HOMÉLIE DU 2E DIMANCHE ORDINAIRE, C

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HOMÉLIE DU 2E DIMANCHE ORDINAIRE, C

Is 62, 1-5 ; 1 Co 12, 4-11 ; Jn 2, 1-11

Il y a quelques années, je me souviens avoir été surpris par une phrase d’un petit article paru dans l’une des lettres des Equipes Notre-Dame, en Belgique : « Voyage de noces au travers des Ecritures Saintes ». Ce qui, dans un certain sens, pourrait très bien convenir pour les textes de l’Ecriture présentés dans la liturgie de ce dimanche. Il est question, en effet, d’épousailles et de noces, de fêtes, de cadeau et de bon vin. Il est vrai que dans ce que nous appelons l’ »Histoire du Salut », on découvre un Dieu littéralement passionné pour les êtres humains. Et, comme le rappelle Simon Faivre dans son ouvrage intitulé : « Au fil des dimanches, à l’école des Ecritures » (1), « Dieu cherche inlassablement à rencontrer l’humain, à lui parler, à faire Alliance avec lui. C’est toute la Bible qui est une longue histoire d’Amour, qui prépare le jour des Noces. Des Noces éternelles ».
La première lecture nous a mis de plein pied dans cette symbolique nuptiale. L’amoureux transi, c’est le Seigneur lui-même. Quant à la bien-aimée, objet de ses rêves, c’est la belle Jérusalem, qui symbolise tout le peuple d’Israël. Et au-delà de lui, l’humanité tout entière, celle de tous les temps. Et donc, celle d’aujourd’hui, dont nous sommes.
Dans un premier temps, l’alliance a été conclue, mais le contrat n’a pas été très bien respecté. Les infidélités se sont multipliées et aggravées, jusqu’au divorce. Et cependant, des retrouvailles sont toujours possibles. Le pardon n’est pas une utopie, et la conversion non plus. Car Dieu est toujours follement amoureux de son peuple. Que sa fiancée revienne à lui et il l’épousera. Ce qui vaut pour le peuple d’Israël, pour l’Eglise et pour chacun de nous.
Même symbolique avec la communauté des chrétiens de Corinthe, c’est-à-dire une Eglise en qui le Seigneur met sa préférence, sa fiancée, son épouse ! C’est du moins l’idéal présenté par Paul aux baptisés qui ont fait alliance avec le Christ par la foi. Mais les paroissiens de Paul lui donnent du fil à retordre. L’unité et la communion des membres pour faire corps est déjà menacée. On constate une sorte de concurrence entre les différents charismes, des jalousies et des disputes à propos de certaines manifestations spirituelles et responsabilités confiées aux uns et aux autres.
Que les dons soient très diversifiés, que les fonctions et les services soient variés, c’est normal et même nécessaire. Ceux et celles qui sont doués pour le chant, ne le sont pas nécessairement pour l’enseignement ou la prédication. Et l’inverse est tout aussi vrai. Cependant, à la source, c’est le même Esprit. Tout doit contribuer au bien commun, à l’unité, à l’harmonie, à l’édification du corps, d’une famille. Un seul corps. Or, un corps a de nombreux organes qui ont des fonctions très diverses. Mais toutes sont utiles et nécessaires à l’ensemble. C’est précisément le critère d’authenticité : cela sert-il au bien commun ?
Avec Jean, nous entrons dans l’évangile des signes, où l’enseignement à communiquer est traduit en images et en symboles. Symboles, qui servent de support à une autre réalité qui ne se révèle qu’au regard de la foi Le récit de Cana, raconté 50 ans après la mort et la résurrection de Jésus, n’est donc pas du tout un reportage filmé au cours d’une noce villageoise de l’époque. Mais bien l’occasion d’une catéchèse imagée qui, au-delà de l’anecdote, nous livre une signification cachée, mais fondamentale.
Jésus est venu en quelque sorte inaugurer la religion de l’Esprit. Très vite, il s’est heurté à des chefs religieux et à de nombreux fidèles, prisonniers d’une religion de la lettre. Ce qui n’a pas tout à fait disparu à l’époque de Jean. Il s’agit donc de redresser la barre, corriger des déviations, reconnaître les erreurs et les fautes, pour en revenir à l’authenticité de la source. Autrement dit, retrouver la fidélité à l’esprit d’amour qui est celui de l’Alliance. Celle des noces entre Dieu et son peuple. Pour cela, il ne suffit pas d’obéir littéralement à des lois juridiques, rituelles ou dévotionnelles. Par contre, il s’agit de vivre un amour partagé. C’est pourquoi Dieu, en Jésus, devient même l’un d’entre nous. Il faut donc faire place aux joies de la noce et au vin nouveau de l’Esprit. Ce qui s’exprime, se nourrit, s’entretient par le repas de la Parole et du Pain. C’est-à-dire l’eucharistie.
Au-delà du signe sacramentel, ce renouveau dans l’Esprit vient bouleverser des habitudes et dénoncer des conformismes. Le temps est donc venu d’abandonner les vieilles outres. C’est-à-dire tout ce qui est désormais périmé. Ce qui est symbolisé par les jarres dont le chiffre 6 souligne l’imperfection. Quant à l’eau qu’elles contiennent, c’est un liquide inodore, incolore et sans saveur, qui peut représenter l’eau de nos vies. Mais elle va être transformée en bon vin par la Bonne Nouvelle de l’Evangile. La joie doit donc l’emporter sur les inquiétudes, les peurs et les étroitesses. L’Esprit de Jésus entraîne une transformation profonde de l’ensemble de l’existence humaine. Nous entrons dans le régime du don gratuit. On peut dire également que les jarres vides évoquent les responsables religieux imprévoyants. Par conséquent, le maître du repas peut être l’image d’Israël, celle aussi de notre communauté de foi, ou tout simplement la nôtre, quand nous nous révélons incapables d’accueillir l’Esprit de Jésus et le renouvellement qu’il apporte dans le temps présent.
Marie, elle, avait bien compris. Elle s’en remet au Christ en toute confiance et suggère à tout le monde de lui obéir : « Faites tout ce qu’il vous dira ». Ce qui est d’ailleurs la conclusion de Jean lui-même : « Ses disciples crurent en lui ». Un éloge de la foi.
C’est ainsi que l’eucharistie nous permet, à l’écoute de la Parole, de clarifier et renouveler nos engagements, c’est-à-dire notre alliance de foi, dans un climat de fête. L’eucharistie est comme une célébration des noces entre Jésus et son peuple. Un peuple dont nous sommes.

(1) Ed. Soceval,2000

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

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