Archive pour décembre, 2012
Dimanche 23 décembre: commentaires de Marie Noëlle Thabut – premiere et deuxieme lectures
21 décembre, 2012http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
Dimanche 23 décembre: commentaires de Marie Noëlle Thabut
PREMIERE ET DEUXIEME LECTURES
PREMIERE LECTURE – Michée 5, 1-4
Parole du Seigneur.
1 Toi, Bethléem Ephrata,
le plus petit des clans de Juda,
c’est de toi que je ferai sortir
celui qui doit gouverner Israël.
Ses origines remontent aux temps anciens,
à l’aube des siècles.
2 Après un temps de délaissement,
viendra un jour où enfantera
celle qui doit enfanter,
et ceux de ses frères qui resteront
rejoindront les enfants d’Israël.
3 Il se dressera et il sera leur berger
par la puissance du SEIGNEUR,
par la majesté du nom du SEIGNEUR son Dieu.
Ils vivront en sécurité, car désormais sa puissance s’étendra
jusqu’aux extrémités de la terre,
4 et lui-même, il sera la paix !
Nous avons vu déjà souvent que les prophètes emploient deux types de langage : premier langage, les avertissements pour ceux qui se laissent aller, qui oublient l’Alliance avec Dieu et ses exigences : le prophète est là pour les avertir qu’ils sont en train de fabriquer eux-mêmes leur propre malheur… deuxième langage, les encouragements pour ceux qui essaient de rester fidèles mais qui risquent bien de se décourager à la longue. Et c’est aussi difficile d’écouter les encouragements quand on n’en peut plus que d’accepter les reproches quand ils sont mérités. Le texte que nous avons sous les yeux est bien évidemment de la deuxième veine, celle des encouragements. Où trouve-t-on la preuve qu’on est en période difficile et qu’on est bien près de se décourager ? Quand le prophète écrit « Après un temps de délaissement », il est évident qu’il fait allusion à la période qu’on est en train de vivre ; très certainement le peuple se sent délaissé par Dieu. Et il en vient à dire : toutes les belles promesses qu’on nous a répétées depuis des siècles, ce n’étaient que de belles paroles. Le roi idéal qu’on nous a promis, il n’est pas encore né ! Il ne verra jamais le jour.
De quelle période historique s’agit-il ? On ne le sait pas trop : le prophète Michée a vécu au huitième siècle dans la région de Jérusalem, à l’époque où l’empire assyrien était très inquiétant ; et les rois de l’époque ne ressemblaient guère au portrait idéal du roi-Messie qu’on attendait ; on pouvait bien se croire délaissés ; ce texte pourrait donc être de Michée. Mais, pour des quantités de raisons, de langue, de style, de vocabulaire, beaucoup pensent que ce texte, dans sa forme actuelle, est très tardif et qu’il aurait été inséré a posteriori dans le livre de Michée.1 A ce moment-là, les raisons du découragement seraient dans la disparition de la royauté ; depuis l’exil à Babylone, le trône de Jérusalem n’existe plus, David n’a plus de descendant ; on vit presque sans discontinuer sous domination étrangère. C’est bien à ce moment-là, justement, qu’on a éprouvé le plus urgent besoin de se rappeler les promesses concernant le Messie.
Notre prophète (que ce soit Michée ou un autre ne change pas le sens) répond : vous vous croyez délaissés, mais pourtant, soyez bien certains que le projet de Dieu se réalisera. Le Messie naîtra : « Après un temps de délaissement, viendra un jour où enfantera celle qui doit enfanter ». En français, cette phrase pourrait sembler du fatalisme ; mais c’est tout le contraire : « viendra un jour où enfantera celle qui doit enfanter », cela signifie que cela doit arriver, non pas par nécessité, mais c’est une certitude. Simplement parce que Dieu l’a promis. « Celle qui doit enfanter », cela veut dire : celle qui est prévue pour cela dans le plan de Dieu. Et alors, il faut comprendre que le temps de délaissement apparent qu’on est en train de vivre n’est qu’un moment dans le déroulement de l’histoire humaine.
Pourquoi cette insistance sur Bethléem ? « Toi, Bethléem Ephrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que je ferai sortir celui qui doit gouverner Israël. » Il y a deux raisons : premièrement, on sait que le Messie doit être de la descendance de David ; or c’est à Bethléem que le prophète Samuel était venu, sur ordre de Dieu, choisir un roi parmi les huit fils de Jessé… Donc, pour des oreilles habituées, le seul nom de Bethléem évoquait la promesse du Messie.
Deuxièmement, le contraste est voulu entre la grande et orgueilleuse Jérusalem et l’humble bourgade de Bethléem : « le plus petit des clans de Juda ». Un prophète ne peut pas manquer d’épingler cela ! C’est dans la petitesse, la faiblesse que la puissance de Dieu se manifeste. Selon sa méthode habituelle, Dieu choisit les petits pour faire de grandes choses. Et ce n’est certainement pas par hasard que le prophète accole le nom Ephrata à celui de Bethléem : car Ephrata signifie « féconde » ; ce nom était en fait le nom d’un clan seulement parmi tous ceux qui étaient installés dans la région de Bethléem ; mais, désormais, c’est Bethléem tout entière qui sera appelée « féconde ».
Cette prophétie de Michée sur la naissance du Messie à Bethléem était certainement bien connue du peuple juif. La preuve en est que, dans l’épisode des rois Mages (Mt 2, 6), Matthieu nous rapporte que les scribes ont cité au roi Hérode la phrase de Michée pour guider la route des Mages vers Bethléem. Mais qui s’est souvenu ensuite que Jésus était bien né à Bethléem ? Pour beaucoup des contemporains de Jésus, il était le Nazaréen ; pour ceux-là, il était impensable que ce Galiléen soit le Messie. On en a la preuve dans l’évangile de Jean par exemple : quand on a commencé à se poser sérieusement des questions au sujet de Jésus, quand certains ont commencé à dire « il est peut-être le Christ ? », on répondait : « Mais voyons… le Christ ne peut pas venir de Galilée, Michée l’a bien dit… » ; voici ce passage : « Parmi les gens de la foule qui avaient écouté les paroles de Jésus, les uns disaient : Vraiment, voici le Prophète ! D’autres disaient : le Christ, c’est lui. Mais d’autres encore disaient : le Christ pourrait-il venir de Galilée ? L’Ecriture ne dit-elle pas qu’il sera de la lignée de David et qu’il viendra de Bethléem, la petite cité dont David était originaire ? C’est ainsi que la foule se divisa à son sujet. » (Jn 7, 40 – 43).
Revenons aux paroles de Michée ; il reprend les termes de la fameuse promesse, toujours la même, répétée au long des siècles depuis David : un roi naîtra dans la descendance de David ; tel un berger, il fera régner la justice et la paix. Et pas seulement sur Jérusalem : le prophète insiste comme à plaisir sur l’extension de la paix promise : c’est l’humanité tout entière qui est concernée dans l’espace et dans le temps : dans l’espace « Ils vivront en sécurité, car désormais sa puissance s’étendra jusqu’aux extrémités de la terre »… dans le temps puisque « ses origines remontent aux temps anciens, à l’aube des siècles ». Le dessein bienveillant de Dieu est vraiment pour tous les hommes de tous les temps !
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Note
1 – La note d’universalisme très marquée au verset 3 s’explique mieux si cette prédication (insérée dans le livre de Michée) n’est pas du prophète Michée lui-même (au huitième siècle av.J.C.), mais d’un disciple postérieur : car l’universalisme du projet de Dieu (tout comme le monothéisme strict dont il est le corollaire) n’a été compris que pendant l’Exil à Babylone probablement.
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DEUXIEME LECTURE – Hébreux 10, 5-10
Frères,
5 en entrant dans le monde,
le Christ dit, d’après le Psaume :
Tu n’as pas voulu de sacrifices ni d’offrandes,
mais tu m’as fait un corps.
6 Tu n’as pas accepté les holocaustes
ni les expiations pour le péché ;
7 alors je t’ai dit :
Me voici, mon Dieu,
je suis venu pour faire ta volonté,
car c’est bien de moi que parle l’Ecriture.
8 Le Christ commence donc par dire :
Tu n’as pas voulu ni accepté
les sacrifices et les offrandes,
les holocaustes et les expiations pour le péché
que la Loi prescrit d’offrir.
9 Puis il déclare :
Me voici, je suis venu pour faire ta volonté.
Ainsi, il supprime l’ancien culte pour établir le nouveau.
10 Et c’est par cette volonté de Dieu que nous sommes sanctifiés,
grâce à l’offrande que Jésus a faite de son corps,
une fois pour toutes.
Par deux fois, dans ces quelques lignes, nous avons entendu la même phrase : « Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté » ; elle est extraite du psaume 39/40. Quelques mots, d’abord, sur ce psaume : c’est un psaume d’action de grâces ; il commence par décrire le danger mortel auquel le peuple d’Israël a échappé : « D’un grand espoir j’espérais le SEIGNEUR : il s’est penché vers moi pour entendre mon cri. Il m’a tiré de l’horreur du gouffre, de la vase et de la boue ; il m’a fait reprendre pied sur le roc, il a raffermi mes pas. » Ce dont il est question ici, c’est la sortie d’Egypte ! Et c’est pour cette libération qu’on rend grâce. Le psaume continue : « Dans ma bouche, il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu. » Et un peu plus loin : « Tu n’as pas voulu de sacrifices ni d’offrandes, mais tu m’as fait un corps. Tu n’as pas accepté les holocaustes ni les expiations pour le péché ; alors je t’ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté ». Traduisez : la meilleure manière de rendre grâce à Dieu, ce n’est pas de lui offrir des sacrifices, c’est de nous rendre disponibles pour faire sa volonté.
Car, en définitive, ce « me voici », c’est la seule réponse que Dieu attend du coeur de l’homme ; c’est le fameux « me voici » des grands serviteurs de Dieu ; c’est celui d’Abraham, pour commencer, au moment du sacrifice d’Isaac ; entendant la voix de Dieu qui l’appelait, il a répondu simplement « me voici » ; et cette disponibilité du patriarche a toujours été donnée en exemple aux fils d’Israël : l’épisode que nous appelons le « sacrifice d’Isaac » (Gn 22) est considéré comme un modèle alors qu’on sait bien qu’Isaac n’a pas été immolé ; preuve qu’on a compris depuis longtemps que la disponibilité vaut mieux que tous les sacrifices.
Un autre célèbre « me voici », ce fut celui de Moïse au buisson ardent ; et cette disponibilité a suffi à Dieu pour faire de ce berger qui se disait bègue le grand chef de peuple qu’il est devenu.
Quelques siècles plus tard, au temps des Juges, un autre « Me voici » fut celui du petit Samuel, celui qui devait devenir un grand prophète du peuple d’Israël. Rappelez-vous le récit de sa vocation : il avait été consacré par ses parents au service de Dieu dans le sanctuaire de Silo auprès du prêtre Eli, et il habitait avec le vieux prêtre. Une nuit, il avait entendu à plusieurs reprises une voix qui l’appelait ; ce ne pouvait être que le prêtre, bien sûr ; et par trois fois, l’enfant s’était levé précipitamment pour répondre au prêtre « tu m’as appelé, me voici ». Et celui-ci, chaque fois, répondait « mais non, je ne t’ai pas appelé ». A la troisième fois, le prêtre avait compris que l’enfant ne rêvait pas et lui avait donné ce conseil : « la prochaine fois que la voix t’appellera, tu répondras : Parle SEIGNEUR, ton serviteur écoute. » (1 S 3, 1-9). Et Samuel est resté dans la mémoire d’Israël comme un modèle de disponibilité à la volonté de Dieu. C’est lui qui, quelques années après cette nuit mémorable, devenu adulte, a osé dire au premier roi d’Israël (Saül) cette phrase superbe : « Le SEIGNEUR aime-t-il les holocaustes et les sacrifices autant que l’obéissance à la parole du Seigneur ? Non ! L’obéissance est préférable au sacrifice, la docilité à la graisse des béliers. » (1 S 15, 22). L’idéal de Samuel c’était tout simplement d’être un humble serviteur de Dieu, ce qu’il fut pendant de nombreuses années.
Et vous savez bien que le titre de « serviteur » de Dieu est le plus beau compliment que l’on puisse faire à un croyant dans la Bible. Au point que, dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, dans les pays de langue grecque, on aimait donner à son enfant le prénom de « Christodule » (christodoulos) qui veut dire « serviteur du Christ » ! (Il y a un monastère de saint Christodule à Patmos, par exemple).
Cette insistance sur la disponibilité nous donne une double leçon à la fois très encourageante et terriblement exigeante : si Dieu ne sollicite que notre disponibilité, cela signifie que chacun, chacune de nous, tels que nous sommes, peut être utile pour le Royaume de Dieu ; voilà qui est encourageant et merveilleux. Mais, deuxième conséquence, cela veut dire également que, lorsqu’un engagement de service nous est demandé, nous ne pourrons plus jamais nous abriter derrière nos arguments habituels : notre ignorance, notre incompétence ou notre indignité !
L’auteur de la Lettre aux Hébreux reprend donc le texte du psaume 39/40 et il sait bien qu’il parle au nom du peuple tout entier ; mais il l’applique à Jésus-Christ, car personne mieux que lui ne peut dire en toute vérité : « Tu n’as pas voulu de sacrifices ni d’offrandes, mais tu m’as fait un corps. Tu n’as pas accepté les holocaustes ni les expiations pour le péché ; alors je t’ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté, car c’est bien de moi que parle l’Ecriture. » Notons bien que la disponibilité du Christ à la volonté du Père ne commence pas au soir du Jeudi-Saint. Ce n’est donc pas seulement la mort du Christ qui est la matière de son offrande, mais sa vie tout entière, l’amour donné à tous au jour le jour, depuis le début de sa vie : « En entrant dans le monde, le Christ dit… tu m’as fait un corps… me voici. » (v. 5-7 citant encore le psaume 39/40).
Désormais, bien sûr, le Corps du Christ, que nous sommes, n’a rien d’autre à faire que de continuer chaque jour à dire « me voici »… (et à agir en conséquence évidemment).
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Compléments
- « La disponibilité vaut mieux que tous les sacrifices » : cette formule hébraïque ne signifie pas que l’on devrait supprimer les sacrifices ; mais que ceux-ci perdent leur sens s’ils ne sont pas accompagnés par une vie de disponibilité et de service de Dieu et des hommes.
- Dans un contexte de lutte contre les idoles, on parlait aussi du « sacrifice des lèvres » ; c’est-à-dire une prière et une louange adressées au seul Dieu d’Israël. Parce que cela pouvait bien arriver qu’on offre de coûteux sacrifices au temple de Jérusalem tout en continuant à adresser des prières à d’autres dieux ; si cela ne fait pas de bien, cela ne fait pas de mal, comme on dit ; les prophètes étaient très sévères là-dessus, parce que cela fait du mal justement, contrairement à ce qu’on croit ! Offrir à Dieu le « sacrifice des lèvres » c’était lui appartenir sans partage. Et cela valait mieux, on le savait, que tous les sacrifices d’animaux. Il suffit de lire Osée par exemple : « En guise de taureaux, nous t’offrirons en sacrifice les paroles de nos lèvres. » (Os 14,3). Et en écho le psaume 50/51 : « Offre à Dieu la louange comme sacrifice et accomplis tes voeux envers le Très-Haut… Qui offre la louange comme sacrifice me glorifie. » (Ps 50/51, 14. 23).
- En matière de disponibilité comme unique condition pour le service de Dieu, on en a un bel exemple avec l’histoire de Jacob : ce n’était pas un « enfant de choeur », et le récit biblique ne fait rien pour atténuer sa malhonnêteté parfois ! Mais il avait une qualité majeure, la soif de Dieu. C’est cela qui lui a permis d’entrer dans la grande chaîne des serviteurs du projet de Dieu.
Homélie du 4e dimanche de l’Avent, C
21 décembre, 2012http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
Homélie du 4e dimanche de l’Avent, C
Mi 5, 1-4a ; He 10, 5-10 ; Lc 1, 39-45
Michée, Paul et Luc, même combat. Trois textes, mais un seul message.
Au temps des prophètes d’hier comme aujourd’hui, les croyants veulent combattre la violence et retrouver la paix, arrêter les divisions et faire l’unité, être délivrés du mal et de tous les maux, sauver le monde et se sauver avec lui. Mais il ne suffit pas pour cela de multiplier les rites extérieurs, de se purifier par des cérémonies, ni de réciter des prières, obéir aux révélations et croire aux apparitions.
Le vrai remède, le seul sacrifice, la source de la sanctification et de la joie, c’est de reproduire à notre tour le « fiat » de Jésus et le « fiat » de Marie… « Père, me voici, je suis venu pour faire ta volonté »… « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur »… Tout est là. La vraie dévotion mariale y compris.
Ce n’est plus de la magie, c’est de la conversion. Ce n’est plus le frisson sentimental, ni la crainte « janséniste », mais le réalisme de l’obéissance. Ce n’est plus l’illusion des actions symboliques et des faux-semblants, la trêve de Noël ou des confiseurs, mais l’esprit de l’Evangile incarné dans la vie quotidienne et dans la durée.
La liturgie de l’Avent nous a précisé les étapes de ce cheminement qui conduit à l’état de disponibilité jusqu’à l’événement de l’enfantement et de l’incarnation. Le chemin qui conduit de la graine au fruit… Ouvrir les portes de sa maison intérieure, l’aménager avec un cœur nouveau, se laisser envahir par l’Esprit qui vient nous féconder.
Il nous reste alors à porter en nous le Verbe de Dieu, ce fruit venu du ciel, puis à le mettre au monde, pour que nous puissions, par lui et avec lui, porter ces fruits savoureux que l’on appelle charité, paix et joie, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi, comme le précisait Paul aux chrétiens de Galatie (5, 22).
Il ne s’agit pas ici d’images ou de construction littéraire, mais de réalité de la foi et des réalités spirituelles.
Pour reprendre les expressions à la fois scientifiques et poétique d’un médecin psychiatre contemporain, et spécialiste en psychosomatique : « Nous sommes habilités, par la grâce du Père et l’activité du Saint Esprit qui nous couvre entièrement, à être en état de grossesse pendant toute notre vie. Une heureuse grossesse, qui nous fait porter Jésus. Et si nous le portons vraiment en nous, nous le sentirons en quelque sorte bouger, remuer dans nos pensées, nos sentiments, nos activités. Nous pourrons même percevoir en nous le battement de son cœur, le cœur d’un amour éternel qui nous lie à Dieu et, par lui, à tous les êtres humains. C’est déjà en nous le Royaume des cieux et la vie éternelle, le sens de notre vie et notre santé profonde ».
… Encore faut-il être très attentifs à cette présence qui se meut en nous. Prendre conscience de cet état, c’est aussi trouver le repos et la paix intérieure. Devenir comme Marie de plus en plus disponibles. C’est éveiller notre capacité d’adoration et de gratitude. C’est décupler notre capacité intérieure de foi, de confiance et de contemplation. C’est l’état même de Marie qui lui a permis de proclamer le Magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon sauveur ».
Porter le Christ, c’est porter la vérité la plus dépouillée d’artifice, la clarté la plus évidente, la simplicité la plus parfaite et l’objectivité totale… Et celui que nous portons désire intensément être actif au plus creux de notre quotidien, pour y susciter les merveilles que sont les fruits de l’Esprit dont parlera Paul.
Heureux sommes-nous, si nous croyons à l’accomplissement des paroles qui nous sont dites de la part du Seigneur.
Ce n’est pas une théorie mystique ni une description poétique, mais la réalité qui se vit dans l’eucharistie. Elle peut nous faire comprendre la différence entre une assistance passive à la messe, où nous attendons des grâces et des effets quasi magiques et automatiques, et la participation pleine et entière où, comme Marie, nous accueillons la Parole, nous proclamons notre « fiat » d’adhésion qui se prolonge et se prouve dans une conversion du cœur et de l’esprit. Une totale disponibilité, un engagement, dans l’amour, qui est aujourd’hui, depuis Jésus et avec lui, le nouveau et seul sacrifice qui purifie, sauve, sanctifie.
Alors, nous pourrons chanter « Magnificat », le Seigneur fit pour moi des merveilles. Mon âme exalte le Seigneur. Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008q
The Good Shepherd
20 décembre, 2012TRIBUNE DE BENOÎT XVI DANS LE « FINANCIAL TIMES »
20 décembre, 2012http://www.zenit.org/article-32908?l=french
TRIBUNE DE BENOÎT XVI DANS LE « FINANCIAL TIMES »
Les chrétiens invités à ne pas fuir le monde mais s’y engager
ROME, jeudi 20 décembre 2012 (Zenit.org) – A la demande du « Financial Times », Benoît XVI a accepté de rédiger une tribune, publiée ce 20 décembre 2012, à l’approche de la fête de Noël.
Une démarche qui s’inscrit dans la volonté de Benoît XVI de communiquer la Bonne nouvelle auprès du plus grand nombre de personnes possibles, comme il l’a montré dernièrement en ouvrant un compte sur le réseau social « twitter ».
Malgré le « caractère inhabituel » de la demande du « Financial Times », le pape a « accepté volontiers », précise un communiqué du Saint-Siège, rappelant « la disponibilité du pape » pour ce type de demandes, comme l’entretien accordé à la BBC, à Noël 2010, ou l’entretien télévisé pour l’émission « A sua imagine « , produite par la chaine nationale italienne RAI, à l’occasion du Vendredi saint 2011.
Ces interventions sont donc « l’occasion de parler de Jésus-Christ » et de « porter son message à un large public » lors des « moments marquants de l’année liturgique chrétienne », peut-on lire dans la note.
Dans cette tribune du « Financial Times », Benoît XVI appelle les chrétiens à « ne pas fuir le monde » mais à « s’y engager », notamment dans la « politique et l’économie ». Leur engagement se distingue cependant, souligne-t-il, car il est « libre des contraintes de l’idéologie » et inspiré par « une vision si noble de la destinée humaine qu’ils ne peuvent pas accepter de se compromettre avec tout ce qui la menace ».
Tribune de Benoît XVI dans le « Financial Times »
Un temps pour que les chrétiens s’engagent dans le monde
« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », fut la réponse de Jésus quand on le questionna sur les impôts. Ses interlocuteurs, bien sûr, lui tendaient un piège. Ils voulaient le forcer à prendre parti dans le débat politique très tendu sur la domination romaine en terre d’Israël. Mais l’enjeu allait encore au-delà : si Jésus était vraiment le Messie attendu depuis longtemps, alors il s’opposerait certainement à la suprématie romaine. Ainsi, la question était calculée pour l’exposer soit comme une menace pour le régime, soit comme un imposteur.
La réponse de Jésus déplace habilement la discussion sur ??un plan supérieur, mettant en garde avec douceur à la fois contre la politisation de la religion et la déification du pouvoir temporel, mais aussi contre la poursuite incessante de la richesse. Son auditoire avait besoin de se faire rappeler que le Messie n’était pas César, et que César n’était pas Dieu. Le royaume que Jésus était venu établir était d’un ordre tout à fait supérieur. Comme il le dit à Ponce Pilate: « Mon royaume n’est pas de ce monde ».
Les récits de Noël dans le Nouveau Testament sont destinés à transmettre un message similaire. Jésus est né au cours d’un « recensement de toute la terre » ordonné par César Auguste, l’empereur connu pour avoir établi la Pax Romana sur toutes les terres sous la domination romaine. Pourtant, cet enfant, né dans un coin obscur et lointain de l’Empire, allait offrir au monde une paix beaucoup plus grande, d’une portée vraiment universelle et transcendant toutes les limites de l’espace et du temps.
Jésus nous est présenté comme l’héritier du roi David, mais la libération qu’il a apportée à son peuple ne concernait pas la façon de tenir des armées hostiles à distance ; il s’agissait de vaincre le péché et la mort pour toujours.
La naissance du Christ nous pousse à revoir nos priorités, nos valeurs, notre mode de vie. Alors que Noël est sans aucun doute un moment de grande joie, c’est aussi une occasion de réflexion profonde, et même d’examen de conscience. A la fin d’une année qui s’est traduite par des difficultés économiques pour beaucoup, que pouvons-nous apprendre de l’humilité, de la pauvreté, de la simplicité de la crèche ?
Noël peut être le moment où l’on apprend à lire l’Evangile, pour parvenir à connaître Jésus non seulement comme l’enfant dans la crèche, mais comme celui en qui nous reconnaissons Dieu fait Homme.
C’est dans l’Evangile que les chrétiens trouvent l’inspiration pour leur vie quotidienne et pour leur implication dans les affaires du monde – que ce soit dans les Chambres du Parlement ou en Bourse. Les chrétiens ne devraient pas fuir le monde, ils devraient s’y engager. Mais leur implication dans la politique et l’économie devrait transcender toute forme d’idéologie.
Les chrétiens luttent contre la pauvreté parce qu’ils reconnaissent la dignité suprême de tout être humain, créé à l’image de Dieu et destiné à la vie éternelle. Les chrétiens travaillent pour un partage plus équitable des ressources de la terre parce qu’ils croient que, en tant qu’intendants de la création de Dieu, nous avons le devoir de prendre soin des plus faibles et des plus vulnérables. Les chrétiens s’opposent à la cupidité et à l’exploitation parce qu’ils sont convaincus que la générosité et l’amour désintéressé, enseignés et vécus par Jésus de Nazareth, sont le chemin qui mène à la plénitude de la vie. La foi chrétienne en la destinée transcendante de chaque être humain implique l’urgence du devoir de promouvoir la paix et la justice pour tous.
Puisque ces objectifs sont partagés par beaucoup, une coopération beaucoup plus fructueuse est possible entre les chrétiens et les autres. Cependant, les chrétiens rendent à César seulement ce qui appartient à César, non pas ce qui appartient à Dieu. Les chrétiens, à travers l’histoire, n’ont parfois pas pu consentir aux exigences formulées par César. Du culte à l’empereur de la Rome antique aux régimes totalitaires du siècle dernier, César a essayé de prendre la place de Dieu. Quand les chrétiens refusent de se prosterner devant les idoles proposées aujourd’hui, ce n’est pas à cause d’une vision du monde archaïque. Au contraire, c’est parce qu’ils sont libres des contraintes de l’idéologie et inspirés par une vision si noble de la destinée humaine qu’ils ne peuvent pas accepter de se compromettre avec tout ce qui la menace.
En Italie, de nombreuses crèches sont construites sur un arrière-plan de ruines d’édifices romains antiques. Cela montre que la naissance de l’enfant Jésus marque la fin de l’ordre ancien, le monde païen, dans lequel les demandes de César étaient pratiquement incontestables. Il y a maintenant un nouveau roi, qui ne compte pas sur la force des armes, mais sur la puissance de l’amour. Il apporte l’espérance à tous ceux qui, comme lui, vivent en marge de la société. Il apporte l’espérance à tous ceux qui sont vulnérables face aux aléas d’un monde précaire. De la crèche, le Christ nous appelle à vivre en citoyens de son royaume céleste, un royaume que toutes les personnes de bonne volonté peuvent aider à construire ici, sur la terre.
Traduction de Zenit, Anne Kurian
LA FOI DE MARIE : CATÉCHÈSE DE BENOÎT XVI
20 décembre, 2012http://www.zenit.org/article-32904?l=french
LA FOI DE MARIE : CATÉCHÈSE DE BENOÎT XVI
Audience générale du 19 décembre 2012
ROME, mercredi 19 décembre 2012 Zenit.org) – Marie « sait regarder en profondeur », « elle se laisse interpeler par les événements » et « acquiert ainsi cette compréhension que seule la foi peut garantir », déclare Benoît XVI.
Au cours de l’audience générale de ce mercredi 12 décembre, le pape a poursuivi son cycle de catéchèses sur la foi, devant les très nombreuses personnes rassemblées dans la salle Paul VI du Vatican.
Catéchèse de Benoît XVI en italien :
Chers frères et sœurs,
Sur le chemin de l’Avent, la Vierge Marie occupe une place particulière, elle qui, de manière unique, a attendu la réalisation des promesses de Dieu, accueillant dans la foi et dans sa chair Jésus, le Fils de Dieu, dans une obéissance totale à la volonté divine. Aujourd’hui, je voudrais réfléchir brièvement avec vous sur la foi de Marie, à partir du grand mystère de l’Annonciation.
« Chaîre kecharitomene, ho Kyrios meta sou », « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 28). Ce sont les paroles, rapportées par l’évangéliste Luc, par lesquelles l’archange Gabriel s’adresse à Marie. A première vue, le terme chaîre, « réjouis-toi », ressemble à une salutation normale, selon l’usage dans le monde grec, mais cette parole, lue dans le contexte de la tradition biblique, acquiert une signification beaucoup plus profonde. Cette expression est présente quatre fois dans la version grecque de l’Ancien Testament, et toujours comme une annonce joyeuse de la venue du Messie (cf. So 3, 14 ; Jl 2, 21 ; Za 9, 9 ; Lam 4, 21). Le salut de l’ange à Marie est donc une invitation à la joie, à une joie profonde ; il annonce la fin de la tristesse qui existe dans le monde devant les limites de la vie, la souffrance, la mort, la méchanceté, les ténèbres du mal qui semble obscurcir la lumière de la bonté de Dieu. C’est une salutation qui marque le début de l’Evangile, de la Bonne Nouvelle.
Mais pourquoi Marie est-elle ainsi invitée à se réjouir ? La réponse se trouve dans la seconde partie de la salutation : « le Seigneur est avec toi ». Ici aussi, pour bien comprendre le sens de cette expression, il faut nous tourner vers l’Ancien Testament. Dans le livre de Sophonie, nous trouvons cette expression « Pousse des cris de joie, fille de Sion… le Seigneur est roi d’Israël au milieu de toi… Yahvé ton Dieu est au milieu de toi, héros sauveur ! » (3, 14-17). Il y a dans ces paroles une double promesse faite à Israël, à la fille de Sion : Dieu viendra en Sauveur et établira sa demeure précisément au milieu de son peuple, dans le sein de la fille de Sion. Cette promesse se réalise exactement dans le dialogue entre l’ange et Marie : Marie est identifiée au peuple épousé par Dieu, elle est vraiment la fille de Sion en personne ; en elle s’accomplit l’attente de la venue définitive de Dieu, en elle le Dieu vivant établit sa demeure.
Dans la salutation de l’ange, Marie est appelée « comblée de grâce » ; en grec le terme « grâce », charis, a la même racine linguistique que le mot « joie ». Dans cette expression aussi, on perçoit encore plus clairement la source de cette joie de Marie : la joie provient de la grâce, elle vient donc de la communion avec Dieu, de la connexion vitale qu’elle a avec lui, du fait qu’elle est la demeure de l’Esprit Saint, totalement modelée par l’action de Dieu. Marie est la créature qui a, de manière unique, ouvert grand les portes à son Créateur, elle s’est remise entre ses mains, sans limites. Elle vit entièrement de et dans la relation avec le Seigneur ; elle est dans une attitude d’écoute, attentive à saisir les signes de Dieu sur le chemin de son peuple ; elle est insérée dans une histoire de foi et d’espérance dans les promesses de Dieu, qui constitue le tissu de son existence. Et elle se soumet librement à la parole reçue, à la volonté divine dans l’obéissance de la foi.
L’évangéliste Luc raconte l’histoire de Marie à travers un parallèle subtil avec celle d’Abraham. De même que le grand patriarche est le père des croyants, qui a répondu à l’appel de Dieu à quitter la terre sur laquelle il vivait, à sortir de ses sécurités, pour emprunter un chemin vers une terre inconnue et possédée uniquement dans la promesse divine, ainsi Marie s’en remet avec une confiance totale à la parole que lui annonce le messager de Dieu et elle devient le modèle et la mère de tous les croyants.
Je voudrais souligner un autre aspect important : l’ouverture de l’âme à Dieu et à son action dans la foi inclut aussi un élément d’obscurité. La relation de l’être humain avec Dieu ne supprime pas la distance entre le Créateur et la créature, n’élimine pas ce qu’affirme l’apôtre Paul devant la profondeur de la sagesse de Dieu : « Que ses décrets sont insondables et ses voies incompréhensibles ! » (Rm 11, 33). Mais justement celui qui, comme Marie, est totalement ouvert à Dieu, parvient à accepter la volonté divine, même si elle est mystérieuse, même si, souvent, elle ne correspond pas à notre volonté et qu’elle est une épée qui transperce l’âme, comme le dira prophétiquement le vieillard Siméon à Marie, au moment où Jésus sera présenté au Temple (cf. Lc 2, 35).
Le cheminement de foi d’Abraham comprend le moment de joie qu’est le don de son fils Isaac, mais aussi un moment d’obscurité, lorsqu’il doit gravir le mont Moriah pour accomplir un geste paradoxal : Dieu lui demande de sacrifier le fils qu’il vient de lui donner. Sur la montagne, l’ange lui donnera un ordre : « N’étends pas la main contre l’enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique » (Gn 22, 12) ; la confiance totale d’Abraham dans le Dieu fidèle à ses promesses ne diminue pas, même lorsque sa parole est mystérieuse et difficile, quasiment impossible, à accueillir.
Il en est de même pour Marie, elle vit la joie de l’Annonciation dans la foi, mais elle traverse aussi l’obscurité de la crucifixion de son fils, pour pouvoir rejoindre la lumière de la Résurrection.
Ce n’est pas différent pour le cheminement de foi de chacun d’entre nous : nous rencontrons des moments de lumière, mais aussi des passages où Dieu semble absent, où son silence pèse dans notre cœur et où sa volonté ne correspond pas à la nôtre, à ce que nous voudrions. Mais plus nous nous ouvrons à Dieu, en accueillant le don de la foi, en mettant toute notre confiance en lui, comme Abraham et Marie, et plus il nous rend capables, par sa présence, de vivre toutes les situations de la vie dans la paix et la certitude de sa fidélité et de son amour. Mais cela signifie sortir de nous-mêmes et de nos projets, pour que la Parole de Dieu soit la lampe qui guide nos pensées et nos actions.
Je voudrais encore m’arrêter sur un aspect qui émerge des récits sur l’enfance de Jésus racontés par saint Luc. Marie et Joseph amènent leur enfant à Jérusalem, au Temple, pour le présenter et le consacrer au Seigneur comme le prescrit la loi de Moïse : « Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur » (Lc 2, 22-24). Ce geste de la Sainte Famille acquiert un sens encore plus profond si nous le lisons à la lumière de la science évangélique de Jésus qui, à l’âge de douze ans, après trois jours de recherches, est retrouvé dans le Temple en train de discuter avec les maîtres. Aux paroles empreintes de préoccupations de Marie et de Joseph : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois ! ton père et moi, nous te cherchons, angoissés », correspond la mystérieuse réponse de Jésus : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? ». C’est-à-dire dans la propriété de mon Père, dans la maison de mon Père, comme doit le faire un fils. Marie doit renouveler la foi profonde avec laquelle elle a dit « oui » à l’Annonciation ; elle doit accepter que le véritable Père de Jésus ait la préséance ; elle doit laisser libre ce fils qu’elle a engendré, pour qu’il poursuive sa mission. Et le « oui » de Marie à la volonté de Dieu, dans l’obéissance de la foi, se répète tout au long de sa vie, jusqu’au moment le plus difficile, celui de la Croix.
Devant tout cela, nous pouvons nous demander : comment Marie a-t-elle pu vivre ce chemin à côté de son fils avec une foi aussi solide, même dans l’obscurité, sans perdre sa confiance totale dans l’action de Dieu ? Il y a une attitude de fond que Marie assume devant ce qui arrive dans sa vie. A l’Annonciation, elle est troublée en entendant les paroles de l’ange : c’est la crainte que l’homme éprouve quand il est touché par la proximité de Dieu, mais ce n’est pas le comportement de quelqu’un qui a peur de ce que Dieu pourrait lui demander. Marie réfléchit, elle s’interroge sur la signification de cette salutation (cf. Lc 1, 29). Le terme grec utilisé dans l’évangile pour définir cette « réflexion », dielogizeto, rappelle la racine du mot « dialogue ». Cela signifie que Marie entre dans un dialogue intime avec la Parole de Dieu qui lui a été annoncée, elle ne la considère pas de manière superficielle, mais elle s’arrête, elle la laisse pénétrer dans son esprit et dans son cœur pour comprendre ce que le Seigneur veut d’elle, la signification de l’annonce.
Nous trouvons encore dans l’évangile de saint Luc un autre signe de l’attitude intérieure de Marie devant l’action de Dieu, au moment de la naissance de Jésus, après l’adoration des bergers. Il est dit que Marie « conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur » (Lc 2, 19) ; le terme grec est symballon : nous pourrions dire qu’elle « gardait ensemble », « mettait ensemble » dans son cœur tous les événements qui lui arrivaient ; elle plaçait chaque élément, chaque parole, chaque fait à l’intérieur d’un tout et le confrontait, le conservait, reconnaissant que tout vient de la volonté de Dieu.
Marie ne s’arrête pas à une première compréhension superficielle de ce qui arrive dans sa vie, mais elle sait regarder en profondeur, elle se laisse interpeler par les événements, elle les élabore, les discerne, et acquiert ainsi cette compréhension que seule la foi peut garantir. C’est l’humilité profonde de la foi obéissante de Marie qui accueille en elle ce qu’elle ne comprend pas de l’action divine, permettant que ce soit Dieu qui lui ouvre l’esprit et le cœur. « Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur ! », s’exclame sa cousine Elisabeth. C’est précisément pour sa foi que toutes les générations la diront bienheureuse.
Chers amis, la solennité de la naissance du Seigneur que nous célèbrerons bientôt, nous invite à vivre la même humilité et la même obéissance de la foi. La gloire de Dieu ne se manifeste pas dans le triomphe et le pouvoir d’un roi, elle ne resplendit pas dans une ville connue, dans un somptueux palais, mais elle établit sa demeure dans le sein d’une vierge, elle se révèle dans la pauvreté d’un petit enfant. La toute-puissance de Dieu, même dans notre vie, agit avec la force, souvent silencieuse, de la vérité et de l’amour. La foi nous dit alors qu’à la fin, la puissance sans défense de ce petit enfant vaincra le bruit des puissances de ce monde. Merci !
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
Annunciation To Zacharias, Domenico Ghirlandaio, 1490
19 décembre, 2012« L’Amour qui embrasse » par Nicolas P. Papas
19 décembre, 2012http://www.iconsexplained.com/iec/iecf_citation_serge_boulgakov.htm
« L’Amour qui embrasse » par Nicolas P. Papas
Ré-imprimé avec permission, courtoisie Nicholas Papas
Traduit de l’anglais par P.W. de Ruyter avec l’aide d’un moine
L’icône « Plus spacieux que les Cieux » occupe une place très en vue dans une église orthodoxe, peut-être parce qu’elle exprime quelques unes de nos croyances essentielles au centre de notre Foi, principalement la volonté de notre Mère, l’Église, de nous recevoir avec ses bras grand-
ouverts qui nous attendent.
L’icône est souvent connue par son nom grec « Platytera Ton Ouranon », ou tout simplement « Platytera ». Dans la plupart des églises orthodoxes, on la retrouve à une place la mettant bien en évidence — en position haute dans l’abside — et souvent ses proportions énormes mettent toutes les autres icônes dans l’ombre. Ceci peut donner une impression un peu étrange à un visiteur non-orthodoxe. Ses grandes dimensions peuvent d’ailleurs causer un dilemme même chez les orthodoxes. Comment se peut-il, dans une église chrétienne, lieu où la vie tourne autour du Christ, qu’une image de Sa mère semble tout dominer? En réalité, il y a une image du Christ, le Tout-Puissant, reproduite à une place d’honneur : sur le plafond [ou dans le dôme, si le bâtiment de l'église en a un]. Deuxièmement, le Christ se trouve au centre du Platytera, sur les genoux de Marie.
Cela nous montre une équilibre dans la perspective, de l’Église, de la place et du rôle de Marie. Elle est essentielle et significative en raison de sa relation avec le Christ. Le Christ n’aurait pas pu naître sans son libre consentement. Elle est rendue significative par Celui qu’elle a porté. Elle fournit le trône. Elle est à l’arrière-plan. Ces caractéristiques révèlent son humilité, et paradoxalement l’icône la glorifie à sa manière propre, à cause de cela.
Elle est significative pour nous comme exemple de ce qui peut résulter d’une soumission libre à la bonté de Dieu. Elle est indispensable parce que, sans elle, la naissance du Christ n’aurait pas eu avoir lieu. La position architecturale de la Platytera nous enseigne clairement qu’elle est la personne par laquelle le ciel et la terre sont unis, parce que la peinture murale est l’endroit où le plafond et le plancher se rencontrent. Son icône « unit » l’icône du Christ représentée au plafond à nous qui sommes debout sur le plancher.
Une chose remarquable s’est passée avec la venu de l’Esprit Saint à la Pentecôte: Dieu révéla à l’humanité que chacun a la capacité que Dieu demeure dans son intérieur. Cela représentait un concept radicalement différent pour les Juifs de cette époque qui voyaient le trône de Dieu comme une structure physique, le Temple à Jérusalem. Maintenant, tous les croyants pouvaient être comme Marie — la première et la plus belle exemple que le corps physique de chaque croyant « est un temple de l’Esprit Saint » (1 Corinthiens 6:19). En raison du fait que Marie est cet exemple premier et parfait de « temple », la sagesse du choix de l’emplacement de la Platytera s’avère confirmée. Dans une même manière la Pentecôte portait les gens à repenser leur croyance concernant la demeure exacte de Dieu. D’une façon concrète, il nous faut prendre conscience de cette question : comment Dieu vit-il en nous, les croyants?
Dans cette icône les mains de Marie sont ouvertes et tendues. C’est une attitude de prière. Nous pouvons voir clairement qu’elle prie toujours pour nous, comme la bonne mère qu’elle est. En même temps nous pouvons voir dans ses bras ouverts une invitation qui signifie son désir intense de nous laisser embrasser par elle. Dans un sens spirituel, personne ne peut nous embrasser plus parfaitement qu’elle. En tant que Marie est une image de « l’Église », nous pouvons voir comment nous sommes « embrassés ».
Comme chaque bonne mère, notre Mère l’Église voit tous nos besoins. Et avec l’Église, nos besoins les plus profonds et les plus vrais sont finalement comblés. Elle nous donne à manger avec le « Pain de Vie » (Jean 6:35), elle nous habille avec une « vêtement de salut » et un « manteau de justice » (Isaïe 61:10), elle nous lave de nos péchés (Actes 22:16) avec « l’eau qui régénère », elle nous donne à boire de la « Source de Vie », elle nous abrite « sous l’ombre » des Ses ailes (Psaume 17:8), et elle nous donne une place pour trouver du « repos pour nos âmes ». Notre bonne Mère qui nous aime inconditionnellement est toujours prête et elle nous attend. Dans la superbe image de la Platytera elle se montre prête à nous embrasser. C’est une image précise et véridique qui nous montre le mystère merveilleux de la volonté intense mais patiente de Dieu de nous donner l’amour inconditionnel. Il y a un message simple dans l’image de Marie « Platytera »: viens et laisse-toi embrasser par l’amour parfait. »
Gloire à Dieu et paix sur terre – Frédéric Manns
19 décembre, 2012http://198.62.75.1/www1/ofm/sbf/dialogue/paix.html
Gloire à Dieu et paix sur terre
Frédéric Manns
Le dialogue interreligieux à Jérusalem a une caractéristique unique. Loin d’être replié sur soi, il a une dimension universelle. La violence expérimentée en Israël trouve immédiatement un écho dans tout le monde juif. Le monde musulman est attentif de son côté à la moindre injustice faite aux musulmans de Jérusalem et le monde chrétien ne peut pas ignorer la situation des frères chrétiens de Terre sainte. Jérusalem est une ville symbole. Pour ne pas désacraliser l’héritage de cette ville, il est urgent que le dialogue interreligieux se traduise dans un dialogue politique, puisque religion et politique ne sont pas séparés en Orient.
Les religions seront partie intégrante de la solution politique qui devra mettre fin aux années de violence. Un espoir de paix est né le 1 décembre 2003 lorsque des personnalités représentatives de la gauche israélienne et des forces palestiniennes ont choisi de signer officiellement un accord de paix annoncé depuis quelque temps.
En pleine escalade de violence cet accord, boudé par Ariel Sharon, démontre au monde entier que la paix est possible et que les Israéliens ont un partenaire pour la négocier. Apparemment le monde chrétien fut absent de cette négociation. En fait, sans les auspices du ministère suisse des affaires étrangères, la rencontre entre Juifs et musulmans n’aurait pas été possible. De plus, le Patriarche latin de Jérusalem a choisi comme thème de sa lettre de Noël la condamnation du terrorisme. C’est dans une dynamique de la paix qu’il entend orienter son Eglise. Les chrétiens font donc partie de l’échiquier du Moyen Orient.
L’accord de Genève ne représente pas une initiative privée. Les ex-ministres israélien et palestinien Yossi Beilin et Yasser Abed Rabbo ont été rejoints par l’ex-président travailliste Amram Mitzna et par l’ex-président de la Knesset Avraham Burg. Du côté palestinien, les anciens ministres Nabil Kassis et Hisham Abdel Razek ont trouvé l’appui du Tanzim de Marwan Barghouti représenté par Kadoura Fares et Mohamed Khourani.
Amram Mitzna commente cet événement : « Si le chef du gouvernement choisit d’appliquer l’initiative de Genève, il entrera dans les annales de l’Histoire comme celui qui a fondé Israël en tant qu’Etat juif et démocratique. Cet événement sera encore plus important que la Déclaration d’Indépendance de 1948, car il s’agissait alors d’un geste unilatéral, qui n’avait été reconnu que par quelques Etats dans le monde. »
Pour M. Mitzna, ceux qui s’opposent à ce projet craignent la paix, car l’essence même de ces gens du refus, c’est la provocation, l’intimidation et le combat. Et ils ont peur, car, désormais, nombreux sont ceux qui sont susceptibles de comprendre que durant trois ans, on les a trompés ».
Yasser Arafat, sans considérer l’accord comme officiel, déclarait « soutenir tout effort, notamment de la part de ces groupes israéliens qui sont pour la paix des braves que nous avons entamée avec mon ancien partenaire Rabin ».
Il faut avoir le courage de regarder la situation en face. Comment maintenir le contrôle militaire des territoires, tandis que la population palestinienne actuelle, dans les huit ans à venir, dépassera la population juive. Dans ce cas, un Israël démocratique cessera d’être un Etat juif, ou bien l’Etat juif cessera d’être démocratique, dominant une majorité arabe de plus en plus grande privée de droits civiques.
Le Saint-Siège, qui vient de nommer un évêque auxiliaire de Jérusalem pour les chrétiens d’expression hébraïque, répète qu’il est favorable à l’existence et à la coopération de deux Etats en Terre-Sainte et souligne l’urgence de mettre fin au conflit. Le Patriarche de Jérusalem, de son côté a lancé à l’occasion de Noël une offensive de la non violence pour que le dialogue remplace la voix des armes.
Pour que l’accord de Genève prenne corps, il faudra que la communauté internationale crée les conditions de son application. Le monde chrétien, s’il ne veut pas rester absent de ce concert des nations, doit reprendre rapidement la tradition des pèlerinages aux lieux saints pour traduire son intérêt au problème de la paix en Orient.