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DIMANCHE 14 AVRIL : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – DEUXIEME LECTURE – APOCALYPSE DE SAINT JEAN 5, 11-14
13 avril, 2013http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
DIMANCHE 14 AVRIL : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT
DEUXIEME LECTURE – APOCALYPSE DE SAINT JEAN 5, 11-14
Moi, Jean,
11 dans ma vision,
j’ai entendu la voix d’une multitude d’anges
qui entouraient le Trône, les Vivants et les Anciens :
ils étaient des millions, des centaines de millions.
12 Ils criaient à pleine voix :
« Lui, l’Agneau immolé, il est digne
de recevoir puissance et richesse,
sagesse et force,
honneur, gloire et bénédiction. »
13 Et j’entendis l’acclamation de toutes les créatures
au ciel, sur terre, sous terre et sur mer ;
tous les êtres qui s’y trouvent proclamaient :
« A celui qui siège sur le Trône, et à l’Agneau,
bénédiction, honneur, gloire et domination
pour les siècles des siècles. »
14 Et les quatre Vivants disaient : « Amen ! »
Et les Anciens se prosternèrent pour adorer.
Avec l’Apocalypse, nous voici en présence d’une vision, avec tout ce que cela comporte d’inhabituel ; mais d’avance nous savons une chose : c’est que le livre entier de l’Apocalypse est un chant de victoire ; dans le passage ci-dessus, c’est clair ! Au ciel, des millions et des centaines de millions d’anges crient à pleine voix quelque chose comme « vive le roi! »… et, dans tout l’univers, que ce soit sur terre, sur mer, ou même sous la terre, tout ce qui respire acclame aussi comme on le fait au jour du sacre d’un nouveau roi. Le nouveau roi, ici, bien sûr, c’est Jésus-Christ : c’est lui, « l’Agneau immolé », qui est acclamé et reçoit « puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et bénédiction. » Pour décrire la royauté du Christ, cette vision utilise un langage symbolique, fait d’images et de chiffres. C’est dire la richesse et aussi la difficulté de ces textes. La richesse, parce que, seul, le langage symbolique peut nous faire pénétrer dans le monde de Dieu ; l’ineffable, l’indicible ne se décrit pas ; il peut seulement être suggéré ; par exemple, il faut être attentif à certaines images, à certaines couleurs, à certains chiffres qui reviennent fréquemment et ce n’est certainement pas par hasard.
Mais la difficulté réside dans l’interprétation des symboles. Notre imagination est sollicitée, elle peut nous aider, mais jusqu’où pouvons-nous faire confiance à notre intuition pour comprendre ce que l’auteur a voulu suggérer ? Il faut donc toujours rester très humble dans l’interprétation des symboles ! Nous ne pouvons pas prétendre comprendre le sens caché d’un texte biblique quel qu’il soit. L’expression « les quatre Vivants » en est un bon exemple : le chapitre précédent de l’Apocalypse nous les a décrits comme quatre animaux ailés ; le premier a un visage d’homme, les trois autres ressemblent à des animaux, un lion, un aigle, un taureau… et nous avons l’habitude de les voir sur de nombreuses peintures, sculptures et mosaïques… et nous croyons savoir sans hésitation de qui il s’agit ; c’est Saint Irénée qui, au deuxième siècle, en a proposé une lecture symbolique : pour lui, les quatre vivants sont, à n’en pas douter, les quatre évangélistes : Matthieu, le Vivant à face d’homme, Marc le lion (les amoureux de Venise ne peuvent pas l’oublier !), Luc le taureau, Jean l’aigle. Mais les biblistes ne sont pas bien à l’aise avec cette interprétation : car il semble bien que l’auteur de l’Apocalypse ait repris ici une image d’Ezéchiel dans laquelle quatre animaux soutiennent le trône de Dieu, et ils représentent tout simplement le monde créé.
Parlons des chiffres, justement : toutes ces précautions prises, il semble bien que le chiffre 3 symbolise Dieu ; et 4 le monde créé, peut-être à cause des quatre points cardinaux ; 7 (3+4) évoque à la fois Dieu et le monde créé ; il suggère donc la plénitude, la perfection… du coup, 6 (7-1) est incomplet, imparfait. L’acclamation des Anges revêt donc une portée singulière : « Lui, l’Agneau immolé, il est digne de recevoir puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et bénédiction » : quatre termes de réussite terrestre ajoutés à trois termes réservés à Dieu (honneur, gloire, bénédiction) ; au total sept termes : c’est dire que l’Agneau immolé (les lecteurs de Jean savent qu’il s’agit de Jésus) est pleinement Dieu et pleinement homme ; et là on voit bien la force de suggestion d’un tel langage symbolique !
Continuons notre lecture : « J’entendis l’acclamation de toutes les créatures au ciel, sur terre, sous terre et sur mer » ; (là encore quatre termes : il s’agit bien de toute la création) ; tous les êtres qui s’y trouvent proclamaient : « A celui qui siège sur le Trône, et à l’Agneau, bénédiction, honneur, gloire et domination pour les siècles des siècles. » C’est le monde créé qui proclame sa soumission à celui qui siège sur le Trône (Dieu bien sûr), et à l’Agneau. Ce n’est pas un hasard, non plus, si les Vivants qui soutiennent le trône de Dieu chez Ezéchiel et qui représentent le monde créé sont au nombre de quatre.
Toute cette insistance de Jean, ici, vise à mettre en valeur cette victoire de l’Agneau immolé : apparemment vaincu, aux yeux des hommes, il est en réalité le grand vainqueur ; c’est le grand mystère qui est au centre du Nouveau Testament, ou le paradoxe, si l’on préfère : le Maître du monde se fait le plus petit, le Juge des vivants et des morts a été jugé comme un criminel ; lui qui est Dieu, il a été traité de blasphémateur et c’est au nom de Dieu qu’il a été rejeté. Pire, Dieu a laissé faire. Quand Saint Jean développe cette méditation à l’adresse de sa communauté, on peut penser que son objectif est double : premièrement, il faut trouver une réponse au scandale de la croix, et donner des arguments aux Chrétiens en ce sens. Quand Jean écrit l’Apocalypse, Chrétiens et Juifs sont en pleine polémique sur ce sujet : pour les Juifs, la mort du Christ suffit à prouver qu’il n’était pas le Messie ; le livre du Deutéronome avait résolu la question : « Celui qui a été condamné à mort au nom de la Loi, exécuté et suspendu au bois est une malédiction de Dieu » (Dt 21, 22). Or c’est bien ce qui s’est passé pour Jésus.
Pour les Chrétiens, témoins de la Résurrection, ils y voient au contraire l’oeuvre de Dieu. Mystérieusement, la Croix est le lieu de l’exaltation du Fils. Jésus l’avait annoncé lui-même dans l’évangile de Jean : « Lorsque vous aurez élevé le Fils de l’homme, vous connaîtrez que « Je Suis » (Jn 8, 28). Ce qui veut dire « vous reconnaîtrez enfin ma divinité » (puisque « Je Suis » est exactement le nom de Dieu). Il faut donc apprendre à lire sur les traits défigurés de ce misérable condamné la gloire même de Dieu. Dans la vision que Jean nous décrit, l’Agneau reçoit les mêmes honneurs, les mêmes acclamations que celui qui siège sur le Trône. Deuxième objectif de Jean, aider ses frères à tenir bon dans l’épreuve : les forces de l’amour ont déjà vaincu les forces de la haine ; c’est tout le message de l’Apocalypse.
HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE DE PÂQUES, C
13 avril, 2013http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE DE PÂQUES, C
AC 5, 27B-32, 40B-41 ; AP 5, 11-14 ; JN 21, 1-19
Il y a quelques années, sur le plateau de l’émission « Noms de dieux », le professeur Cassiers, psychiatre et psychanalyste bien connu, affirmait que l’humanité a un versant de violence et un versant de bienveillance. Il se disait même persuadé que tout être humain, jusqu’au plus pervers, a en lui un fond de générosité qui pourrait bien être comme une marque de transcendance, telle une présence de Dieu.
L’actualité nous confirme en tout cas que le monde est secoué par la violence. Y compris dans nos territoires intérieurs. Nous avons donc constamment besoin d’une bonne nouvelle de bienveillance, de réconciliation, de paix et d’amour. Mais l’annonce et le témoignage de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ rencontrent aussi beaucoup d’oppositions. Nous en sommes fréquemment témoins. Et, sans évoquer de grands drames, nous pouvons nous demander si nous avons toujours le courage d’oser une parole, une attitude, une réaction ou une initiative chrétienne, et plus précisément évangélique, quand nous savons qu’on se moquera de nous ou qu’il y a l’un ou l’autre risque à le faire ?… Amour-propre, réputation, le qu’en dira-t-on, l’argent, une promotion…
Sommes-nous prêts à suivre Jésus, même à contre-courant, c’est-à-dire dans la direction de la vie plutôt que celle de la mort ? Ce que l’on pourrait appeler, à la manière du rabbin-poète Ouakin, le « complexe du saumon », qui est à retenir. Si vous voyez, dans un torrent ou une rivière, un saumon adulte qui va dans le sens contraire au courant, c’est qu’il est bien vivant. Car il retourne sur son lieu de naissance pour donner la vie à son tour. Par contre, s’il va dans le même sens que le courant, c’est qu’il est mort ou va bientôt mourir.
Tout est une question d’amour véritable. Nous le voyons aussi dans l’Evangile, au déjeuner sur le sable, au moment du dessert. La déclaration de foi et d’amour que Pierre répétera trois fois à Jésus est certes verbale, mais elle s’est incarnée et donc prouvée très courageusement devant le tribunal du Sanhédrin. De même, il ne suffit pas de proclamer le credo dans une assemblée liturgique, ni de confesser le Christ ressuscité en chantant des alléluias. Il reste toujours à passer de la parole aux actes, de la proclamation à la concrétisation, c’est-à-dire l’incarnation.
Nous restons dans l’actualité, en reliant le déjeuner pascal au bord du lac de Tibériade et le nôtre ici aujourd’hui. Encore faut-il bien se rappeler le conseil de Jean : « Il faut croire avant de voir et non voir pour croire » (Jn 20, 24-29). Mieux comprendre aussi, comme nous y invitent les ruminants de la Parole que sont les exégètes et les biblistes, que « le trésor spirituel des évangiles reste en grande partie inaccessible ». Pourquoi ? « Parce que la distance culturelle et religieuse, le style littéraire très particulier adopté en font à la fois des textes très fascinants, mais tout autant difficiles ». D’autant plus qu’ils sont bourrés de références bibliques, alors que nous ne connaissons guère les Ecritures, et aussi de symboles qu’il faut pouvoir décoder, interpréter. Certes, l’Evangile est destiné aux gens ordinaires, mais ceux de l’époque de Jésus étaient familiers de ce langage qui était le leur.
Ici, l’auteur de l’évangile témoigne de sa foi dans l’intention d’affermir celle de ses auditeurs, puis de ses lecteurs dont nous sommes. Il s’agit bien d’une catéchèse, d’un enseignement, qui ont permis aux premières communautés chrétiennes de trouver des signes et des preuves de la présence permanente et efficace du Christ ressuscité, à travers l’organisation de l’Eglise apostolique (Pierre, pais mes brebis), missionnaire et universelle (une pêche abondante et une grande variété de poissons), sacramentelle et liturgique (le déjeuner sur le sable).
L’expérience pascale que nous sommes invités à vivre est celle de la célébration de l’Eucharistie, c’est-à-dire l’Ecriture et l’homélie, le partage de la Parole et du Pain, celui de nos dons et celui de la paix qui nous offrent l’Aujourd’hui du Ressuscité. Jésus nous rejoint ici, au milieu de nos tâches et soucis quotidiens, pour faire de nous des pêcheurs pour rassembler dans le grand filet du Royaume de Dieu ceux et celles qui reconnaîtront le Vivant. Il se tient sur le rivage de nos existences agitées, sur le rivage de notre histoire. A nous de le reconnaître avec le regard de la foi. Ainsi, c’est chaque dimanche que Jésus nous attend, nous aussi, et nous prépare ce repas nourrissant, qui nous permet de rencontrer le Ressuscité, pour pouvoir en témoigner dans l’ordinaire quotidien. C’est ce que nous chantons dans une hymne du temps pascal : « Ne cherchons pas hors de nos vies à retrouver son passage. Il nous rejoint sur nos sentiers… ».
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008