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DIMANCHE 3 MARS 2013 : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT – PREMIERE LECTURE – Exode 3, 1-8a. 10. 13-15
1 mars, 2013http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
DIMANCHE 3 MARS 2013 : COMMENTAIRES DE MARIE NOËLLE THABUT
PREMIERE LECTURE – Exode 3, 1-8a. 10. 13-15
1 Moïse gardait le troupeau de son beau-père Jéthro,
prêtre de Madiane.
Il mena le troupeau au-delà du désert
et parvint à l’Horeb, la montagne de Dieu.
2 L’Ange du SEIGNEUR lui apparut au milieu d’un feu
qui sortait d’un buisson.
Moïse regarda : le buisson brûlait
sans se consumer.
3 Moïse se dit alors :
« Je vais faire un détour
pour voir cette chose extraordinaire :
pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ? »
4 Le SEIGNEUR vit qu’il avait fait un détour pour venir regarder,
et Dieu l’appela du milieu du buisson :
« Moïse ! Moïse ! »
Il dit : « Me voici ! »
5 Dieu dit alors :
« N’approche pas d’ici !
Retire tes sandales,
car le lieu que foulent tes pieds est une terre sainte !
6 Je suis le Dieu de ton père,
Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. »
Moïse se voila le visage
car il craignait de porter son regard sur Dieu.
7 Le SEIGNEUR dit à Moïse :
« J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple
qui est en Egypte,
et j’ai entendu ses cris
sous les coups des chefs de corvée.
Oui, je connais ses souffrances.
8 Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens
et le faire monter de cette terre
vers une terre spacieuse et fertile,
vers une terre ruisselant de lait et de miel,
vers le pays de Canaan.
10 Et maintenant, va !
Je t’envoie chez Pharaon :
tu feras sortir d’Egypte mon peuple, les fils d’Israël. »
13 Moïse répondit :
« J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai :
Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.
Ils vont me demander quel est son nom ;
que leur répondrai-je ? »
14 Dieu dit à Moïse :
« Je suis celui qui suis.
Tu parleras ainsi aux fils d’Israël :
Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est JE-SUIS. »
15 Dieu dit encore à Moïse :
« Tu parleras ainsi aux fils d’Israël :
Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est YHWH, c’est le SEIGNEUR,
le Dieu de vos pères,
Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob.
C’est là mon nom pour toujours,
c’est le mémorial par lequel vous me célébrerez, d’âge en âge. »
Ce récit magnifique est capital pour la foi d’Israël et donc aussi pour la nôtre : c’est la première fois que l’humanité découvrait qu’elle était aimée de Dieu ; au point qu’il voit, qu’il entend, qu’il connaît nos souffrances. Seul, le peuple élu pouvait accéder à cette découverte, parce que personne au monde n’y a pensé tout seul, il a fallu la Révélation. C’est sur ce socle, cette conviction désormais inébranlable que s’est construite la foi d’Israël, et donc encore une fois la nôtre. Il faut entendre la force du texte biblique. Notre traduction liturgique est presque trop faible ; quand nous lisons « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple », le texte hébreu est beaucoup plus insistant ; il faudrait traduire « pour voir, j’ai vu » ou « vraiment j’ai vu, oui, j’ai vu » la misère de mon peuple en Egypte.
Cette misère du peuple était bien réelle, effectivement. L’immigration des Hébreux avait eu lieu des siècles plus tôt, à l’occasion d’une famine, et au début les choses allaient bien ; mais au fil des siècles, ces Hébreux s’étaient multipliés et au moment de la naissance de Moïse, ils commençaient à inquiéter le pouvoir. On les gardait parce que c’était une main-d’oeuvre à bon marché, mais on venait de décider de les empêcher de se reproduire ; un bon moyen, tout bébé garçon serait tué par la sage-femme dès sa naissance. On sait comment Moïse avait échappé miraculeusement à cette mort programmée et comment il avait finalement été adopté par la fille du Pharaon et élevé à la cour. Mais il n’avait pas oublié ses origines : il était sans cesse écartelé entre sa famille adoptive et ses frères de race, réduits à l’impuissance et à la révolte. Un jour, il prit parti : témoin des violences des Egyptiens contre les Hébreux, il tua un Egyptien. Consciemment ou non, il venait de choisir son camp. Le lendemain, voyant deux Hébreux s’empoigner, il leur avait fait la morale ; mais il avait essuyé une fin de non-recevoir ; on l’avait accusé de se mêler de ce qui ne le regardait pas. Ce qui signifiait que personne n’était prêt à lui confier la responsabilité de mener une quelconque révolte contre le Pharaon. En même temps, il avait entendu dire que le Pharaon avait décidé de le châtier pour le meurtre de l’Egyptien. Finie la vie à la cour, il fut obligé de s’exiler pour échapper aux représailles. Il s’enfuit dans le désert du Sinaï, il y rencontra et épousa une Madianite, Cippora, la fille de Jéthro.
C’est là que commence notre texte d’aujourd’hui : « Moïse gardait le troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à l’Horeb, la montagne de Dieu. » Moïse, est certainement à ce moment-là dans les meilleures conditions qui soient pour rencontrer Dieu et recevoir sa vocation : il est sensible à la misère de ses frères, puisqu’il a pris des risques pour s’engager à leurs côtés, en tuant un Egyptien pour sauver un Hébreu ; mais en même temps, il a pris la mesure de son impuissance : le seul geste qu’il ait osé est un échec ; il est un paria désormais, et même ses frères de race ne lui reconnaissent aucune autorité. C’est cet homme pauvre qui s’approche d’un étrange buisson en feu.
Je ferai deux remarques : tout d’abord, Dieu se révèle en même temps comme le Tout-Autre et comme le Tout-proche ; Il est le Tout-Autre, celui qu’on ne peut approcher qu’avec crainte et respect ET en même temps, il est le Tout Proche, celui qui voit la misère de son peuple et lui suscite un libérateur. Commençons par les expressions qui manifestent la sainteté de Dieu et l’immense respect de l’homme qui se trouve en sa présence : la phrase « L’Ange du SEIGNEUR lui apparut au milieu d’un feu qui sortait d’un buisson », par exemple, est caractéristique ; pour dire la présence de Dieu lui-même dans le buisson, on prend une circonlocution ; l’expression « L’Ange du SEIGNEUR » est une manière pudique de parler de Dieu. Ou encore, des expressions comme « N’approche pas d’ici ! Retire tes sandales, car le lieu que foulent tes pieds est une terre sainte ! » Ou enfin « Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. » En même temps, Dieu se révèle comme le Tout Proche des hommes, celui qui se penche sur leur malheur.
Deuxième remarque, il faut retenir l’articulation de l’intervention de Dieu. Il voit la souffrance des hommes, donc il intervient, donc il envoie Moïse : l’action de Dieu suppose la collaboration de celui que Dieu appelle… Encore faut-il que celui que Dieu appelle accepte de répondre à cet appel… Encore faut-il que celui qui souffre accepte d’être secouru.
Homélies du 3e dimanche de carême C
1 mars, 2013http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
Homélies du 3e dimanche de carême C
Ex 3, 1-8a, 10.13-15 ; 1 Co 10, 1-6. 10. 12 ; Lc 13, 1-9
Aucune vie humaine ne se déroule comme un long fleuve tranquille. Même si certains en donnent l’apparence. Par contre, il en est beaucoup qui sont synonymes de calvaire ou de champ de bataille. Il est certes parfois question de vie dorée, mais ce n’est jamais de l’or pur. Nous sommes tous et chacun confrontés malgré nous à des risques et à des situations imprévues : accidents, maladies, cataclysmes…
Il n’est sans doute pas inutile de rappeler qu’à l’époque de Jésus, on considérait encore, généralement, que les maladies, les infirmités, les accidents, et même la mort, signifiaient le châtiment d’une faute ! Dans un tel contexte, il n’était donc pas rare que des gens se scandalisent de voir des crimes restés impunis, alors qu’ils auraient dû être immédiatement sanctionnés par Dieu lui-même. Comme si Dieu était le grand justicier qui punit avec des tremblements de terre, des brutalités policières, des inondations ou des incendies. Mais qui épargne les gens pieux. L’assurance tous risques la plus sûre serait donc la religion. D’où, l’inquiétude des disciples face à des faits divers sanglants. Faut-il en conclure que les victimes étaient aussi les coupables ?
Ne demandez pas des comptes à Dieu. Il n’est pas distributeur de punitions ni de mort. Ce qu’il propose, c’est le bien et la vie. Et c’est d’ailleurs ce qu’il offre. Par contre, ce qui est vrai, c’est que tous et chacun des humains que nous sommes sont pécheurs. Nous ne sommes pas vierges de toute méchanceté, de toute injustice, de toute vengeance, de toute cruauté. Ce qui nous rend un peu complices et participants au malheur global présent dans le monde. Nous sommes solidaires et tout le monde a besoin de conversion.
Quand nous sommes confrontés à un échec, à une maladie, un deuil, ou à d’autres épreuves, il arrive que des croyants se demandent : Mais qu’ai-je fait au Bon Dieu ? Comment peut-il permettre une telle épreuve, à moi qui ne lui ai rien fait ? A moi qui suis pratiquant et qui observe les commandements ? C’est à y perdre la foi.
Mais Dieu n’est pas un bourreau, il est tout au contraire solidaire de ses enfants.
La première lecture nous l’a d’ailleurs rappelé : « J’ai vu la misère de mon peuple ; j’ai entendu ses cris ; je connais ses souffrances ; je suis descendu pour le délivrer et le faire monter vers une terre ruisselante de lait et de miel… ».
Cependant, il faut bien reconnaître qu’après deux mille ans de prédication de l’Evangile, l’idée n’est pas tout à fait morte d’un Dieu gendarme, distribuant des contraventions. Ou d’un Dieu bon papa gâteau, accordant des récompenses et permettant même de gagner à la tombola. Comme si le Seigneur accordait aux plus vertueux des bons points de santé, des assurances de réussite, et aux coupables la sanction d’un accident, d’un échec, de la maladie, ou d’autres épreuves. Il est vrai qu’au temps de Jésus certains rabbins expliquaient qu’il y avait un lien étroit entre une transgression de la Loi de Moïse et son châtiment divin spécifique : La lèpre, par exemple, était considérée comme la punition de ceux qui pèchent par la langue. Ainsi, dans la Bible, Myriam, sœur de Moïse, critique son frère derrière son dos. Autrement dit, elle le tue avec sa langue. Aussitôt, elle est frappée de lèpre. Une maladie qu’on ne peut pas cacher. Comme si Dieu cultivait l’esprit de vengeance !
Chez nous, on disait parfois aux enfants : « Si vous faites ceci, ou cela, le Bon Dieu vous punira ». Tout comme des chrétiens quelque peu masochistes diront que : « Dieu châtie ou éprouve ceux qu’il aime ».
L’évangile de ce jour nous dit exactement le contraire. Dieu n’envoie pas la souffrance. Il la combat sur tous les fronts, non pas en multipliant les miracles, mais en nous invitant à lutter contre elle, à l’assumer, et même à nous en servir comme éducatrice pour un plus grand bien.
Jésus nous a suffisamment montré que le Père n’utilise pas les épreuves comme des sanctions ou des représailles, à la manière des humains. Par contre, on peut toujours y voir des signes pour nous sortir de notre torpeur, nous rendre plus solidaires, lutter contre toute violence et toute injustice, promouvoir la réconciliation, le pardon et la paix, là où nous sommes, à notre échelle.
L’aventure de Moïse est du même genre. Quand il a vu l’arbre sacré s’enflammer, peut-être foudroyé par un orage, il y a vu un signe qui l’a conduit à ouvrir les yeux sur la situation malheureuse des Hébreux en Egypte. Le Dieu de ses ancêtres lui indiquait une responsabilité et lui confiait une mission. Dieu était moins dans le buisson que dans son cœur. Il y avait une rencontre réelle, mais spirituelle, intérieure. Nous sommes tous appelés à la conversion, tous appelés à porter du fruit. Dieu, le Père, est comme cet ouvrier vigneron qui contredit la logique de son propriétaire en proposant un nouveau délai de chance au figuier. C’est bien un Dieu patient, mais exigeant. Il allie force et tendresse, justice et miséricorde, l’amour des êtres et l’opposition au mal. Il nous laisse toujours des délais, il nous offre des rappels et des avertissements, pour que nous puissions toujours rectifier notre conduite et porter du fruit. Mais, il y aura un dernier soir et un dernier matin. Aujourd’hui, comme à Corinthe ou dans le désert, Dieu attend la réponse de la foi et une conversion permanente qui ajuste notre regard au sien et notre comportement à celui du Christ. Une incarnation. Une concrétisation.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008