent et se dépensent pour organiser l’opposition, provoquer des incidents qui puissent justifier l’expulsion de ces prédicateurs insoumis.
Les premières communautés chrétiennes n’ont pas du tout vécu en « paradis terrestre ». Jean, lui-même, dans sa grande fresque mystique, symbolique et liturgique, n’hésite pas à le rappeler… Ceux qui sont « debout devant le trône et devant l’Agneau en vêtements blancs avec des palmes à la main… viennent de la grande épreuve » (2e lecture). Pour suivre l’Agneau et Pasteur jusqu’au triomphe du rassemblement final, il faut l’avoir écouté, suivi et avoir partagé avec lui aventures, périls et souffrances.
Tout commence par une parole reçue ou rejetée. Parole de quelqu’un. Une parole divine, incarnée en Jésus Christ, Vérité et Vie, Chemin sûr et Source intarissable. L’être et la voix ne font qu’un. Un Bon Pasteur qui donne nourriture de vie éternelle à ses brebis qui l’écoutent, le connaissent et le suivent.
Cependant, l’image romantique du Bon Pasteur, qui nous reste souvent en mémoire, comme aussi le cliché des « moutons de Panurge », ne sont guère susceptibles de nous faire « abandonner nos filets » ou affronter autrement les orages et tempêtes terrestres. Le Bon Pasteur de l’Evangile, le vrai berger, n’est pas sorti d’Epinal, et les brebis de son troupeau n’ont que lointaine parenté avec celles de Rabelais.
Le berger dont le Christ fait la louange est un chef, un meneur qui ne manque ni d’audace ni de courage. Son premier souci est d’assurer à son troupeau une nourriture saine et abondante. Il doit donc chercher et prospecter, entraîner et pousser, convaincre par la parole et le geste ces brebis affamées qui risquent de se jeter avidement sur n’importe quoi et de s’égarer dans de dangereuses impasses. Mission difficile et périlleuse.
La nourriture dont nous avons besoin pour vivre n’est autre que la Parole de Dieu. « Prenez et mangez ». Parole et pain sont corps du Christ. Le Verbe incarné, c’est la Parole-Chair. Une parole qui nourrit l’être tout entier et non la seule mémoire. Elle n’est pas savoir abstrait mais relation personnelle. Une communion de pensée, de cœur, d’action. Manger la Parole, n’est-ce pas se nourrir de vie plénière et expérimenter déjà, même dans les angoisses et les brouillards d’ici-bas, un peu de ce royaume définitif où les « brebis » n’auront plus faim ni soif… et où « Dieu essuiera toute larme de leurs yeux » (2e lecture) ?
Il est donc une voix qu’il nous faut connaître et reconnaître… Elle ne cesse de nous appeler pour nous libérer des étroitesses, susciter la communication entre les êtres et les peuples, les races et les langues, et briser les murs des ghettos. Egalement pour nous arracher aux illusions et aux mirages, aux pièges séduisants et aux routes sans issue… Une Parole qui donne sens à la vie.
Chaque dimanche, elle nous rassemble. Chaque dimanche, elle est appel, remontrance, lumière et programme… Mais comme au temps de Paul et Barnabé, aujourd’hui dans l’Eglise, comme hier dans la synagogue, les uns l’accueillent et d’autres la rejettent… Ne cessons pas de tendre l’oreille pour recevoir, connaître et suivre Celui qui nous interpelle.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008