Archive pour le 8 mars, 2013
LES MÉDITATIONS D’UNE MONIALE DE JÉRUSALEM – CARÊME
8 mars, 2013LES MÉDITATIONS D’UNE MONIALE DE JÉRUSALEM – CARÊME
VENDREDI DE LA 3ÈME SEMAINE DE CARÊME 2006
MARC 12, 28-34
Jésus est l’homme du scandale. L’homme qui enseigne avec autorité et en son propre nom. Il n’est pas de ceux qui rapportent les dits de tel ou tel maître en Israël à propos de la Loi : il l’énonce en sa propre personne. On connaît le fameux : «on vous a dit…, eh bien ! moi, je vous dis…», qui fait immédiatement suite à notre évangile de ce jour. Il serait pourtant simpliste de comprendre Jésus comme un révolutionnaire venu prendre la place de la Loi et affranchir tous les hommes de ses pesants préceptes. Que la Loi donnée à Israël sur la montagne doive désormais se soumettre à l’autorité du Verbe, c’est bien ce qui est apparu, non sans difficulté, à l’Église naissante ; mais non qu’elle soit purement et simplement disqualifiée par lui. L’homme né «sujet de la Loi» (Ga 4,4), dans la lignée du roi David, le dit clairement : il n’est «pas venu abolir (la Loi), mais accomplir» (Mt 5,17). Cela signifie que c’est désormais sur son visage qu’il nous faut déchiffrer la Loi de Dieu. Nous ne sommes ni sans-loi ni hors-la-loi, mais tout entiers tournés vers la Parole une et personnelle du Père qu’il adresse à chacun de nous en son Fils. Notre Loi, c’est d’être tournés vers le Père comme Jésus est tourné vers le Père. Elle échappe tant aux prises du concept et de la raison humaine – et en cela elle nous dérange – qu’à celles de l’indépendantisme révolutionnaire. Ce qui s’est accompli en Jésus et qui est comme résumé en lui, doit encore s’accomplir en chacun de nous. Comment ? «Portez les fardeaux les uns des autres, écrit l’apôtre Paul aux chrétiens de Galatie, et vous accomplirez la Loi du Christ» (Ga 6,2).
Dimanche 10 mars 2013 : commentaires de Marie Noëlle Thabut
8 mars, 2013http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
Dimanche 10 mars 2013 : commentaires de Marie Noëlle Thabut
PREMIERE LECTURE – Josué 5, 10- 12
Après le passage du Jourdain,
10 les fils d’Israël campèrent à Guilgal
et célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du mois,
vers le soir, dans la plaine de Jéricho.
11 Le lendemain de la Pâque,
ils mangèrent les produits de cette terre :
des pains sans levain et des épis grillés.
12 A partir de ce jour, la manne cessa de tomber,
puisqu’ils mangeaient les produits de la terre.
Il n’y avait plus de manne pour les fils d’Israël,
qui mangèrent cette année-là
ce qu’ils récoltèrent sur la terre de Canaan.
Tout le monde sait que Moïse n’est pas entré en Terre Promise ; il est mort au mont Nebo (c’est-à-dire au niveau de la Mer Morte du côté que nous appellerions aujourd’hui la rive Jordanienne) : mais, ne le plaignons pas, il est entré ainsi tout de suite dans la véritable Terre Promise ; ce n’est donc pas lui qui a fait entrer le peuple d’Israël en Palestine, c’est son serviteur et successeur, Josué.
Et tout le livre de Josué est le récit de cette entrée du peuple en Terre Promise, depuis la traversée du Jourdain. S’il a fallu le traverser, c’est parce que les tribus d’Israël sont entrées en Palestine par l’Est. Ceci dit, la Bible ne fait jamais de l’histoire pour de l’histoire ; ce qui l’intéresse, ce sont les leçons de l’histoire ; on ne sait pas qui a écrit le livre de Josué, mais l’objectif est assez clair : si l’auteur du livre rappelle l’oeuvre de Dieu en faveur d’Israël, c’est pour exhorter le peuple à la fidélité.
Dans le texte d’aujourd’hui, c’est plus vrai que jamais ; sous ces quelques lignes un peu rapides, c’est un véritable sermon qui se cache ! Un sermon qui tient en deux points : ce qu’il ne faudra jamais oublier, c’est premièrement, Dieu nous a libérés d’Egypte ; deuxièmement, si Dieu nous a libérés d’Egypte, c’était pour nous donner cette terre comme il l’avait promis à nos pères. La grande leçon c’est que nous recevons tout de Dieu ; et quand nous l’oublions, nous nous mettons nous-mêmes dans des situations sans issue.
C’est pour cela que le texte fait des parallèles incessants entre la sortie d’Egypte, la vie au désert et l’entrée en Canaan. Par exemple, au chapitre 3 du livre de Josué, la traversée du Jourdain est racontée très solennellement comme la répétition du miracle de la Mer Rouge. Ici, dans notre texte de ce dimanche, l’auteur insiste sur la Pâque : il dit « ils célébrèrent la Pâque, le quatorzième jour du mois, vers le soir » : la célébration de la Pâque avait marqué la sortie d’Egypte et le miracle de la Mer Rouge ; cette fois-ci, la nouvelle Pâque suit l’entrée en Terre promise et le miracle du Jourdain.
Ces parallèles sont évidemment intentionnels. Le message de l’auteur, c’est que d’un bout à l’autre de cette incroyable aventure, c’est le même Dieu qui agissait pour libérer son peuple, en vue de la Terre Promise. La méditation du livre de Josué suit de très près ici celle du Deutéronome. D’ailleurs, « JOSUE », ce n’est pas son nom, c’est un surnom donné par Moïse : au début, il s’appelait simplement « Hoshéa » (ou « Osée » si vous préférez) qui signifie « Il sauve »… Son nouveau nom, « JOSUE » (« Yeoshoua ») contient le nom de Dieu ; il signifie donc plus explicitement que c’est Dieu et Dieu seul qui sauve ! Effectivement, Josué a bien compris que ce n’est pas lui-même, pauvre homme qui, seul, peut sauver, libérer son peuple !
Dans le même esprit, le Psaume 114/115 reprend à sa manière le parallèle entre les deux traversées miraculeuses de la mer Rouge et du Jourdain : « La mer voit et s’enfuit, le Jourdain retourne en arrière ; qu’as-tu, mer, à t’enfuir ? Jourdain, à retourner en arrière ? Tremble, terre, devant la face du Maître, devant la face du Dieu de Jacob. » Désormais la célébration annuelle de la Pâque sera le mémorial, non seulement de la nuit de l’Exode, mais aussi de l’arrivée en Terre Promise : ces deux événements n’en font qu’un seul ; c’est toujours la même oeuvre de Dieu pour libérer son peuple ! La deuxième partie du texte d’aujourd’hui est un peu surprenante, tellement le texte est laconique ; apparemment, il n’est question que de nourriture, mais là encore, il s’agit de beaucoup plus que cela : « Le lendemain de la Pâque, ils mangèrent les produits de cette terre : des pains sans levain et des épis grillés. A partir de ce jour, la manne cessa de tomber, puisqu’ils mangeaient les produits de la terre. Il n’y avait plus de manne pour les fils d’Israël, qui mangèrent cette année-là ce qu’ils récoltèrent sur la terre de Canaan. » Ce changement de nourriture est significatif, il fait penser à un sevrage : une page de l’histoire est tournée, une nouvelle vie commence ; on dit quelque chose d’analogue pour les enfants petits : ils passent progressivement (sur le plan de l’alimentation ) de ce que l’on appelle le premier âge, à un deuxième puis un troisième et un quatrième âges…
Ici, on a un phénomène analogue : la période du désert est terminée, avec son cortège de difficultés, de récriminations, de solutions-miracle aussi ! Désormais, Israël est arrivé sur la Terre donnée par Dieu : il ne sera plus nomade, il va devenir sédentaire, il sera un peuple d’agriculteurs ; il mangera les produits du sol. Peuple adulte, il est devenu responsable de sa propre subsistance.
Autre leçon : à partir du moment où le peuple a les moyens de subvenir lui-même à ses besoins, Dieu ne se substitue pas à lui : il a trop de respect pour notre liberté. Mais on n’oubliera jamais la manne et on retiendra la leçon : à nous de prendre exemple sur la sollicitude de Dieu pour ceux qui ne peuvent pas (pour une raison ou une autre) subvenir à leurs propres besoins ; le Targum du Livre du Deutéronome (c’est-à-dire la traduction en araméen qui était lue dans les synagogues à partir du 6ème sièce avant notre ère, parce que de nombreux Juifs ne comprenaient plus l’hébreu) (à propos de Dt 34, 6) le dit très bien : « Dieu nous a enseigné à nourrir les pauvres pour avoir fait descendre le pain du ciel pour les fils d’Israël » ; sous-entendu à nous d’en faire autant.
Pour finir, ne l’oublions pas : en hébreu, Josué et Jésus, c’est le même nom ; les premiers Chrétiens ont évidemment fait le rapprochement ! Du coup, la traversée du Jourdain, entrée en Terre Promise, la terre de liberté, faisait mieux comprendre le Baptême dans le Jourdain : il signe notre entrée dans la véritable terre de liberté !
—————————
Note
1 – Après le retour de l’Exil à Babylone, Cyrus, nouveau maître du Moyen Orient a imposé sa langue, l’araméen, comme langue commune pour tout son empire. On a désormais pris l’habitude dans les synagogues en Israël de traduire le texte biblique hébreu en araméen. C’est cette traduction, agrémentée parfois de commentaires, que l’on appelle le « Targum ».
Homélie du 4e dimanche de carême, C
8 mars, 2013http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
Homélie du 4e dimanche de carême, C
Jos 5, 10-12 ; 2 Co 5, 17-21 ; Lc 15, 1-3, 11-32
Charles Péguy, qui était revenu à la foi catholique à 35 ans, écrivait à propos de l’enfant prodigue : « Toutes les paraboles sont belles, mais, sur celle-ci, des centaines et des milliers d’hommes ont pleuré : un homme avait deux fils. »
C’est en effet la parabole la plus émouvante. La plus vivante. Une grande histoire d’amour. Et sans doute la plus belle image de Dieu. Un Père prodigue, lui aussi, mais de générosité, de miséricorde. Un géniteur de réconciliation. Car la parabole est un drame en deux actes. Histoire d’un conflit entre un père et ses deux enfants, qu’il aime intensément et autant l’un que l’autre. Une histoire qui peut se revivre dans bien des familles.
On pourrait la titrer « la parabole des deux enfants perdus » ou bien celle « des deux enfants retrouvés » ou encore « la parabole inachevée » puisqu’il n’est rien dit de la suite. En fait, on peut constater que, dans les commentaires, la prédication, les examens de conscience et les représentations artistiques, on met presque toujours l’accent sur l’enfant prodigue. Et particulièrement sur sa vie dissipée et son travail de gardien de pourceaux. Ce qui est un peu court, mais certainement plus facile.
Par contre, Rembrandt a consacré sept dessins, une gravure et une peinture au thème du retour de l’enfant prodigue. Le tableau est des plus célèbres. Un commentateur de cet admirable tableau attire l’attention sur un symbole génial des deux mains du père accueillant l’enfant perdu, l’une serait une main d’homme, la seconde une main de femme. La première saisit, assure, l’autre caresse et adoucit. Un Dieu Père et Mère. Une évocation très biblique. Heureux les enfants d’une telle Mère qui est Père.
Mais comment se comportent les deux fils ? Très mal. Chacun à leur manière. Car il ne faut surtout pas se fier aux apparences.
Sachez d’abord qu’au départ la parabole s’adressait au peuple d’Israël, le fils chéri de Dieu. Et même son fils unique, enseignait-on dans les synagogues. Quant aux païens, ils n’étaient que des créatures enfoncées dans le péché. Des mangeurs de porcs. Et certainement pas des fils. Un problème qui divisait aussi les premières communautés chrétiennes.
Mais Jésus, puis ses apôtres, les avaient élevés au rang de dernier-né, de benjamin, égaré sans doute, éloigné, mais pas nécessairement plus pécheur que le fils aîné. D’où l’attitude choquée et la grogne des fidèles et pieux pharisiens.
En fait, les deux fils sont tous deux des pécheurs. Le péché fondamental du cadet est manifeste : son égoïsme. Un égoïsme qui se traduit en termes de propriété et donc d’exigence envers son père. Impatient et gourmand, il ne veut pas attendre que son père soit mort. Il réclame son dû. Il a droit à un tiers de la fortune paternelle. Et bien, qu’il le prenne, dit le père, l’amour ne se négocie pas. Ou, comme dit le Cantique des cantiques: « celui qui offrirait tous ses biens pour obtenir l’amour ne récolterait que mépris » (8, 7). Le cœur du Père et Mère n’en est pas moins déchiré.
L’aîné, tout au contraire, c’est une perle, un fidèle, un parfait, un obéissant. L’exemple même des croyants qui honorent le Père, le célèbrent dans le culte, observent sa loi. Un portrait dans lequel nous sommes toujours prêts à nous reconnaître. Mais, comme les auditeurs de Jésus, scribes et pharisiens, ce bon fils pratique, a lui aussi un égoïsme de propriétaire. Comme eux, il est convaincu que la fidélité crée des obligations à Dieu. Je suis fidèle, Dieu me doit le salut.
C’est pourquoi, enfermé dans sa suffisance et drapé de vertu, l’aîné déroule la liste de ses mérites. Je suis laborieux, régulier, efficace, respectueux et fidèle. Je n’ai rien à me reprocher. Il sait obéir, en effet, mais il ne sait pas aimer. En définitive, il est tout aussi égoïste que son frère cadet. Comme lui, il pense en termes de propriété et de droit. Il y ajoute même les privilèges. De même, le peuple fidèle, et les plus fidèles d’entre eux, les pharisiens, croyaient au privilège de la venue d’un Messie pour eux seuls. Pas question de le partager avec les païens qui n’observaient pas la loi. Et donc tout juste bons à être condamnés. C’est ainsi qu’une fidélité peut devenir source d’orgueil spirituel, jusqu’au refus du dialogue interreligieux et même du dialogue œcuménique, dirions-nous aujourd’hui.
L’invitation au festin des retrouvailles et de la réconciliation sera la goutte qui va faire déborder la coupe. Et le fils fidèle va se révéler tel qu’il est : colérique, jaloux et agressif. Il accuse même son père de favoritisme et lui reproche de vouloir festoyer avec un coupable. Mais la pratique de Dieu ne relève pas d’exigences dues au devoir, mais bien des exigences d’un amour sans frontière. Il peut même réunir ses enfants par des chemins différents, aussi bien par celui de la révolte que par celui de l’obéissance.
La parabole reste ouverte. C’est à chacun de nous d’en écrire la suite. Que fera l’aîné ? Manger avec son frère « impur » ou rester muré dans sa colère ? Et la parabole ne dit pas qu’une réponse positive est facile et va de soi. Voilà pour la parabole de l’évangile. Mais l’actualité, elle aussi, nous livre parfois, sur le même thème, d’authentiques paraboles. Des paraboles incarnées dans le quotidien d’aujourd’hui.
Ainsi ce père palestinien, qui décide de donner les organes de son fils à une banque d’organes, sachant que de jeunes israëliens pourraient en bénéficier. En effet, grâce à ce geste fou et quasiment incroyable, trois enfants israëliens ont été sauvés. Il ne s’agit pas d’une légende, ni d’un conte de fée. C’est un fait réel. Une parabole vivante. La plus belle image de Dieu.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008