HOMÉLIE DU 2E DIMANCHE DE PÂQUES, C

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HOMÉLIE DU 2E DIMANCHE DE PÂQUES, C

AC 5, 12-16 ; AP 1, 9-11A, 12-13, 17-19 ; JN 20, 19-31

Nous allons tout à l’heure proclamer notre foi en Jésus Christ ressuscité, notre foi en la résurrection de la chair et notre foi en la vie éternelle. Mais elle ne peut pas se contenter d’une affirmation verbale, même si elle exprime une sincère et ardente conviction. C’est toute notre manière de vivre qui doit aussi en rendre témoignage.
Or, la foi en la résurrection du Christ semble souffrir de la concurrence du développement de la croyance en la réincarnation. Il s’agit d’un phénomène de société (1).
Réincarnation et Résurrection se présentent toutes deux aujourd’hui, du moins en Occident, comme une réponse à ce désir profond et très généralisé d’un accomplissement parfait de l’être humain au-delà de la mort biologique. D’autres, au contraire, estiment qu’après la mort c’est le néant. Le pur matérialisme, qui nie toute transcendance, et la croyance en la réincarnation, interpellent notre foi. Ils nous invitent à la clarifier, à l’approfondir et à mieux en témoigner. D’autant plus que l’événement de la Résurrection du Christ est au cœur de notre foi.
Pour fortifier notre foi pascale, la liturgie nous présente, durant plusieurs dimanches, quelques récits de « manifestations » du Christ ressuscité à des disciples de Jésus, hommes et femmes. Ce qui témoigne de la manière dont la foi pascale est née pour chacun d’eux, de leur rencontre personnelle et originale avec le Christ. Ils ont donc traduit chacun leur expérience intérieure, spirituelle, en cherchant et en utilisant des langages, surtout poétiques et symboliques, pour tenter de dire ce qui est en fait « irracontable ». Ce qui faisait dire au pape St Grégoire, à la fin du VIe siècle : « Jésus leur est apparu en-dehors comme il était au-dedans de leur cœur ».
Avoir la foi ne consiste donc pas pour nous à chercher des preuves scientifiques irréfutables d’un événement, mais bien à faire confiance à ces gens qui racontent ce qui leur est arrivé à eux, ce qu’ils ont expérimenté, et qui en témoignent par leur vie radicalement renouvelée, comme nous le voyons dans les Actes des Apôtres, proposés comme première lecture ces dimanches du temps pascal.
Malheureusement, nous avons encore trop souvent une conception de la résurrection du Christ très matérialiste, voire même fondamentaliste. « Il ne faut pas s’accrocher à la littéralité des textes », écrit le mystique Maurice Zundel. Mais nous sommes tentés de lire et de comprendre l’Evangile comme s’il s’agissait d’un procès-verbal ou d’un compte-rendu littéral, ou même d’un reportage historique minutieux des faits et gestes de Jésus. Or, les évangiles ne sont pas faits pour des téléspectateurs.
La première et la plus importante des préoccupations n’est pas de savoir si ce qui nous est raconté s’est bien passé exactement comme cela est écrit, mais bien de découvrir quelle est, pour la foi en Jésus Christ, la signification des faits racontés, c’est-à-dire la signification religieuse ou théologique. Il y a donc une lecture et une interprétation croyante des textes. D’où l’encouragement aux recherches scientifiques de l’exégèse, de l’histoire, de la théologie, etc. Ce qui, malheureusement, fait encore peur à de nombreux chrétiens.
Un exemple : certaines réactions aux émissions de « Corpus Christi ». Emissions austères, difficiles et même risquées, puisqu’il s’agit de porter à l’écran des travaux d’analyse scientifique des Ecritures, des recherches de laboratoire, mais qui font partie d’une très légitime recherche de la vérité. Les avis donnés sont ceux de spécialistes mondiaux de la Bible, qui ne sont pas tous catholiques, ni tous chrétiens. On peut donc entendre des avis différents, entendre énoncer des thèses opposées. Mais des perceptions et des lectures différentes des événements bibliques, en tenant compte des résultats des recherches actuelles, peuvent aider le croyant « à mieux connaître le contexte des événements, et comprendre l’enracinement culturel et historique du Christ dans l’évangile » (Mgr Defois).
Ces émissions ont suscité beaucoup d’intérêt, et pas seulement parmi les croyants. Mais, en levant certains tabous, elles ont également provoqué de l’émoi, de la réprobation, de la crainte. Certains y ont même vu une attaque contre la foi. Ce qui faisait dire au cardinal Pierre Eyt : « N’ayons pas peur de scruter les Ecritures ! ». D’autant plus que nous ne sommes pas encore dans la possession plénière de la vérité. D’ailleurs, la foi ne justifie pas une paresse intellectuelle. Aujourd’hui moins que jamais.
Que retenir, par exemple, de l’épisode de Thomas, qui signifie « jumeau », le jumeau de tous les croyants ? Il s’agit d’une leçon de catéchèse, destinée aux premières communautés chrétiennes, pour leur expliquer combien la foi des apôtres était restée difficile, même après la résurrection. Autrement dit, les chrétiens, les apôtres en tête, doivent apprendre à croire sans voir et se passer de preuves matérielles.
Mais que faut-il entendre par « résurrection », « relevé d’entre les morts », « réveillé d’entre les morts », ou encore « exalté à la droite du Père » ? Les apôtres ont voulu dire que, dans l’événement pascal, le Christ est revenu à la vie, non pas dans le sens d’un retour à la vie d’avant sa mort, mais bien d’une entrée définitive dans une nouvelle dimension de la vie. Une vie définitivement transformée et invincible. La Résurrection, c’est la permanence de la vie. La vie en plénitude. Il est bien le Vivant.
Ce sont désormais les chrétiens qui poursuivent la mission d’annoncer la Bonne Nouvelle et qui sont preuve du Christ ressuscité, par leur témoignage d’une vie renouvelée, comme on le voit dans les Actes. N’oublions pas l’enseignement de Paul : « Ensevelis avec lui dans le baptême, avec lui encore vous avez été ressuscités puisque vous avez cru en la force de Dieu qui l’a ressuscité des morts » (Col 2, 12). De même, « du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ » (Col 3, 1).
Nous sommes donc appelés à être des vivants. Témoin du Ressuscité, le chrétien va s’efforcer de lutter pour le respect et la dignité de la vie et de la personne humaine. Notre résurrection, notre avenir, se joue déjà dans la trame de nos gestes quotidiens. Tous nos actes d’amour tissent notre visage d’éternité. Seul l’amour vécu est énergie de résurrection. Nous sommes des artisans de vie. C’est cela que Jésus veut poursuivre par nous. Nous pouvons devenir, par l’Eucharistie, chacun et tous ensemble, le Corps du Christ, les pieds du Christ, les mains du Christ, le Christ continué. C’est ainsi que l’Eucharistie célèbre et actualise la Résurrection du Seigneur pour notre aujourd’hui. Bien vécue, elle nous permet d’être à notre tour des témoins crédibles.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

(1) Pour Michel Hubaut, franciscain, qui a publié un ouvrage sur « Dieu, l’homme et la réincarnation » (DDB 1998, 207 pp.), l’immortalité advient aujourd’hui et maintenant à chaque fois que l’être humain se dépasse pour aimer. C’est chaque jour que nous ressuscitons un peu plus. Celui qui naît à l’amour, par l’amour, devient immortel, puisque l’amour est l’être même de Dieu. Notre résurrection, c’est notre parfait achèvement… Elle commence dès ici-bas et cultive en nous l’espérance.

12:10 Publié dans Pâques C | Lien permanent | Commentaires (1) | Envoyer cette note | Tags : pâques, résurrection, réincarnation, foi, manifestation, expérience, langage, poétique, symbolique, preuve

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