DIMANCHE 7 AVRIL : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – DEUXIEME LECTURE – Apocalypse 1, 9…19

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DIMANCHE 7 AVRIL : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT

DEUXIEME LECTURE – Apocalypse 1, 9…19

9 Moi, Jean,
 votre frère et compagnon
 dans la persécution, la royauté et l’endurance avec Jésus,
 je me trouvais dans l’île de Patmos
 à cause de la parole de Dieu
 et du témoignage pour Jésus.
10 C’était le jour du Seigneur ;
 je fus inspiré par l’Esprit,
 et j’entendis derrière moi une voix puissante,
 pareille au son d’une trompette.
11 Elle disait :
 « Ce que tu vois, écris-le dans un livre
 et envoie-le aux sept Eglises
 qui sont en Asie Mineure. »
12 Je me retournai pour voir qui me parlait.
 Quand je me fus retourné,
 je vis sept chandeliers d’or ;
13 et au milieu d’eux comme un fils d’homme,
 vêtu d’une longue tunique ;
 une ceinture d’or lui serrait la poitrine.
17 Quand je le vis,
 je tombai comme mort à ses pieds,
  mais il posa sur moi sa main droite, en disant :
 « Sois sans crainte.
 Je suis le Premier et le Dernier,
18 je suis le Vivant :
j’étais mort,
 mais me voici vivant pour les siècles des siècles,
 et je détiens les clefs de la mort et du séjour des morts.
19 Ecris donc ce que tu auras vu :
 ce qui arrive maintenant,
 et ce qui arrivera ensuite. »

Pendant six dimanches de suite, nous allons lire en deuxième lecture des passages de l’Apocalypse de Saint Jean : c’est une chance qui nous permettra de faire un peu connaissance avec l’un des textes les plus attachants du Nouveau Testament ; livre difficile à première vue, il nous demande un effort mais nous serons vite récompensés. Aujourd’hui donc, premier contact. Le mot « Apocalypse » vient du grec : cela signifie « révélation », « dévoilement » au sens de « retirer un voile » ; il s’agit pour Jean de nous révéler le mystère de l’histoire du monde, mystère caché à nos yeux. Parce qu’il s’agit de nous révéler ce que nos yeux ne voient pas spontanément, le livre se présente sous forme de visions : par exemple, le verbe « voir » est employé cinq fois dans le simple passage d’aujourd’hui !
 Ce mot « d’Apocalypse » malheureusement n’a pas eu de chance : il est devenu presque un épouvantail, ce qui est le pire des contresens ! Car, à sa manière, l’Apocalypse est, comme tous les autres livres bibliques, une Bonne Nouvelle. Toute la Bible, dès l’Ancien Testament, est le dévoilement du mystère du « dessein bienveillant de Dieu », (comme dit la Lettre aux Ephésiens), le projet d’amour de Dieu pour l’humanité. Les Apocalypses sont un genre littéraire particulier, mais comme tous les autres livres bibliques, elles n’ont pas d’autre message que l’amour de Dieu et la victoire définitive de l’amour sur toutes les formes du mal. Si nous ne sommes pas convaincus de cela en ouvrant les Apocalypses, et en particulier celle de Jean, mieux vaut ne pas les ouvrir ! Nous risquons de les lire de travers !
 Ce qui fait l’une des difficultés de ce genre littéraire, ce sont les visions souvent fantastiques et difficiles à décrypter, pour nous tout au moins. Tout est là : ce n’était pas difficile pour les destinataires, c’est difficile pour nous qui ne sommes plus dans leur situation. Pourquoi parler sous forme de visions ? Pourquoi ne pas parler en clair ? Ce serait tellement plus simple… non, justement ; l’Apocalypse de Saint Jean, comme tous les livres du même genre (il y a eu plusieurs apocalypses écrites par des auteurs différents entre le deuxième siècle av. JC et le deuxième siècle ap. JC), est écrite en temps de persécution ; on le lit bien ici : « Moi, Jean, votre frère et compagnon dans la persécution… je me trouvais dans l’île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage pour Jésus. » A Patmos, Jean ne fait pas du tourisme, il y a été exilé.
 Parce qu’on est en pleine persécution, une Apocalypse est un écrit qui circule sous le manteau, pour remonter le moral des troupes ; le thème majeur, c’est la victoire finale de ceux qui actuellement sont opprimés. Le discours, en gros, c’est : apparemment vous êtes vaincus, on vous écrase, on vous persécute, on vous élimine ; et vos persécuteurs sont florissants : mais ne perdez pas courage ; Christ a vaincu le monde : regardez, il est vainqueur. Il a vaincu la mort. Les forces du mal ne peuvent rien contre vous ; elles sont déjà vaincues. Le vrai roi, c’est le Christ ; ceci, Jean le dit dès la première phrase : « Moi, Jean, votre frère et compagnon dans la persécution, la royauté et l’endurance avec Jésus. »
 Evidemment, un tel discours ne peut pas être trop explicite, puisque le danger est grand de le voir saisi par le persécuteur ; alors on raconte des histoires d’un autre temps et des visions fantasmagoriques, tout ce qu’il faut pour décourager la lecture par des non-initiés. Par exemple, Saint Jean dit tout le mal possible de Babylone, qu’il appelle « la grande prostituée ». Pour qui sait lire entre les lignes, il s’agit évidemment de Rome. Le message de toute Apocalypse, c’est celui-là : les forces du mal pourront se déchaîner, elles ne l’emporteront pas !
 C’est ce qui explique le triste contresens que nous faisons souvent sur le mot « Apocalypse » : car on y trouve effectivement la description du mal déchaîné, mais on y trouve bien plus encore l’annonce de la victoire de Dieu et de ceux qui lui seront restés fidèles.
 Je reviens à l’Apocalypse de Saint Jean : puisqu’elle fait partie du Nouveau Testament, son personnage central est bien évidemment Jésus-Christ : il est au centre de toutes les visions.
 Dans la lecture de ce dimanche, cette victoire du Christ nous est présentée dans une vision grandiose : c’est un dimanche, également, c’est-à-dire le jour où l’on célèbre la Résurrection du Christ. Jean a l’impression de revivre comme une nouvelle Pentecôte : une voix puissante comme une trompette, le souffle de l’Esprit… il est saisi… au milieu de sept chandeliers d’or, un être de lumière lui apparaît ; un « fils d’homme » ; dans le vocabulaire du Nouveau Testament, le fils de l’homme est l’une des expressions pour dire le Messie ; pour Jean, cela ne fait pas l’ombre d’un doute, c’est le Christ. Alors, comme tout homme mis soudainement en présence de Dieu, Jean tombe à ses pieds et il s’entend dire « Sois sans crainte »… et il entend les paroles de victoire : « Je suis » (le nom même de Dieu)… « Je suis le Premier et le Dernier… Je suis le Vivant… le victorieux de la mort… je détiens les clés de la mort et du séjour des morts. »
 Et comme toujours, ce genre de vision est vocation, pour une mission au service de ses frères : « Ecris ce que tu auras vu… » sous-entendu va encourager tes frères ; le passé, le présent, l’avenir m’appartiennent : on entend résonner ici la promesse du Christ : « Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra » (Jn 11, 25).
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 Note
1 – Les exégètes s’entendent pour dire que l’Apocalypse de Jean a été écrite sous le règne de l’empereur Domitien (81-96). Or cet empereur ne s’est pas livré à une persécution systématique des Chrétiens. Le climat d’insécurité dans lequel vit la communauté de Jean vient peut-être d’une part des exigences du culte impérial promu par Domitien et d’autre part de l’opposition des Juifs restés réfractaires au Christianisme. C’est ce qui semble ressortir des lettres aux sept Eglises.

 Compléments
 Dans l’Ancien Testament, le message du livre de Daniel était de type apocalyptique : écrit vers 165 av.J.C. pour encourager ses frères persécutés par le roi grec Antiochus Epiphane, Daniel n’attaquait pas directement le problème : il racontait les actes d’héroïsme accomplis par des Juifs fidèles sous la persécution de Nabuchodonosor quatre cents ans plus tôt ; ce n’était qu’une leçon d’histoire, en apparence ; mais, pour qui savait lire entre les lignes, le message était clair.

 Un exemple de texte de style « apocalyptique » dans l’histoire récente : au temps de la domination russe sur la Tchécoslovaquie, une jeune actrice tchèque a composé et joué de nombreuses fois dans son pays une pièce sur Jeanne d’Arc : franchement l’histoire de Jeanne d’Arc boutant les Anglais hors de France au quinzième siècle n’était pas le premier souci des Tchèques ; et si le scénario tombait entre les mains du pouvoir occupant, ce n’était pas trop compromettant ; mais pour qui savait lire entre les lignes, le message était clair : ce que la jeune fille de dix-neuf ans a su faire, avec l’aide de Dieu, nous le pouvons nous aussi.

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