Homélie du 2e dimanche de l’Avent, C
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Homélie du 2e dimanche de l’Avent, C
Ba 5, 1-9 ; Ph 1, 4-6, 8-11 ; Lc 3, 1-6
Chaque dimanche, nous confessons notre foi en proclamant le credo. Mais avez-vous déjà remarqué que, dans ces textes très vénérables, se niche en très sainte compagnie une authentique fripouille : Ponce Pilate, qui a représenté pendant dix ans le pouvoir occupant romain en Judée. Un gouverneur. Le pays était douloureusement régionalisé en quatre provinces, deux à majorité juive, deux à majorité païenne, administrées par des hommes de paille, l’un étant un indigène, un fils d’Hérode le Grand, assez détaché du judaïsme et qui favorisait même les cultes païens. Parmi les autorités religieuses autochtones, l’ancien grand prêtre Anne est très apprécié en cour de Rome. Il a de solides protections. Mais la Parole de Dieu ne sera pas adressée à la hiérarchie, mais à Jean, un très modeste personnage, un original. Fils d’un prêtre, il a refusé d’être prêtre à son tour, alors que le sacerdoce israëlite était héréditaire et surtout très honorifique. Mais Jean n’avait que faire des honneurs.
Ce jeune gaillard, très peu conformiste, va prendre des initiatives chères à la tradition prophétique. Ce qui va donner du fil à retordre, et aux autorités politiques, et aux autorités religieuses. Il le paiera de sa vie.
Cependant, c’est lui qui réveillera l’espérance du peuple et lui montrera comment préparer la venue du Messie, l’accueillir et le suivre. Non pas n’importe quel messie. Un Messie pleinement humain et donc pleinement spirituel. Et c’est Jésus qui décernera lui-même à Jean l’équivalent du prix Nobel de la prophétie. Un nouvel Elie (Mt 11, 12-14).
Ces précisions historiques ont leur poids d’importance pour mieux pénétrer le mystère de l’incarnation, ses conditions et ses conséquences : « En ce temps-là… », comme nous devons pouvoir le faire « en ce temps-ci… ». La tradition biblique nous enseigne en effet que Dieu « parle » et « agit » au cœur de l’histoire humaine. C’est là, et non pas en-dehors d’elle, dans les nuages, ou dans un spiritualisme désincarné, que se tisse l’histoire sainte. Toute la Bible nous montre que les initiatives de l’Esprit précèdent et épousent la mouvance et la variété des conditions sociales et culturelles, scientifiques, économiques, religieuses et politiques. Ce qui veut dire que dans ce monde où nous vivons déjà les balbutiements du règne de Dieu, tout événement est un signe à déchiffrer.
Or, en ce temps-là, qui était Ponce Pilate ? Selon les historiens de l’époque, il était inflexible et impitoyable. Il gouvernait sa province par la vénalité et la terreur. L’évangile raconte qu’il a massacré des Samaritains sur le lieu même de leur pèlerinage. L’histoire profane ajoute même qu’il y eut des milliers de victimes. Tout comme il a fait assassiner des Galiléens dans le Temple, raconte Luc, qui n’était pas un journaliste de Paris Match. Il précise même, comme les médias le feraient aujourd’hui, que « leur sang fut mêlé à celui de leurs sacrifices » (Lc 13, 1). Horrible ! Même sans images ! Un Pilate sans scrupules, qui puisait même dans les trésors sacrés du Temple pour réaliser ses projets d’urbanisme. Et j’en passe…
L’époque décrite par Baruch, des siècles plus tôt, n’était pas plus rassurante pour les Juifs, dispersés loin de leur patrie et dépourvus de tout pouvoir. Et c’est de prison que Paul fait parvenir ses encouragements aux chrétiens de Philippes. Autant de faits divers qui sont loin d’être sans importance, car c’est au cœur de ces temps de violence et de haine, de trafic et de corruption, d’humiliation et d’avenir bouché que Baruch, Paul et Jean le Baptiseur ont appelé à l’espérance, annoncé la croissance d’un monde nouveau et invité à préparer un chemin qui pouvait y conduire.
Violence, corruption, fanatisme et drogue… quatre premiers péchés des temps modernes… Nous en avons des exemples tous les jours. Or, c’est bien dans ce monde-là et non pas dans un autre que l’évangile nous invite à voir des signes d’espérance, même si l’espèce humaine nous apparaît si décourageante. L’espérance est présente au milieu de l’horreur. Si vous regardez bien, y compris dans les journaux et sur les écrans de télévision, vous découvrirez pratiquement chaque jour des signes d’espérance, d’incroyables générosités, des initiatives étonnantes pour rétablir la justice et la paix, assurer plus de solidarité, oser des réconciliations.
Le Royaume de justice et de paix se fait dans la mesure où nous accueillons le Seigneur. Encore faut-il l’écouter et le suivre vraiment.
A chacun de mettre, aujourd’hui encore, la main à la pâte. Une main capable de manier le bulldozer et la pelle mécanique, car il s’agit d’une vaste entreprise de terrassement pour creuser, aplanir, rectifier et combler. En termes spirituels, il s’agit d’un retournement, d’une œuvre de conversion. D’abord, comme le soulignait Paul, pour nous permettre de « discerner ce qui est plus important », pour pouvoir progresser en clairvoyance et en droiture. Notre cœur est toujours en chantier, le cœur du monde aussi. Mais il nous faut redresser les chemins tortueux de nos compromis et abaisser les montagnes de nos divisions.
Nous avons tous les jours des occasions de préparer les chemins du Seigneur, sans attendre des résultats. Il ne faut pas attendre les résultats et les décisions d’une commission quelconque, ni d’une réunion au sommet, qu’elle soit de l’ONU ou de l’Eglise. Nous sommes tous mobilisés pour nous laisser changer et changer le cours de l’histoire. Laissons-nous, comme Jean Baptiste, saisir, empoigner, secouer, par la Parole de Dieu. Alors, l’Avent sera l’heureux temps où chacun sera invité à redresser sa vie et à s’habiller d’espérance et de joie.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
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