Archive pour décembre, 2012
Homélie de la fête de Sainte Marie Mère de Dieu
31 décembre, 2012http://dimancheprochain.org/2315-2315/
Homélie de la fête de Sainte Marie Mère de Dieu
Aujourd’hui dimanche, c’est le premier jour de la semaine. Les évangiles nous disent que c’est ce jour-là que Jésus ressuscité est apparu à ses disciples. Sa victoire sur la mort et le péché a été le point de départ d’une création nouvelle. Désormais, plus rien ne peut être comme avant. Il se trouve aussi que nous sommes au début d’une année nouvelle. Nous voici donc en train de commencer une nouvelle semaine, un nouveau mois et une nouvelle année. Et tous ces commencements nous renvoient au premier d’entre tous, celui du premier jour de la Genèse dans la Bible. Ce jour-là, Dieu a entrepris de faire du neuf. Et aujourd’hui, il vient nous rappeler qu’il veut nous associer tous à son œuvre de création.
Cette nouvelle année, c’est comme une page blanche qu’il nous faudra remplir en donnant le meilleur de nous-mêmes. Les médias nous parlent chaque jour des gens qui souffrent de la crise, de la violence et de l’exclusion. Dans certains pays, les chrétiens vivent l’horreur absolue dans des camps dits de « rééducation ». Participer à l’œuvre créatrice de Dieu, c’est tout faire en faveur de la paix ; c’est contribuer ensemble à la création d’un monde plus juste et plus fraternel. C’est ce que vient nous rappeler cette journée mondiale de la paix. Cette année, elle est orientée vers l’éducation des jeunes. Cela commence dans nos familles, nos lieux de vie et de travail et nos diverses relations.
C’est en vue de cette mission qu’en ce dimanche, nous sommes venus à la crèche. Nous sommes là avec les bergers dont nous parle l’évangile de ce jour. On a dit que ces bergers étaient des exclus. C’est vrai, on ne les voyait pas à la synagogue ni au temple. Mais en y regardant de plus près, nous découvrons une chose importante. Dans le monde de la Bible, le berger représente un symbole très fort. Plus tard, Jésus se présentera comme le bon Berger, celui qui veut rassembler toute l’humanité. A la suite des bergers de la crèche, nous avons tous à témoigner des merveilles de Dieu et de son amour pour notre monde. Comme Bernadette de Lourdes, nous ne sommes pas chargés de « faire croire » mais de « dire ». Avec les bergers, nous louons et nous glorifions Dieu. Nous nous rappelons en effet que le nom de Jésus signifie « Dieu sauve ».
Nous commençons cette nouvelle année en fêtant Sainte Marie, Mère de Dieu et Mère de l’Eglise. Avec elle, nous retenons tous ces événements et nous les méditons dans notre cœur. Lors du passage de l’an neuf, nous faisons le bilan de l’année écoulée. Il y a eu des catastrophes naturelles comme le tsunami au Japon. Nous n’oublions pas les drames causés par les humains, les attentats en Afghanistan ou en Norvège. Notre monde a également vécu des progrès au niveau de la solidarité, de la liberté et de fraternité. Tous ces événements, nous devons les lire à la lumière de la Parole de Dieu. En Jésus, il est Emmanuel, Dieu avec nous, Dieu qui fait alliance avec nous. Avec lui, les forces du mal ne peuvent avoir le dernier mot.
Au moment de commencer une nouvelle année, nous nous tournons ensemble vers le Seigneur en passant par Marie. L’Esprit Saint nous a été donné comme à elle. Elle est toujours là pour nous montrer comment discerner le Seigneur à l’œuvre. Elle n’a pas tout compris de l’activité missionnaire de Jésus ni surtout de sa crucifixion. Mais c’est la confiance qui la motive envers et contre tout. Comme elle, nous ne devons pas hésiter à admirer et à interroger le Seigneur et surtout à lui faire confiance quoi qu’il arrive. Au début de cette nouvelle année, nous ne manquons pas de la prier : « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs… » Comme à la visitation, si nous l’appelons, elle accourt vers nous et Jésus est avec elle.
En ce jour, nous échangeons des vœux de bonheur. Ils rejoignent les souhaits de la tradition juive que nous avons trouvés dans la première lecture : « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nombres 6. 25-26) Cette bénédiction s’adressait au peuple de l’ancienne alliance. Elle s’adresse aussi à Marie, à l’Eglise et à chacun de nous. Quelles que soient les épreuves qui surviendront au cours de l’année, la bénédiction de Dieu nous est toujours offerte. « Rien ne peut nous séparer de son amour » nous dit Saint Paul.
En ce jour, nous fêtons dans la joie celle qui a mis au monde le Sauveur. Nous lui demandons de nous ouvrir à sa présence et à son amour. Tout au long de cette nouvelle année, nous aurons à faire du neuf en faveur de la paix et de la justice. C’est à ce prix que 2012 sera une bonne année. Avec Marie et avec toute l’Eglise, nous faisons monter notre prière vers Dieu notre Père : « O Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre. » Amen
Sources : Textes bibliques du jour, journaux de l’année, revues liturgiques Signes et Feu Nouveau
Te Deum, priant dans les catacombes de Priscille
30 décembre, 2012Le Te Deum est une prière catholique…
30 décembre, 2012http://musiqueclassique.forumpro.fr/t1166-te-deum
Le Te Deum est une prière catholique. C’est un titre abrégé de l’expression latine Te Deum Laudamus, qui signifie À Dieu, notre louange.
Plusieurs versions tentent de raconter l’origine de cette prière : Nicétas de Remesiana l’aurait peut-être composée selon Dom Morin ; une vieille tradition indique qu’elle fut spontanément composée et chantée par trois saints la nuit du baptême de Saint Augustin, cette tradition date de la fin du huitième siècle mais est maintenant rejetée par les maîtres de la scolastique. Le Te Deum aurait depuis longtemps tenu une place importante dans la ville de Milan. Certains pensent qu’il fut inspiré des écrits de Saint Cyprien de Carthage. Ce chant est parfois appelé l’hymne ambroisienne dans la bréviaire romaine.
En plus de son usage dans l’office divin, le Te Deum est parfois chanté pour remercier Dieu en grâce d’une faveur particulière, comme l’élection d’un pape, la consécration d’un évêque, la profession d’un religieux, la publication d’un traité de paix, un couronnement royal, ou le baptême d’un simple quidam, etc. On le chante parfois en polyphonie, en psalmodie ou en tant que chant grégorien.
Tonus Sollemnis – Chant Grégorien
Francesco Urio a composé une version répandue de ce chant. Beaucoup de compositeurs connus l’ont mis en musique, comme par exemple Mozart. Mais c’est le prélude du Te Deum de Marc-Antoine Charpentier qui reste la version la plus connue jusqu’à maintenant, car il constitue le thème musical de certaines émissions de l’Union européenne de radio-télévision et de l’Eurovision.
Texte de la prière:
Nous vous louons, ô Dieu ! Nous vous bénissons, Seigneur.
Toute la terre vous adore, ô Père éternel !
Tous les Anges, les Cieux et toutes les Puissances.
Les Chérubins et les Séraphins s’écrient sans cesse devant vous :
Saint, Saint, Saint est le Seigneur, le Dieu des armées.
Les cieux et la terre sont plein de la majesté de votre gloire.
L’illustre choeur des Apôtres,
La vénérable multitude des Prophètes,
L’éclatante armée des Martyrs célèbrent vos louanges.
L’Église sainte publie vos grandeurs dans toute l’étendue de l’univers,
Ô Père dont la majesté est infinie !
Elle adore également votre Fils unique et véritable;
Et le Saint-Esprit consolateur.
Ô Christ ! Vous êtes le Roi de gloire.
Vous êtes le Fils éternel du Père.
Pour sauver les hommes et revêtir notre nature, vous n’avez pas dédaigné le sein d’une Vierge.
Vous avez brisé l’aiguillon de la mort, vous avez ouvert aux fidèles le royaume des cieux.
Vous êtes assis à la droite de Dieu dans la gloire du Père.
Nous croyons que vous viendrez juger le monde.
Nous vous supplions donc de secourir vos serviteurs, rachetés de votre Sang précieux.
Mettez-nous au nombre de vos Saints, pour jouir avec eux de la gloire éternelle.
Sauvez votre peuple, Seigneur, et versez vos bénédictions sur votre héritage.
Conduisez vos enfants et élevez-les jusque dans l’éternité bienheureuse.
Chaque jour nous vous bénissons;
Nous louons votre nom à jamais, et nous le louerons dans les siècles des siècles.
Daignez, Seigneur, en ce jour, nous préserver du péché.
Ayez pitié de nous, Seigneur, ayez pitié de nous.
Que votre miséricorde, Seigneur, se répande sur nous, selon l’espérance que nous avons mise en vous.
C’est en vous, Seigneur, que j’ai espéré, je ne serai pas confondu à jamais.
En Latin:
Te Deum laudamus:
te Dominum confitemur.
Te aeternum patrem,
omnis terra veneratur.
Tibi omnes angeli,
tibi caeli et universae potestates:
tibi cherubim et seraphim,
incessabili voce proclamant:
« Sanctus, Sanctus, Sanctus
Dominus Deus Sabaoth.
Pleni sunt caeli et terra
maiestatis gloriae tuae. »
Te gloriosus Apostolorum chorus,
te prophetarum laudabilis numerus,
te martyrum candidatus laudat exercitus.
Te per orbem terrarum
sancta confitetur Ecclesia,
Patrem immensae maiestatis;
venerandum tuum verum et unicum Filium;
Sanctum quoque Paraclitum Spiritum.
Tu rex gloriae, Christe.
Tu Patris sempiternus es Filius.
Tu, ad liberandum suscepturus hominem,
non horruisti Virginis uterum.
Tu, devicto mortis aculeo,
aperuisti credentibus regna caelorum.
Tu ad dexteram Dei sedes,
in gloria Patris.
Iudex crederis esse venturus.
Te ergo quaesumus, tuis famulis subveni,
quos pretioso sanguine redemisti.
Aeterna fac
cum sanctis tuis in gloria numerari.
Salvum fac populum tuum, Domine,
et benedic hereditati tuae.
Et rege eos,
et extolle illos usque in aeternum.
Per singulos dies benedicimus te;
et laudamus nomen tuum in saeculum,
et in saeculum saeculi.
Dignare, Domine, die isto
sine peccato nos custodire.
Miserere nostri, Domine,
miserere nostri.
Fiat misericordia tua, Domine, super nos,
quemadmodum speravimus in te.
In te, Domine, speravi:
non confundar in aeternum.
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La musique est une révélation plus haute que toute sagesse et toute philosophie. LvB
DAVID AND MUSICIANS
29 décembre, 2012A propos de l’espérance au temps de l’Ancien Testament
29 décembre, 2012http://bouquetphilosophique.pagesperso-orange.fr/esperancedesanciens.html
A propos de l’espérance au temps de l’Ancien Testament
Au regard de l’espérance lumineuse qui fait courir les chrétiens aujourd’hui, celle des hommes de l’Ancien Testament paraît bien terne ! On peut en effet être surpris que l’auteur du livre de l’Ecclésiaste – qui se présente comme un sage sous les traits du roi Salomon – reconnaisse avec lucidité et grande vénération que Dieu a « implanté au tréfonds de l’être humain le sens de l’éternité » (Ecclésiaste 3.11, La Bible du Semeur)… avant de confesser finalement l’aspect décevant de la vie humaine qui s’achève par la vieillesse et la mort (Ecclésiaste 12.1-7, 3.19-20) !
Paradoxalement, tandis que depuis longtemps les adeptes de certaines religions polythéistes de l’ancien Orient croient fermement à la résurrection et à une vie future, les enfants d’Israël, eux, s’ouvrent en dernier à cette croyance… et semblent voués inexorablement à la désespérance quant à l’au-delà ! Ce n’est en fait que tardivement, vers la fin de l’Exil (soit entre 550 et 539 avant Jésus-Christ), qu’ils découvrent – ou redécouvrent (1) – progressivement l’idée d’éternité. Un comble pour le peuple qui deviendra celui de l’espérance ! Attardons-nous un instant sur ces questions.
Une vision d’éternité commune à tous les peuples anciens
La croyance en une « survie de l’individu » après la mort semble remonter aux origines de l’espèce humaine et de tout temps, dans toutes les civilisations, ce qui peut paraître étonnant, une grande majorité s’est ralliée à l’idée que l’homme est immortel par nature.
« Ce qui est commun aux religions, [écrit le scientifique et ancien ministre Claude Allègre] depuis celles des Sumériens ou des Égyptiens en passant par celles des Perses, des Babyloniens, des Assyriens, des Indiens ou des Chinois jusqu’à celles qui inspirent les Sepik de Nouvelle-Guinée ou les Indiens d’Amazonie, c’est qu’elles ont toutes développé le concept de dieu, de transcendance et d’au-delà, faisant toutes espérer aux meilleurs, l’immortalité (2). »
Plus de 2000 ans avant J.-C., l’Egypte pharaonique est certainement l’une des premières civilisations à s’édifier dans la perspective de l’éternité. Les Egyptiens en effet, tout en reconnaissant la brièveté du temps terrestre, croient en une autre forme d’existence. Osiris, mort et ressuscité, devenu dieu de l’au-delà, leur apporte l’assurance d’une survie éternelle.
Environ 13 siècles plus tard, sur la base d’une espérance similaire, le philosophe persan Zoroastre (fondateur du zoroastrisme, ancienne religion de la Perse) promet à ses disciples l’avènement d’un sauveur suprême, Saoshyant, qui présidera à la résurrection et à l’émergence d’une vie éternelle après la mort. Notons que le zoroastrisme, religion dualiste fondée sur la lutte permanente entre un Dieu bon (Ahura Mazdâ) et un démon (Ahriman) enseigne aussi le libre arbitre, le jugement final, l’enfer, le paradis et la victoire finale du bien sur le mal. Ce qui représente, soit dit en passant, une sorte de préfiguration du christianisme… en tout cas, une incontestable révolution religieuse au début du VIIe siècle avant J.-C. !
Curieusement donc, en ce qui concerne cette idée de survie post mortem, les Hébreux restent imperméables à toute influence, égyptienne notamment. Face à la vision d’éternité commune à beaucoup de religions antiques, ils ne se lassent pas de nourrir une vague espérance dont ils semblent se satisfaire, mais qui toutefois se précise graduellement au cours des siècles.
De l’espérance terrestre à l’espérance céleste
Ce n’est en effet qu’à l’époque de la rédaction du livre de Daniel que le peuple juif arrive enfin à croire peu à peu en la résurrection et en une vie après la mort. Durant de très nombreux siècles, étonnamment celui-ci se contente d’une espérance terrestre sans vision d’éternité, ou tout au plus d’une espérance en une survie nationale.
Tout d’abord, une espérance à courte vue
Ainsi, pendant longtemps, c’est le modèle de la rétribution – strictement terrestre – qui dicte la pensée des enfants d’Israël. Ceux-ci croient que Dieu « rétribue » ici-bas les hommes selon leurs actes, autrement dit que les justes sont récompensés par une longue vie tranquille et prospère tandis que les pécheurs sont condamnés à une vie malheureuse, courte et sans descendance… en attendant avec frayeur – justes comme pécheurs, d’ailleurs – le sort qui les attend, le sheol (3) où tous resteront abandonnés à jamais.
Mentionnons à cet égard quelques textes bibliques attestant cette espérance à courte vue : « Les jours de nos années s’élèvent à soixante-dix ans, et pour les plus robustes, à quatre-vingt ans. […] Enseigne-nous à bien compter nos jours, […] Rassasie-nous chaque matin de ta bonté, et nous serons toute notre vie dans la joie et l’allégresse. Réjouis-nous autant de jours que tu nous as humiliés, autant d’années que nous avons vu le malheur » (Psaume 90.10-15) ; « Donne-nous encore des jours comme ceux d’autrefois ! » (Lamentations 5.21) ; « Voici ce que je veux repasser en mon cœur, ce qui me donnera de l’espérance. Les bontés de l’Éternel ne sont pas épuisées, ses compassions ne sont pas à leur terme » (Lamentations 3.21-22) ; « Soutiens-moi pour que je vive, tu l’as promis, ne déçois pas mon espérance » (Psaume 119.116, BFC) ; « Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie, et j’habiterai dans la maison de l’Eternel jusqu’à la fin de mes jours » (Psaume 23.6) ; « L’Eternel m’a châtié, mais il ne m’a pas livré à la mort » (Psaume 118.18).
Comme il se dégage de nombreux passages de l’Ancien Testament, Dieu – dans un premier temps – répond à ses enfants sans leur proposer davantage : « Je te sauverai, et tu ne tomberas pas sous l’épée, ta vie sera ton butin, parce que tu as eu confiance en moi, dit l’Éternel » (Jérémie 39.18) ; « Celui qui m’écoute […] vivra tranquille et sans craindre aucun mal » (Proverbes 1.33) ; « Il m’invoquera, et je lui répondrai. Je serai avec lui dans la détresse, je le délivrerai et je le glorifierai. Je le rassasierai de longs jours, et je lui ferai voir mon salut » (Psaume 91.15-16) ; « N’oublie pas mes enseignements, […] car ils prolongeront les jours et les années de ta vie, et ils augmenteront ta paix » (Proverbes 3.1-2) ; « Ils [les justes] ne sont pas confondus au temps du malheur, et ils sont rassasiés aux jours de la famine » (Psaume 37.19) ; « Ceux qui espèrent en l’Éternel posséderont le pays » (Psaume 37.9) ; « Aimez le Seigneur votre Dieu, obéissez-lui, restez-lui fidèlement attachés, c’est ainsi que vous pourrez vivre et passer de nombreuses années dans le pays que le Seigneur a promis de donner à vos ancêtres Abraham, Isaac et Jacob » (Deutéronome 30.20, BFC)… Pour ne citer que ces versets !
L’espérance collective, une perspective nouvelle pour Israël
Bien que la croyance en la rétribution soit historiquement ancrée dans la réalité quotidienne du peuple d’Israël, certains en voyant « le bonheur des méchants » (Psaume 73.3) – ou en quelque sorte, l’inversion de cette théorie de la rétribution – ont du mal à comprendre la justice de Dieu et se mettent à réfléchir. C’est le cas du roi David (Psaume 37) et du psalmiste Asaph (Psaume 73).
Job, héros des temps anciens, fait aussi partie de ceux qui osent remettre en cause la croyance classique (Job 12.13-25). « Contre cette corrélation rigoureuse [la liaison entre la souffrance et le péché personnel], Job s’élève avec toute la force de son innocence. Il ne nie pas les rétributions terrestres, il les attend, et Dieu les lui accordera finalement […] Mais c’est pour lui un scandale qu’elles lui soient refusées présentement et il cherche en vain le sens de son épreuve. Il lutte désespérément pour retrouver Dieu qui se dérobe et qu’il persiste à croire bon (4). »
Dans l’un de ses « grands textes », il arrive finalement à la conclusion que le bien et le mal ont leur sanction outre-tombe plutôt qu’ici-bas, une avancée théologique considérable ! C’est ainsi qu’au-delà de l’espoir d’être délivré de ses maux en ce monde, il ose affirmer – certes, de façon imprécise, la traduction de ce passage reste difficile – son espérance en la résurrection : « Pour ma part, je sais que celui qui me rachète est vivant et qu’il se lèvera le dernier sur la terre. Quand ma peau aura été détruite, en personne je contemplerai Dieu. C’est lui que je contemplerai, et il me sera favorable. Mes yeux le verront, et non ceux d’un autre » (Job 19.25-27).
Pour d’autres hommes de l’Ancien Testament également confrontés à l’injustice, l’espérance individuelle se mue alors en espérance collective. Si la réussite des méchants offre un spectacle révoltant, « le Seigneur s’intéresse à la vie de ceux qui sont irréprochables, le pays dont ils sont les héritiers leur est acquis pour toujours » (Psaume 37.18, BFC). Au VIIIe siècle av. J.-C., le prophète Esaïe à même l’intuition que son peuple « ressuscitera » : « Mon peuple, tes morts reprendront vie, alors les cadavres des miens ressusciteront ! Ceux qui sont couchés en terre se réveilleront et crieront de joie » (Esaïe 26.19). Vers la même époque, Osée, un autre porte-parole de Dieu, invite Israël à se repentir et évoque l’espérance d’une rénovation nationale : « Venez, retournons à l’Eternel ! Car il a déchiré, mais il nous guérira. Il a frappé, mais il bandera nos plaies. Il nous rendra la vie […] il nous relèvera, et nous vivrons devant lui » (Osée 6.1-2).
Mais c’est en réalité la grande épreuve de la déportation à Babylone qui amène les Juifs à s’interroger sur la « juste rétribution » de Dieu. En cette période particulièrement troublée, le prophète Jérémie, toujours soucieux du bien de ses compatriotes, se demande pourquoi ceux-ci lui manifestent tant de haine : « Seigneur, tu es trop juste pour que je m’en prenne à toi. Pourtant, j’aimerais discuter de justice avec toi. Pourquoi le chemin des méchants les mène-t-il au succès ? Et ceux qui te sont infidèles, pourquoi vivent-ils tranquilles ? » (Jérémie 12.1, BFC).
« Au-delà de la ruine qu’il voit approcher pour le peuple infidèle, il [Jérémie] entrevoit une sorte de résurrection dans le cadre d’une nouvelle alliance avec Dieu [le retour des survivants d’Israël et la reconstruction de Jérusalem, chapitre 31]. Il témoigne alors de sa confiance en la victoire de Dieu par un surprenant geste d’espoir [l’acquisition d’un champ, acte symbolique, chapitre 32] (5). »
Après le châtiment, il y aura donc un rétablissement, un avenir pour le peuple de Dieu… de quoi raviver l’espérance : « Je rétablirai le peuple de Juda et le peuple d’Israël, et je les rétablirai dans leur ancienne situation » (Jérémie 33.7, BFC). « Je multiplierai les descendants de mon serviteur David […] ils seront aussi nombreux que les étoiles qu’on ne peut compter dans le ciel » (Jérémie 33.22, BFC).
Quant à Ezéchiel – en dépit des circonstances dramatiques de l’époque –, il est l’un des rares prophètes de l’Ancien Testament à proclamer aussi explicitement qu’il y a une espérance pour Israël. Ainsi, dans sa célèbre vision des ossements desséchés (Ezéchiel 37.1-14), la renaissance de la nation d’Israël s’exprime pleinement. Bien qu’il s’agisse plutôt là d’une promesse de survie collective pour le peuple d’Israël, autrement dit d’une « résurrection nationale », on peut y voir en outre l’amorce de l’idée de résurrection individuelle. Citons quelques extraits de ce passage intéressant : « Voici ce que dit le Seigneur, l’Eternel : Esprit, viens des quatre vents, souffle sur ces morts et qu’ils revivent ! […] Je vais ouvrir vos tombes et je vous en ferai sortir, vous qui êtes mon peuple, et je vous ramènerai sur le territoire d’Israël » (Ezéchiel 37.9-12).
En route vers l’espérance céleste
En fait, le point de départ – discret – de ce lent cheminement vers le ciel peut être relevé dans le livre des Psaumes où certains versets portent en germe la notion de résurrection : « Non, Seigneur, tu ne m’abandonnes pas à la mort, tu ne permets pas que moi, ton fidèle, je m’approche de la tombe. Tu me fais savoir quel chemin mène à la vie. On trouve une joie pleine en ta présence, un plaisir éternel près de toi » (Psaume 16.10-11, BFC) ; « Eternel, tu as fait remonter mon âme du séjour des morts, tu m’as fait revivre loin de ceux qui descendent dans la tombe » (Psaume 30.4) ; « Dieu sauvera mon âme du séjour des morts » (Psaume 49.16) ; « Ta bonté envers moi est grande, et tu délivres mon âme des profondeurs du séjour des morts » (Psaume 86.13) ; « C’est lui qui délivre ta vie de la tombe, qui te couronne de bonté et de compassion » (Psaume 103.4).
Mais c’est surtout le livre de Daniel (6) qui nous éclaire un peu plus sur l’évolution de la conception de l’au-delà chez les Juifs. C’est bien d’une résurrection personnelle suivie d’une vie éternelle que les justes hériteront : « A cette époque-là [pouvons-nous lire dans Daniel 12.1-3] se dressera Michel, le grand chef, celui qui veille sur les enfants de ton peuple. Ce sera une période de détresse telle qu’il n’y en aura pas eu de pareille depuis qu’une nation existe jusqu’à cette époque-là. A ce moment-là, ceux de ton peuple qu’on trouvera inscrits dans le livre seront sauvés. Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte, pour l’horreur éternelle. Ceux qui auront été perspicaces brilleront comme la splendeur du ciel, et ceux qui auront enseigné la justice à beaucoup brilleront comme les étoiles, pour toujours et à perpétuité. »
Cependant, ce n’est vraiment qu’à partir du deuxième siècle avant Jésus-Christ que l’espérance en la résurrection devient une réalité pour le peuple juif. A la mort d’Alexandre le Grand, la Palestine « passe sous l’autorité des monarchies hellénistiques, des Lagides d’Egypte d’abord, puis des Séleucides de Syrie. La politique d’hellénisation radicale instaurée par Antiochus IV Epiphane (175-164 av. J.-C.), doublée d’une intolérance agressive vis-à-vis des Juifs, suscite un grand mouvement de révolte. Ce mouvement, à la fois national et religieux, est conduit par le prêtre Mattathias et son fils Judas, dit Maccabée. […] Antiochus IV s’efforce d’imposer aux Juifs les mœurs et la religion grecques. La pratique du judaïsme devient passible de mort (7) ».
Dans ce contexte de résistance et de répression féroce – où le dogme de la rétribution ici-bas est tragiquement mis en échec –, les nombreux martyrs, fidèles à la loi de Moïse, s’interrogent sérieusement sur la justice divine. Torturés et mis à mort pour leur foi, ils finissent par croire réellement que Dieu les ressuscitera et que leur rétribution sera d’outre-tombe.
Le deuxième livre des Maccabées, probablement écrit vers 120-100 avant J.-C., décrit justement l’héroïque résistance de sept frères « Maccabées » et de leur mère (modèles des premiers martyrs juifs) qui préfèrent être torturés à mort plutôt que de toucher à la viande de porc interdite par la loi. Citons ici quelques versets de ce livre deutérocanonique de l’Ancien Testament témoignant de cette foi naissante en la résurrection :
« Au moment de rendre le dernier soupir, il [le second supplicié] dit : Scélérat que tu es, tu nous exclus de la vie présente, mais le roi du monde, parce que nous serons morts pour ses lois, nous ressuscitera pour une vie éternelle » (2 Maccabées 7.9, TOB).
« On soumit le quatrième aux mêmes tortures cruelles. Sur le point d’expirer, il dit : Mieux vaut mourir de la main des hommes en attendant, selon les promesses faites par Dieu, d’être ressuscité par lui » (2 Maccabées 7.13-14, TOB).
« Eminemment admirable et digne d’une excellente renommée fut la mère, qui voyait mourir ses sept fils en l’espace d’un seul jour et le supportait avec sérénité, parce qu’elle mettait son espérance dans le Seigneur. Elle exhortait chacun d’eux dans la langue de ses pères. Remplie de nobles sentiments et animée d’un mâle courage, cette femme leur disait : Je ne sais pas comment vous avez apparu dans mes entrailles ; ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie, […] Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé l’homme à sa naissance et qui est à l’origine de toute chose, vous rendra-t-il dans sa miséricorde et l’esprit et la vie, parce que vous vous sacrifiez maintenant vous-mêmes pour l’amour de ses lois » (2 Maccabées 7.20-23, TOB).
Enfin, on peut mentionner le livre de la Sagesse, autre apocryphe rédigé vers la même époque (Ier siècle avant J.-C.) dans lequel on trouve, quoique de façon larvée, le thème de la résurrection : « Les âmes des justes, elles, sont dans la main de Dieu et nul tourment ne les atteindra plus. Aux yeux des insensés, ils passèrent pour morts, et leur départ sembla un désastre, […] Pourtant, ils sont dans la paix. Même si, selon les hommes, ils ont été châtiés, leur espérance était pleine d’immortalité » (Sagesse 3.1-4).
Comme le remarque Jean Civelli, prêtre à Fribourg (Suisse), « cette idée d’une résurrection des morts ne devait plus s’oublier dans le judaïsme. Ce sont les Pharisiens qui la recueillirent, contrairement au parti des Sadducéens, parti des prêtres et de la noblesse du Temple de Jérusalem, qui, eux, n’acceptèrent pas ce qu’ils considéraient comme une doctrine fausse, car ils ne la trouvaient pas dans la Loi de Moïse (cf. Marc 12.18 et Actes 23.8). […] Le sceau définitif de cette foi en la résurrection sera donné par Jésus lui-même, dans sa propre résurrection (8) ».
« La croyance en la résurrection, qui va se développer dans le monde sémitique, [affirme de son côté, Marie Lucien, docteur en théologie de l'Université de Strasbourg] apparaît comme une nouveauté radicale et impressionnante […] La résurrection personnelle de chaque homme deviendra alors l’espérance commune aux trois religions monothéistes issues du monde sémitique, le judaïsme, le christianisme et l’islam (9). »
Après avoir ainsi esquissé à grands traits l’histoire de l’espérance religieuse en Israël, une question demeure cependant : pourquoi cette dernière est restée si longtemps une piètre espérance… avant que finalement le Nouveau Testament ne la porte à son plus haut degré ? A défaut de pouvoir répondre ici avec certitude à cette question, nous voulons par contre dire toute notre admiration pour les hommes de l’Ancien Testament ayant fait le bon choix de faire confiance à Dieu et de marcher avec lui en se contentant de sa faveur et de l’assurance du pardon de leurs péchés… portés seulement par l’espérance d’une longue vie prospère – ici-bas – et en dépit du système simpliste des rétributions temporelles ne fonctionnant pas toujours.
Alors que nous, croyants du XXIe siècle, pouvons nous enorgueillir de notre belle espérance solidement ancrée dans la résurrection de Jésus-Christ – ce qui ne nous laisse plus aucune excuse pour notre incrédulité –, puissions-nous également faire nôtres les propres louanges de ces héros de la foi… pourtant adressées à un Dieu qu’ils n’imaginaient pas si généreux : « Je chanterai l’Eternel tant que je vivrai, je célébrerai mon Dieu tant que j’existerai. […] Je veux me réjouir en l’Eternel » (Psaume 104.33-34).
Claude Bouchot
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1. En effet, il est raisonnable de penser qu’Adam et les premiers patriarches bénéficièrent déjà d’une révélation divine particulière concernant l’au-delà qui leur était réservé. En tout cas, l’auteur de l’épître aux Hébreux en est convaincu lorsqu’il fait l’éloge de la foi des ancêtres illustres tels qu’Abel, Hénoc, Noé et Abraham : « C’est dans la foi que tous ces hommes sont morts. Ils n’ont pas reçu les biens que Dieu avait promis, mais ils les ont vus et salués de loin. Ils ont ouvertement reconnu qu’ils étaient des étrangers et des exilés sur la terre. Ceux qui parlent ainsi montrent clairement qu’ils recherchent une patrie. […] En réalité, ils désiraient une patrie meilleure, c’est-à-dire la patrie céleste » (Hébreux 11.13-16, BFC). Hélas, les Hébreux semblent avoir vite oublié « l’espérance de la vie éternelle, promise avant tous les siècles par le Dieu qui ne ment point » (Tite 1.2).
2. Allègre Claude, Dieu face à la science, Paris : Fayard, 1997, p. 223 (LP).
3. « Sheol est un terme hébraïque intraduisible, désignant le « séjour des morts », la « tombe commune de l’humanité », le puits, sans vraiment pouvoir statuer s’il s’agit ou non d’un au-delà. La Bible hébraïque le décrit comme une place sans confort, où tous, juste et criminel, roi et esclave, pieux et impies se retrouvent après leur mort pour y demeurer dans le silence et redevenir poussière » (L’encyclopédie libre Wikipédia, Sheol, [En ligne] http://www.wikipedia.org/, consulté en décembre 2010).
4. La Bible de Jérusalem, Introduction au livre de Job, Paris : Editions du Cerf, 1981, p. 650.
5. La Bible Expliquée, Introduction au livre de Jérémie, Villiers-le-Bel : Société biblique française, 2004, p. 897-AT.
6. A noter que, presque unanimement, les théologiens libéraux contemporains mettent en doute l’authenticité historique du livre de Daniel en datant celui-ci du IIe siècle av. J.-C. seulement et en l’attribuant à un auteur inconnu, alors que la tradition juive et chrétienne – reposant à cet égard sur un solide fondement – le situait au VIe siècle avant notre ère… c’est-à-dire à l’époque où vivait justement Daniel !
7. Simon Marcel, « 2000 ans de christianisme », Vol. 1, Le monde juif, berceau du christianisme, Paris : Aufadi – S.H.C. International, 1975, p. 14, 18.
8. Civelli Jean, La résurrection des morts : et si c’était vrai ?, Saint-Maurice : Editions Saint-Augustin, 2001, p. 24-25.
9. Lucien Marie, Le message de Jésus : une spiritualité universelle inusitée, Paris : Editions L’Harmattan, 2009, p. 135-136.
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28 décembre, 2012La Sainte Famille (30 Décembre 2012) – biblique
28 décembre, 2012http://www.bible-service.net/site/432.html
La Sainte Famille (30 Décembre 2012)
La Maison du Seigneur, le Temple, est au cœur des lectures de ce jour. Le Seigneur a exaucé la prière d’Anne en mettant fin à sa stérilité. Devenue mère du petit Samuel, Anne vient le présenter au temple du Seigneur (première lecture). Le psaume quant à lui, chante la joie de ceux qui fréquentent le Temple : “ mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur ! ” Dans l’évangile enfin, Marie, Joseph et Jésus adolescent vont également dans le temple. À l’insu de ses parents, Jésus y reste auprès de son Père. Il est le Fils, venu nous annoncer la grandeur de l’amour du Père pour nous.
• 1 Samuel 1,20-22.24-28
C’était avant l’existence du Temple de Jérusalem. Elcana, un homme d’Arimathie (le village où naîtra plus tard Joseph, celui qui ensevelira le corps de Jésus) monte avec ses deux femmes au temple de Silo. La première, Peninna, a des fils et des filles. La seconde, bien que préférée par son mari, est stérile. Anne prie le Seigneur en présence du prêtre Éli. Elle fait un vœu : si le Seigneur l’exauce et lui donne un fils, elle offrira ce fils au Seigneur. Le Seigneur écoute Anne qui met au monde un fils.
Dans l’extrait de ce jour, Anne monte au sanctuaire, non pour le pèlerinage annuel, mais pour offrir son fils au Seigneur. Le Seigneur lui a donné ce fils, elle le lui rend, conformément à son vœu. L’enfant grandira auprès du prêtre Éli jusqu’au jour où le Seigneur l’appellera pour une mission prophétique. C’est lui qui choisira et qui consacrera Saül, puis David, les premiers rois d’Israël.
• Psaume 83
Ce psaume de pèlerinage a sans doute était prié par la Sainte Famille lors de son arrivée sur les parvis du Temple. Avec beaucoup de force, le croyant exprime le désir irrésistible qui le pousse vers la maison du Dieu vivant. Il envie les oiseaux qui nichent sur les corniches du Temple ! Si seulement il pouvait rester jour et nuit auprès de son Seigneur et de son Dieu, comme ces oiseaux et comme les prêtres et les lévites qui sont dans le sanctuaire.
Le psalmiste élargit sa prière en pensant au bonheur de tous ceux qui font confiance à Dieu et qui marchent à sa suite. Le Dieu du Temple est à la fois celui qui a fait alliance avec un peuple. Il est le Dieu de Jacob. Mais il est également le Dieu de l’univers, le Dieu de tous les hommes.
Le psaume s’achève par une prière pour le roi. Celui-ci est le protecteur de son peuple, son bouclier. Dieu l’a choisi. Il est le Messie de Dieu.
• Luc 2,41-52
Les deux premiers chapitres de l’Évangile de Luc utilisent un langage à la fois symbolique et théologique. Il n’a aucune prétention à nous informer sur l’enfance de Jésus, dont il ne sait probablement rien lui-même. Il nous annonce plutôt les grands thèmes de son évangile qui commence avec le baptême de Jésus dans le Jourdain par Jean-Baptiste.
Dans les deux chapitres d’introduction à son œuvre littéraire (son Évangile et les Actes des Apôtres), Luc fait venir Jésus deux fois au Temple de Jérusalem avec ses parents. Chaque fois Jésus retourne ensuite à Nazareth où il continue de croître en âge et en sagesse, devant Dieu et devant les hommes. De sa vie à Nazareth, Luc ne rapporte rien, sinon qu’il était soumis à ses parents.
Ces deux montées au Temple de Jérusalem préparent déjà la grande montée définitive vers Jérusalem à la fin de la vie de Jésus (Luc 19,45ss). En regardant de près, on repère de nombreux éléments communs à ces trois montées. Chaque fois, on vient au Temple par respect pour une prescription de la Loi. La première fois, pour la présentation du premier-né, et les deux autres fois pour la célébration annuelle de la Pâque. Chaque fois il y a des paroles qui provoquent l’étonnement. Lors de la présentation, “ le père et la mère de l’enfant étaient étonnés de ce que [Siméon] disait de lui ”. Lors de la deuxième montée, tous ceux qui entendent le jeune Jésus discuter avec les docteurs de la loi sont dans l’étonnement et ses parents ne comprennent pas sa réponse lorsqu’il leur dit qu’il doit être aux choses de son Père. Enfin, lors de la dernière prédication de Jésus au Temple, personne ne le comprend lorsqu’il annonce la destruction de ce Temple. Les trois jours pendant lesquels Marie et Joseph cherchent Jésus annoncent déjà symboliquement les trois jours au tombeau. Marie ne comprend pas, tout comme elle ne comprendra pas au pied de la croix, mais elle garde tout dans son cœur, y compris l’annonce faite par Syméon lors de la première montée au Temple.
Homélie fête de la Sainte Famille, C
28 décembre, 2012http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
Homélie fête de la Sainte Famille, C
1 S 1, 20-22, 24-28 ; 1 Jn 3, 1-2, 21-24 ; Lc 2, 41-52
Il y a la « Sainte Famille » selon l’Evangile et celle selon l’imagerie de Saint-Sulpice. Deux mondes qui n’ont pas grand-chose de commun. La première est entourée de simplicité et de discrétion, présentée aussi avec un tel réalisme que notre goût du merveilleux en est étonné sinon blessé. Les images, elles, sont tout miel et couleurs pastels, têtes penchées et regards langoureux, fruits d’une piété par trop sentimentale qui nous éloigne considérablement des textes fondateurs. L’évangile de l’enfance, en effet, n’est pas un recueil d’histoires destiné à nous émouvoir, mais relation d’événements du salut à travers lesquels se révèlent la personne et la personnalité de Jésus.
La première description des évangélistes n’est certainement pas idéalisée, mais au contraire, très réaliste et à première vue surprenante. Jésus quitte ses parents sans permission ni explication. Joseph et Marie le cherchent et se rongent pendant trois jours. Au moment des retrouvailles, on assiste à un échange de reproches mutuels : Tu nous a fait souffrir… Pourquoi me cherchiez-vous ? Je dois aussi être chez mon Père, vous devriez le savoir ! Un dialogue de sourds qui se termine par un nouveau découragement : Marie et Joseph ne comprirent pas ce que leur fils leur disait.
La famille que l’Evangile nous propose comme sainte et comme modèle a connu les inévitables crises de croissance, le conflit des générations et les tensions qui naissent de la divergence des points de vue.
La famille évangélique d’hier ou d’aujourd’hui n’est donc pas celle qui ignore les problèmes ni celle qui rêve d’y échapper. Elle ne dépend pas non plus essentiellement des structures. Ce n’est pas la famille juive et rurale d’il y a deux mille ans qui nous est proposée comme modèle pour tous les temps, toutes les cultures, toutes les civilisations.
L’Evangile nous ramène sans cesse à l’essentiel… Nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, donc sociables puisque Dieu se définit comme échange, relation, dialogue d’amour. Il est Trinité. Unité dans la diversité. Egalité dans la différence.
Ces lois de la dynamique divine, il nous faut les créer, les vivre et les développer au cœur même de toutes nos relations humaines : famille selon la chair ou famille selon l’esprit. Le foyer et l’Eglise. La famille a plusieurs dimensions qui se complètent et s’enrichissent. Un cœur extensible qui repousse sans cesse les frontières de la chair et du sang. Tout amour, et donc toute famille ou toute communauté, réussit dans la mesure même où ils sont expérience de la vie de Dieu -Trinité.
Ce qui veut dire que les relations au sein de la famille, qu’elles soient conjugales, parentales ou filiales, ne peuvent se transformer ni en prison ni en couveuse. Dans les deux cas, il s’agirait d’un amour – possession qui est en réalité une possession sans amour, une sorte de gourmandise qui réduit l’autre en un objet à usage personnel.
L’amour est éducateur, il fait grandir, s’épanouir. Il est don et accueil. Il vit d’influences réciproques. Il crée la liberté, la reconnaît et la respecte.
Aimer, c’est éduquer. Eduquer c’est créer, c’est faire l’autre, c’est-à-dire l’initier à la conduite de sa propre vie, à la réussite de son existence. Et c’est en même temps renoncer à faire de lui une image fidèle de nous-même. Il faut apprendre à l’autre et même l’aider à percevoir les appels venus de Dieu ou des appels venus du monde, pour qu’il soit capable d’y répondre… Devenu adolescent, Jésus se fait éducateur de la foi de ses parents.
De la « fugue » de Jésus et de sa présence « au milieu des docteurs de la Loi », des recherches entreprises par ses parents blessés de souffrance et leur stupéfaction de le trouver au Temple, nous pouvons trouver lumière et chemin pour aujourd’hui. Et il en est de même pour ce manque de foi que Jésus reproche à Marie et Joseph qui, malgré les explications qu’il leur donne, « ne comprirent pas ce qu’il leur disait ».
« Apprenez donc, disait Origène, où l’ont découvert ceux qui le cherchaient, afin que vous aussi en le cherchant, avec Marie et Joseph, vous puissiez le découvrir.(…) C’est à force de le chercher qu’ils l’ont trouvé, et pas n’importe où. (…) Vous aussi, cherchez Jésus dans le Temple de Dieu, cherchez-le dans l’Eglise, cherchez-le auprès des maîtres qui sont dans le Temple. (…) Si vous cherchez ainsi, vous le trouverez. » Mais le chercher, le trouver, l’écouter et le suivre dans son cheminement d’homme, pour que nous puissions être adultes dans notre foi.
C’est dans cette même perspective que le pape Paul VI, en pèlerinage à Nazareth, priait en ces termes : « Enseigne-nous le recueillement, l’intériorité, la disposition à écouter les bonnes inspirations et les paroles des vrais maîtres ; enseigne-nous le besoin et la valeur des préparations, de l’étude, de la méditation, de la vie personnelle et intérieure, de la prière que Dieu seul voit dans le secret »…
C’est tout un programme pour toutes les familles. Un programme aussi pour la communauté chrétienne. Des vœux et des projets pour l’année nouvelle.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008