Archive pour le 16 janvier, 2013
LA MISÉRICORDE DANS LA BIBLE: L’ANCIEN TESTAMENT – par S. MARIA FAUSTYNA CIBOROWSKA ZMBM
16 janvier, 2013http://www.wacom2011.pl/misericorde_dans_la_bible.htm
LA MISÉRICORDE DANS LA BIBLE: L’ANCIEN TESTAMENT
S. MARIA FAUSTYNA CIBOROWSKA ZMBM
traduction: beata hrehorowicz
Nous ne pouvons découvrir le mystère de la miséricorde divine que grâce au fait que Dieu Lui-même l’a révélé, et qu’il a été noté par les auteurs inspirés dans les saints livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Dans l’histoire du monde et dans la vie des différents personnages bibliques ainsi que dans l’histoire du peuple élu, Dieu a révélé son amour miséricordieux qui non seulement fait sortir l’homme du péché, mais qui pallie également toutes faiblesses et défaillances humaines et gratifie l’homme du bienfait de l’existence. Ainsi la miséricorde se révèle-t-elle dans chaque œuvre de Dieu orientée vers l’extérieur : aussi bien créatrice que salvatrice. Tout ce que Dieu fait pour l’homme est une expression de Son amour miséricordieux.
Afin de décrire la réalité richissime de la miséricorde de Dieu Un et Trine, l’Ancien Testament recourt à un grand nombre de termes dont chacun souligne un aspect de ce grand mystère de notre foi. C’est le mot hébreu hesed qui est employé le plus souvent pour designer la miséricorde (plus de deux cents fois). Il est présent dans le Pentateuque, dans les livres historiques, sapientiaux et particulièrement dans les Psaumes et chez les prophètes, notamment dans le contexte de l’Alliance que Dieu a conclue avec le peuple élu. Ce terme désigne un cœur fidèle qui fait toujours preuve de bonté et de grâce. Hesed souligne les suivantes caractéristiques de la miséricorde de Dieu : la fidélité à Lui-même et la responsabilité en l’amour. Nous rencontrons plus de 30 fois l’expression hesed weemet, soit la grâce et la fidélité, dans les pages de la Bible hébraïque.
Les auteurs inspirés employèrent aussi très souvent le mot rahamim (dérivé de rehem – le sein maternel) qui accentue certains traits propres de l’amour de femme et mère. Il est porteur d’émotions intenses des plus tendres. Il désigne l’engagement total de l’homme dans l’aide témoignée aux autres, allant jusqu’aux larmes de compassion. Il signifie un amour gratuit, non mérité, qui découle en quelque sorte de la « contrainte » du cœur et qui se caractérise par : la bonté, la tendresse, la patience, la compréhension et la disposition à pardonner. Cette idée est exprimée le plus profondément par les paroles du livre d’Osée 11, 8 qui sont un aveu d’amour de Dieu à l’égard de l’infidèle Éphraïm.
Le mystère de la miséricorde divine est aussi exprimé par d’autres mots : hanan qui définit la constance, la bienveillance, la clémence et la générosité. Le mot hamal (littéralement : faire grâce à l’ennemi vaincu) exprime ce trait de la miséricorde qui correspond à la pitié, la compassion, le pardon et la rémission des fautes. Le mot hus qui exprime la pitié et la compassion comme sentiments, a donc une acception ressemblante. Nous rencontrons parfois le mot hen qui veut dire la bonté et une attitude bienveillante à l’égard des autres, en particulier envers ceux de nos frères dont la situation est devenue difficile.
Qui pourra mesurer la puissance de sa majesté et qui pourra détailler ses miséricordes ? (Si 18, 5). Grand jusqu’aux cieux ton amour, jusqu’aux nues, ta vérité (Ps 57, 11). Ces mots, puisés dans les pages de la Saint Écriture témoignent que le peuple élu fit l’expérience de Dieu essentiellement de par Sa miséricorde. Mais la bonté de Dieu qu’est-elle? De quelle manière Dieu révèle-t-Il Son amour miséricordieux?
La miséricorde signifie dans le langage biblique tout geste d’amour de Dieu à l’égard de la créature. La bonté de Dieu ne se limite pas seulement aux actes de pardonner à l’homme, bien que ces derniers en révèlent la profondeur le plus nettement. Mais l’œuvre de création est déjà un acte de miséricorde en elle-même. Le Psalmiste en parle clairement lorsqu’il loue Dieu pour Son hesed, soit la bonté, le désir de communiquer Son amour, Sa grâce (cf. Ps 136). Comme le dit l’Auteur de ce psaume : car éternel est son hesed – c’est la miséricorde de Dieu qui est la cause notamment de l’existence du soleil, de la lune, des étoiles (cf. Ps 136, 5-9). Le psaume 145, 9 signale qu’il est bon, Yahvé, envers tous, et ses tendresses pour toutes ses œuvres. Dieu aime les êtres qu’Il a créés et Il prend pitié de tous (gr. eleeo), ce dont parle le Livre de la Sagesse (cf. Sg 11, 23-24). C’est à la faveur de cet amour gracieux que le monde est né et continue d’exister. La Bible Hébraïque montre que la miséricorde de Dieu est toujours actuelle. L’on peut dire que l’amour miséricordieux de Dieu est l’oxygène qui maintient la vie du monde et de l’homme.
La miséricorde Yahvé s’avère être un attribut qui distingue le Dieu des Israélites des dieux des peuples païens (cf. Mi 7, 18). Le livre de Michée enseigne que Dieu prend plaisir à la miséricorde (Mi 7, 18). Elle est de toujours, comme le dit le Psalmiste (25, 6). Son immensité est telle que voulant en exprimer la grandeur, l’homme rencontre des difficultés de langage. C’est pourquoi c’est à maintes reprises que les Auteurs des livres de l’Ancien Testament emploient – pour définir la bonté de Dieu – des mots qui expriment la grandeur de cet attribut (p. ex. Ne 13, 22 ; Tb 8, 16 ; Ps 69, 17 ; Is 63, 7). Ils apposent souvent des termes qui désignent la miséricorde, par exemple dans l’Exode 34, 6-7, nous trouvons cette formule de la miséricorde : Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et fidélité ; qui garde sa grâce à des milliers… Six autres textes emploient aussi des constructions similaires : Ne 9, 17 ; Ps 86, 15 ; 103, 8 ; 145, 8 ; Jl 2, 13 ; Jon 4, 2. L’Auteur du livre de la Sagesse appellera Dieu directement Seigneur de miséricorde (9, 1).
Mais d’où vient, chez le peuple élu, cette contemplation et cet enchantement de la miséricorde divine ? D’où vient cette multitude de termes pour définir la bonté de Dieu ? Or, déjà le fait que Dieu ait été motivé pour choisir un peuple et en faire Sa propriété exclusive est imprégné de Son amour. Nous lisons dans le Deutéronome 7,7 et suiv. qu’en choisissant son peuple, le Seigneur n’était mu par aucun autre motif, mais Il l’a fait par amour (cf. Dt 7, 8) et pour garder le serment juré à Abraham (cf. Dt 7, 8). Il est révélateur que c’est dans un contexte motivant le choix des descendants d’Abraham pour en faire le peuple élu que nous sommes instruits que Dieu est fidèle, qu’Il garde Son alliance et Son amour pour mille générations. Par conséquent, la fidélité de Dieu à la parole donnée constituait pour le peuple élu le sens fondamental de la miséricorde. C’est donc du hesed – amour fidèle – que le peuple élu tire ses racines. Ainsi la miséricorde a-t-elle été révélée avant tout dans le dialogue de Dieu avec l’homme et dans l’alliance conclue avec Lui. Le peuple élu se rendait compte que la bonté de Dieu était la condition de son existence et que c’est d’abord l’amour miséricordieux de Dieu (hébr. rahamim), soit le désir que Dieu a de l’homme, qui est la source de toute vie conçue, l’avenir du peuple (cf. 13, 18).
L’œuvre de la libération du peuple de la captivité d’Égypte découle aussi du hesed. Même si le terme miséricorde n’apparaît pas directement dans la description de cet événement, l’exode est néanmoins présenté comme un acte de miséricorde divine. Dieu qui voit, en effet, la misère du peuple, ses larmes et ses souffrances, est descendu pour le délivrer (cf. Ex 3, 7 et suiv.). L’Auteur du Psaume 136 loue Dieu en poésie pour Sa miséricorde (hesed) révélée par le miracle de la délivrance du peuple élu du joug de Pharaon (versets 10-24). La miséricorde divine s’avère être une force libératrice, une puissance prenant la défense des opprimés injustement. Toutes les œuvres accomplies par Dieu avant et pendant le voyage vers la Terre Promise ont leur source en la bonté fidèle de Dieu. D’ailleurs le Psaume 136 est un immense Te Deum à l’éloge à la miséricorde divine que le peuple a pu connaître grâce à l’œuvre de la libération de la captivité égyptienne. L’Auteur du livre de Néhémie 9, 19 souligne à son tour la tendre présence de Dieu qui n’abandonne pas le peuple pendant son cheminement à travers le désert de jour et de nuit. Le don de la nourriture, de l’eau, enfin la promesse accomplie du don de la terre sont issus de la grâce divine. La gratitude pour cet événement, abondant en bonté divine, résonne notamment dans les paroles suivantes de la Haggadah (récit de la sortie des Juifs de la captivité égyptienne, lu durant le Seder pendant la fête de Pessah) : Aussi, combien plus devons-nous être reconnaissants envers l’Omniprésent pour la bonté doublée et redoublée qu’Il a placée sur nous.
Mais la miséricorde divine a révélé sa beauté la plus éblouissante en confrontation avec la réalité de l’infidélité humaine. Le peuple élu a commis maintes infidélités envers Dieu dès la traversée du désert, par exemple en fabriquant un dieu : le veau d’or (Ex 32, 4) ou en manquant de foi en la providence divine. Le péché équivalait à la rupture des conditions de l’Alliance. Partant, Dieu n’était plus obligé de témoigner la miséricorde ni de bénir son peuple. Le voyant transgresser Ses commandements, Dieu avait le droit d’anéantir le peuple qu’Il avait choisi. Cependant, Il se montre surtout fidèle à Lui-même, à Son amour de l’homme, dans le bien et dans le mal, plus fort que la trahison. Le livre de Néhémie 9, 17-19 résume cette réalité quand il constate que le peuple refusait d’obéir, commettait des blasphèmes, oubliait les interventions miraculeuses de Dieu. Malgré tout cela, Il leur a pardonné en Son immense miséricorde.
À la lumière de ces considérations, la question se pose de savoir quel est le sens du châtiment. D’une façon générale, y a-t-il de la place pour la punition au sein de la miséricorde divine ? Il s’avère que la sollicitude de Dieu à l’égard de l’homme se manifeste notamment par le châtiment. Nous lisons dans le livre du Siracide 16, 11 que pitié et colère appartiennent au Seigneur puissant dans le pardon, répandant la colère. Le passage de l’Exode 34, 7 fait une comparaison entre l’importance de la punition et celle de la miséricorde. Le pardon de Dieu ne connaît pas de limites (« à des milliers »), le châtiment ne dure pas longtemps. Yahvé est lent à la colère et peu empressé à châtier l’homme. Le livre d’Osée 11, 8 et suiv. montre d’une façon imagée que l’idée de punir l’homme Lui fait frémir les entrailles, son cœur est bouleversé. Il le fait pourtant par miséricorde, afin d’amener l’homme à la conversion, car Il désire son bonheur. Ainsi Dieu vient-Il au secours de l’homme dès qu’Il a vu chez lui l’amélioration et la contrition. Il est donc significatif que les termes de miséricorde et de salut apparaissent à maintes reprises l’un à côté de l’autre dans les pages de l’Ancien Testament (p. ex. Ps 6, 5 ; 17, 7 ; Si 2, 11 ; Ba 4, 22).
La miséricorde ne s’étend pourtant pas qu’au peuple élu. L’Auteur du livre du Siracide 18, 13 dira : La pitié du Seigneur est pour toute chair. L’universalisme de la miséricorde est notamment dépeint le mieux dans le livre de Jonas. À voir l’immensité du péché des habitants de Ninive, Dieu leur envoie le prophète dont la mission vise à leur conversion. Jonas souhaite pourtant une punition sévère pour les ennemis cruels d’Israël. Il décide de se soustraire à l’ordre de Yahvé parce qu’il sait qu’Il est un Dieu de pitié et de tendresse, lent à la colère, riche en grâce et te repentant du mal (Jon 4, 2), ainsi peut-Il accorder le pardon à Ninive. C’est ce qui advient. Dans le contexte de ce récit, nous découvrons la condition du pardon de Dieu. C’est le regret pour les péchés. Mais le regret n’est pas seulement un sentiment, il s’agit de se détourner catégoriquement du mal et de se repentir, comme les habitants de Ninive l’ont fait. Les livres de l’Ancien Testament présentent fréquemment la nécessité de se corriger et d’avouer sa faiblesse comme conditions de rémission des péchés par Dieu (cf. 2 Ch 30, 9 ; Ps 79, 8). Le Psaume 51 est peut-être le plus beau texte biblique qui dépeigne la relation : le regret du pécheur – le pardon de Dieu. Déjà les premières paroles de la prière implorent par trois fois la miséricorde divine : Pitié pour moi, Dieu, en ta bonté, en ta grande tendresse efface mon péché (vers 3), car mon péché, moi, je le connais… (vers 5a). L’auteur du livre du Siracide exprimera cette vérité par l’étonnement : Qu’elle est grande la miséricorde du Seigneur, son indulgence pour ceux qui se tournent vers lui ! (17, 29).
Ce sont les livres prophétiques qui chantent particulièrement le don de l’amour, plus fort que le péché humain, de Dieu capable de pardonner à maintes reprises. Parmi ces textes, il faut évoquer cette citation majeure du livre d’Isaïe 54, 10 : Car les montagnes peuvent s’écarter et les collines chanceler, mon amour Ne s’écartera pas de toi, mon alliance de paix ne chancellera pas, dit Yahvé qui te console. Ces mots du livre de Jérémie 31, 3 : D’un amour éternel je t’ai aimée, aussi t’ai-je maintenu ma faveur sont un aveu spécifique d’amour divin abondant en pardon. Dieu ne se contente pourtant pas de produire les preuves de sa bonté, Il désire la miséricorde de l’homme ! Il lui demande d’être fidèle, ce que nous pouvons lire dans le livre d’Osée : C’est l’amour (hesed) qui me plaît et non les sacrifices (6, 6).
Les prophètes dévoilent en quelque sorte le cœur de Dieu et montrent nettement Son amour ardent qui fait tout pour que Son Élue soit heureuse. L’Ancien Testament présente souvent l’expérience de la miséricorde divine comme une source de joie (Ps 13, 6; Ba 4, 22) et de gratitude. Le Psaume 107, qui chante la bonté de Dieu pour avoir délivré le peuple de la captivité et des malheurs, en est un exemple éloquent. Ce psaume répète jusqu’à quatre fois un refrain qui appelle à la gratitude pour la miséricorde de Yahvé (vers 8. 15. 21. 31), puisque à chaque cri de détresse adressé à Dieu, les Israélites ont été écoutés (vers 6. 13. 19. 28).
Ainsi les livres de l’Ancien Testament montrent-ils la miséricorde divine dans l’œuvre de la création, mais tout particulièrement dans le contexte des péchés et des infidélités qui ont été pardonnés à l’homme. L’expérience du pardon devient une source de joie et confère un sens à la vie. Il existe une seule condition de l’obtenir : la volonté authentique de revenir à Dieu. Toute créature est maintenue en son existence par l’amour de Dieu qui se penche sur ce qui est petit, faible et ce qui a besoin d’être soutenu. Le fait même que les textes vétérotestamentaires relatifs à la bonté divine soient innombrables, prouve qu’elle accompagne l’homme constamment et témoigne de la nature illimitée et de la puissance infinie de cet attribut [...] le plus grand en Dieu, comme l’a dit sainte Sœur Faustine.
LES 4 PRINCIPES DE LA LIBERTÉ DE L’EGLISE
16 janvier, 2013http://www.zenit.org/article-33130?l=french
LES 4 PRINCIPES DE LA LIBERTÉ DE L’EGLISE
Note du Saint-Siège sur l’autonomie institutionnelle de l’Eglise
ROME, Wednesday 16 January 2013 (Zenit.org).
La doctrine de l’Eglise catholique relative aux aspects de la liberté religieuse affectés par les deux affaires susmentionnées peut être présentée, en synthèse, comme fondée sur les quatre principes suivants : la distinction entre l’Eglise et la communauté politique, la liberté à l’égard de l’Etat, la liberté au sein de l’Eglise, le respect de l’ordre public juste.
C’est ce qu’explique une note de la Représentation permanente du Saint-Siège auprès du Conseil de l’Europe, publiée ce 16 janvier 2013, dans le cadre de deux affaires portées devant la Cour européenne des droits de l’homme (cf. Zenit du 16 mai 2012).
Note sur la liberté et l’autonomie institutionnelle de l’Eglise catholique
à l’occasion de l’examen des affaires
Sindicatul ‘Pastorul cel Bun’ contre la Roumanie (n° 2330/09)
et Fernandez-Martinez contre l’Espagne (n° 56030/07)
par la Cour européenne des droits de l’homme.
La doctrine de l’Eglise catholique relative aux aspects de la liberté religieuse affectés par les deux affaires susmentionnées peut être présentée, en synthèse, comme fondée sur les quatre principes suivants : 1) la distinction entre l’Eglise et la communauté politique, 2) la liberté à l’égard de l’Etat, 3) la liberté au sein de l’Eglise, 4) le respect de l’ordre public juste.
1. La distinction entre l’Eglise et la communauté politique
L’Eglise reconnait la distinction entre l’Eglise et la communauté politique qui ont, l’une et l’autre, des finalités distinctes ; l’Eglise ne se confond d’aucune manière avec la communauté politique et n’est liée à aucun système politique. La communauté politique doit veiller au bien commun et faire en sorte que, sur cette terre, les citoyens puissent mener une « vie calme et paisible ». L’Eglise reconnaît que c’est dans la communauté politique que l’on trouve la réalisation la plus complète du bien commun (cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 1910), entendu comme « l’ensemble des conditions sociales qui permettent tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (ibid., n. 1906). Il revient à l’Etat de le défendre et d’assurer la cohésion, l’unité et l’organisation de la société de sorte que le bien commun soit réalisé avec la contribution de tous les citoyens, et rende accessibles à chacun les biens nécessaires – matériels, culturels, moraux et spirituels – à une existence vraiment humaine. Quant à l’Eglise, elle a été fondée pour conduire ses fidèles, par sa doctrine, ses sacrements, sa prière et ses lois, à leur fin éternelle.
Cette distinction repose sur les paroles du Christ : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21). Sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l’Église sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes. S’agissant des domaines dont la finalité est à la fois spirituelle et temporelle, comme le mariage ou l’éducation des enfants, l’Eglise considère que le pouvoir civil doit exercer son autorité en veillant à ne pas nuire au bien spirituel des fidèles. L’Église et la communauté politique ne peuvent pas cependant s’ignorer l’une l’autre ; à des titres divers, elles sont au service des mêmes hommes. Elles exercent d’autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu’elles rechercheront davantage entre elles une saine coopération, selon l’expression du Concile Vatican II (cf. Gaudium et spes, n. 76).
La distinction entre l’Eglise et la communauté politique est assurée par le respect de leur autonomie réciproque, laquelle conditionne leur liberté mutuelle. Les limites de cette liberté sont, pour l’Etat, de s’abstenir de prendre des mesures susceptibles de nuire au salut éternel des fidèles, et, pour l’Eglise, de respecter l’ordre public.
2. La liberté à l’égard de l’Etat
L’Eglise ne revendique pas de privilège, mais le plein respect et la protection de sa liberté d’accomplir sa mission au sein d’une société pluraliste. Cette mission et cette liberté, l’Eglise les a reçues ensemble de Jésus-Christ et non pas de l’Etat. Le pouvoir civil doit ainsi respecter et protéger la liberté et l’autonomie de l’Eglise et ne l’empêcher en aucune manière de s’acquitter intégralement de sa mission qui consiste à conduire ses fidèles, par sa doctrine, ses sacrements, sa prière et ses lois, à leur fin éternelle.
La liberté de l’Eglise doit être reconnue par le pouvoir civil en tout ce qui concerne sa mission, tant s’agissant de l’organisation institutionnelle de l’Eglise (choix et formation des collaborateurs et des clercs, élection des évêques, communication interne entre le Saint-Siège, les évêques et les fidèles, fondation et gouvernement d’instituts de vie religieuse, publication et diffusion d’écrits, possession et administration de biens temporels …), que de l’accomplissement de sa mission auprès des fidèles (notamment par l’exercice de son magistère, la célébration du culte, l’administration des sacrements et le soin pastoral).
La religion catholique existe dans et par l’Eglise qui est le corps mystique du Christ. Dans la considération de la liberté de l’Eglise, une attention première doit donc être accordée à sa dimension collective : l’Eglise est autonome dans son fonctionnement institutionnel, son ordre juridique et son administration interne. Les impératifs de l’ordre public juste restant saufs, cette autonomie doit être respectée par les autorités civiles ; c’est une condition de la liberté religieuse et de la distinction entre l’Eglise et l’Etat. Les autorités civiles ne peuvent pas, sans commettre d’abus de pouvoir, interférer dans ce domaine religieux, par exemple en prétendant réformer une décision de l’Evêque relative à une nomination à une fonction.
3. La liberté au sein de l’Eglise
L’Eglise n’ignore pas que certaines religions et idéologies peuvent opprimer la liberté de leurs fidèles ; quant à elle cependant, l’Eglise reconnaît la valeur fondamentale de la liberté humaine. L’Eglise voit en toute personne une créature douée d’intelligence et de volonté libre. L’Eglise se conçoit comme un espace de liberté et elle prescrit des normes destinées à garantir le respect de cette liberté. Ainsi, tous les actes religieux, pour être valides, exigent la liberté de leur auteur. Pris dans leur ensemble et au-delà de leur signification propre, ces actes accomplis librement visent à faire accéder à la « liberté des enfants de Dieu ». Les relations mutuelles au sein de l’Eglise (par exemple le mariage et les vœux religieux prononcés devant Dieu) sont gouvernées par cette liberté.
Cette liberté est en dépendance à l’égard de la vérité (« la vérité vous rendra libre », Jn 8,32) : il en résulte qu’elle ne peut pas être invoquée pour justifier une atteinte à la vérité. Ainsi, un fidèle laïc ou religieux ne peut pas, à l’égard de l’Eglise, invoquer sa liberté pour contester la foi (par exemple en prenant des positions publiques contre le Magistère) ou pour porter atteinte à l’Eglise (par exemple en créant un syndicat civil de prêtres contre la volonté de l’Eglise). Il est vrai que toute personne dispose de la faculté de contester le Magistère ou les prescriptions et les normes de l’Eglise. En cas de désaccord, toute personne peut exercer les recours prévus par le droit canonique et même rompre ses relations avec l’Eglise. Les relations au sein de l’Eglise étant toutefois de nature essentiellement spirituelle, il n’appartient pas à l’Etat d’entrer dans cette sphère et de trancher de telles controverses.
4. Le respect de l’ordre public juste
L’Eglise ne demande pas que les communautés religieuses soient des zones de « non-droit » dans lesquelles les lois de l’Etat cesseraient de s’appliquer. L’Eglise reconnaît la compétence légitime des autorités et juridictions civiles pour assurer le maintien de l’ordre public ; cet ordre public devant respecter la justice. Ainsi, l’Etat doit assurer le respect par les communautés religieuses de la morale et de l’ordre public juste. Il veille en particulier à ce que les personnes ne soient pas soumises à des traitements inhumains ou dégradants, ainsi qu’au respect de leur intégrité physique et morale, y compris à leur capacité de quitter librement leur communauté religieuse. C’est là la limite de l’autonomie des diverses communautés religieuses, permettant de garantir la liberté religieuse tant individuelle que collective et institutionnelle, dans le respect du bien commun et de la cohésion des sociétés pluralistes. En dehors de ces cas, il appartient aux autorités civiles de respecter l’autonomie des communautés religieuses, en vertu de laquelle celles-ci doivent être libres de fonctionner et de s’organiser selon leurs propres règles.
A cet égard, il doit être rappelé que la foi catholique est totalement respectueuse de la raison. Les chrétiens reconnaissent la distinction entre la raison et la religion, entre les ordres naturel et surnaturel, et ils estiment que « la grâce ne détruit pas la nature », c’est-à-dire que la foi et les autres dons de Dieu ne rendent pas inutiles ni ignorent la nature humaine et l’usage de la raison humaine, mais au contraire encouragent cet usage. Le christianisme, à la différence d’autres religions, ne comporte pas de prescriptions religieuses formelles (alimentaires, vestimentaires, mutilations, etc.) susceptibles le cas échéant de heurter la morale naturelle et d’entrer en conflit avec le droit d’un État religieusement neutre. D’ailleurs, le Christ a enseigné à dépasser de telles prescriptions religieuses purement formelles et les a remplacées par la loi vivante de la charité, une loi qui, dans l’ordre naturel, reconnaît à la conscience le soin de distinguer le bien du mal. Ainsi, l’Eglise catholique ne saurait imposer aucune prescription contraire aux justes exigences de l’ordre public.