Archive pour le 29 janvier, 2013
CHALDÉENS: UNE EGLISE SOUFFRANTE, ANIMÉE PAR L’ESPRIT-SAINT
29 janvier, 2013http://www.zenit.org/article-33291?l=french
CHALDÉENS: UNE EGLISE SOUFFRANTE, ANIMÉE PAR L’ESPRIT-SAINT
Synode chaldéen à Rome, par le card. Sandri
ROME, Tuesday 29 January 2013 (Zenit.org).
Benoît XVI a convoqué le Synode des évêques de l’Église chaldéenne ce 28 janvier au Vatican pour l’élection de leur nouveau patriarche, et non à Bagdad, pour des raisons de sécurité.
Le patriarche et cardinal Emmanuel III Delly (85 ans) a en effet présenté sa démission en décembre 2012, pour raison d’âge.
Ce synode est présidé par le préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales, le cardinal Leonardo Sandri. Il est composé des dix-sept évêques représentant les communautés irakiennes d’Irak et de la diaspora, notamment d’Europe et d’Amérique du Nord.
Rappelons que les Chaldéens d’Irak représentaient quelque 550.000 personnes en Irak, avant la Guerre du Golfe de 2003, et 150.000 dans la diaspora: l’exode a aujourd’hui inversé les chiffres.
Lundi matin, Mgr Enrico Dal Covolo, recteur magnifique de l’Université pontificale du Latran, a proposé aux évêques électeurs une méditation sur la première communauté de Jérusalem, icône de l’Eglise et de toute communauté chrétienne.
Sergio Centofanti (Radio Vatican en italien) a recueilli les réflexions du cardinal Sandri.
Quel est le vœu du pape pour ce synode ?
Cardinal Sandri – Celui de réaliser dans la communion et dans la mission la vie nouvelle de l’Eglise chaldéenne, avec l’élection du nouveau patriarche. Le Saint-Père a envoyé sa bénédiction et il suit de près ce synode qui marquera l’avenir de l’Eglise catholique chaldéenne.
Dans ce synode, nous sommes en présence d’une petite mosaïque de la souffrance du Moyen-Orient : les évêques d’Irak, et nous savons bien tout ce qu’ils ont souffert et ce qu’ils souffrent encore ; deux évêques d’Iran, les évêques de la diaspora (aux Etats-Unis, au Canada, en Australie), un du Liban et enfin l’évêque de Syrie, pays dont nous touchons la souffrance chaque jour à travers les moyens de communication.
Cette Eglise souffrante est donc réunie, éclairée par le Saint Esprit, pour choisir le nouveau chef qui la guidera dans la collégialité et dans la synodalité pendant les prochaines années. Et le pape espère qu’en cette Année de la foi, ce sera un moment de croissance qui portera du fruit après tant de souffrances et de douleur.
Quels sont les principaux défis que devra affronter l’Eglise chaldéenne ?
Ce sont les mêmes défis que ceux de l’Eglise en général : la foi et, dans le cas particulier de l’Eglise chaldéenne, évidemment, une grande importance est réservée au dialogue œcuménique et au dialogue interreligieux.
Le manque de foi, parce que les chrétiens sont peu nombreux et beaucoup des nôtres ont dû fuir, émigrer, aller ailleurs chercher cette paix et cette sécurité qui faisaient défaut dans leur patrie.
Dans cette situation de violence et de souffrance, la foi s’est affaiblie. En cette Année de la foi, le pape nous appelle précisément à la fortifier et à la vivre intensément de sorte que ce ne soit pas seulement une foi intellectuelle, une foi en paroles, mais une foi de vie qui se transmet à travers l’exemple et le témoignage personnels.
Vous êtes allé récemment en Irak : quelles impressions avez-vous rapportées ?
L’impression que malgré tout ce que nous apprenons par les nouvelles, sur la situation de violence et de terrorisme, il existe une Eglise vivante, l’Eglise d’Irak, qui se manifeste à travers l’Eglise chaldéenne, à travers l’Eglise syro-catholique ou à travers l’Eglise latine. Il y a nos frères qui vivent l’Evangile, qui cherchent à mettre toute leur vie entre les mains du Père, à travers Jésus-Christ, dans la communion de l’Esprit-Saint.
Et cela, je l’ai vu dans les liturgies auxquelles j’ai participé et qui m’ont vraiment encouragé dans l’espérance d’un avenir meilleur. Et puis la sensation de voir qu’ils appartiennent de tout leur cœur à l’Eglise universelle, à l’Eglise catholique ; ils sentent l’étreinte paternelle du pape, ils sentent sa proximité et la nôtre, nous qui, par la prière et l’affection, les suivons toujours avec tant d’admiration et tant de fraternité.
Dans les pays arabes, un vent islamiste souffle actuellement.
Quel dialogue est possible, aujourd’hui, avec le monde musulman ?
C’est d’abord le dialogue auquel nous invite le concile Vatican II : après avoir parlé de nos frères juifs, il parle aussi, en premier lieu, des musulmans et de ceux qui appartiennent à d’autres religions. Avec les musulmans, nous partageons la foi dans le Dieu unique.
Mais il y a un engagement commun qui peut être associé aussi à ce qu’on appelle le printemps arabe et qui consiste à donner toute son importance à la dignité de la personne humaine, à cette dignité qui se manifeste dans sa liberté, spécialement dans la liberté religieuse, et dans la défense des droits fondamentaux des hommes et des femmes.
Mais il existe des craintes pour l’avenir parmi les chrétiens ?
Vivant dans un pays à majorité islamique, les chrétiens peuvent avoir des craintes, mais pas tant à cause de l’islam, parce que l’islam aussi est une religion qui veut la concorde et la paix; c’est tout ce qui est déformation de l’islam, comme la violence ou la volonté d’imposer sa religion par la force, ce qui n’a rien à voir avec l’islam. Avec l’islam authentique, il y a une possibilité de dialogue et d’entente.
Traduction d’Hélène Ginabat
DES PROPHETES : RAPPEL DE L’HISTOIRE D’ISRAEL
29 janvier, 2013MONSEIGNEUR JEAN-BAPTISTE BRUNON
LES PROPHÈTES
Cours donné en l’Abbaye de Champagne
PRESENTATION GENERALE
DES PROPHETES : RAPPEL DE L’HISTOIRE D’ISRAEL
Dieu a fait transparaître son plan qui s’articule autour de trois axes : le salut, l’alliance, la parole (le Verbe) : le Verbe va s’incarner et venir habiter en nous.
1 – LE SALUT
- Ce salut va être présenté comme difficile. Ce salut est rendu difficile par le péché, un péché « cuit et recuit ». Ce sera rendu par trois images : la soude, la potasse qui ne peut s’effacer (Je 2,22) ; la peau de l’Ethiopien (Je 13,23) ; la pointe du diamant qui grave profondément (Je 17,1).
C’est un péché qui colle à la peau presque jusqu’à la désespérance. Paul lui-même (Rm 7,19) reconnaît ne pas faire le bien qu’il voudrait et faire le mal qu’il ne voudrait pas.
Mais il y a une lumière dans ce désarroi possible : la promesse du Messie (Is 9,1, 5-6), un coeur nouveau (Je 24,7 ; 31,33) et une sorte de recréation intérieure de l’homme par le souffle de Dieu (Ez 36,26-27). Dieu reprend l’homme et le refait (Ps 51,12 : «Crée en moi un coeur nouveau»). Il en fait un homme nouveau, comme le souligne bien Paul (Ep 4,24), et Jésus : c’est une nouvelle naissance (Jn 3,3-8). – C’est un salut personnel. Paul souligne cet aspect : «Il s’est livré pour moi» (Ga 2,20).
- Ce salut est opéré par la médiation d’un peuple, d’une Eglise. Un des soucis essentiels de Dieu a été de faire un peuple en partant de tribus éparses. Le désert sera le lieu où se formera le peuple. Chaque fois que la division survient, Dieu refait le peuple. Ezéchiel a deux visions (Ez 37) : les ossements desséchés et les bâtons séparés. Le Christ créera une Eglise : images du troupeau, de la vigne, du Royaume. Saint Paul sera sur la même trajectoire avec les images du corps, de la construction. Il y a toujours tension entre l’aspect personnel et l’aspect communautaire du salut. On insiste tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre. Il y aura toujours tension entre unité et diversité, diversité et unité.
Le prophète sera le lecteur de l’histoire pour en dégager des messages livrés par Dieu à travers les événements. Il va être aussi le lecteur du présent. Il voit les obstacles à la marche du salut, il corrige, il oriente la marche du peuple. Le prophète sera également le lecteur de l’avenir : il annonce sans cesse le triomphe de Dieu et la réalité certaine du salut : le Messie. Il est donc le porteur de l’espérance, cette espérance qui soutient la marche des hommes.
2 – L’ALLIANCE.
Le salut va se réaliser par une Alliance : Dieu est avec nous, « Emmanuel ». Dieu chemine avec les hommes (cf. Emmaüs). Dieu est fidèle pour mille générations (Dt 7,9). Des images : les fiançailles (Os 2) ; le banquet de la Sagesse (Sg 8) ; la vigne et les sarments (Jn 15) ; le corps mystique (lCo 12 ; Rm 12) ; la construction sur la pierre d’angle (Ep 2,20-22).
Dieu nous redit toujours la même chose : je veux faire alliance avec toi. Le progrès de l’Alliance, véritable approfondissement à travers les infidélités, les refus, les accueils, les oui et les non.
De collective, l’Alliance devient personnelle. Au début, la solidarité des tribus exigeait l’Alliance collective avec Dieu. Le peuple est premier pour Dieu (Ex 19, l’Alliance au Sinaï). Cette alliance va devenir personnelle avec l’exil, ce temps de retraite favorable à la réflexion personnelle (Ez 18). D’extérieure, l’alliance va devenir intime, au coeur de l’homme. Au début, c’était l’Alliance-contrat au Sinaï avec des commandements. Puis l’alliance pénètre le coeur et saisit tout l’être : «Je mettrai ma loi au fond de leur être».
De raciale, elle va devenir universelle. Au début, c’était un peuple ghetto, farouche envers les autres. Puis peu à peu, l’alliance s’étend à tous, même les Ninivites (cf. Jonas).
Avec Jésus-Christ, la nouvelle Alliance est scellée en son Sang : l’Alliance sera intérieure («mon Royaume est au-dedans de vous») et sera universelle («Enseignez toutes les nations» Mt 28,19) et deviendra très personnelle («Il m’a aimé et s’est livré pour moi» (Ga 2,20).
Au coeur de l’Alliance, une grande certitude : Dieu est fidèle à l’homme. Dieu croit en l’homme, il aime l’homme. Il va proclamer sa fidélité et la mettre en pratique. Cf. Gn 3,21 : Dieu revêt l’homme et la femme de tuniques de peau, image de la grâce du Christ ; Juges : l’homme pèche, Dieu intervient, l’homme se repent, Dieu revient ; Psaume 78, l’hymne à la fidélité de Dieu ; Judith : Dieu est fidèle et sauve son peuple par une femme.
Dieu manifeste cette fidélité par des actes précis : le choix d’un peuple, l’envoi de son Fils, sa présence permanente par l’Eucharistie, par sa parole, par l’Eglise. «Mon Père travaille sans cesse et moi aussi» (Jn 5,17). Et les prophètes ? Ils sont les sauveurs de l’Alliance sans cesse menacée. Ils sont aussi les éclaireurs de l’alliance, ils vont l’approfondir. Ils en sont les précurseurs, c’est toute la préparation de l’Incarnation.
3 – LA PAROLE.
Les prophètes vont être les haut-parleurs de la Parole avant qu’elle ne s’incarne. C’est d’abord le verbe, la parole qui rejoint l’homme. Sans parole, pas d’alliance.
Le Verbe et les patriarches : la promesse d’Alliance. «Quitte ton pays (…) tu seras père d’un grand peuple» (1900).
Le Verbe et le peuple de Dieu : c’est la réalisation de l’Alliance sur le mont Sinaï (1200).
Le Verbe et les premières ruptures de l’Alliance : ce sont les premiers pas concrets de cette Alliance, les Juges (1100).
Le Verbe et le sommet de l’Alliance : David, Salomon (1000).
La grande épreuve de l’Alliance : de 932 (le schisme) à Jésus. Les prophètes sont les défenseurs et les sauveurs de l’Alliance, (puis) avec les prêtres et les sages.
La Nouvelle Alliance recréée en Jésus-Christ : «le Verbe s’est fait Chair» (Jn 1,14).
Le rôle des prophètes dans cette parole : ils seront d’abord les auditeurs attentifs de la parole, (cf. la manducation du petit livre par Ezéchiel, Ez 3) ; ils seront aussi les lecteurs de la parole et des événements ; ils seront enfin les serviteurs de la parole, les porte-parole de Dieu.
Ces prophètes ont une conscience aiguë de leur mission. Cette livraison de la parole sera souvent une épreuve, de trois sortes : la servitude de la solitude ; le prophète est un séparé, qu’il le veuille ou non (Je 16) ; la servitude de la pesanteur : c’est une charge lourde, un combat à livrer auquel on désire se soustraire (Je 20,7-9) ; la servitude de la nuit intérieure : le prophète doit avancer coûte que coûte, sans voir vraiment clair, dans la foi (Elie, 1R 19 ; Jonas, Jon 2,4).
Toute l’histoire de l’humanité repose sur ces trois poutres maîtresses qui s’entrecroisent : la Parole, l’Alliance et le Salut.
LE POINT DE DEPART DU PROPHETISME
C’est le schisme autour de 930, cette désunion entre les deux tribus du sud (Juda, dont Siméon absorbé, et Benjamin ; 1R 12,21) et les dix tribus du nord. La grande raison du prophétisme, c’est la division. Dans le Royaume du nord, les tribus se battront très souvent. Le Royaume de Juda restera en paix sauf avec Attali.
Les causes du schisme sont politiques : l’abus du « roi-soleil », Salomon, le « roi-façade », qui a favorisé certaines tribus, surtout Juda, et négligé les provinciaux, sauf pour les rançonner. Cela a entraîné une oppression sociale et financière du peuple par suite des constructions multiples, dont le Temple. L’intolérance du roi Roboam a également été une des causes du schisme. Elles sont également religieuses : Dieu n’est plus le centre d’unité du Royaume. A cause de ses nombreuses femmes, Salomon introduit les idoles.
QUELQUES CONSÉQUENCES
L’unité politique est rompue. Des luttes fratricides vont entraîner un épuisement qui ira jusqu’à la chute du Royaume du nord en 722 (chute de Samarie), puis du Royaume du sud en 587 (chute de Jérusalem).
L’unité religieuse aussi est rompue. Jérusalem n’est plus le seul centre spirituel. Il se crée d’autres centres (Samarie, Bethel, Gilgal ; cf. Am 4,4). Chaque centre aura sa doctrine, ses habitudes religieuses, ce qui va entraîner de nombreuses déviations : idolâtrie, divination, rituels divers.
L’unité sociale est rompue. La perte du sens de Dieu amène la perte du sens de l’homme. Les prophètes dénonceront les nombreuses injustices. Un fossé se creuse entre riches et pauvres.
Face à cette décadence générale, les prophètes vont réagir à contre-courant, ils seront les défenseurs à la fois des droits de Dieu et des droits de l’homme.
Note. Un peu enfermés dans leur liturgie, les prêtres seront très vite frappés par le formalisme. Leur soi-disant ouverture sur Dieu est une fermeture au monde. Ils s’installent. C’était une bonne situation, qui rapportait. Le sacerdoce est donc défaillant, bien que quelques prêtres réagissent ; ainsi Jérémie devient prophète. Les rois étaient représentants de Dieu et ont, eux aussi, failli à leur mission. Or les prêtres étaient au service du roi. Il y a eu peu de grands rois comme Josias ou Ezéchias, et les prêtres n’ont pas osé aller à contre-courant des rois. Les prêtres essaieront de reprendre le pouvoir après l’exil. Ils se ressaisiront, mais là encore ils « décrochent ». Les prêtres viennent de la tribu de Lévi. Jésus ne choisira pas ses apôtres parmi les prêtres. Il n’est pas de cette tribu. Il est au-dessus de cela, il n’est pas enfermé. Jean-Baptiste (fils de Zacharie, de la tribu de Lévi) le montre comme l’Agneau de Dieu à suivre.
PORTRAIT GENERAL D’UN PROPHETE
1 – LA VOCATION
C’est une initiative divine. C’est Dieu qui intervient, qui appelle.
C’est une emprise divine, une pentecôte individuelle (Je 1,4-l0). C’est une invasion de l’Esprit, d’une puissance peu commune, à laquelle il est difficile de résister (Je 20,7-10).
C’est une emprise qui respecte la personnalité du prophète : Amos restera vindicatif, Jérémie restera sensible.
C’est une emprise sur des hommes de tous milieux : Amos est un berger, Isaïe est un aristocrate, Jérémie et Ezéchiel sont des prêtres, Sophonie est de famille royale.
Cet appel se manifeste presque toujours dans une vision inaugurale qui va orienter la vie et le message du prophète.
Le prophète est un appelé, « nabi » : bouillonnant qui parle au nom de quelqu’un (chez les musulmans, Mahomet : Al Nabi). Le prophète est l’homme de l’esprit (Os 9,7 « l’inspiré » ; Ez 3,l2 ; Elie, lR 18,12 ; 2R 2,16, enlèvement d’Elie ; Jg 3,l0 ; 6,34 ; Ez 2,2).
Note. L’Eglise ne rejette pas les phénomènes mystiques mais elle ne s’appuie pas sur eux pour éclairer sa route. Elle ne s’appuie que sur une chose : le Christ est mort et ressuscité. Il ne sera pas donné d’autre signe que celui de Jonas.
2 – L’ACTION DES PROPHÈTES
Ce sont des haut-parleurs de Dieu. Le prophète parle à la place de Dieu « Pro-phanaï » : Pro (à la place de, pour), phanaï (parler). Le prophète est un prédicateur plus qu’un prédisant. Il insiste sur les trois grands pôles bibliques : le Dieu vivant, exigeant, sauveur ; le sens de l’homme (rétablissement du droit des opprimés) ; le sens de l’univers, toujours en référence avec le Dieu créateur.
C’est d’abord un message pour le présent. Mais c’est aussi un message pour l’avenir, à court terme (ex. Jérémie et la chute de Jérusalem) et à longue échéance (le Messie). Tous ces messages du présent et de l’avenir constituent une oeuvre de préservation contre l’idolâtrie, une oeuvre d’orientation vers le Royaume messianique et une oeuvre d’intériorisation vers l’alliance du coeur. Ainsi prévoir et prédire ne sont pas vraiment l’oeuvre du prophète. Il se consacre avant tout à voir et à dire le projet de Dieu pour le présent.
Le prophète montre un Dieu vivant, d’où l’utilisation de nombreux anthropomorphismes : le visage, la bouche, les yeux, Dieu se repose, Dieu ouvre les yeux jour et nuit sur le Temple, il détourne les yeux des hypocrites (Je 18,17 ; Is 1,15). Le prophète montre aussi un Dieu exigeant, parce que saint (Is 6,3), et a un sens très poussé du péché. Il montre encore un Dieu miséricordieux. C’est déjà la Rédemption en préparation.
3 – LES MOYENS UTILISÉS
- La parole, maniée avec un sens pédagogique très poussé :
Emploi de l’affirmation catégorique (Is 1,2 ; Je 9,22).
Emploi de la répétition (Ez 13,8;21;23 ; Is 9,11 ; 10,4 16;20 ; Ba 6,14, 22 ; 28 ; 39 ; 44 ; 51 ; 56 ; 64).
Le dialogue : le prophète interroge, fait réagir (Je 2,32 ; Am 6,12).
Le goût du concret, avec l’utilisation de nombreuses images : l’eau vive (Je 2,12-13) ; le pasteur (Ez 34 ; Mi 5,3 ; Is 40).
L’art de la description et l’évocation géniale (Ma 1,6-10 ; Na 3,1-ss).
Tout cela constitue l’oracle (= message) prononcé au nom de Dieu : « oracle du Seigneur ».
- Les écrits des prophètes. Les messages oraux sont mis par écrit par les auteurs eux-mêmes ou par des secrétaires pour s’assurer qu’on ne transformera pas les messages, pour les sceller dans la vérité (Is 8,l-2 ; 30,8 ; Je 36). Souvent, le message est mis par écrit par les disciples du prophètes sous forme de recueils, de résumés à la manière de nos évangiles. Ce sont souvent de simples abrégés, ordonnés, arrangés.
- Les mimes ou les actions théâtrales, sortes de chorégraphie sacrée (« audiovisuel »), le geste soulignant la parole. C’est une véritable liturgie prophétique, vraie parabole en acte qui permet de découvrir plus facilement le sens du message. Osée présente sa vie, Jérémie (19), la cruche brisée. Ces mimes ne sont pas de la puérilité. Pourquoi les utilise-t-on ? Pour ne pas heurter de front ! La lumière est tamisée.
LES GRANDS JALONS
DE L’HISTOIRE DU PROPHETISME
Les prophètes sont groupés autour de faits historiques importants et autour de chefs de file qui vont orienter les autres prophètes. D’autre part, ils vont se compléter les uns les autres.
- Les premiers nabi : l’aurore du prophétisme, de 1200 à 900. Ce sont les prophètes qui ont orienté les premiers rois et le peuple. Ils sont groupés autour de la création du Royaume davidique en 1000. Trois principaux dominent : Moïse qui prépare, Samuel et Natan.
- Les prophètes traits d’union, 900-800. Ce sont les prophètes de la grande crise religieuse, la période célèbre des Omrides, fondateurs de Samarie (autour de 850). Deux prophètes dominent : Elie et Elisée.
- Les grands prophètes, l’âge d’or du prophétisme, de 800 à 600. Ce sont les prophètes des grandes réformes religieuses des rois Ezéchias (720) et Josias (620), répartis en deux grands groupes. Celui qui assiste à la défaite du Nord, Samarie (722), aura Isaïe pour chef de file, Amos, Osée, Michée ; celui qui verra la défaite du Sud (587) aura Jérémie pour chef de file, Sophonie, Nahum, Habaquq.
- Les prophètes « plus obscurs » jusqu’au crépuscule (600-150) ; les prophètes de la consolation qui visent l’exil et qui sont en exil (autour de 550) : Ezéchiel (chef de file), 2d Isaïe (ch 40-55) ; les prophètes de la restauration, au retour d’exil (500-400) : 3e Isaïe (ch 56-66, chef de file), Jonas, Joël, Aggée, Abdias, Zacharie, Malachie ; le prophète de la persécution grecque (environ 170) : Daniel.
- Le grand silence prophétique, de Daniel à Jean-Baptiste, de 150 av. J.-C. à 30 ap. J.-C.
- La nouvelle explosion du prophétisme : Zacharie, Siméon, Anne, Jean-Baptiste et Jésus.
- Le dernier écho du prophétisme : l’Apocalypse.