Archive pour janvier, 2013

SAINT BERNARD: PREMIER SERMON. INCERTITUDE ET BRIÈVETÉ DE LA VIE.

28 janvier, 2013

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bernard/tome03/sermdiv/sermdiv001.htm

SERMON DIVERS DE SAINT BERNARD.

PREMIER SERMON. INCERTITUDE ET BRIÈVETÉ DE LA VIE.

1. C’est une pensée bien vraie, mes frères, que « la vie de l’homme sur la terre est une tentation (Job VII, 1). » En effet, elle est incertaine et nous trompe de bien des manières, car, pour tromper (a) les hommes de plus de manières, elle change de figure et de voix. Tantôt elle dit oui, tantôt elle dit non sans rougir. Elle parle aux uns d’une manière et aux antres d’une autre sur sa propre longueur, que dis-je, souvent aux mêmes hommes, elle tient un langage différent et opposé , selon la diversité du temps. Tantôt elle se plaint de sa propre brièveté, et tantôt elle feint d’être plus longue qu’elle n’est. Quand le péché plait encore, elle gémit profondément sur sa brièveté. Cette brièveté n’est que trop réelle, mais ses gémissements, tombent à faux, car ce qu’elle constate devrait plutôt la remplir de joie que de douleur. En effet, il serait désirable pour elle, si elle persévère dans ses mauvais errements, que la nécessité mît fin à ses crimes, puisque la volonté ne peut le faire. Il vaut mieux mourir promptement de la mort du corps, quand on meurt toujours de celle de l’âme, il aurait même été préférable pour celui qui vit ainsi qu’il ne fût pas né. La pensée de la brièveté de la vie devrait être pour nous plutôt un remède qu’une excitation au péché, selon cette parole de l’Écriture : « Souvenez-vous de vos fins dernières et vous ne pécherez jamais (Eccli. VII, 40). » Mais si le péché a si bien établi son règne eu vous, ou plutôt si vous vous plaisez tellement dans la servitude du péché, que vous gémissiez de ne pouvoir pas en être assez longtemps l’esclave, et que vous aimiez la voie large où vous courez au point de vouloir aussi la faire longue autant qu’il serait en vous, sachez gîte soit que vous le vouliez, soit que vous ne le vouliez pas, le terme n’en est pas éloigné ; mais vous, vous êtes bien loin du royaume de Pieu , et vous conviendrez que vous avez fait une étroite alliance avec la mort et un pacte avec l’enfer.
2. Le Prophète a dit : « Ils ont erré dans la solitude, dans des lieux où il n’y avait point d’eau, et ils n’ont point trouvé de route qui les
a Ce passage et les suivants, sont cités dans le livre VI, chapitre 30 des Fleurs de saint Bernard, ainsi que ces mots: « Est-il versé dans les lettres, il ne veut point d’associé, etc. » Voir même livre, chapitre premier.
conduisît dans une ville où ils pussent habiter (Psal. CVI, 4). » Cette solitude est la solitude de l’orgueil, car les orgueilleux se regardent comme étant seuls, et ne désirent qu’une chose, passer pour uniques. Est-il versé dans les lettres, il ne veut point d’associé. Est-il habile dans les affaires du monde, il veut être sans pareil. S’il a de la fortune, il souffre d’en voir d’autres en acquérir aussi. Est-il fort, bien fait, ne lui montrez pas son semblable, il en sècherait de dépit. Il va seul, mais il marche dans tue voie erronée, il s’égare dans sa solitude, on ne peut habiter seul sur la terre. Il ne faut pas s’étonner que le Prophète ait ajouté, en parlant de cette solitude, que c’est un lieu sans eau, en disant : « dans la solitude, dans des lieux où il n’y a point d’eau. » C’est que, de même que l’eau manque ordinairement dans les solitudes et que les lieux déserts sont le plus souvent arides et stériles, ainsi ne trouve-t-on que l’impénitence là où est l’orgueil. Le coeur qui s’enfle est dur, sans piété, sans componction , et privé de toute rosée de la grâce spirituelle, car « Dieu résiste aux superbes, et ne donne sa grâce qu’aux humbles (Jac. IV, 6). Il fait jaillir ses sources dans les vallées, et couler ses eaux entre les montagnes (Psal. CIII, 11), comme dit le Prophète. Voilà ce qui faisait dire ailleurs au Psalmiste, en gémissant de son propre état . «Mon âme est devant vous comme une terne sans eau (Psalm. CXLVII, 6). » Le manque d’eau rend un endroit, non-seulement aride, mais sordide, puisqu’il n’y a aucun moyen de le purifier, aussi un coeur d’homme qui ne connaît point les larmes, est nécessairement dur, ce n’est pas assez, est impur. « Je laverai ma couche toutes les nuits (Psal. VI, 7), » dit le Prophète, pour effacer les souillures de ma conscience, « j’arroserai mon lit de mes larmes, » de peur de voir s’accomplir en moi ce qui a été écrit de la semence qui est tombée sur la pierre,. et qui se dessécha après avoir, poussé, parce qu’elle manquait d’humidité.
3. «Ils ont donc erré dans la solitude, dans des lieux où il n’y avait point d’eau, et ils ne trouvèrent point de route qui les conduisît dans une ville où ils pussent habiter.» Oui, ils ont erré, non point dans une voie, mais hors de toute voie frayée, car une voie large n’est point une voie. Ce qui est le propre d’une voie est d’être droite, la largeur appartient aux plaines bien plutôt qu’aux chemins. Être seul dans un chemin, c’est avoir un chemin large, mais là où il n’y a point de route tracée tout est chemin. Telle est la vie qui est exposée aux vices, elle s’étend, à droite et à gauche, dans de très-grands espaces, attendu qu’elle n’a point de bornes. D’ailleurs on ne saurait lui donner proprement le nom de vie, puisqu’elle n’aboutit qu’à la mort, selon cette parole de l’Apôtre : « Si vous vivez selon la chair, notre vie est une mort (Rom. VIII, 13). » De même, une voie qui procède par circuits, d’est pas proprement une voie, c’est celle des impies, selon ce mot du Psalmiste : « Les impies avancent par circuit (Psal. XI, 9). » Leur voie est la voie spacieuse qu’aucune borne ne renferme, c’est la vôtre où il n’y a plus ni loi, ni prévarication. C’est donc avec confiance que la vie, dans son incertitude, se plaint encore de sa brièveté aux enfants de l’incrédulité, qui se sont plongés tout entiers dans les voluptés corporelles, et dans leurs propres volontés, pour qu’ils soient affligés selon la chair, en reconnaissant, à l’instar de leur propre prince (a), qu’ils ont peu de temps, et qu’ils se lancent avec d’autant plus d’ardeur, dans fonte espèce de crimes, selon ce que disaient ceux que le Sage fait parler ainsi : « Ne laissons point passer la fleur de la saison. Couronnons-nous de roses avant qu’elles se flétrissent. Qu’il n’y ait point de pré, où nos passions luxurieuses ne s’étalent, que nul endroit ne soit vierge de nos débauches, laissons partout des traces de nos excès ; car c’est là notre sort et notre partage (Sap. II, 7 à 9). » Ou bien d’une façon plus claire encore : « Mangeons et buvons, car nous mourrons demain (Ibid. 6). » Mais voici ce que la justice, leur répondra demain : ceux qui n’ont pas trouvé la voie qui les conduisît. à, une cité où ils pussent fixer leur séjour, n’ont point de cité permanente ici, et plus ils se hâtent de pécher, plus ils montrent combien ils sont insensés. Évidemment, si au moment où ils commencent à trembler à la pensée de la mort qui les menace de près, et à se sentir saisis de frayeur au souvenir du jugement terrible qui les attend, la vie, malgré son incertitude, leur dit qu’elle est longue, elle les induit en erreur, puisqu’elle leur fait trouver tout à coup tellement longue une vie qu’ils gémissaient de voir si courte pour le péché, qu’ils croient pouvoir, sans crainte, en consumer dans le mal une partie notable encore puisqu’il leur en resté bien assez polir faire pénitence de leurs péchés. Mais, de même que pour les premiers, s’ils ne viennent à récipiscence, ils sont victimes de ce qu’ils appréhendent, que dis-je? ils tombent dans des maux plus considérables que ceux qu’ils redoutent, puisque non-seulement ils voient passer avec une effrayante rapidité ces jours de péché, mais encore les voient suivre des jours ou plutôt de l’éternité même des supplices; ainsi, ceux qui avaient à la bouche les mots de paix et de sécurité, verront fondre, tout à coup, sur eux, la mort qui ne leur laissera même pas jouir de la moitié des jours de vie dont ils se berçaient, encore dans leurs rêves, ni en remplir, même à moitié, le cours comme ils se l’étaient promis.
4. Pour ce qui vous concerne, mes frères, je n’appréhende ni vaine tristesse de la brièveté de la vie qui est vraie, ni trompeuses espérances fondées sur une durée qui n’est pas, attendu qu’il est très-certain pour moi que vous avez commencé à entrer dans les voies qui conduisent à la cité, où vous pouvez fixer votre séjour et que vous ne marchez point dans des sentiers non frayés, mais bien dans la voie. Pourtant, je crains, pour vous, autre chose que cela, c’est que la vie non pas vous illusionne par l’apparence de sa longueur, mais qu’au lieu de vous être, à cause même de sa brièveté, un sujet de consolation, elle ne le soit de tristesse. Oui, j’ai peur que dans la pensée que ce qui vous reste à vivre et la
1 C’est du diable que saint Bernard veut parler ici, selon ces paroles de l’Apocalypse «Le diable est descendu vers vous plein de colère, parce qu’il sait bien le peu de temps qu’il lui reste (Apoc. XI, 12 ). »
route à parcourir ne soient bien longs encore, votre âme ne se laisse aller au découragement, et ne désespère de pouvoir soutenir jusqu’au bout des fatigues si grandes et si prolongées. Mais les consolations divines versent la joie dans l’âme des élus à proportion de la multitude de leurs épreuves. Oui, à présent, c’est à proportion de. ces épreuves, c’est avec mesure, en quelque sorte qu’elles nous sort données. Mais après cela, ce ne sont plus des consolations, mais des délices sans fin que nous trouverons dans la droite du Seigneur. Soupirons, mes frères, après cette droite qui doit nous embrasser tous, soupirons après ces délices, et que l’excès de nos désirs nous fasse trouver courts les jours qui nous restent à vivre et qui seront, en effet, bien vite passés. « Tontes les souffrances de la vie, présente n’ont point de proportion avec cette gloire qui sera, un jour, découverte en nous (Rom. VIII, 16). » Quelle agréable promesse, comme elle est digne de faire l’objet de tous nos voeux ! Nous ne nous tiendrons point là comme des spectateurs aussi vides que vains, et cette gloire ne sera pas une gloire extérieure à nous, mais elle sera en nous. En effet, nous verrons Dieu face à face, mais non hors de nous, il sera en nous; car il sera font en tons; si la terre elle-même doit être pleine de cette gloire, à combien plus forte raison notre âme devra-t-elle en être remplie ? « Nous serons remplis des biens de votre maison (Psal. LXIV, 5), » est-il dit. Mais pourquoi dis-je que la gloire de Dieu ne brillera pas seulement devant nous, mais en nous ? C’est que, si maintenant elle est en nous, alors elle sera révélée en nous, car pour le moment, nous sommes les enfants de Dieu; mais ce qui nous devons être, un jour, n’a point encore paru.
5. Mes frères, si nous n’avons point reçut l’esprit de ce monde, mais l’esprit qui vient de Dieu, sachons ce qui nous a été donné de Dieu. Or, pour le dire d’un mot, il nous a tout donné, et si vous ne m’en croyez pas, croyez du moins à l’Apôtre qui vous dit : « Celui qui n’a pas même épargné son propre fils, mais l’a livré pour nous tous, ne nous a-t-il point donné tout le reste avec lui (Rom. VIII, 32) ?» Telle est, par exemple, la puissance des enfants de Dieu qu’il a donnée à ceux qui l’ont reçue; telle est la gloire réservée à chacun des fidèles, la gloire qui convient aux enfants adoptifs dit père, et qui nous est donnée par celui dont nous avons vu aussi la gloire ; mais la gloire qui convient au Fils unique du Père. Quant à la puissance, écoutez ce qu’il en dit lui-même : «Tout est possible à celui qui croit (Marc. IX, 12). »
6. Mais, direz-vous, il y a encore bien. des choses qui lue causent de graves inquiétudes, bien des choses qui me sont manifestement contraires, et je m’étonne que vous me disiez que tout m’a été donné, quand il n’y a presque rien qui se plie à mes désirs. Il y a certaines choses qui semblent être à notre service, mais elles ne nous sont utiles que si nous prenons la peine de noirs en servir; il faut. due nous commencions par les servir elles-mêmes. Ainsi, nos bêtes de somme, si, nous ne prenons point la peine de les élever, de les dompter et de les nourrir ne nous sont d’aucune utilité; la terre même qui, devrait-nous traiter en frères, ne nous donne notre pain qu’à la sueur de notre front, que dis-je ? après que nous l’avons bien cultivée, elle nous produit encore dés ronces et des épines. Ainsi en est-il de tout le reste, si nous y faisons attention toutes elles exigent de nous plus de service qu’elles ne nous en rendent, sans parler de celles qui sont toujours prêtes à nous nuire, tel que le feu à nous brûler, l’eau à noirs engloutir, les bêtes sauvages à nous dévorer. Oui, j’en conviens, les choses sont ainsi, mais cela n’empêche pas que l’Apôtre ait dit vrai quand il s’exprime dans un autre endroit d’une manière encore plus explicite, en affirmant que « Tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu et qu’il a appelés, selon son décret, pour être saints (Rom. VIII, 28). » Remarquez bien que l’Apôtre ne dit pas que tout se plie à faire nos volontés, mais contribue au bien. Les choses ne servent pas à notre volonté, mais seulement à notre utilité ; non à notre plaisir, mais à notre salut; non à nos désirs, mais à notre bien. Il est si vrai que tout contribue à notre bien, de la manière que je vous dis, que, parmi elles, on compte les choses-même qui ne subsistent pas, tels que les afflictions, la maladie, la mort et même le péché. Or, on sait bien que ces choses ne sont point des êtres, mais la corruption de l’être. Quant au péché, peut-on douter qu’il sert à notre bien quand il contribue à rendre le pécheur plus humble, plus fervent, plus vigilant, plus timoré et plus prudent?
7. Telles sont les prémices de l’esprit et du royaume, un avant-goût de la gloire, le commencement du pouvoir; et en quelque sorte les arrhes de l’héritage de notre Père. Mais lorsque nous serons dans l’état parfait, ce qui est imparfait sera aboli (Cor. XIII, 10), en sorte que tout se fera selon nos voeux; l’utile et l’agréable seront inséparablement unis, alors commencera à se faire sentir ce poids incomparable de gloire, dont le même Apôtre a dit : « Le moment si court et si léger des afflictions que nous souffrons, en cette vie, produit en nous le poids éternel d’une souveraine et incomparable gloire (II Cor. IV, 17). » Eh bien, continuez maintenant à faire entendre vos murmures, dites : Ce moment est long et pesant, je ne puis supporter des maux si cruels et si durables. L’Apôtre représente ce qu’il souffre comme léger et momentané: or, vous n’en êtes pas venu au point d’avoir reçu des Juifs, à cinq reprises différentes, trente-neuf coups de fouet. Vous n’avez point passé un jour et une nuit au fond de la nier, vous n’avez point travaillé plus que tous les autres, enfin vous n’avez point encore résisté jusqu’à l’effusion de votre sang (II Cor. XI, passim). Vous voyez donc bien que vos souffrances ne sont pas dignes d’être comparées à la gloire, vous voyez, dis-je, que le temps de la tribulation est court et léger, taudis que le poids de la gloire est éternel, et que cette gloire même au haut des cieux dépasse toute mesure. Pourquoi vous donner ainsi des jours et des années pour un temps indéterminé? Une heure passe, une peine passe aussi, elles se suivent plutôt qu’elles ne s’enjambent, il n’en est pas ainsi de la gloire, de la rémunération, des récompenses de nos peines, elle ne tonnait ni soumission, ni fin, elle est entière à chaque instant et demeure entière éternellement. « Après le sommeil qu’il aura donné à ses bien-aimés, ils verront leur héritage (Psal. CXXVI, 4). » Maintenant, en effet, à chaque jour suffit sa peine, il ne peut point la réserver pour le suivant; mais la récompense de toutes nos peines nous sera donnée dans ce jour auquel nul jour ne succède. L’Apôtre a dit « La couronne de justice m’est réservée, et le Seigneur, comme un juste juge me la rendra, ce jour-là ( II Tim. IV, 8), » non point ces jours-là. Un seul jour passé dans vos tabernacles vaut mieux que mille autres jours (Psal. LXXXIII, 10). C’est goutte à goutte qu’on boit la peine, c’est comme à un filet d’eau courante qu’on la prend, elle passe par parties ; mais dans la rémunération c’est un torrent de voluptés, un fleuve impétueux ; un torrent débordé de joie, un fleuve de gloire, un fleuve de paix, mais un fleuve qui afflue, non pas un fleuve qui coule et s’écoule. C’est un fleuve non point parce qu’il passe, et prend son cours ailleurs, mais parce qu’il est abondant.
8. Il est dit : « un poids éternel de gloire. » Ce n’est pas un vêtement de gloire, une maison de gloire, mais c’est la gloire même qui nous est proposée, et, s’il se rencontre quelque fois quelque promesse de choses pareilles, ce n’est qu’une. figure. En effet, l’attente des justes dans la vérité, ce n’est pas quelque événement joyeux, mais. c’est la joie même, (Prov. X, 28). On se réjouit dans les jouissances de la table, dans les pompes, dans les richesses, et même dans les vices, mais toutes ces joies aboutissent finalement à la tristesse, car étant attachées à des choses changeantes, elles changent avec leur objet. Vous allumez un flambeau, ce n’est pas la lumière pure que vous avez, mais la lumière d’un flambeau; le feu consume ce qui le nourrit, et ne s’alimente qu’en le consumant, aussi, quand la matière, commence à lui manquer il tombe, et quand elle lui rauque tout à fait il s’éteint lui même entièrement. Eh, bien, de même que, à la flamme succèdent la fumée et les ténèbres, ainsi la joie qui ne tient qu’à la présence de la chose joyeuse, se change en tristesse. Or, ce que Dieu nous présente ce n’est pas un simple rayon de miel, mais le miel le plus pur et le plus limpide, c’est la joie, la vie, la gloire, la paix, la volupté, l’aménité, la félicité, le bonheur et l’allégresse même, que le Seigneur notre Dieu thésaurise pour nous. Et tout cela ne fait qu’un, car il n’y a point de partage dans la Jérusalem céleste ; je ne dirais pas que tout cela ne fait qu’une seule et même chose, si je. n’avais pour moi, comme je l’ai dit précédemment, le témoignage de l’Apôtre qui a dit : « Le Seigneur leur sera tout en tout (I Cor. XV, 18). » Oui, voilà quelle est notre récompense, notre couronne, notre victoire, le prix après lequel nous courons, avec le désir de nous en saisir. Mes frères, jamais un cultivateur prudent ne trouve l’époque des semailles trop longue, quand il soupire après une riche et abondante moisson, or vos jours ne sont pas moins comptés que les cheveux de votre tête, et de même qu’il ne peut périr un seul de vos cheveux, ainsi un seul de vos moments ne peut se perdre. Puis donc que nous avons reçu de telles espérances, ne perdons point courage, mes frères, ne nous fatiguons point, ne reprochons point au fardeau du Christ d’être lourd, bien qu’il nous ait assuré qu’il est léger, ni à son joug d’être pesant, mais toutes les fois que nous songeons au poids du jour, pensons à celui de la gloire éternelle, à laquelle je prie le Seigneur des vertus et le Roi de gloire de nous conduire par un effet de sa miséricorde. Mais en attendant disons, avec une humble dévotion : « Seigneur ne nous attribuez pas votre gloire, mais réservez-la tout entière pour votre nom (Psal. CXIII. 9). »

PAPE BENOÎT: LA LITURGIE EST « ÉCOLE DE L’ÉCOUTE » (Angelus)

28 janvier, 2013

http://www.zenit.org/article-33262?l=french

LA LITURGIE EST « ÉCOLE DE L’ÉCOUTE »

Par Benoît XVI, angélus du 27 janvier 2013

ROME, Sunday 27 January 2013 (Zenit.org).
« Avant de pouvoir parler de Dieu et avec Dieu, il faut l’écouter, et la liturgie de l’Eglise est l’“école” de cette écoute du Seigneur qui nous parle », a déclaré Benoît XVI ce dimanche 27 janvier 2013.
Le pape a en effet présidé la prière de l’angélus, depuis le balcon de la fenêtre de son bureau au Vatican. Il était entouré de deux jeunes représentants de l’Action catholique des jeunes de Rome, qui venaient de faire leur traditionnelle « caravane de la paix », concluant le mois de janvier, dédié à la paix.
Paroles de Benoît XVI avant l’angélus (en italien)
Chers frères et soeurs,
La liturgie de ce jour nous présente, réunis, deux passages distincts de l’Evangile de saint Luc. Le premier (1,1-4) est le prologue, adressé à un certain « Théophile »; puisque ce nom en grec signifie « ami de Dieu », nous pouvons voir en lui tout croyant qui s’ouvre à Dieu et veut connaître l’Evangile. Le second passage (4,14-21), au contraire, nous présente Jésus qui « par la puissance de l’esprit » se rendit dans la synagogue de Nazareth pour le sabbat. En bon observateur de la loi, le Seigneur ne se dérobe pas au rythme liturgique hebdomadaire et s’unit à l’assemblée de ses compatriotes dans la prière et dans l’écoute des Ecritures. Le rite prévoit la lecture d’un texte de la Torahou des Prophètes, suivie d’un commentaire. Ce jour là Jésus se leva pour lire et trouva un passage du prophète Isaïe qui commence ainsi : « L’esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres » (61,1-2). Origène commente : « Ce n’est pas par hasard qu’il a ouvert le et trouvé le chapitre de la lecture qui prophétisait sur lui, mais ce fut une action de la providence de Dieu » (Homélie sur l’Evangile de Luc 32, 3). Jésus en effet, une fois terminée la lecture, dans un silence chargé d’attention, dit : «Cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. » (Lc 4,21). Saint Cyrille d’Alexandrie affirme que l’«aujourd’hui», qui est entre la première et la dernière venue du Christ, est lié à la capacité du croyant à écouter et à reconnaître ses torts (cf. PG 69, 1241). Mais, dans un sens encore plus radical, c’est Jésus même «l’aujourd’hui» du salut dans l’histoire, parce qu’il porte à son accomplissement la plénitude de la rédemption. Le terme «aujourd’hui», très cher à saint Luc (cf. 19,9; 23,43), nous rapporte au titre christologique préféré de l’évangéliste, celui de «sauveur» (soter). Dans les récits de l’enfance, il est déjà présent dans les paroles de l’ange aux bergers : «Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. » (Lc 2,11).
Chers amis, ce passage nous interpelle aussi «aujourd’hui». Tout d’abord il nous fait penser à notre façon de vivre le dimanche: jour du repos et de la famille, mais avant tout jour à dédier au Seigneur, en participant à l’Eucharistie, dans laquelle nous nous nourrissons du Corps et du Sang du Christ et de sa Parole de vie. En second lieu, à notre époque de dispersion et de distraction, cet Evangile nous invite à nous interroger sur notre capacité d’écoute. Avant de pouvoir parler de Dieu et avec Dieu, il faut l’écouter, et la liturgie de l’Eglise est l’“école” de cette écoute du Seigneur qui nous parle. Enfin, il nous dit que chaque moment peut devenir un  «aujourd’hui» propice pour notre conversion. Chaque jour (kathemeran) peut devenir l’aujourd’hui du salut, car le salut est histoire qui continue pour l’Eglise et pour chaque disciple du Christ. C’est le sens chrétien du «carpe diem»: cueille l’aujourd’hui où Dieu t’appelle pour te donner le salut !
Que la Vierge Marie soit toujours notre modèle et notre guide pour savoir reconnaître et accueillir, chaque jour de notre vie, la présence de Dieu, notre Sauveur et celui de toute l’humanité.
Paroles de Benoît XVI après l’angélus
Chers frères et soeurs,
C’est aujourd’hui la “Journée de la Mémoire”, en mémoire de l’Holocauste des victimes du nazisme. La mémoire de cette effroyable tragédie, qui a frappé si durement et surtout le peuple juif, doit représenter pour tous un avertissement constant afin que les horreurs du passé ne se répètent pas, que toute forme de haine et de racisme soit dépassée et que soient promus le respect et la dignité de la personne humaine.
On célèbre aujourd’hui la 60e Journée mondiale des malades de la lèpre. J’exprime ma proximité aux personnes qui souffrent de ce mal et j’encourage les chercheurs, les soignants et les volontaires, en particulier ceux qui font partie d’organisations catholiques et de l’Association des Amis de Raoul Follereau. J’invoque pour tous le soutien spirituel de saint Damien De Veuster et de sainte Marianne Cope, qui ont donné leur vie pour les malades de la lèpre. Ce dimanche est aussi la Journée spéciale d’intercession pour la paix en Terre Sainte. Je remercie ceux qui la promeuvent dans différentes parties du monde et je salue en particulier ceux qui sont présents ici.
(En français)
Aujourd’hui comme hier, chers pèlerins francophones, le Seigneur nous invite à l’écouter en devenant plus familier de l’Écriture Sainte. Puissions-nous trouver dans la Parole de Dieu la lumière pour éclairer nos choix et fortifier notre engagement à vivre en chrétien ! Prenons le temps de lire et de méditer l’Évangile où Jésus parle et agit dans des situations semblables à celles que nous connaissons aujourd’hui. Que son enseignement et sa manière d’être, libre et fidèle à sa mission, nous interpelle et nous encourage ! Bon dimanche à tous !
(En italien)
Je salue avec affection les pèlerins venus de l’île de Malte, et tous ceux de langue italienne, parmi lesquels les fidèles du diocèse de Castellaneta. Je salue d’une façon spéciale les enfants et les jeunes de l’Action Catholique des jeunes de Rome. Bienvenue ! Deux des vôtres, avec les responsables diocésains, sont ici à côté de moi, voyez ! Chers enfants, votre “Caravane de la Paix” est un beau témoignage! Qu’elle soit signe aussi de votre engagement quotidien pour construire la paix là où vous vivez. Ecoutons maintenant votre bref message.
[Lecture du message]
Merci! Et maintenant libérons les colombes, symbole de l’Esprit de Dieu, qui donne la paix à ceux qui accueillent son amour. Essayons de libérer ces colombes.
[Lâcher des colombes]
Alors, ça a été un succès ! Bon dimanche à vous tous! Bonne semaine, merci !

Traduction de Zenit, Anne Kurian

Beatrice Auricchio, Les enfants derrière fil de fer barbelé

26 janvier, 2013

 Beatrice Auricchio, Les enfants derrière fil de fer barbelé dans 27 Janvier : Le jour de la memoire

http://archiviofotobibliotecaminio.blogspot.it/2010/12/blog-post_6179.html

27 JANVIER: LE JOUR DE LA MEMOIRE: LES CHAMBRES A GAZ

26 janvier, 2013

http://shoah-solutionfinale.fr/chambgaz.htm

27 JANVIER: LE JOUR DE LA MEMOIRE

(Quoi que j’essaie de me souvenir de l’Holocauste est terrible et vous ne pouvez pas et ne doit pas éviter, en italien j’ai trouvé les histoires, les témoignages, les écrits de Primo Levi parnoi dobbiamo ricodare quello che è accaduto exemple, mais en français, je ne sais pas comment chercher, nous devons nous rappeler ce qui s’est passé)

LES CHAMBRES A GAZ

La « Solution finale » était le nom de code nazi pour la destruction délibérée, programmée, des Juifs d’Europe

Gazage : David Olère

Les chambres à gaz constituent un dispositif essentiel de l’univers concentrationnaire nazi. Lors de la Première Guerre mondiale, les Allemands avaient utilisé des gaz toxiques dans les combats ; mais, pour la première fois dans l’histoire, des civils non combattants sont systématiquement gazés dans des pièces spécialement construites et conçues à cet effet.
Le gazage des Juifs et d’autres civils a connu trois phases. En 1940-1941, les victimes étaient enfermées dans des camions, à l’intérieur desquels les gaz d’échappement étaient envoyés jusqu’à ce que la mort s’ensuive par suffocation. Cette méthode et des injections de substances mortelles furent utilisées contre les handicapés mentaux ou physiques, jusqu’à ce que cette politique cesse sous la pression des familles, des amis et des pasteurs. Quand il fallut utiliser contre les Juifs, les chefs des Einsatzgruppen se plaignirent de la lenteur de cette méthode et du fait que l’évacuation des corps était pénible pour les soldats.
On construisit donc dans un deuxième temps une chambre à gaz à Chelmno (Kulmof) qui, le 8 décembre 1941, devenait le premier centre opérationnel d’extermination.
La troisième phase vit la construction des énormes chambres à gaz d’Auschwitz, de Treblinka et des autres camps de la mort, en 1943.
Source : Alan.Berger. « Le livre noir de l’humanité ». Encyclopédie mondiale des génocides. Éditions Privat. 2001.

LES ASSASSINATS PAR GAZAGES, UN BILAN
Par l’Institut für Zeitgeschichte. Introduction à la version française.
Ce texte est la traduction de la version anglaise d’un résumé publié en 1992 par l’Institut für Zeitgeschichte de Munich, l’un des principaux centres de recherche historique allemand sur le régime nazi et le génocide. Les remarques entre [] sont dues au traducteur (Gilles Karmasyn).
Sur l’assassinat par gazage dans les camps d’extermination et de concentration sous le régime nazi.
Le meurtre systématique d’êtres humains par l’utilisation de gaz pendant le régime nazi fut employé à partir de janvier 1940 dans le cadre de l’opération dite d’« Euthanasie », l’extermination des « vies ne valant pas la peine d’être vécues » des handicapés, handicapés mentaux et malades en phase terminale. À partir de l’automne 1941 cette opération fut continuée sur une bien plus grande échelle par les pogromes entrepris par les Einsatzgruppen de la Police de Sécurité [Sicherheitspolizei, N.d.T.] du SD [Sicherheitsdienst, Service de Sécurité, N.d.T.], dans les territoires conquis, à l’aide des camions à gaz itinérants.
A partir de décembre 1941, on a commencé à utiliser dans le camp de Kulmhof (le nom polonais de Chelmno) des camions à gaz fixes pour l’assassinat des Juifs, puis à partir de début 1942, des chambres à gaz furent construites dans différents camps, ou des bâtiments existant furent transformés dans ce but [en chambres à gaz, N.d.T.]. [Il s'agit des camps de l'opération Reinhard, Belzec, Sobibor, Treblinka, mais aussi d'Auschwitz-Birkenau, N.d.T.]
Il nous faut distinguer entre les gazages de masse des Juifs dans les camps d’extermination construits à cet effet et les gazages à plus petite échelle dans des camps déjà existant (où des patients, des déportés réduits en esclavage, des prisonniers de guerre et des prisonniers politiques, entre autres, furent également victimes [des gazages, N.d.T.]).
Liste des différents camps d’extermination :
Kulmhof (ou Chelmno), dans ce qui était alors le Wartheland, où, entre décembre 1941 et l’automne 1942, puis de nouveau de mai à août 1944, eurent lieu des gazages par monoxyde de carbone contenu dans les gaz d’échappement émis par des moteurs [diesel, N.d.T.]. Au total, plus de 150 000 Juifs ainsi que 5000 Tziganes y furent assassinés.
Belzec (dans le district de Lublin qui faisait alors partie du Gouvernement général) : de mars à décembre 1942, d’abord dans trois puis, plus tard, dans six grandes chambres à gaz, environ 600 000 Juifs furent assassinés par gazages au monoxyde de carbone de gaz d’échappement émis par des moteurs.
Sobibor (dans le district de Lublin, dans le Gouvernement général), fut dotée en avril 1942 de trois chambres à gaz, puis en septembre de la même année de six chambres à gaz et fonctionna jusqu’en octobre 1943. Pendant cette période, au moins 200 000 Juifs y furent assassinés par gazages au monoxyde de carbone.
Treblinka (district de Warschau, dans le Gouvernement général) fut dotée de trois chambres à gaz en juillet 1942, puis de dix chambres à gaz supplémentaires plus grandes début septembre 1942. Jusqu’au démantèlement du camp, en novembre 1943, environ 700 000 Juifs y furent assassinés par gazages au monoxyde de carbone.
Majdanek (district de Lublin, Gouvernement général) : le camp de concentration qui existait depuis septembre 1941 fut transformé en camp d’extermination lorsque, entre avril 1942 et novembre 1943 des exécutions de masse y eurent lieu. Ces exécutions [par balles, N.d.T.] firent 24 000 victimes juives. En octobre 1942, deux chambres à gaz furent construites, auxquelles une troisième serait ajoutée plus tard. Au début les meurtres y furent accomplis au moyen de monoxyde de carbone, mais on utilisa bientôt le Zyklon B (un insecticide extrêmement toxique à base d’acide cyanhydrique). Jusqu’au démantèlement du camp, en mars 1944, environ 50 000 Juifs y furent gazés.
Auschwitz-Birkenau (en haute Silésie, partie polonaise annexée au Reich en 1939, au sud-est de Kattowitz) : le camp d’extermination de Birkenau fut établi dans la seconde moitié de 1941. Il était associé au camp de concentration d’Auschwitz, qui existait depuis mais 1940 [Ce premier camp était désigné Auschwitz I et Birkenau Auschwitz II, N.d.T.]. A partir de janvier 1942 on entreprit la construction de cinq chambres à gaz, puis à la fin juin 1943 on construisit quatre grandes chambres à gaz supplémentaires. Jusqu’en novembre 1944, plus d’un million de Juifs et au moins 4000 Tziganes y furent assassinés par gazages [à l'acide cyanhydrique émis par le Zyklon B, N.d.T.]

LISTE DES CAMPS DE CONCENTRATION OÙ DES CHAMBRES À GAZ FURENT INSTALLÉES ET UTILISÉES :
Mauthausen (au nord de l’Autriche) : à l’automne 1941 une chambre à gaz utilisant du Zyklon B fut opérationnelle. D’autre part, des gazages au monoxyde de carbone eurent lieu dans des camions à gaz qui étaient conduits entre Mauthausen et son camp annexe, Gusen. Au total, plus de 4000 personnes furent assassinées par gazages.
Neuengamme (au sud-est de Hambourg) : à partir de l’automne 1942, des gazages avec du Zyklon B eurent lieu dans un « Bunker » spécialement aménagé. Ils firent environ 450 victimes.
Sachsenhausen (dans la province de Brandeburg, au nord de Berlin) a été doté à la mi-mars 1943 d’une chambre à gaz qui fonctionnait avec du Zyklon B. Plusieurs milliers de personnes y furent assassinées. Un chiffre plus précis ne peut être déterminé.
Natzweiler (à Struthof, en Alsace) : une chambre à gaz y fut utilisée d’août 1943 à août 1944. Entre 120 et 200 personnes y furent assassinées avec du Zyklon B dans le but de disposer de leur squelette pour l’Institut anatomique de Strasbourg. Cet institut était alors dirigé par un Haumptsturmführer SS, le professeur August Hirt.
Stutthof (à l’est de Danzig) fut doté en juin 1944 d’une chambre à gaz dans laquelle plus de 1000 personnes furent assassinées avec du Zyklon B.
Ravensbrück (dans le Brandeburg, au nord de Berlin) : c’est en janvier 1945 qu’une chambre à gaz y fut installée. Le nombre de personnes qui y furent assassinées s’élève à au moins 2300.
Dachau (au nord de la Bavière, au nord est de Munich) : au moment de l’érection d’un nouveau crématoire en 1942, une chambre à gaz y fut également installée. Le docteur et Haumptsturmführer SS Rascher y entreprit des gazages expérimentaux en relation avec ses expériences médicales. Ceci est confirmé par les recherches les plus récentes (voir Gunther Kimmel, The Concentration Camp Dachau. A study of the Nazi crimes of violence in Bavaria in the NS-time, II, Martin Broszat et Elke Froehlich éditeurs, R. Oldenburg Press, Munich, 1979, p. 391). Aucune opération de gazage de plus grande envergure n’eut lieu à Dachau.
Les victimes des Einsatzgruppen de la Police de Sécurité [Sicherheitspolizei, N.d.T.] du SD à l’arrière du front russe furent en majorité des Juifs. Leur nombre est estimé au minimum à 900 000 victimes [de récentes recherches semblent démontrer que le nombre réel fut beaucoup plus élevé, notamment chez les Juifs d'Union soviétique. Voir Jeremy Noakes et Geoffrey Pridham, Nazism 1919-1945. A documentary reader, Exceter 1983-1988, p. 1208, cité par Tim Kirk, The Longman companion to Nazi Germany, Longman, 1995, p. 172. N.d.T.]
La différence entre le total des victimes par gazage citées dans la liste ci-dessus ajoutées au nombre de victimes des Einsatzgruppen et le nombre de total d’environ 6 millions de victimes des persécutions nazies contre les Juifs, provient du fait qu’un pourcentage élevé des victimes sont mortes des suites de mesures d’extermination indirectes comme « la destruction par le travail », les mauvais traitements, la faim, les épidémies et l’épuisement durant les transports, etc.
Environ 120 000 personnes ont été assassinées dans le cadre de l’opération nazie dite d’« Euthanasie »
Complément bibliographique à la version française:
On renverra pour toutes les questions abordées dans ce texte à l’ouvrage de Eugen Kogon, Herrmann Langbein, Adalbert Rückerl, Les chambres à gaz secret d’État, Seuil, Points Histoire, 1987.
L’ouvrage de Germaine Tillion, Ravensbrück, Seuil, 1988, contient des études détaillées des chambres à gaz de Ravensbrück, Mauthausen, Harteim, Dachau, et de la tentative de construction d’une chambre à gaz à Buchenwald (construction sabotée par les prisonniers, ce qui fait qu’il n’y eut pas de chambre à gaz à Buchenwald). Traduction copyright © Gilles Karmasyn 2000

DESCRIPTION D’ UNE « ACTION SPÉCIALE » : LE GAZAGE DES DÉTENUS
Journal personnel tenu par le docteur Johan Paul Kremer, professeur à l’Université de Munster, l’un des médecins affectés au camp d’Auschwitz-Birkenau.
2 Septembre 1942. Ce matin à 3 heures, j’ai assisté pour la première fois à une « action spéciale ». En comparaison, l’enfer de Dante, me paraît une comédie. Ce n’est pas pour rien qu’Auschwitz est appelé un camp d’extermination.
5 septembre 1942. Aujourd’hui, à midi, « action spéciale » dans le camp de concentration des femmes : les « Musulmanes » (A Auschwitz on appelait « Musulmans » les détenus parvenus au dernier degré de la misère psychologique). Le plus horrible de l’horrible. le Dr Thilo avait bien raison de me dire ce matin que nous trouvons ici dans l’anus mundi . Ce soir, vers 8 heures, j’ai assisté à une « action spéciale » de Hollandais. Tous les hommes tiennent à prendre part à ces opérations, à cause des rations spéciales qu’ils touchent à cette occasion : 1/5 de litre de schnapps, 5 cigarettes, 100 grammes de saucisson et pain.
Dans une autre partie de son témoignage, le Dr Kremer décrit l’ »action spéciale » du 2 septembre et d’autres opérations de gazage.
Cet assassinat en masse eut lieu hors du camp de Birkenau, dans de petites maisons situées dans la forêt. Les SS les appelaient bunker dans leur argot. Tous les médecins du service de santé du camp prenaient part à ces gazages, à tour de rôle. Ma participation à ces gazages qualifiées d’ »actions spéciales » consistait à me tenir prêt à intervenir à un endroit au voisinage du bunker…
J’ai suivi un convoi jusqu’au bunker. On conduisait les prisonniers d’abord à des baraquements , où ils se déshabillaient ; de là, ils se rendaient nus dans les chambres à gaz. La plupart du temps, les choses se passaient calmement, car les SS tranquillisaient les gens en leur disant qu’ils allaient au bain et à l’épouillage. Quand tous avaient été poussés dans une chambre à gaz, on fermait la porte, et un SS muni d’un masque à gaz jetait le contenu d’une boite à gaz par une ouverture pratiquée sur le mur du côté. Par cette ouverture, on percevait les cris et les lamentations des victimes, on entendait leur agonie. Mais cela était très court. Je pense que cela ne durait pas plus de quelques minutes, mais je ne suis pas en mesure de le préciser.
Source : Journal du Dr Kremer , publié dans K. Smolené , Auschwitz vu par les SS, Musée d’État d’Oswiecim, 1974, pp. 212-217.

COMMENT LES FEMMES ET LES ENFANTS ÉTAIENT CONDUITS AUX CHAMBRES A GAZ
Enfants juifs de Lotz ( Pologne ) en partance pour les camps d’extermination
Témoignage du commandant du camp d’Auschwitz
Dans cette ambiance inhabituelle, les enfants en bas âge se mettaient généralement à pleurnicher. Mais après avoir été consolés par leur mère ou par les hommes du commando, ils se calmaient et s’en allaient vers les chambres à gaz en jouant ou en se taquinant, un joujou dans les bras.
J’ai parfois observé des femmes conscientes de leur destin qui, une peur mortelle dans le regard, trouvaient encore la force de plaisanter avec leurs enfants et de les rassurer.
L’une d’elles s’approcha de moi en passant et chuchota, en me montrant ses quatre enfants qui se tenaient gentiment par la main pour aider le plus petit à avancer sur un terrain difficile :  » Comment pouvez-vous prendre la décision de tuer ces beaux petits enfants ? Vous n’avez donc pas de coeur. »
J’entendis aussi les paroles cinglantes d’un vieil homme qui se tenait tout près de moi ;  » Ce massacre des Juifs, l’Allemagne le paiera très cher. » Je lisais la haine dans ses yeux. Mais il entra calmement dans la chambre à gaz, sans se préoccuper des autres.
Source : Rudölf Höss, Le Commandant d’Auschwitz parle, Paris, Julliard, 1959, p 176.

A L’ OUVERTURE DES PORTES DES CHAMBRES A GAZ:LES CADAVRES
Témoignage du Dr Nyizli, médecin légiste hongrois, qui a assisté à un grand nombre de gazages, mais qui par chance a réussi à survivre.
Un tableau horrible s’offre alors aux yeux des spectateurs. Les cadavres ne sont pas couchés un peu partout en long et en large dans la salle, mais entassés en un amas de toute la hauteur de la pièce. L’explication réside dans le fait que le gaz inonde d’abord les couches inférieures de l’air et ne monte que lentement vers le plafond. C’est cela qui oblige les malheureux à se piétiner et à grimper les uns sur les autres. Quelques mètres plus haut, le gaz les atteint un plus tard. Quelle lutte désespérée pour la vie ! Cependant il ne s’agissait que d’un répit de deux ou trois minutes. S’ils avaient su réfléchir, ils auraient réalisé qu’ils piétinaient leurs enfants, leurs parents, leur femme. Mais ils ne peuvent réfléchir. Leurs gestes ne sont plus que des réflexes automatiques de l’instinct de conservation. Je remarque qu’en bas du tas de cadavres se trouvent les bébés , les enfants, les femmes et les vieillards ; au sommet, les plus forts. Leurs corps, qui portent de nombreuses égratignures, sont souvent enlacés. Le nez et la bouche saignants, le visage tuméfié et bleu, déformé, les rendent méconnaissables.
Source : Dr Miklos Nyiszli, Médecin à Auschwitz : souvenirs d’un médecin déporté, Paris, Julliard, 1961, pp. 57-58.

LES CHAMBRES A GAZ A AUSCHWITZ
Le Zyklon B, un poison foudroyant pour l’être humain.
À Auschwitz, les locaux de gazage faisaient partie des crématoires (on appelle alors « crématoire » un bâtiment incluant en un même lieu les salles de déshabillage, chambres à gaz et salles des fours). À Auschwitz il y a cinq crématoires appelés K I, K II, K III, K IV et K V (K I à Auschwitz I, les autres à Auschwitz II c’est-à-dire Birkenau). Les crématoriums diffèrent dans leur conception; les K II et K III ont leurs salle de déshabillage et chambre à gaz enterrées alors que les K IV et K V ont toutes leurs pièces constitutives en terre plein. En plus de ces Krematorium, il y avait dans le bois à la lisière extérieure du camp de Birkenau des chambres à gaz dans deux lieux appelés Bunker. Les deux Bunker ont été utilisés avant la construction des K II à V. Il s’agissait au départ de chaumières paysannes existant antérieurement au camp et appartenant à des paysans polonais qui en ont été expropriés. Ils ont ensuite été l’objet de travaux destinés à les adapter à leurs fonctions sur ordre de R. Höß le commandant du camp, qui tenait lui-même ses ordres de Himmler. La capacité de ces Bunker était bien inférieure à celle des crématoires. Les Bunker 1 et 2 ont cessé d’être utilisés lorsque les Krematorium ont été terminés. Le Bunker 1 (deux chambres à gaz) a alors été détruit. Le Bunker 2 (quatre chambres à gaz) en revanche a été conservé et remis en service lors des transports massifs de Juifs hongrois durant l’année 44 car les quatre crématoires n’y suffisaient pas. Pour certaines, les chambres à gaz prenaient l’apparence anodine de salles de douches pouvant contenir simultanément jusqu’à 3 000 personnes pour les K II et III et 2 000 pour les K IV et V.
Méthode
Une fois les portes fermées, un officier SS versait les cristaux de Zyklon B par des ouvertures dans le toit qu’il obturait ensuite par des dalles en béton (aux K I, K II et K III) ou par des lucarnes de bois en haut des murs (aux Bunkers et aux K IV et K V). Dans le premier cas, le produit tombait dans des colonnes creuses jalonnant la chambre d’où le gaz commençait à diffuser. La mort survenait progressivement après 6 à 20 minutes (variable selon la quantité de personnes dans la salle et la chaleur) de convulsions et d’étouffement. Après un délai qui était jugé convenable par un médecin SS regardant pour cela dans la pièce par un judas, on ouvrait les portes. Peu après, dans les crématoires équipés de ventilation, les cadavres étaient sortis de la chambre à gaz. Là, un Kommando était chargé de raser les cheveux des femmes et de récupérer les objets de valeur, y compris les dents en or. Ensuite, ces prisonniers devaient empiler les cadavres dans des monte-charges vers la salle des fours aux K II et III parce que les chambres à gaz y étaient au sous-sol.
Source : © Extrait d’un article sur les chambres à gaz

Jesus preaching in Synagogue

25 janvier, 2013

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http://scripture-for-today.blogspot.it/2011_08_01_archive.html

 

Dimanche 27 janvier : commentaires de Marie Noëlle Thabut – premiere lecture: Néhémie 8, 1-4a. 5-6. 8-10

25 janvier, 2013

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

Dimanche 27 janvier : commentaires de Marie Noëlle Thabut

PREMIERE LECTURE – Néhémie 8, 1-4a. 5-6. 8-10

Quand arriva la fête du septième mois,
1 tout le peuple se rassembla comme un seul homme
 sur la place située devant la Porte des eaux.
 On demanda au scribe Esdras
 d’apporter le livre de la Loi de Moïse,
 que le SEIGNEUR avait donnée à Israël.
2 Alors le prêtre Esdras apporta la Loi en présence de l’assemblée,
 composée des hommes, des femmes,
 et de tous les enfants en âge de comprendre.
 C’était le premier jour du septième mois.
3 Esdras, tourné vers la place de la Porte des eaux,
 fit la lecture dans le livre,
 depuis le lever du jour jusqu’à midi,
 en présence des hommes, des femmes,
 et de tous les enfants en âge de comprendre :
 tout le peuple écoutait la lecture de la Loi.
4 Le scribe Esdras se tenait sur une tribune de bois,
 construite tout exprès.
5 Esdras ouvrit le livre ; 
 tout le peuple le voyait, car il dominait l’assemblée.
 Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout.
6 Alors Esdras bénit le SEIGNEUR, le Dieu très grand,
 et tout le peuple, levant les mains, répondit :
 « Amen ! Amen ! »
 Puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant le SEIGNEUR,
 le visage contre terre.
8 Esdras lisait (un passage) dans le livre de la loi de Dieu,
 puis les lévites traduisaient, donnaient le sens,
 et l’on pouvait comprendre.
9 Néhémie, le gouverneur,
 Esdras, qui était prêtre et scribe,
 et les lévites qui donnaient les explications,
 dirent à tout le peuple :
 « Ce jour est consacré au SEIGNEUR votre Dieu !
 Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas ! » » 
 Car ils pleuraient tous en entendant les paroles de la Loi.
10 Esdras leur dit encore :
 « Allez, mangez des viandes savoureuses,
 buvez des boissons aromatisées,
 et envoyez une part à celui qui n’a rien de prêt.
 Car ce jour est consacré à notre Dieu !
 Ne vous affligez pas :
 la joie du SEIGNEUR est votre rempart ! »

Nous qui n’aimons pas les liturgies qui durent plus d’une heure, nous serions servis ! Debout depuis le lever du jour jusqu’à midi ! Tous comme un seul homme, hommes, femmes et enfants ! Et tout ce temps à écouter des lectures en hébreu, une langue qu’on ne comprend plus. Heureusement, le lecteur s’interrompt régulièrement pour laisser la place au traducteur qui redonne le texte en araméen, la langue de tout le monde à l’époque, à Jérusalem. Et le peuple n’a même pas l’air de trouver le temps long : au contraire tous ces gens pleurent d’émotion et ils chantent, ils acclament inlassablement « AMEN » en levant les mains. Esdras, le prêtre, et Néhémie, le gouverneur, peuvent être contents : ils ont gagné la partie ! La partie, l’enjeu si l’on veut, c’est de redonner une âme à ce peuple. Car, une fois de plus, il traverse une période difficile. Nous sommes à Jérusalem vers 450 av. J.C. L’Exil à Babylone est fini, le Temple de Jérusalem est enfin reconstruit, (même s’il est moins beau que celui de Salomon), la vie a repris. Vu de loin, on pourrait croire que tout est oublié. Et pourtant, le moral n’y est pas. Ce peuple semble avoir perdu cette espérance qui a toujours été sa caractéristique principale. La vérité, c’est qu’il y a des séquelles des drames du siècle précédent. On ne se remet pas si facilement d’une invasion, du saccage d’une ville… On en garde des cicatrices pendant plusieurs générations. Il y a les cicatrices de l’Exil lui-même et il y a les cicatrices du retour. Car, avec l’Exil à Babylone on avait tout perdu et le retour tant espéré n’a finalement pas été magique, nous l’avons vu souvent. Je n’y reviens pas.

 Le miracle, c’est que cette période fut terrible, oui, mais très féconde : car la foi d’Israël a survécu à cette épreuve. Non seulement ce peuple a gardé sa foi intacte pendant l’Exil au milieu de tous les dangers d’idolâtrie, mais il est resté un peuple et sa ferveur a grandi ; et cela grâce aux prêtres et aux prophètes qui ont accompli un travail pastoral inlassable. Ce fut par exemple une période intense de relecture et de méditation des Ecritures. Un de leurs objectifs, bien sûr, pendant les cinquante ans de l’Exil, c’était de tourner tous les espoirs vers le retour au pays.
 Du coup, la douche froide du retour n’en a été que plus dure. Car, du rêve à la réalité, il y a quelquefois un fossé… Le grand problème du retour, nous l’avons vu avec les textes d’Isaïe de la Fête de l’Epiphanie et du deuxième dimanche du temps ordinaire, c’est la difficulté de s’entendre : entre ceux qui reviennent au pays, pleins d’idéal et de projets et ceux qui se sont installés entre temps, ce n’est pas un fossé, c’est un abîme. Ce sont des païens, pour une part, qui ont occupé la place et leurs préoccupations sont à cent lieues des multiples exigences de la loi juive.
 Depuis le retour, le problème est autre. On sait que ce sont des païens, pour une part, qui se sont installés à Jérusalem pendant la déportation de ses habitants. Et leurs préoccupations sont à cent lieues des multiples exigences de la loi juive.
 On se souvient que la reconstruction du Temple s’est heurtée à leur hostilité, et les moins fervents de la communauté juive ont été bien souvent tentés par le relâchement ambiant. Ce qui inquiète les autorités, c’est ce relâchement religieux, justement ; et il ne cesse de s’aggraver à cause de très nombreux mariages entre Juifs et païens ; impossible de préserver la pureté et toutes les exigences de la foi dans ce cas. Alors Esdras, le prêtre, et Néhémie, le laïc, vont unir leurs efforts. Ils obtiennent tous les deux du maître du moment, le roi de Perse, Artaxerxès, une mission pour reconstruire les murailles de la ville et pleins pouvoirs pour reprendre en main ce peuple. Car on est sous domination perse, il ne faut pas l’oublier.
 Esdras et Néhémie vont donc tout faire pour redresser la situation : il faut relever ce peuple, lui redonner le moral. Car la communauté juive a d’autant plus besoin d’être soudée qu’elle est désormais quotidiennement en contact avec le paganisme ou l’indifférence religieuse. Or, dans l’histoire d’Israël l’unité du peuple s’est toujours faite au nom de l’Alliance avec Dieu ; les points forts de l’Alliance, ce sont toujours les mêmes : la Terre, la Ville Sainte, le Temple, et la Parole de Dieu. La Terre, nous y sommes ; la ville sainte, Jérusalem, Néhémie le gouverneur va en achever la reconstruction ; le Temple, lui, est déjà reconstruit ; reste la Parole : on va la proclamer au cours d’une gigantesque célébration en plein air.
 Tous les éléments sont réunis et on a soigné la mise en scène : c’est très important. La date elle-même a été choisie avec soin : on a repris la coutume des temps anciens, une grande fête à l’occasion de ce qui était alors la date du Nouvel An, « le premier jour du septième mois ». Et on a construit pour l’occasion une tribune en bois qui domine le peuple : c’est de là que le prêtre et les traducteurs font la proclamation. Quant à l’homélie, bien sûr, elle invite à la fête. Mangez, buvez, c’est un grand jour puisque c’est le jour de votre rassemblement autour de la Parole de Dieu. Le temps n’est plus aux larmes, fussent-elles d’émotion.
 Retenons la leçon : pour ressouder leur communauté, Esdras et Néhémie ne lui font pas la morale, ils lui proposent une fête autour de la parole de Dieu. Rien de tel pour revivifier le sens de la famille que de lui proposer régulièrement des réjouissances !

HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE ORDINAIRE C

25 janvier, 2013

http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/

HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE ORDINAIRE C

Ne 8, 1-10 ; Ps 18 ; 1 Co 12, 12-30 ; Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21

Contrairement à ce que nous a expliqué la première lecture, nous ne sommes pas aujourd’hui rassemblés sur la place, devant la Porte des eaux, ni dans la synagogue de Nazareth, mais dans notre église paroissiale. Aucun de ceux et celles qui ont ouvert le Livre et proclamé la Parole ne s’appelle Esdras. Ni Jésus. Et même si vous avez été attentifs à cette Parole, puis au commentaire qui va suivre, il n’est pas dit pour autant que vous allez tous fondre en larmes.
Cependant, il y a entre les diverses époques des éléments communs : un jour particulier, un rassemblement de croyants, le Livre saint, la Bonne Nouvelle proclamée, suivie d’un commentaire… L’assemblée est à l’écoute de la Parole, une Parole sur Dieu, que nous appelons « Parole de Dieu ». Les auditeurs vont pouvoir ainsi prendre conscience de l’écart qui existe entre l’Ecriture et la pratique concrète dans la vie de la communauté, dans celle de chacun, et dans la vie de la société et du monde. C’est pourquoi le livre de Néhémie évoque des cris, des pleurs, pour exprimer à la fois la prise de conscience, l’accablement, mais aussi le repentir des fidèles.
Vous aurez remarqué, dans la première célébration, une véritable vénération de la Parole, exprimée par des signes et des attitudes de respect. Elle est aussi acclamée, suivie d’une action de grâce, puis d’un repas de fête. Il en fut ainsi depuis environ 4 siècles avant Jésus Christ. Et ce déroulement liturgique a été repris par l’Eglise chrétienne, avec quelques nuances, évidemment. Aujourd’hui, et depuis longtemps, de telles célébrations ne durent pas, habituellement, du lever du jour jusqu’à midi.
Mais il y a surtout un élément essentiel, identique, difficile à comprendre, et surtout à accepter : « Cette Parole de l’Ecriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ».
De quoi s’agit-il ? D’une Bonne Nouvelle aux pauvres, l’annonce d’une libération pour les prisonniers et les opprimés. Et même, pour les aveugles, le retour à la lumière. Or, d’une certaine manière, nous sommes tous des pauvres, des prisonniers et des aveugles. Chacun peut être prisonnier, et même esclave, de l’argent, du confort, du mensonge, de la chair, de la haine, du plaisir, de la boisson, de l’appétit de pouvoir, etc. Et donc, être également aveugle ou aveuglé dans ces différents domaines. Nous avons tous besoin d’être libérés de quelque chose. Il faut savoir le reconnaître.
Il y a également les défavorisés économiques ou sociaux. Tous ceux et celles qui, dans un domaine ou l’autre, sont sans appuis, sans repères, sans boussole ni gouvernail. Ou tout simplement à la merci des puissants. La Bonne Nouvelle d’une délivrance peut donc avoir des aspects physiques, politiques, spirituels et matériels. L’être humain est un, et tout se tient.
Faut-il attendre un miracle aujourd’hui plutôt qu’hier ou demain, avant ou après les élections, avant ou après les expéditions dans la Lune ? Non, c’est toujours pour aujourd’hui. C’est aujourd’hui que cette Bonne Nouvelle est annoncée et proposée à notre foi, à notre initiative. Nous bénéficions nous aussi de la puissance de l’Esprit. Nous aussi, nous sommes envoyés pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, aux opprimés, aux enchaînés, aux aveugles. Nous recevons, en effet, mission, pouvoir et moyens, pour participer, modestement peut-être, mais réellement, aux semailles, à l’incarnation de l’Evangile dans l’aujourd’hui de notre temps. Cette actualisation, nous pouvons même la découvrir dans les informations quotidiennes de la planète. Pas seulement parmi les chrétiens, ni uniquement parmi les croyants affichés. Voyez la somme des dévouements parfois héroïques lors des inondations ou des tremblements de terre. Des gestes courageux de pardon et de réconciliation.
Dieu compte sur nous pour faire des miracles. Nous ne pouvons pas donner la foi à qui ne l’a pas. Mais il est en notre pouvoir d’offrir notre propre témoignage. Nous ne pouvons pas arrêter seul toutes les guerres ni toutes les injustices. Par contre, là où nous sommes, nous pouvons toujours être ou ne pas être un artisan de paix, un semeur ou un destructeur d’unité. Il y a tant de choses possibles à notre portée, et que nous ne faisons pas. Que ce soit sur le plan personnel ou familial, professionnel ou ecclésial, politique ou social.
Nous clôturons la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Quel pas allons-nous faire pour améliorer tant soit peu l’unité du corps du Christ qui n’en finit pas d’être déchiré.
L’une de nos tentations habituelles est de renvoyer l’Evangile en arrière, il y a vingt siècles, d’en admirer l’annonce et la fécondité passées, alors qu’il nous appartient de prendre nous-mêmes aujourd’hui les risques de sa proclamation et de son témoignage.
Mais il faut bien reconnaître, comme la suite de l’évangile nous le prouve, que la Parole de Dieu ne cesse d’étonner et de faire peur. A Nazareth, et après son homélie, Jésus s’est fait agresser et même menacer de mort. Il est vrai que la Parole Vivante dérange toujours. Elle secoue. Elle conteste la sécurité des habitudes et des certitudes abusives. Et chacun doit reconnaître qu’il est plus facile de communier paisiblement au corps sacramentel du Christ que de communier vraiment au Christ Parole. Or, ce qui est premier et essentiel dans l’eucharistie, c’est la communion de cœur, d’esprit et de volonté, au Christ, Verbe de Dieu et Pain partagé. C’est elle qui donne en définitive sens et efficacité à la communion sacramentelle, au Pain de Vie, à condition qu’il soit partagé.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

SAINT PAUL THE APOSTLE

24 janvier, 2013

SAINT PAUL THE APOSTLE dans images sacrée saint-paul-the-apostle-40

http://saints.sqpn.com/saint-paul-the-apostle-gallery/nggallery/page-3/

PAUL LE CONVERTI. APÔTRE OU APOSTAT. UN UNIVERSITAIRE DE CONFESSION JUIVE S’INTÉRESSE À SAINT PAUL

24 janvier, 2013

http://www.esprit-et-vie.com/breve.php3?id_breve=256

ESPRIT & VIE – REVUE CATHOLIQUE DE FORMATION PERMANENTE

PAUL BONY

PAUL LE CONVERTI. APÔTRE OU APOSTAT. UN UNIVERSITAIRE DE CONFESSION JUIVE S’INTÉRESSE À SAINT PAUL

Exceptionnellement, dans ce numéro et dans le prochain, nous publierons les analyses de deux livres importants dans notre rubrique Études bibliques. Nous débutons par le livre d’Alan Segal, Paul le converti. Apôtre ou apostat [1].
« Les chercheurs juifs contemporains, qui pourraient apporter aux chrétiens un éclairage nouveau sur Paul, lisent rarement ses écrits et presque jamais en tant qu’expérience religieuse ayant une valeur ; ils voient en lui un apostat. Ce jugement a une certaine raison d’être […] mais le terme « apostat » doit être discuté et nuancé avec soin » (p. 13). Ainsi s’exprime Alan Segal dans l’introduction de son ouvrage sur Paul, qui se signale à la fois par le sérieux de la recherche exégétique et par l’attitude d’ouverture d’un universitaire de confession juive. À son point de vue, la connaissance de Paul est précieuse pour l’histoire du christianisme mais aussi pour l’histoire juive : il est « l’un des deux seuls pharisiens à nous avoir laissé des écrits personnels » (voir Ph 3, 5 [2]). « En tant qu’unique juif du ier siècle à avoir rendu compte de son expérience mystique sous forme de confessions (2 Co 12, 1-10), il devrait être traité comme une source majeure pour l’étude du judaïsme à l’époque » (p. 7). Naturellement A. Segal ne peut adopter la foi chrétienne de Paul. Mais il se garde bien de minimiser la valeur de son expérience religieuse.
Il est donc fort intéressant de parcourir cette présentation de Paul en trois parties : Paul le juif, Paul le converti, Paul l’apôtre. L’exposé est nourri d’informations historiques sur les courants du judaïsme du ier siècle, il est bien au fait des études pauliniennes exégétiques les plus récentes, il exploite aussi les recherches contemporaines des sciences humaines sur la « conversion ». Nous en rendrons compte en identifiant cinq clés de lecture que propose notre auteur de manière constante à travers les trois parties de son ouvrage, et nous exprimerons brièvement notre point de vue au fur et à mesure.
1. Le langage de « conversion »
Conversion ?
C’est un terme auquel A. Segal tient beaucoup. D’autres chercheurs préfèrent parler de vocation prophétique. Ils mettent l’accent sur l’appel à l’apostolat. Et il est bien vrai que Paul n’emploie jamais à son sujet le terme de « conversion », comme il le fait quand il s’agit de désigner le mouvement des païens qui se convertissent au Dieu vivant et vrai en se détournant des idoles et de l’immoralité (1 Th 1, 9-10). Pourtant A. Segal estime légitime d’employer ce terme de « conversion » emprunté aux sciences sociales, pour caractériser le passage que fit Paul de son appartenance à la mouvance pharisienne à l’engagement dans une communauté judéo-chrétienne et, rapidement, à une communauté chrétienne de « Gentils », où les judéo-chrétiens étaient de plus en plus minoritaires, sinon même absents.
Qu’il s’agisse d’un processus subit ou d’un processus graduel, la « conversion », comme changement d’appartenance communautaire entraîne une réévaluation radicale de l’existence antérieure, il provoque aussi un engagement de prosélytisme intense pour communiquer, et, de ce fait, affermir chez le sujet lui-même, le bien-fondé de son adhésion. Les disciples galiléens de Jésus n’avaient pas fait l’expérience d’une conversion en ce sens ; mais Paul, oui. « Paul fut à la fois converti et appelé » (p. 21). Il faut parler de conversion parce qu’il y eut dans la vie de Paul un changement radical. Du point de vue de la mission, Paul est un militant engagé, mais quant à l’expérience religieuse, il est un converti » (p. 22). La confusion naît ici de ce que les anciens comme les modernes se servent du terme de « converti ». Mais il impliquait chez les juifs une notion de repentance que Paul ne juge pas appropriée à son cas. Ces réserves faites, je maintiens que Paul est et reste un converti au sens moderne du terme » (p. 42). L’indice le plus décisif que les sciences humaines donnent d’un processus de conversion est la « reconstruction biographique » (p. 50). Or, cette réécriture de son passé de juif pharisien, à la lumière de sa foi nouvelle, est particulièrement caractéristique de Paul (Ga 1 ; 1 Co 15 ; Ph 3).
Transformation
Paul utilise parfois un terme qui se rapproche de ce que les modernes mettent sous la conversion : la transformation, la métamorphose, le passage d’un état à un autre (Rm 12, 2). « Paul laisse entendre que la métamorphose est ce à quoi chaque croyant est promis à la fin des temps. Pour comprendre ce que Paul entend par conversion, il faut voir en lui l’un des tout premiers adeptes de la mystique apocalyptique de la métamorphose divine » (p. 43). Autrement dit, ce que Paul dit avoir expérimenté est une « transformation du moi », certes encore inachevée, mais déjà initiée ; elle n’est pas réservée à Paul, mais proposée à tous ceux qui seront comme lui des « convertis » à l’existence en Christ Jésus (2 Co 3, 15-18).
« Jamais nous ne connaîtrons l’expérience de Paul. Mais nous pouvons voir comment il la reconstruit. Rétrospectivement, Paul interprète sa première expérience de chrétien comme une conversion (extatique). Nous ne discuterons pas son opinion personnelle. La démonstration la plus limpide de la conversion de Paul consiste tout simplement à comparer celui-ci avec d’autres chrétiens qui, comme lui, venaient du judaïsme, mais dont l’entrée en christianisme ne modifia en rien leurs dispositions envers la Torah (voir Ac 15, 5), et qui en cela s’opposèrent à Paul. Il était possible de passer du judaïsme pharisaïque au christianisme sans une expérience de conversion comparable à celle de Paul. Il y a des chrétiens dont la foi dans le Christ ne fit que parachever leur croyance antérieure dans le judaïsme. Mais Paul n’est pas l’un de ces juifs. Il n’est en aucun cas le pharisien dont la foi dans le Christ confirme le judaïsme ; bien plutôt, sa conversion a sensiblement transformé sa conception du christianisme. Elle l’a amené à réévaluer la foi de ses ancêtres, et a ainsi créé chez lui une nouvelle compréhension de la mission de Jésus » (p. 111).
Inscription sociale
A. Segal pense que la conversion de Paul ne dut pas être aussi soudaine que Luc le dit en vue de faire de cette conversion un exemple de la puissance de l’Esprit, et cela, pour l’édification de ses lecteurs. Les sciences humaines relèvent l’influence de la communauté d’adhésion sur la manière de retranscrire l’événement de la conversion. Il doit en aller de même pour Paul. « Les déclarations de Paul concernant son passé sont donc très largement influencées par ses engagements présents. » « Paul est l’exemple du converti actif, qui reconstruit son univers. Mais plus important encore est l’effet qu’exerce l’environnement social de Paul » (p. 53).
On ne chicanera pas sur le métalangage de « conversion ». On s’accordera avec A. Segal sur le fait d’un changement radical survenu dans le cours de l’existence de Paul pharisien, comme lui-même l’atteste ; il ne s’agit ni de conversion morale, ni de « changement de religion », mais d’un déplacement du centre de toute une existence. On doit admettre aussi que l’expérience apostolique de Paul dans la mission parmi les Nations a coloré la manière dont il a rendu compte, vingt ans après, de l’événement de Damas. Mais on ne peut négliger l’insistance que Paul met sur la révélation personnelle qui lui a été faite et qui lui a donné une intelligence tout à fait originale de l’Évangile, quitte à ce que celle-ci se précise et se renforce au cours de son ministère apostolique comme au contact des autres courants du christianisme primitif.

[1] Alan A. Segal, Paul le converti. Apôtre ou apostat, Traduit de l’anglais par Anne Paumier, Patrice Ghirardi et Jean-François Séné, Paris, Éd. Bayard, 2003. Le titre original n’est pas indiqué. Le voici : Paul the Convert : the Apostolate and Apostasy of Saul the Pharisee, Yale, University Press, 1990. Le titre de la traduction française ne comporte curieusement pas le point d’interrogation que supposerait sa phraséologie.
[2] L’autre auteur juif est Flavius Josèphe, et encore celui-ci n’est-il pas vraiment pharisien.

Pape Benoît: La conversion de Paul – (25 janvier)

24 janvier, 2013

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2008/documents/hf_ben-xvi_aud_20080903_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 3 septembre 2008         

La conversion de Paul – (25 janvier)

Chers frères et sœurs,

La catéchèse d’aujourd’hui sera consacrée à l’expérience que saint Paul fit sur le chemin de Damas et donc sur ce que l’on appelle communément sa conversion. C’est précisément sur le chemin de Damas, au début des années 30 du i siècle, et après une période où il avait persécuté l’Eglise, qu’eut lieu le moment décisif de la vie de Paul. On a beaucoup écrit à son propos et naturellement de différents points de vue. Il est certain qu’un tournant eut lieu là, et même un renversement de perspective. Alors, de manière inattendue, il commença à considérer « perte » et « balayures » tout ce qui auparavant constituait pour lui l’idéal le plus élevé, presque la raison d’être de son existence (cf. Ph 3, 7-8). Que s’était-il passé?
Nous avons à ce propos deux types de sources. Le premier type, le plus connu, est constitué par des récits dus à la plume de Luc, qui à trois reprises raconte l’événement dans les Actes des Apôtres (cf. 9, 1-19; 22, 3-21; 26, 4-23). Le lecteur moyen est peut-être tenté de trop s’arrêter sur certains détails, comme la lumière du ciel, la chute à terre, la voix qui appelle, la nouvelle condition de cécité, la guérison comme si des écailles lui étaient tombées des yeux et le jeûne. Mais tous ces détails se réfèrent au centre de l’événement:  le Christ ressuscité apparaît comme une lumière splendide et parle à Saul, il transforme  sa  pensée  et  sa  vie  elle-même. La splendeur du Ressuscité le rend aveugle:  il apparaît ainsi extérieurement ce qui était sa réalité intérieure, sa cécité à l’égard de la vérité, de la lumière qu’est le Christ. Et ensuite son « oui » définitif au Christ dans le baptême ouvre à nouveau ses yeux, le fait réellement voir.
Dans l’Eglise antique le baptême était également appelé « illumination », car ce sacrement donne la lumière, fait voir réellement. Ce qui est ainsi indiqué théologiquement, se réalise également physiquement chez Paul:  guéri de sa cécité intérieure, il voit bien. Saint Paul a donc été transformé, non par une pensée, mais par un événement, par la présence irrésistible du Ressuscité, de laquelle il ne pourra jamais douter par la suite tant l’évidence de l’événement, de cette rencontre, avait été forte. Elle changea fondamentalement la vie de Paul; en ce sens on peut et on doit parler d’une conversion. Cette rencontre est le centre du récit de saint Luc, qui a sans doute utilisé un récit qui est probablement né dans la communauté de Damas. La couleur locale donnée par la présence d’Ananie et par les noms des rues, ainsi que du propriétaire de la maison dans laquelle Paul séjourna (cf. Ac 9, 11) le laisse penser.
Le deuxième type de sources sur la conversion est constitué par les Lettres de saint Paul lui-même. Il n’a jamais parlé en détail de cet événement, je pense que c’est parce qu’il pouvait supposer que tous connaissaient l’essentiel de cette histoire, que tous savaient que de persécuteur il avait été transformé en apôtre fervent du Christ. Et cela avait  eu  lieu  non à la suite d’une réflexion personnelle, mais d’un événement fort, d’une rencontre avec le Ressuscité. Bien que ne mentionnant pas de détails, il mentionne plusieurs fois ce fait très important, c’est-à-dire que lui aussi est témoin de la résurrection de Jésus, de laquelle il a reçu directement de Jésus lui-même la révélation, avec la mission d’apôtre. Le texte le plus clair sur ce point se trouve dans son récit sur ce qui constitue le centre de l’histoire du salut:  la mort et la résurrection de Jésus et les apparitions aux témoins (cf. 1 Co 15). Avec les paroles de la très ancienne tradition, que lui aussi a reçues de l’Eglise de Jérusalem, il dit que Jésus mort crucifié, enseveli, ressuscité, apparut, après la résurrection, tous d’abord à Céphas, c’est-à-dire à Pierre, puis aux Douze, puis à cinq cents frères qui vivaient encore en grande partie à cette époque, puis à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et à ce récit reçu de la tradition, il ajoute:  « Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l’avorton que je suis » (1 Co 15, 8). Il fait ainsi comprendre que cela est le fondement de son apostolat et de sa nouvelle vie. Il existe également d’autres textes dans lesquels la même chose apparaît:  « Nous avons reçu par lui [Jésus] grâce et mission d’Apôtre » (cf. Rm 1, 5); et encore:  « N’ai-je pas vu Jésus notre Seigneur? » (1 Co 9, 1), des paroles avec lesquelles il fait allusion à une chose que tous savent. Et finalement le texte le plus diffusé peut être trouvé dans Ga 1, 15-17:  « Mais Dieu m’avait mis à part dès le sein de ma mère, dans sa grâce il m’avait appelé, et, un jour, il a trouvé bon de mettre en moi la révélation de son Fils, pour que moi, je l’annonce parmi les nations païennes. Aussitôt, sans prendre l’avis de personne, sans même monter à Jérusalem pour y rencontrer ceux qui étaient les Apôtres avant moi, je suis parti pour l’Arabie; de là, je suis revenu à Damas ». Dans cette « auto-apologie » il souligne de manière décidée qu’il est lui aussi un véritable témoin du Ressuscité, qu’il a une  mission  reçue  directement  du Ressuscité.
Nous pouvons ainsi voir que les deux sources, les Actes des Apôtres et les Lettres de saint Paul, convergent et s’accordent sur un point fondamental:  le Ressuscité a parlé à Paul, il l’a appelé à l’apostolat, il a fait de lui un véritable apôtre, témoin de la résurrection, avec la charge spécifique d’annoncer l’Evangile aux païens, au monde gréco-romain. Et dans le même temps, Paul a appris que, malgré le caractère direct de sa relation avec le Ressuscité, il doit entrer dans la communion de l’Eglise, il doit se faire baptiser, il doit vivre en harmonie avec les autres apôtres. Ce n’est que dans cette communion avec tous qu’il pourra être un véritable apôtre, ainsi qu’il l’écrit explicitement dans la première Epître aux Corinthiens:  « Eux ou moi, voilà ce que nous prêchons. Et voilà ce que vous avez cru » (15, 11). Il n’y a qu’une seule annonce du Ressuscité car le Christ est un.
Comme on peut le voir, dans tous ces passages Paul n’interprète jamais ce moment comme un fait de conversion. Pourquoi? Il y a beaucoup d’hypothèses, mais selon moi le motif était tout à fait évident. Ce tournant dans sa vie, cette transformation de tout son être ne fut pas le fruit d’un processus psychologique, d’une maturation ou d’une évolution intellectuelle et morale, mais il vint de l’extérieur:  ce ne fut pas le fruit de sa pensée, mais de la rencontre avec Jésus Christ. En ce sens, ce ne fut pas simplement une conversion, une maturation de son « moi », mais ce fut une mort et une résurrection pour lui-même:  il mourut à sa vie et naquit à une autre vie nouvelle avec le Christ ressuscité. D’aucune autre manière on ne peut expliquer ce renouveau de Paul. Toutes les analyses psychologiques ne peuvent pas éclairer et résoudre le problème. Seul l’événement, la rencontre forte avec le Christ, est la clé pour comprendre ce qui était arrivé; mort et résurrection, renouveau de la part de Celui qui s’était montré et avait parlé avec lui. En ce sens plus profond, nous pouvons et nous devons parler de conversion. Cette rencontre est un réel renouveau qui a changé tous ses paramètres. Maintenant il peut dire que ce qui auparavant était pour lui essentiel et fondamental, est devenu pour lui « balayures »; ce n’est plus un « gain », mais une perte, parce que désormais seul compte la vie dans le Christ.
Nous ne devons toutefois pas penser que Paul ait été ainsi enfermé dans un événement aveugle. Le contraire est vrai, parce que le Christ ressuscité est la lumière de la vérité, la lumière de Dieu lui-même. Cela a élargi son cœur, l’a ouvert à tous. En cet instant il n’a pas perdu ce qu’il y avait de bon et de vrai dans sa vie, dans son héritage, mais il a compris de manière nouvelle la sagesse, la vérité, la profondeur de la loi et des prophètes, il se l’est réapproprié de manière nouvelle. Dans le même temps, sa raison s’est ouverte à la sagesse des païens; s’étant ouvert au Christ de tout son cœur, il est devenu capable d’un large dialogue avec tous, il est devenu capable de se faire tout pour tous. C’est ainsi qu’il pouvait réellement devenir l’apôtre des païens.
Si l’on en revient à présent à nous-mêmes, nous nous demandons:  qu’est-ce que tout cela veut dire pour nous? Cela veut dire que pour nous aussi le christianisme n’est pas une nouvelle philosophie ou une nouvelle morale. Nous ne sommes chrétiens que si nous rencontrons le Christ. Assurément, il ne se montre pas à nous de manière irrésistible, lumineuse, comme il l’a fait avec Paul pour en faire l’apôtre de toutes les nations. Mais nous aussi nous pouvons rencontrer le Christ, dans la lecture de l’Ecriture Sainte, dans la prière, dans la vie liturgique de l’Eglise. Nous pouvons toucher le cœur du Christ et sentir qu’il touche le nôtre. C’est seulement dans cette relation personnelle avec le Christ, seulement dans cette rencontre avec le Ressuscité que nous devenons réellement chrétiens. Et ainsi s’ouvre notre raison, s’ouvre toute la sagesse du Christ et toute la richesse de la vérité. Prions donc le Seigneur de nous éclairer, de nous offrir dans notre monde de rencontrer sa présence:  et qu’ainsi il nous donne une foi vivace, un cœur ouvert, une grande charité pour tous, capable de renouveler le monde.

* * *

Je suis heureux de vous accueillir chers pèlerins francophones. A l’exemple de saint Paul laissez-vous saisir par le Christ. C’est en lui que se trouve le sens ultime de votre vie. Vous aussi, soyez des témoins ardents du Sauveur des hommes, parmi vos frères et vos sœurs. Que Dieu vous bénisse !

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