HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE ORDINAIRE C

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HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE ORDINAIRE C

Ne 8, 1-10 ; Ps 18 ; 1 Co 12, 12-30 ; Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21

Contrairement à ce que nous a expliqué la première lecture, nous ne sommes pas aujourd’hui rassemblés sur la place, devant la Porte des eaux, ni dans la synagogue de Nazareth, mais dans notre église paroissiale. Aucun de ceux et celles qui ont ouvert le Livre et proclamé la Parole ne s’appelle Esdras. Ni Jésus. Et même si vous avez été attentifs à cette Parole, puis au commentaire qui va suivre, il n’est pas dit pour autant que vous allez tous fondre en larmes.
Cependant, il y a entre les diverses époques des éléments communs : un jour particulier, un rassemblement de croyants, le Livre saint, la Bonne Nouvelle proclamée, suivie d’un commentaire… L’assemblée est à l’écoute de la Parole, une Parole sur Dieu, que nous appelons « Parole de Dieu ». Les auditeurs vont pouvoir ainsi prendre conscience de l’écart qui existe entre l’Ecriture et la pratique concrète dans la vie de la communauté, dans celle de chacun, et dans la vie de la société et du monde. C’est pourquoi le livre de Néhémie évoque des cris, des pleurs, pour exprimer à la fois la prise de conscience, l’accablement, mais aussi le repentir des fidèles.
Vous aurez remarqué, dans la première célébration, une véritable vénération de la Parole, exprimée par des signes et des attitudes de respect. Elle est aussi acclamée, suivie d’une action de grâce, puis d’un repas de fête. Il en fut ainsi depuis environ 4 siècles avant Jésus Christ. Et ce déroulement liturgique a été repris par l’Eglise chrétienne, avec quelques nuances, évidemment. Aujourd’hui, et depuis longtemps, de telles célébrations ne durent pas, habituellement, du lever du jour jusqu’à midi.
Mais il y a surtout un élément essentiel, identique, difficile à comprendre, et surtout à accepter : « Cette Parole de l’Ecriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ».
De quoi s’agit-il ? D’une Bonne Nouvelle aux pauvres, l’annonce d’une libération pour les prisonniers et les opprimés. Et même, pour les aveugles, le retour à la lumière. Or, d’une certaine manière, nous sommes tous des pauvres, des prisonniers et des aveugles. Chacun peut être prisonnier, et même esclave, de l’argent, du confort, du mensonge, de la chair, de la haine, du plaisir, de la boisson, de l’appétit de pouvoir, etc. Et donc, être également aveugle ou aveuglé dans ces différents domaines. Nous avons tous besoin d’être libérés de quelque chose. Il faut savoir le reconnaître.
Il y a également les défavorisés économiques ou sociaux. Tous ceux et celles qui, dans un domaine ou l’autre, sont sans appuis, sans repères, sans boussole ni gouvernail. Ou tout simplement à la merci des puissants. La Bonne Nouvelle d’une délivrance peut donc avoir des aspects physiques, politiques, spirituels et matériels. L’être humain est un, et tout se tient.
Faut-il attendre un miracle aujourd’hui plutôt qu’hier ou demain, avant ou après les élections, avant ou après les expéditions dans la Lune ? Non, c’est toujours pour aujourd’hui. C’est aujourd’hui que cette Bonne Nouvelle est annoncée et proposée à notre foi, à notre initiative. Nous bénéficions nous aussi de la puissance de l’Esprit. Nous aussi, nous sommes envoyés pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, aux opprimés, aux enchaînés, aux aveugles. Nous recevons, en effet, mission, pouvoir et moyens, pour participer, modestement peut-être, mais réellement, aux semailles, à l’incarnation de l’Evangile dans l’aujourd’hui de notre temps. Cette actualisation, nous pouvons même la découvrir dans les informations quotidiennes de la planète. Pas seulement parmi les chrétiens, ni uniquement parmi les croyants affichés. Voyez la somme des dévouements parfois héroïques lors des inondations ou des tremblements de terre. Des gestes courageux de pardon et de réconciliation.
Dieu compte sur nous pour faire des miracles. Nous ne pouvons pas donner la foi à qui ne l’a pas. Mais il est en notre pouvoir d’offrir notre propre témoignage. Nous ne pouvons pas arrêter seul toutes les guerres ni toutes les injustices. Par contre, là où nous sommes, nous pouvons toujours être ou ne pas être un artisan de paix, un semeur ou un destructeur d’unité. Il y a tant de choses possibles à notre portée, et que nous ne faisons pas. Que ce soit sur le plan personnel ou familial, professionnel ou ecclésial, politique ou social.
Nous clôturons la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Quel pas allons-nous faire pour améliorer tant soit peu l’unité du corps du Christ qui n’en finit pas d’être déchiré.
L’une de nos tentations habituelles est de renvoyer l’Evangile en arrière, il y a vingt siècles, d’en admirer l’annonce et la fécondité passées, alors qu’il nous appartient de prendre nous-mêmes aujourd’hui les risques de sa proclamation et de son témoignage.
Mais il faut bien reconnaître, comme la suite de l’évangile nous le prouve, que la Parole de Dieu ne cesse d’étonner et de faire peur. A Nazareth, et après son homélie, Jésus s’est fait agresser et même menacer de mort. Il est vrai que la Parole Vivante dérange toujours. Elle secoue. Elle conteste la sécurité des habitudes et des certitudes abusives. Et chacun doit reconnaître qu’il est plus facile de communier paisiblement au corps sacramentel du Christ que de communier vraiment au Christ Parole. Or, ce qui est premier et essentiel dans l’eucharistie, c’est la communion de cœur, d’esprit et de volonté, au Christ, Verbe de Dieu et Pain partagé. C’est elle qui donne en définitive sens et efficacité à la communion sacramentelle, au Pain de Vie, à condition qu’il soit partagé.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

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