Archive pour le 4 avril, 2013
TITRE : PÂQUES, UN NOUVEAU JOUR QUI DURE ENCORE!
4 avril, 2013http://www.lesreflexionsderaymondgravel.org/homelies2012/homelie22avril12.pdf
(est un fichier PDF , je l’ai transformé en Txt, il est possible que j’ai fait quelques erreurs, désolé!)
PÂQUES 3 (B) : 22 AVRIL 2012
TROISIÈME DIMANCHE DE PÂQUES : 22 AVRIL 2012
TITRE : PÂQUES, UN NOUVEAU JOUR QUI DURE ENCORE!
Référence Biblique : 2
2ème Lecture : Jean (1 Jn 2,1-5a)
1 Mes petits enfants, je vous écris pour que vous évitiez le péché. Mais, si l’un de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père : Jésus Christ, le Juste. 2Il est la victime offerte pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier. 3Et voici comment nous pouvons savoir que
nous le connaissons : c’est en gardant ses commandements. 4 Celui qui dit : « Je le connais », et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur : la vérité n’est pas en lui. 5 Mais en celui qui garde fidèlement sa parole, l’amour de Dieu atteint vraiment la perfection.
Référence Biblique : Évangile : Luc (Lc 24,35-48)
Les disciples qui rentraient d’Emmaüs racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons 35 ce qui s’était passé sur la route, et comment ils avaient reconnu le Seigneur quand il avait rompu le pain. 36 Comme ils en parlaient encore, lui-même était là au milieu d’eux, et il leur dit : « La paix soit avec vous. » 37 Frappés de
stupeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. 38 Jésus leur dit : « Pourquoi êtesvous bouleversés? Et pourquoi ces pensées qui surgissent en vous? 39 Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os, et vous constatez que j’en ai. » 40 Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds. 41 Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger? » 42 Ils lui offrirent un morceau ce poisson grillé. 43 Il le prit et le mangea devant eux. 44 Puis il déclara : « Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il fallait que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » 45 Alors il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Écritures. 46 Il conclut : « C’est bien ce qui était annoncé par l’Écriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d’entre les morts le
troisième jour, 47 et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés, 2à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. 48 C’est vous qui en êtes les
témoins. »
HOMÉLIE DE RAYMOND GRAVEL
Titre : Pâques, un nouveau jour qui dure encore! En cette année B, on passe de Marc à Jean et de Jean à Luc, pour montrer toute la richesse des manifestations du Christ ressuscité aux disciples de la première heure. De sa présence physique auprès des siens, Jésus n’est plus selon la chair, mais il est maintenant tout aussi présent selon l’Esprit, et l’expérience du premier jour de Pâques dure encore, parce que ce jour ne finit plus : c’est l’expérience du témoignage : « C’est vous qui en êtes les témoins » (Lc 24,48). Quels messages pouvons-nous tirer des lectures bibliques d’aujourd’hui?
!. Pâques : un nouveau jour qui dure encore : Dans l’évangile de Luc, le jour de Pâques est le jour le plus long de l’année…C’est un jour qui ne finit pas. Au matin, très tôt, des femmes se rendent au cimetière pour visiter un mort et reçoivent un message qu’il est vivant et elles ont pour mission de l’annoncer aux disciples (Lc 24,1-10). Les disciples ne les croient pas; ils disent que c’est du délire de femmes (Lc 24,11). Le soir venu, 2 disciples font route vers Emmaüs, à 2 heures de marche de Jérusalem, et sur la route, ils rencontrent un étranger qui leur réchauffe le cœur par sa Parole; les 2 disciples invitent l’étranger dans leur maison, car il se fait tard et ils reconnaissent le Ressuscité, à travers cet étranger, lorsqu’il rompt le pain et le partage avec eux (Lc 24,13-32). Aussitôt, ces 2 disciples repartent vers Jérusalem (un autre 2 heures de marche), pour aller rejoindre les autres disciples rassemblés (Lc 24,33-34). Arrivés à Jérusalem, c’est l’évangile d’aujourd’hui, les disciples d’Emmaüs racontent aux autres disciples leur expérience du Ressuscité (Lc 24,35). On est toujours le même jour; il doit commencer à se faire tard…Pendant qu’ils se racontent, le Christ se fait présent au milieu d’eux, en leur souhaitant la paix, comme dans l’évangile de Jean, la semaine passée (Lc 24,36). Et là, saint Luc nous donne une catéchèse sur la messe; il nous fait assister à une eucharistie, comme lieu de rencontre et de reconnaissance du Ressuscité (Lc 24,37-48). Et, après cette eucharistie, le Christ ressuscité emmène les disciples à Béthanie cette fois,un autre petit village au sud de Jérusalem, pour les bénir et s’élever vers le
ciel (Lc 24,50-51). Et, après l’Ascension, toujours le même jour, les disciples retournent à Jérusalem, dans le temple, pour bénir Dieu (Lc 24,52). 3 Finalement, Luc précise : « Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu » (Lc 24,53).En 1991, dans la revue Signes d’aujourd’hui, le théologien Marcel Metzger se pose la question suivante : « À quelle heure les disciples d’Emmaüs se sont-ils donc couchés le soir de Pâques? » C’est une bonne question, si on fait une lecture littérale du récit…Mais en même temps, on y décèle pleins d’incohérences et de non-sens : Au temps biblique, la nuit, on ne peut circuler…Il n’y a pas de lumière. Tous ces déplacements de nuit n’ont pas d’allure, et comment ont-ils pu voir Jésus monter au ciel, en pleine nuit?
Dans le fond, ce que Luc veut nous faire comprendre, à travers ce récit, c’est que Pâques est une nouvelle aventure, un nouveau Jour, pour l’Église qui est signe de la présence du Ressuscité, à travers ses disciples, les chrétiens de tous les temps. Cette nouvelle aventure ne se termine pas; elle se continue dans l’Église d’aujourd’hui. C’est un jour nouveau qui dure encore…Nous sommes toujours le dimanche de Pâques!
2. La mort-résurrection : une même réalité : Comme dans l’évangile de Jean, la mort-résurrection de Jésus sont 2 événements inséparables pour la foi chrétienne. Que devons-nous retenir de cette présence du Ressuscité? Il y a des similitudes dans tous les évangiles concernant la Résurrection du Christ : tous affirment que le tombeau est vide, que Jésus est vivant, que ceux et celles qui l’ont vu ne l’ont pas reconnu tout de suite et que le doute et la peur font partie de l’expérience de foi de celles et ceux qui l’ont rencontré. Ce qui signifie que le Christ ressuscité n’est pas le cadavre réanimé de Jésus de Nazareth; c’est le Crucifié transformé par Pâques : « Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de
chair ni d’os, et vous constatez que j’en ai » (Lc 24,39). Et pour dire qu’il est le même tout en étant différent de celui qu’ils ont connu sur les routes de Galilée, après leur avoir demandé quelque chose à manger (Lc 24,41), le Ressuscité : « prit le poisson et le mangea devant eux » (Lc 24,43), non pas avec eux, mais bien devant eux, pour signifier, selon le théologien Gérard Sindt que : « Manger devient ici une preuve de la vérité d’un être en
relation qui abolit les distances tout en les maintenant ». Mais pourquoi cette insistance sur la matérialité du Ressuscité, dans l’évangile de Luc? Saint Luc connaît très bien la théologie de saint Paul qui dit que l’Église est Corps du Christ ressuscité, à travers ses disciples qui sont ses membres. C’est donc à travers eux que le Christ peut se manifester, non pas en fantôme, mais en être humain, en chair et en os : « Frappés de stupeur 4
et de crainte, les disciples croyaient voir un esprit » (Lc 24,37). « Jésus leur dit : Pourquoi êtes-vous bouleversés? Et pourquoi ces pensées qui surgissent en vous? » (Lc 24,38). « Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os, et vous constatez que j’en ai » (Lc 24,39). Mais qui est-il donc? Il est celles et ceux qui portent les marques de sa passion (nous sommes en pleine persécution), qui annoncent sa Parole en ouvrant les esprits à l’intelligence des Écritures, qui partagent le pain rompu et qui proclament, en son nom, le pardon des péchés pour tous. Ceux-là sont les premiers témoins de Pâques.3. Des témoins officiels aux croyants d’aujourd’hui : Pourquoi ces récits d’apparitions aux disciples? Tout simplement, pour faire des disciples de l’Église primitive des témoins officiels de Pâques : « C’est vous qui en êtes les témoins » (Lc 24,48). Encore aujourd’hui, il nous est possible de faire l’expérience du Ressuscité comme au premier temps de l’Église. La seule différence, c’est qu’il nous est impossible de comparer cette présence du Ressuscité avec celle du Nazaréen, comme les premiers chrétiens pouvaient le faire. Cependant, leur témoignage devrait nous suffire. Les disciples de la première heure ont connu Jésus de Nazareth; ils l’ont vu mourir, ils l’ont rencontré dans l’Église du 1er siècle et ils ont pu vérifier l’authenticité du Ressuscité comme la continuité de Jésus de Nazareth qu’ils ont connu, aimé et suivi. Ils deviennent donc des témoins privilégiés et les expériences ultérieures du Ressuscité se fondent nécessairement sur leur témoignage. C’est donc sur la foi des premiers témoins que s’expriment notre propre foi au Christ. Au 4è siècle, saint Augustin avait une façon bien à lui d’exprimer cette réalité. Dans son sermon # 116, sur l’évangile d’aujourd’hui, il
écrit : « Le Christ total s’est fait connaître d’eux (ses disciples) et s’est fait connaître de nous. Mais il n’a pas été connu tout entier par eux, ni tout entier par nous. Eux, ils ont vu la tête (Jésus) et ils ont cru au corps
(Église). Nous, nous avons vu le corps (Église) et nous avons cru à la tête (Jésus). Cependant, le Christ ne fait défaut à personne : il est tout entier en tous, et pourtant son corps lui demeure attaché ».En terminant, en 2è lecture aujourd’hui, saint Jean nous rappelle que pour connaître Jésus Christ, il nous faut faire l’expérience de l’Amour : « Celui qui dit : Je le connais et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur : la vérité n’est pas en lui » ( 1 Jn 2,4). « Mais en celui qui garde fidèlement sa parole, l’amour de Dieu atteint vraiment la perfection » (1 Jn 2,5). Cessons de matérialiser les récits de Pâques, pour ne pas en réduire la portée et la signification profonde. Nous sommes concernés par ces récits, puisque nous avons la possibilité de rencontrer le
Ressuscité et l’obligation d’en témoigner pour que d’autres puissent aussi le rencontrer…Et c’est à l’amour que nous aurons que les autres le reconnaîtront.
Raymond Gravel ptre
Diocèse de Joliette.
LA VOCATION DE LA PERSONNE À LA LUMIÈRE DE L’INCARNATION – COLLOQUE SUR EDITH STEIN
4 avril, 2013http://www.zenit.org/fr/articles/la-vocation-de-la-personne-a-la-lumiere-de-l-incarnation
LA VOCATION DE LA PERSONNE À LA LUMIÈRE DE L’INCARNATION
COLLOQUE SUR EDITH STEIN
ROME, 4 AVRIL 2013 (ZENIT.ORG) ANITA BOURDIN
« Edith Stein philosophe » : c’est le titre d’un colloque international quiaura lieu les 11 et 12 avril à Paris. Il estorganisé par le Professeur Emmanuel Falque (Institut Catholique de Paris) et le Professeur Jean-François Lavigne (Archives Husserl, Ecole Normale Supérieure), en lien avecle Collège des Bernardins et les Dominicains du Saulchoir. Eric de Rus, auteur connu des lecteurs de Zenit y participera il nous en dit davantage.
Zenit – Eric de Rus, vous participez à un colloque au collège des Bernardins sur Edith Stein la semaine prochaine: de quoi s’agit-il?
Eric de Rus – Ce colloque coïncide exactement avec le centenaire de l’arrivée d’Edith Stein à Göttingen. En effet, 1913 marque ses débuts en phénoménologie, à l’école de Husserl, donc de son entrée en philosophie. Le programme de ce colloque balaie les champs principaux de la pensée philosophique d’Edith Stein : l’anthropologie, l’empathie, l’éducation, la réflexion politique, métaphysique.
Les organisateurs posent la question en ces termes : « Aujourd’hui, en France, l’originalité et la force de la pensée philosophique d’Edith Stein restent trop méconnues. On ne veut souvent retenir d’elle que la jeune assistante privée du « Maître » Husserl ; ou, plus tardive, la haute figure carmélitaine, auteur de méditations spirituelles lumineuses, nées de l’approfondissement de la vie contemplative. Mais : entre la jeune phénoménologue qui cherche, et la mystique sereine qui va au don total de soi, jusqu’à Auschwitz… que s’est-il passé ? Qui est Edith Stein ? »
Dans vos travaux vous accordez une place centrale à l’incarnation. Pourquoi ?
Partir de l’incarnation pour réfléchir au sens de la personne humaine et de sa vocation me paraît essentiel pour éviter de céder à une anthropologie trop abstraite.De publication en publication mon propos se centre toujours davantage sur ce que j’appelle la vocation épiphanique de la personne humaine. Qu’est-ce que cela signifie ?Je considère que le propre de l’être humain est de posséder une intériorité, c’est-à-dire une profondeur à partir de laquelle il est capable d’une perception particulière de la réalité. Il peut capter intuitivement l’essence de la réalité qui est « Vie », pure densité de Présence rayonnante. La personne humaine est un être incarné. Elle se situe donc à la charnière entre la Vie qui l’habite et le monde matériel où l’insère sa corporéité. Cette situation assigne à l’être humain une vocation épiphanique. Autrement dit chacun est appelé à donner corps à la vie sous les traits imprévisibles de son existence unique. Voilà pourquoi ce geste d’incarnation permanente est un processus de création continue qui engage la liberté humaine.A ce titre, l’éducation, définie par Edith Stein comme un « art de donner forme à sa vie », représente la mise en œuvre exemplaire de ce geste anthropologique intégral par lequel l’homme devient vraiment lui-même, dans toute la plénitude de son être, jusqu’à « cette humanité accomplie, pure expression de la nature libérée et transfigurée par la force de la grâce. » (Edith Stein).
Vous avez publié au Cerf un « Essai à deux voix » avec Mireille Nègre – Quand la vie prend corps (2012) -: que disent ces deux voix ?
La démarche artistique nous ouvre une voie d’accès à ce geste anthropologique intégral. La danse, en l’occurrence, offre une métaphore privilégiée du geste comme dévoilement charnel de la vie à travers le mouvement. Il s’agit de révéler par le corps la réalité invisible de la vie sans en figer l’élan mais en lui fournissant les points d’appui qui en libèrent la ligne de vol.
Mireille Nègre, en tant que danseuse consacrée, a vécu la danse comme une incarnation de l’essence sacrée de la vie.
Or il y a là un enjeu fondamental pour l’existence humaine dans la mesure où cette épiphanie artistique nous donne de contempler, comme dans un miroir, une image de la vocation universelle de la personne : révéler la Vie divine dans la chair.
Cet Essai à deux voix, en conjuguant une approche philosophique et théologique avec la démarche concrète et incarnée de la danseuse, célèbre la dignité de l’être humain et la beauté de sa vocation.
Au fil de cet Essai deux axes se dégagent. Le premier met en relief le mystère de l’intériorité humaine comme foyer de la vie. Le second se penche sur l’ascèse qui préside au déploiement du geste épiphanique, la discipline faite d’écoute, de concentration et de transparence du cœur.
La préface est de sr Marie Keyrouz, connue, elle, comme une voix ! Pourquoi cette troisième voix ?
La préface de Soeur Marie Keyrouz apporte sa contribution à notre réflexion à partir de son « lieu propre » : le chant sacré. Mais il s’agit de la même démarche épiphanique comme elle l’indique clairement : « C’est cette extériorisation vitale de l’intériorité que nous avons toujours résumée sous l’expression : chanter le divin par l’humain. La vie n’est pratiquement saisissable que dans la mesure où elle laisse à nos yeux la trace sensible de son passage. Le recours à la parole, au chant, à la danse ou à toute autre expression corporelle est capable de mettre l’âme humaine au contact du divin, de la transporter par le mot, le son ou le geste … Philosophe, chanteur ou danseur, chacun cherche l’expression des mouvements de son âme qui resteraient intraduisibles sans le langage des sons et mouvements produits par son souffle et son corps. »
Quel message Edith Stein nous transmet-elle pour Pâques, qui célèbre la résurrection du Corps de Dieu ?
Edith Stein déclare que le corps, selon son « sens originaire », est « le miroir de l’âme sur lequel se reflète toute sa vie intérieure, au moyen duquel elle entre dans le champ de la visibilité. Il peut lui-même être transfiguré avec elle ; la lumière qui remplit l’âme peut également le pénétrer et rayonner à travers lui ». Jean-Paul II, dans ses catéchèses sur la théologie du corpsne dit pas autre chose : « Le corps en effet – et seulement lui – est capable de rendre visible ce qui est invisible: le spirituel et le divin. Il a été créé pour transférer sdans la réalité visible du monde le mystère caché de tiute éternité en Dieu et en être le signe visible ».
Le christianisme exalte la profondeur de la corporéité humaine et sa dimension épiphanique en référence au Corps de Dieu. Reconnaître le Christ c’est, pour Edith Stein, accueillir « la révélation corporelle de Dieu … en qui seul l’amour divin s’est pleinement incarné ». En sa Personne – et c’est le cœur du mystère éblouissant de l’Incarnation – sont unies, sans confusion et sans séparation, la nature humaine et la nature divine. Comme l’a dit Maxime le Confesseur: « L’illimité se limite d’une manière ineffable, tandis que le limité se déploie jusqu’à la mesure de l’illimité. »
Ainsi Jésus-Christ est l’archétype de toute existence épiphanique : leseul Geste absolument parfait de la VIE purement manifestée comme AMOUR dans l’alliance indépassable de la divinité invisible et de l’humanité charnelle.
Votre dernier livre, Une existence épiphanique (Ad Solem, 2013) est consacré à une autre carmélite, Cristina Kaufmann (1939-2006). Pourquoi cet intérêt pour la mystique ? Et pourquoi la préface d’une autre artiste : la pianiste Elizabeth Sombart ?
Mon questionnement sur la vocation épiphanique de la personne humaine est très attentif à l’expérience des amis de Dieu, mystiques et saints. Cristina Kaufmann définit la mystique comme « le fait de vivre l’incarnation ».
Les mystiques prennent part, depuis leur intériorité la plus profonde, à la Vie de Dieu ; ils en prolongent le mystère dans leur propre chair devenue le lieu d’une épiphanie de la Vie divine. Le discours mystique, par la place qu’il accorde à l’incarnation, témoigne d’un profond réalisme anthropologique.
Les images utilisées par le discours mystique sont très incarnées comme en témoigne par exemple le Cantique Spirituel de saint Jean de la Croix dont les accents évoquent audacieusement le vocable amoureux du Cantique des cantiques.
Comme Michel de Certeau l’a montré, c’est d’abord dans le corps du mystique que s’écrit l’expérience de Dieu. .La référence à la « blessure infiniment savoureuse», selon les termes de sainte Thérèse d’Avila, évoque de façon très éloquente cette expérience vivante du contact avec Dieu. La blessure est signe d’une brèche qui nous signifie que notre humanité incarnée est vulnérable. Mais c’est par là, justement, que notre réalité s’ouvre à la transcendance qui l’empêche de se refermer sur elle-même. Enfin, la blessure en sa signification mystique devient source féconde, à l’image des blessures du Crucifié qui, transfigurées dans la lumière de la Résurrection, deviennent source de guérison, de grâce, de vie.
En résumé l’expérience des mystiques porte à son plus haut point d’incandescence la vocation épiphanique de toute personne. C’est sans doute la raison pour laquelle les mystiques authentiques, come l’a dit Henri Bergson, « n’ont pas besoin d’exhorter ; ils n’ont qu’à exister ; leur existence est un appel ».
Finalement, plus nous nous approchons du mystère de la Vie tel qu’il affleure à même la chair de notre réalité incarnée, plus les mots vacillent. Martin Buber a écrit : « Sans doute existe-t-il un langage, le plus discret de tous, qui ne veut que faire partager l’existentiel et non le décrire. Il est si élevé et si discret, qu’il semble presque ne pas appartenir au langage, n’être qu’un mouvement de paupières dans le silence » : c’est cette langue de fin silence qui caractérise la poésie et la musique. La très grande pianiste Elizabeth Sombart appartient à cette constellation d’êtres épiphaniques dont le geste inspiré vous relie au silence sonore de la Vie …