DIMANCHE 14 AVRIL : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – DEUXIEME LECTURE – APOCALYPSE DE SAINT JEAN 5, 11-14

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DIMANCHE 14 AVRIL : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

DEUXIEME LECTURE – APOCALYPSE DE SAINT JEAN 5, 11-14

Moi, Jean,
11 dans ma vision,
 j’ai entendu la voix d’une multitude d’anges
 qui entouraient le Trône, les Vivants et les Anciens :
 ils étaient des millions, des centaines de millions.
 12 Ils criaient à pleine voix :
 « Lui, l’Agneau immolé, il est digne
 de recevoir puissance et richesse,
 sagesse et force,
 honneur, gloire et bénédiction. »
13 Et j’entendis l’acclamation de toutes les créatures
 au ciel, sur terre, sous terre et sur mer ;
 tous les êtres qui s’y trouvent proclamaient :
 « A celui qui siège sur le Trône, et à l’Agneau,
 bénédiction, honneur, gloire et domination
 pour les siècles des siècles. »
14 Et les quatre Vivants disaient : « Amen ! »
 Et les Anciens se prosternèrent pour adorer.

Avec l’Apocalypse, nous voici en présence d’une vision, avec tout ce que cela comporte d’inhabituel ; mais d’avance nous savons une chose : c’est que le livre entier de l’Apocalypse est un chant de victoire ; dans le passage ci-dessus, c’est clair ! Au ciel, des millions et des centaines de millions d’anges crient à pleine voix quelque chose comme « vive le roi! »… et, dans tout l’univers, que ce soit sur terre, sur mer, ou même sous la terre, tout ce qui respire acclame aussi comme on le fait au jour du sacre d’un nouveau roi. Le nouveau roi, ici, bien sûr, c’est Jésus-Christ : c’est lui, « l’Agneau immolé », qui est acclamé et reçoit « puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et bénédiction. » Pour décrire la royauté du Christ, cette vision utilise un langage symbolique, fait d’images et de chiffres. C’est dire la richesse et aussi la difficulté de ces textes. La richesse, parce que, seul, le langage symbolique peut nous faire pénétrer dans le monde de Dieu ; l’ineffable, l’indicible ne se décrit pas ; il peut seulement être suggéré ; par exemple, il faut être attentif à certaines images, à certaines couleurs, à certains chiffres qui reviennent fréquemment et ce n’est certainement pas par hasard.
 Mais la difficulté réside dans l’interprétation des symboles. Notre imagination est sollicitée, elle peut nous aider, mais jusqu’où pouvons-nous faire confiance à notre intuition pour comprendre ce que l’auteur a voulu suggérer ? Il faut donc toujours rester très humble dans l’interprétation des symboles ! Nous ne pouvons pas prétendre comprendre le sens caché d’un texte biblique quel qu’il soit. L’expression « les quatre Vivants » en est un bon exemple : le chapitre précédent de l’Apocalypse nous les a décrits comme quatre animaux ailés ; le premier a un visage d’homme, les trois autres ressemblent à des animaux, un lion, un aigle, un taureau… et nous avons l’habitude de les voir sur de nombreuses peintures, sculptures et mosaïques… et nous croyons savoir sans hésitation de qui il s’agit ; c’est Saint Irénée qui, au deuxième siècle, en a proposé une lecture symbolique : pour lui, les quatre vivants sont, à n’en pas douter, les quatre évangélistes : Matthieu, le Vivant à face d’homme, Marc le lion (les amoureux de Venise ne peuvent pas l’oublier !), Luc le taureau, Jean l’aigle. Mais les biblistes ne sont pas bien à l’aise avec cette interprétation : car il semble bien que l’auteur de l’Apocalypse ait repris ici une image d’Ezéchiel dans laquelle quatre animaux soutiennent le trône de Dieu, et ils représentent tout simplement le monde créé.
 Parlons des chiffres, justement : toutes ces précautions prises, il semble bien que le chiffre 3 symbolise Dieu ; et 4 le monde créé, peut-être à cause des quatre points cardinaux ; 7 (3+4) évoque à la fois Dieu et le monde créé ; il suggère donc la plénitude, la perfection… du coup, 6 (7-1) est incomplet, imparfait. L’acclamation des Anges revêt donc une portée singulière : « Lui, l’Agneau immolé, il est digne de recevoir puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et bénédiction » : quatre termes de réussite terrestre ajoutés à trois termes réservés à Dieu (honneur, gloire, bénédiction) ; au total sept termes : c’est dire que l’Agneau immolé (les lecteurs de Jean savent qu’il s’agit de Jésus) est pleinement Dieu et pleinement homme ; et là on voit bien la force de suggestion d’un tel langage symbolique !
 Continuons notre lecture : « J’entendis l’acclamation de toutes les créatures au ciel, sur terre, sous terre et sur mer » ; (là encore quatre termes : il s’agit bien de toute la création) ; tous les êtres qui s’y trouvent proclamaient : « A celui qui siège sur le Trône, et à l’Agneau, bénédiction, honneur, gloire et domination pour les siècles des siècles. » C’est le monde créé qui proclame sa soumission à celui qui siège sur le Trône (Dieu bien sûr), et à l’Agneau. Ce n’est pas un hasard, non plus, si les Vivants qui soutiennent le trône de Dieu chez Ezéchiel et qui représentent le monde créé sont au nombre de quatre.
 Toute cette insistance de Jean, ici, vise à mettre en valeur cette victoire de l’Agneau immolé : apparemment vaincu, aux yeux des hommes, il est en réalité le grand vainqueur ; c’est le grand mystère qui est au centre du Nouveau Testament, ou le paradoxe, si l’on préfère : le Maître du monde se fait le plus petit, le Juge des vivants et des morts a été jugé comme un criminel ; lui qui est Dieu, il a été traité de blasphémateur et c’est au nom de Dieu qu’il a été rejeté. Pire, Dieu a laissé faire. Quand Saint Jean développe cette méditation à l’adresse de sa communauté, on peut penser que son objectif est double : premièrement, il faut trouver une réponse au scandale de la croix, et donner des arguments aux Chrétiens en ce sens. Quand Jean écrit l’Apocalypse, Chrétiens et Juifs sont en pleine polémique sur ce sujet : pour les Juifs, la mort du Christ suffit à prouver qu’il n’était pas le Messie ; le livre du Deutéronome avait résolu la question : « Celui qui a été condamné à mort au nom de la Loi, exécuté et suspendu au bois est une malédiction de Dieu » (Dt 21, 22). Or c’est bien ce qui s’est passé pour Jésus.
 Pour les Chrétiens, témoins de la Résurrection, ils y voient au contraire l’oeuvre de Dieu. Mystérieusement, la Croix est le lieu de l’exaltation du Fils. Jésus l’avait annoncé lui-même dans l’évangile de Jean : « Lorsque vous aurez élevé le Fils de l’homme, vous connaîtrez que « Je Suis » (Jn 8, 28). Ce qui veut dire « vous reconnaîtrez enfin ma divinité » (puisque « Je Suis » est exactement le nom de Dieu). Il faut donc apprendre à lire sur les traits défigurés de ce misérable condamné la gloire même de Dieu. Dans la vision que Jean nous décrit, l’Agneau reçoit les mêmes honneurs, les mêmes acclamations que celui qui siège sur le Trône. Deuxième objectif de Jean, aider ses frères à tenir bon dans l’épreuve : les forces de l’amour ont déjà vaincu les forces de la haine ; c’est tout le message de l’Apocalypse.

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