HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE DE PÂQUES, C
http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE DE PÂQUES, C
AC 5, 27B-32, 40B-41 ; AP 5, 11-14 ; JN 21, 1-19
Il y a quelques années, sur le plateau de l’émission « Noms de dieux », le professeur Cassiers, psychiatre et psychanalyste bien connu, affirmait que l’humanité a un versant de violence et un versant de bienveillance. Il se disait même persuadé que tout être humain, jusqu’au plus pervers, a en lui un fond de générosité qui pourrait bien être comme une marque de transcendance, telle une présence de Dieu.
L’actualité nous confirme en tout cas que le monde est secoué par la violence. Y compris dans nos territoires intérieurs. Nous avons donc constamment besoin d’une bonne nouvelle de bienveillance, de réconciliation, de paix et d’amour. Mais l’annonce et le témoignage de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ rencontrent aussi beaucoup d’oppositions. Nous en sommes fréquemment témoins. Et, sans évoquer de grands drames, nous pouvons nous demander si nous avons toujours le courage d’oser une parole, une attitude, une réaction ou une initiative chrétienne, et plus précisément évangélique, quand nous savons qu’on se moquera de nous ou qu’il y a l’un ou l’autre risque à le faire ?… Amour-propre, réputation, le qu’en dira-t-on, l’argent, une promotion…
Sommes-nous prêts à suivre Jésus, même à contre-courant, c’est-à-dire dans la direction de la vie plutôt que celle de la mort ? Ce que l’on pourrait appeler, à la manière du rabbin-poète Ouakin, le « complexe du saumon », qui est à retenir. Si vous voyez, dans un torrent ou une rivière, un saumon adulte qui va dans le sens contraire au courant, c’est qu’il est bien vivant. Car il retourne sur son lieu de naissance pour donner la vie à son tour. Par contre, s’il va dans le même sens que le courant, c’est qu’il est mort ou va bientôt mourir.
Tout est une question d’amour véritable. Nous le voyons aussi dans l’Evangile, au déjeuner sur le sable, au moment du dessert. La déclaration de foi et d’amour que Pierre répétera trois fois à Jésus est certes verbale, mais elle s’est incarnée et donc prouvée très courageusement devant le tribunal du Sanhédrin. De même, il ne suffit pas de proclamer le credo dans une assemblée liturgique, ni de confesser le Christ ressuscité en chantant des alléluias. Il reste toujours à passer de la parole aux actes, de la proclamation à la concrétisation, c’est-à-dire l’incarnation.
Nous restons dans l’actualité, en reliant le déjeuner pascal au bord du lac de Tibériade et le nôtre ici aujourd’hui. Encore faut-il bien se rappeler le conseil de Jean : « Il faut croire avant de voir et non voir pour croire » (Jn 20, 24-29). Mieux comprendre aussi, comme nous y invitent les ruminants de la Parole que sont les exégètes et les biblistes, que « le trésor spirituel des évangiles reste en grande partie inaccessible ». Pourquoi ? « Parce que la distance culturelle et religieuse, le style littéraire très particulier adopté en font à la fois des textes très fascinants, mais tout autant difficiles ». D’autant plus qu’ils sont bourrés de références bibliques, alors que nous ne connaissons guère les Ecritures, et aussi de symboles qu’il faut pouvoir décoder, interpréter. Certes, l’Evangile est destiné aux gens ordinaires, mais ceux de l’époque de Jésus étaient familiers de ce langage qui était le leur.
Ici, l’auteur de l’évangile témoigne de sa foi dans l’intention d’affermir celle de ses auditeurs, puis de ses lecteurs dont nous sommes. Il s’agit bien d’une catéchèse, d’un enseignement, qui ont permis aux premières communautés chrétiennes de trouver des signes et des preuves de la présence permanente et efficace du Christ ressuscité, à travers l’organisation de l’Eglise apostolique (Pierre, pais mes brebis), missionnaire et universelle (une pêche abondante et une grande variété de poissons), sacramentelle et liturgique (le déjeuner sur le sable).
L’expérience pascale que nous sommes invités à vivre est celle de la célébration de l’Eucharistie, c’est-à-dire l’Ecriture et l’homélie, le partage de la Parole et du Pain, celui de nos dons et celui de la paix qui nous offrent l’Aujourd’hui du Ressuscité. Jésus nous rejoint ici, au milieu de nos tâches et soucis quotidiens, pour faire de nous des pêcheurs pour rassembler dans le grand filet du Royaume de Dieu ceux et celles qui reconnaîtront le Vivant. Il se tient sur le rivage de nos existences agitées, sur le rivage de notre histoire. A nous de le reconnaître avec le regard de la foi. Ainsi, c’est chaque dimanche que Jésus nous attend, nous aussi, et nous prépare ce repas nourrissant, qui nous permet de rencontrer le Ressuscité, pour pouvoir en témoigner dans l’ordinaire quotidien. C’est ce que nous chantons dans une hymne du temps pascal : « Ne cherchons pas hors de nos vies à retrouver son passage. Il nous rejoint sur nos sentiers… ».
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.