Homélies du 3e dimanche de carême C
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Homélies du 3e dimanche de carême C
Ex 3, 1-8a, 10.13-15 ; 1 Co 10, 1-6. 10. 12 ; Lc 13, 1-9
Aucune vie humaine ne se déroule comme un long fleuve tranquille. Même si certains en donnent l’apparence. Par contre, il en est beaucoup qui sont synonymes de calvaire ou de champ de bataille. Il est certes parfois question de vie dorée, mais ce n’est jamais de l’or pur. Nous sommes tous et chacun confrontés malgré nous à des risques et à des situations imprévues : accidents, maladies, cataclysmes…
Il n’est sans doute pas inutile de rappeler qu’à l’époque de Jésus, on considérait encore, généralement, que les maladies, les infirmités, les accidents, et même la mort, signifiaient le châtiment d’une faute ! Dans un tel contexte, il n’était donc pas rare que des gens se scandalisent de voir des crimes restés impunis, alors qu’ils auraient dû être immédiatement sanctionnés par Dieu lui-même. Comme si Dieu était le grand justicier qui punit avec des tremblements de terre, des brutalités policières, des inondations ou des incendies. Mais qui épargne les gens pieux. L’assurance tous risques la plus sûre serait donc la religion. D’où, l’inquiétude des disciples face à des faits divers sanglants. Faut-il en conclure que les victimes étaient aussi les coupables ?
Ne demandez pas des comptes à Dieu. Il n’est pas distributeur de punitions ni de mort. Ce qu’il propose, c’est le bien et la vie. Et c’est d’ailleurs ce qu’il offre. Par contre, ce qui est vrai, c’est que tous et chacun des humains que nous sommes sont pécheurs. Nous ne sommes pas vierges de toute méchanceté, de toute injustice, de toute vengeance, de toute cruauté. Ce qui nous rend un peu complices et participants au malheur global présent dans le monde. Nous sommes solidaires et tout le monde a besoin de conversion.
Quand nous sommes confrontés à un échec, à une maladie, un deuil, ou à d’autres épreuves, il arrive que des croyants se demandent : Mais qu’ai-je fait au Bon Dieu ? Comment peut-il permettre une telle épreuve, à moi qui ne lui ai rien fait ? A moi qui suis pratiquant et qui observe les commandements ? C’est à y perdre la foi.
Mais Dieu n’est pas un bourreau, il est tout au contraire solidaire de ses enfants.
La première lecture nous l’a d’ailleurs rappelé : « J’ai vu la misère de mon peuple ; j’ai entendu ses cris ; je connais ses souffrances ; je suis descendu pour le délivrer et le faire monter vers une terre ruisselante de lait et de miel… ».
Cependant, il faut bien reconnaître qu’après deux mille ans de prédication de l’Evangile, l’idée n’est pas tout à fait morte d’un Dieu gendarme, distribuant des contraventions. Ou d’un Dieu bon papa gâteau, accordant des récompenses et permettant même de gagner à la tombola. Comme si le Seigneur accordait aux plus vertueux des bons points de santé, des assurances de réussite, et aux coupables la sanction d’un accident, d’un échec, de la maladie, ou d’autres épreuves. Il est vrai qu’au temps de Jésus certains rabbins expliquaient qu’il y avait un lien étroit entre une transgression de la Loi de Moïse et son châtiment divin spécifique : La lèpre, par exemple, était considérée comme la punition de ceux qui pèchent par la langue. Ainsi, dans la Bible, Myriam, sœur de Moïse, critique son frère derrière son dos. Autrement dit, elle le tue avec sa langue. Aussitôt, elle est frappée de lèpre. Une maladie qu’on ne peut pas cacher. Comme si Dieu cultivait l’esprit de vengeance !
Chez nous, on disait parfois aux enfants : « Si vous faites ceci, ou cela, le Bon Dieu vous punira ». Tout comme des chrétiens quelque peu masochistes diront que : « Dieu châtie ou éprouve ceux qu’il aime ».
L’évangile de ce jour nous dit exactement le contraire. Dieu n’envoie pas la souffrance. Il la combat sur tous les fronts, non pas en multipliant les miracles, mais en nous invitant à lutter contre elle, à l’assumer, et même à nous en servir comme éducatrice pour un plus grand bien.
Jésus nous a suffisamment montré que le Père n’utilise pas les épreuves comme des sanctions ou des représailles, à la manière des humains. Par contre, on peut toujours y voir des signes pour nous sortir de notre torpeur, nous rendre plus solidaires, lutter contre toute violence et toute injustice, promouvoir la réconciliation, le pardon et la paix, là où nous sommes, à notre échelle.
L’aventure de Moïse est du même genre. Quand il a vu l’arbre sacré s’enflammer, peut-être foudroyé par un orage, il y a vu un signe qui l’a conduit à ouvrir les yeux sur la situation malheureuse des Hébreux en Egypte. Le Dieu de ses ancêtres lui indiquait une responsabilité et lui confiait une mission. Dieu était moins dans le buisson que dans son cœur. Il y avait une rencontre réelle, mais spirituelle, intérieure. Nous sommes tous appelés à la conversion, tous appelés à porter du fruit. Dieu, le Père, est comme cet ouvrier vigneron qui contredit la logique de son propriétaire en proposant un nouveau délai de chance au figuier. C’est bien un Dieu patient, mais exigeant. Il allie force et tendresse, justice et miséricorde, l’amour des êtres et l’opposition au mal. Il nous laisse toujours des délais, il nous offre des rappels et des avertissements, pour que nous puissions toujours rectifier notre conduite et porter du fruit. Mais, il y aura un dernier soir et un dernier matin. Aujourd’hui, comme à Corinthe ou dans le désert, Dieu attend la réponse de la foi et une conversion permanente qui ajuste notre regard au sien et notre comportement à celui du Christ. Une incarnation. Une concrétisation.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
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