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Dimanche 27 janvier : commentaires de Marie Noëlle Thabut – premiere lecture: Néhémie 8, 1-4a. 5-6. 8-10
25 janvier, 2013http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
Dimanche 27 janvier : commentaires de Marie Noëlle Thabut
PREMIERE LECTURE – Néhémie 8, 1-4a. 5-6. 8-10
Quand arriva la fête du septième mois,
1 tout le peuple se rassembla comme un seul homme
sur la place située devant la Porte des eaux.
On demanda au scribe Esdras
d’apporter le livre de la Loi de Moïse,
que le SEIGNEUR avait donnée à Israël.
2 Alors le prêtre Esdras apporta la Loi en présence de l’assemblée,
composée des hommes, des femmes,
et de tous les enfants en âge de comprendre.
C’était le premier jour du septième mois.
3 Esdras, tourné vers la place de la Porte des eaux,
fit la lecture dans le livre,
depuis le lever du jour jusqu’à midi,
en présence des hommes, des femmes,
et de tous les enfants en âge de comprendre :
tout le peuple écoutait la lecture de la Loi.
4 Le scribe Esdras se tenait sur une tribune de bois,
construite tout exprès.
5 Esdras ouvrit le livre ;
tout le peuple le voyait, car il dominait l’assemblée.
Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout.
6 Alors Esdras bénit le SEIGNEUR, le Dieu très grand,
et tout le peuple, levant les mains, répondit :
« Amen ! Amen ! »
Puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant le SEIGNEUR,
le visage contre terre.
8 Esdras lisait (un passage) dans le livre de la loi de Dieu,
puis les lévites traduisaient, donnaient le sens,
et l’on pouvait comprendre.
9 Néhémie, le gouverneur,
Esdras, qui était prêtre et scribe,
et les lévites qui donnaient les explications,
dirent à tout le peuple :
« Ce jour est consacré au SEIGNEUR votre Dieu !
Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas ! » »
Car ils pleuraient tous en entendant les paroles de la Loi.
10 Esdras leur dit encore :
« Allez, mangez des viandes savoureuses,
buvez des boissons aromatisées,
et envoyez une part à celui qui n’a rien de prêt.
Car ce jour est consacré à notre Dieu !
Ne vous affligez pas :
la joie du SEIGNEUR est votre rempart ! »
Nous qui n’aimons pas les liturgies qui durent plus d’une heure, nous serions servis ! Debout depuis le lever du jour jusqu’à midi ! Tous comme un seul homme, hommes, femmes et enfants ! Et tout ce temps à écouter des lectures en hébreu, une langue qu’on ne comprend plus. Heureusement, le lecteur s’interrompt régulièrement pour laisser la place au traducteur qui redonne le texte en araméen, la langue de tout le monde à l’époque, à Jérusalem. Et le peuple n’a même pas l’air de trouver le temps long : au contraire tous ces gens pleurent d’émotion et ils chantent, ils acclament inlassablement « AMEN » en levant les mains. Esdras, le prêtre, et Néhémie, le gouverneur, peuvent être contents : ils ont gagné la partie ! La partie, l’enjeu si l’on veut, c’est de redonner une âme à ce peuple. Car, une fois de plus, il traverse une période difficile. Nous sommes à Jérusalem vers 450 av. J.C. L’Exil à Babylone est fini, le Temple de Jérusalem est enfin reconstruit, (même s’il est moins beau que celui de Salomon), la vie a repris. Vu de loin, on pourrait croire que tout est oublié. Et pourtant, le moral n’y est pas. Ce peuple semble avoir perdu cette espérance qui a toujours été sa caractéristique principale. La vérité, c’est qu’il y a des séquelles des drames du siècle précédent. On ne se remet pas si facilement d’une invasion, du saccage d’une ville… On en garde des cicatrices pendant plusieurs générations. Il y a les cicatrices de l’Exil lui-même et il y a les cicatrices du retour. Car, avec l’Exil à Babylone on avait tout perdu et le retour tant espéré n’a finalement pas été magique, nous l’avons vu souvent. Je n’y reviens pas.
Le miracle, c’est que cette période fut terrible, oui, mais très féconde : car la foi d’Israël a survécu à cette épreuve. Non seulement ce peuple a gardé sa foi intacte pendant l’Exil au milieu de tous les dangers d’idolâtrie, mais il est resté un peuple et sa ferveur a grandi ; et cela grâce aux prêtres et aux prophètes qui ont accompli un travail pastoral inlassable. Ce fut par exemple une période intense de relecture et de méditation des Ecritures. Un de leurs objectifs, bien sûr, pendant les cinquante ans de l’Exil, c’était de tourner tous les espoirs vers le retour au pays.
Du coup, la douche froide du retour n’en a été que plus dure. Car, du rêve à la réalité, il y a quelquefois un fossé… Le grand problème du retour, nous l’avons vu avec les textes d’Isaïe de la Fête de l’Epiphanie et du deuxième dimanche du temps ordinaire, c’est la difficulté de s’entendre : entre ceux qui reviennent au pays, pleins d’idéal et de projets et ceux qui se sont installés entre temps, ce n’est pas un fossé, c’est un abîme. Ce sont des païens, pour une part, qui ont occupé la place et leurs préoccupations sont à cent lieues des multiples exigences de la loi juive.
Depuis le retour, le problème est autre. On sait que ce sont des païens, pour une part, qui se sont installés à Jérusalem pendant la déportation de ses habitants. Et leurs préoccupations sont à cent lieues des multiples exigences de la loi juive.
On se souvient que la reconstruction du Temple s’est heurtée à leur hostilité, et les moins fervents de la communauté juive ont été bien souvent tentés par le relâchement ambiant. Ce qui inquiète les autorités, c’est ce relâchement religieux, justement ; et il ne cesse de s’aggraver à cause de très nombreux mariages entre Juifs et païens ; impossible de préserver la pureté et toutes les exigences de la foi dans ce cas. Alors Esdras, le prêtre, et Néhémie, le laïc, vont unir leurs efforts. Ils obtiennent tous les deux du maître du moment, le roi de Perse, Artaxerxès, une mission pour reconstruire les murailles de la ville et pleins pouvoirs pour reprendre en main ce peuple. Car on est sous domination perse, il ne faut pas l’oublier.
Esdras et Néhémie vont donc tout faire pour redresser la situation : il faut relever ce peuple, lui redonner le moral. Car la communauté juive a d’autant plus besoin d’être soudée qu’elle est désormais quotidiennement en contact avec le paganisme ou l’indifférence religieuse. Or, dans l’histoire d’Israël l’unité du peuple s’est toujours faite au nom de l’Alliance avec Dieu ; les points forts de l’Alliance, ce sont toujours les mêmes : la Terre, la Ville Sainte, le Temple, et la Parole de Dieu. La Terre, nous y sommes ; la ville sainte, Jérusalem, Néhémie le gouverneur va en achever la reconstruction ; le Temple, lui, est déjà reconstruit ; reste la Parole : on va la proclamer au cours d’une gigantesque célébration en plein air.
Tous les éléments sont réunis et on a soigné la mise en scène : c’est très important. La date elle-même a été choisie avec soin : on a repris la coutume des temps anciens, une grande fête à l’occasion de ce qui était alors la date du Nouvel An, « le premier jour du septième mois ». Et on a construit pour l’occasion une tribune en bois qui domine le peuple : c’est de là que le prêtre et les traducteurs font la proclamation. Quant à l’homélie, bien sûr, elle invite à la fête. Mangez, buvez, c’est un grand jour puisque c’est le jour de votre rassemblement autour de la Parole de Dieu. Le temps n’est plus aux larmes, fussent-elles d’émotion.
Retenons la leçon : pour ressouder leur communauté, Esdras et Néhémie ne lui font pas la morale, ils lui proposent une fête autour de la parole de Dieu. Rien de tel pour revivifier le sens de la famille que de lui proposer régulièrement des réjouissances !
HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE ORDINAIRE C
25 janvier, 2013http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE ORDINAIRE C
Ne 8, 1-10 ; Ps 18 ; 1 Co 12, 12-30 ; Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21
Contrairement à ce que nous a expliqué la première lecture, nous ne sommes pas aujourd’hui rassemblés sur la place, devant la Porte des eaux, ni dans la synagogue de Nazareth, mais dans notre église paroissiale. Aucun de ceux et celles qui ont ouvert le Livre et proclamé la Parole ne s’appelle Esdras. Ni Jésus. Et même si vous avez été attentifs à cette Parole, puis au commentaire qui va suivre, il n’est pas dit pour autant que vous allez tous fondre en larmes.
Cependant, il y a entre les diverses époques des éléments communs : un jour particulier, un rassemblement de croyants, le Livre saint, la Bonne Nouvelle proclamée, suivie d’un commentaire… L’assemblée est à l’écoute de la Parole, une Parole sur Dieu, que nous appelons « Parole de Dieu ». Les auditeurs vont pouvoir ainsi prendre conscience de l’écart qui existe entre l’Ecriture et la pratique concrète dans la vie de la communauté, dans celle de chacun, et dans la vie de la société et du monde. C’est pourquoi le livre de Néhémie évoque des cris, des pleurs, pour exprimer à la fois la prise de conscience, l’accablement, mais aussi le repentir des fidèles.
Vous aurez remarqué, dans la première célébration, une véritable vénération de la Parole, exprimée par des signes et des attitudes de respect. Elle est aussi acclamée, suivie d’une action de grâce, puis d’un repas de fête. Il en fut ainsi depuis environ 4 siècles avant Jésus Christ. Et ce déroulement liturgique a été repris par l’Eglise chrétienne, avec quelques nuances, évidemment. Aujourd’hui, et depuis longtemps, de telles célébrations ne durent pas, habituellement, du lever du jour jusqu’à midi.
Mais il y a surtout un élément essentiel, identique, difficile à comprendre, et surtout à accepter : « Cette Parole de l’Ecriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ».
De quoi s’agit-il ? D’une Bonne Nouvelle aux pauvres, l’annonce d’une libération pour les prisonniers et les opprimés. Et même, pour les aveugles, le retour à la lumière. Or, d’une certaine manière, nous sommes tous des pauvres, des prisonniers et des aveugles. Chacun peut être prisonnier, et même esclave, de l’argent, du confort, du mensonge, de la chair, de la haine, du plaisir, de la boisson, de l’appétit de pouvoir, etc. Et donc, être également aveugle ou aveuglé dans ces différents domaines. Nous avons tous besoin d’être libérés de quelque chose. Il faut savoir le reconnaître.
Il y a également les défavorisés économiques ou sociaux. Tous ceux et celles qui, dans un domaine ou l’autre, sont sans appuis, sans repères, sans boussole ni gouvernail. Ou tout simplement à la merci des puissants. La Bonne Nouvelle d’une délivrance peut donc avoir des aspects physiques, politiques, spirituels et matériels. L’être humain est un, et tout se tient.
Faut-il attendre un miracle aujourd’hui plutôt qu’hier ou demain, avant ou après les élections, avant ou après les expéditions dans la Lune ? Non, c’est toujours pour aujourd’hui. C’est aujourd’hui que cette Bonne Nouvelle est annoncée et proposée à notre foi, à notre initiative. Nous bénéficions nous aussi de la puissance de l’Esprit. Nous aussi, nous sommes envoyés pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, aux opprimés, aux enchaînés, aux aveugles. Nous recevons, en effet, mission, pouvoir et moyens, pour participer, modestement peut-être, mais réellement, aux semailles, à l’incarnation de l’Evangile dans l’aujourd’hui de notre temps. Cette actualisation, nous pouvons même la découvrir dans les informations quotidiennes de la planète. Pas seulement parmi les chrétiens, ni uniquement parmi les croyants affichés. Voyez la somme des dévouements parfois héroïques lors des inondations ou des tremblements de terre. Des gestes courageux de pardon et de réconciliation.
Dieu compte sur nous pour faire des miracles. Nous ne pouvons pas donner la foi à qui ne l’a pas. Mais il est en notre pouvoir d’offrir notre propre témoignage. Nous ne pouvons pas arrêter seul toutes les guerres ni toutes les injustices. Par contre, là où nous sommes, nous pouvons toujours être ou ne pas être un artisan de paix, un semeur ou un destructeur d’unité. Il y a tant de choses possibles à notre portée, et que nous ne faisons pas. Que ce soit sur le plan personnel ou familial, professionnel ou ecclésial, politique ou social.
Nous clôturons la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Quel pas allons-nous faire pour améliorer tant soit peu l’unité du corps du Christ qui n’en finit pas d’être déchiré.
L’une de nos tentations habituelles est de renvoyer l’Evangile en arrière, il y a vingt siècles, d’en admirer l’annonce et la fécondité passées, alors qu’il nous appartient de prendre nous-mêmes aujourd’hui les risques de sa proclamation et de son témoignage.
Mais il faut bien reconnaître, comme la suite de l’évangile nous le prouve, que la Parole de Dieu ne cesse d’étonner et de faire peur. A Nazareth, et après son homélie, Jésus s’est fait agresser et même menacer de mort. Il est vrai que la Parole Vivante dérange toujours. Elle secoue. Elle conteste la sécurité des habitudes et des certitudes abusives. Et chacun doit reconnaître qu’il est plus facile de communier paisiblement au corps sacramentel du Christ que de communier vraiment au Christ Parole. Or, ce qui est premier et essentiel dans l’eucharistie, c’est la communion de cœur, d’esprit et de volonté, au Christ, Verbe de Dieu et Pain partagé. C’est elle qui donne en définitive sens et efficacité à la communion sacramentelle, au Pain de Vie, à condition qu’il soit partagé.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008