Archive pour novembre, 2012
Les anonymes des évangiles (Introduction)
21 novembre, 2012http://www.bible-service.net/site/1578.html
Les anonymes des évangiles
(Introduction)
Les évangiles se présentent à nous comme une succession des rencontres de Jésus. Récits de vocation, récits de miracles, discours et polémiques provoqués par des interlocuteurs à chaque fois nouveaux, ce sont plus d’une trentaine d’épisodes qui s’articulent sur l’intrigue principale de chaque évangile. De nombreux personnages apparaissent puis disparaissent. Si on excepte Jésus, le héros de l’histoire, ainsi que ceux qui l’accompagnent, nous sommes peu renseignés sur la plupart d’entre eux. Nous ignorons leur destin et même leur nom pour la plus grande joie des conteurs et des romanciers qui imagineront la suite de l’histoire, comblant ainsi les vides…
Si l’on s’en tient aux évangiles, il n’est pas inutile de s’interroger sur la signification de ces rencontres : qui Jésus rencontre-t-il ? Comment ? Pourquoi ? Bien sûr, affronter ces questions, c’est interroger les choix narratifs, considérer les récits dans leur particularité et dans leur enchaînement – ce que nous pouvons appeler leur « trajectoire ». Cette trajectoire est au service d’une orientation théologique, d’un regard porté sur le Christ, sa manière d’entrer en relation avec les hommes et les femmes, souvent anonymes, qui croisent sa route. Au gré des lectures et des analyses, il s’agit donc de tenir ensemble trois expériences qui s’articulent, s’éclairent et parfois s’entremêlent :
le noyau dur, irréductible et inatteignable, de l’expérience de Jésus historique, homme de la rencontre ;
l’expérience des premières communautés qui ont recueilli la mémoire de Jésus, non sans la mesurer à la multiplicité des rencontres qui les avaient constituées comme communautés ;
notre expérience personnelle et communautaire de lecteurs marqués par des rencontres de personnes dont nous ignorons les noms mais qui ont fait date dans nos existences.
Dans le cadre de ce Dossier, il n’était évidemment guère possible de traiter l’ensemble des évangiles. Il a donc fallu opérer un certain nombre de choix :
1) Nous nous sommes restreints aux évangiles synoptiques. L’étude de l’évangile de Jean nous aurait entraînés sur d’autres terrains : les récits de rencontre y sont plus longs et plus complexes. Il suffit de mentionner ici l’épisode de la guérison de l’aveugle-né (Jn 9) qui se déploie en plusieurs petites scènes dont certaines se déroulent en l’absence de Jésus.
2) Dans les évangiles synoptiques, nous nous sommes limités à ce qu’il est convenu d’appeler le « ministère de Jésus » depuis son baptême jusqu’à l’entrée à Jérusalem, prédication dans le Temple incluse.
3) Parmi les nombreux épisodes, nous avons privilégié les suivants :
La rencontre de Jésus avec la veuve dans le Temple (Mc 12,41-44) est apparue comme une bonne entrée en matière, le personnage étant anonyme et la rencontre rapide (s’agit-il d’ailleurs vraiment d’une rencontre ?). La lecture de l’épisode fournira quelques clés pour la suite du travail.
L’étude des rencontres de Jésus avec les personnes souffrantes (malades ou possédés) s’est imposée, vu leur importance dans les récits évangéliques.
· La catégorie des rencontres avec les parents qui intercèdent pour leur enfant, quoique peu nombreuse, méritait d’être traitée à part, non seulement pour l’émotion qui s’en dégage, mais pour la théologie construite par chaque évangéliste.
Rencontres avec des souffrants
Dans les trois évangiles synoptiques, le ministère de Jésus se déroule sous le signe de la rencontre avec celles et ceux qui souffrent : malades, possédés et leur entourage. Depuis longtemps, la recherche exégétique s’est employée à classer ce qu’on appelle communément les « récits de miracle », elle en a dégagé les schémas types et s’est rendue attentive à l’originalité littéraire et théologique de chaque évangile. Nous y ajouterons les catégories apparues dans le chapitre précédent : premier, dernier, unique. Pour chaque évangile, nous poserons la question : qui sont le premier et le dernier souffrants rencontrés par Jésus ? En quoi chaque rencontre est-elle unique ?
L’étude se déploiera comme suit : un premier temps sera consacré aux convergences entre les évangiles synoptiques et un second temps à l’originalité de chacun. Et ceci en nous plaçant de deux points de vue : d’abord en essayant de saisir la trajectoire qui mène de la première à la dernière rencontre, ensuite en nous concentrant sur le portrait d’une personne particulière.
Convergences
Nous envisageons ici les récits de guérison et d’exorcisme communs aux évangiles synoptiques, dans leur singularité comme dans leur succession. À la lecture du tableau suivant, il est possible de relever un certain nombre de séquences communes qui s’enchaînent plus ou moins dans un même ordre.
Premières guérisons
Cette première séquence comprend la guérison d’un possédé et celle de la belle-mère de Pierre suivi d’un « sommaire » au coucher du soleil, dans le cadre plus ou moins strict d’une journée à Capharnaüm. On peut y joindre la guérison du lépreux. Selon les évangiles, les récits ne s’enchaînent pas dans le même ordre, en fonction de la christologie de chacun.
Le pur et l’impur
Toutefois, même si chez Matthieu la carrière de Jésus commence par la purification d’un lépreux alors qu’elle débute, chez Marc et Luc, par un exorcisme, ces premiers récits de rencontre se situent tous sur la frontière entre le pur et l’impur. L’homme de la synagogue est « possédé par un esprit impur » (Mc 1,23 ; Lc 4,33) et le lépreux demande à « être purifié » (Mt 8,2-3) ; les trois synoptiques ont fait le choix de saisir Jésus sur une zone de fracture des sociétés de leur temps. Et cela, de façon publique : l’exorcisme a lieu dans le cadre public de la synagogue de Capharnaüm (Mc 1,21 ; Lc 4,33) et des foules nombreuses suivent Jésus qui descend de la montagne quand survient le lépreux (Mt 8,1). Ce dernier récit se trouve d’ailleurs dans les trois évangiles. Jésus « étend la main », comme jadis Moïse quand il accomplissait des prodiges (Ex 14,21.27).
Une femme malade
Les évangélistes synoptiques s’accordent pour dire que la belle-mère de Pierre est la première femme rencontrée par Jésus. C’est aussi la première fois que Jésus franchit le seuil d’une maison. Les trois récits s’achèvent sur le service : « elle les [le] servait » (Mc 1,31 et //). Certains auteurs féministes ont pu, à raison, analyser ce récit, en particulier celui de Mt, comme un récit de vocation : Pierre et ses compagnons sont appelés à devenir pêcheurs d’hommes, la belle-mère de Pierre est appelée à servir. Quoi qu’il en soit, nous pouvons au moins prendre acte d’un nouveau point d’accord entre les évangiles synoptiques : le contraste entre cette femme, personnalité reconnue de l’entourage apostolique, et les autres anonymes qualifiés par leur seule maladie : le possédé, le lépreux.
Les rencontres avec les pécheurs
Cette deuxième séquence comprend la guérison du paralytique, l’appel du collecteur d’impôt et le repas en compagnie des pécheurs qui s’achève sur une déclaration de Jésus révélant le sens de sa mission : « Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs » (Mc 2,17 et //).
Le récit de la guérison du paralytique présente des traits communs aux trois synoptiques : Jésus voit la foi avant de libérer l’infirme de son péché et de son handicap. Pour la première fois dans le cours des évangiles apparaît le groupe des scribes opposants à Jésus ; dans le même temps, le récit s’achève sur un chœur final qui rend gloire à Dieu (Mc 2,12b et //).
Un contraste est établi entre le paralytique anonyme et le disciple collecteur d’impôt connu sous le nom de Lévi (selon Lc et Mc) ou Matthieu (selon Mt). Dans les deux cas, la rencontre commence par un regard : Jésus « voit » la foi des porteurs, puis il « voit » le collecteur d’impôt assis à son bureau. Par la suite, sa parole a un effet immédiat : le paralytique prend son brancard et part, Lévi/Matthieu se lève et suit Jésus.
Les polémiques
Une polémique vient s’insérer dans le récit de la guérison de l’homme à la main desséchée. Une controverse précédente a porté sur le respect du sabbat (Mc 2,23 et //). L’épisode, qui a pour cadre le sabbat et la synagogue, vient conforter et illustrer la déclaration de Jésus : « Le Fils de l’homme est maître du sabbat » (Mc 2,27 et //). En tous les cas, elle aboutit à un complot contre Jésus. Le verbe katagorô, « accuser » apparaît ici pour la première fois (Mc 3,2 et //) et ne revient que dans le cadre des récits de la Passion. Cette guérison provocante oriente déjà vers le drame final. La perspective s’élargit ensuite par la mention de guérisons et exorcismes collectifs (Mc 3,10-11 et //).
Les récits de tempêtes
Jésus passe en pays païen et affronte la tempête des flots et celle du démoniaque. Dans ces deux récits, la mer joue un rôle capital comme lieu de mort par noyade (Mc 4,38 et // ; 5,13 et //).
Dans le récit de la tempête apaisée, Jésus « menace » les éléments naturels, comme il menace habituellement les esprits impurs. Curieusement, ce verbe n’est pas repris dans le récit du possédé de Gérasa. Mais il y a tout un jeu entre le singulier et le pluriel : Jésus devient de plus en plus singulier [seul] et le[s] démoniaque[s] de plus en plus pluriel[s]. Le démon s’exprime au pluriel, il se perd dans un troupeau de porcs. Et toute la ville (nouveau pluriel) vient demander à Jésus de s’en aller. Ce premier coup d’éclat de Jésus en pays païen aboutit à son expulsion de ce territoire. Le cri du possédé : « De quoi te mêles-tu, Fils du Dieu très haut ? » (Mc 5,7 et //) constitue une réponse à la déclaration des passagers de la barque : « Qui donc est-il ? » (Mc 4,41 et //). D’une certaine manière, Jésus joue son identité et le succès de sa mission dans cette rencontre tumultueuse avec le possédé païen.
La femme malade et la fillette morte
Ces deux récits sont arrimés l’un à l’autre par la technique de l’enchâssement. Par plus d’un trait, les deux personnages font l’objet d’une mise en parallèle :
leur âge : une femme malade depuis douze ans, une fillette du même âge (Mc 5,25.42) ;
leur statut social : une femme seule qui approche de manière subreptice, une fille de notable qui bénéficie du soutien paternel ;
le contact avec Jésus : l’une touche son manteau alors que Jésus saisit la main de l’autre (infraction au code de pureté).
Le parallélisme entre les personnages féminins est redoublé par celui entre la femme et le père de la fillette. La foi de la femme malade rejoint la foi du notable prosterné ; notons un glissement de vocabulaire significatif : le notable supplie Jésus pour sa « fille » (thugater), mais quand Jésus est confronté à la femme guérie, c’est lui qui use de ce terme : « [Ma] fille, ta foi t’a sauvée », comme s’il se faisait le père de cette femme qui jusqu’alors ne bénéficiait d’aucune protection masculine (c’est la seule femme que Jésus interpelle de la sorte).
La technique de l’enchâssement souligne les correspondances entre les personnages et les actes de foi du notable et de la femme impure se complètent. Si l’on se place sur le plan de la rencontre, il y a là la traduction d’une expérience humaine simple et profonde : parti secourir un homme en détresse, Jésus est retardé en cours de route par une autre détresse.
Les deux fils
La guérison de l’enfant épileptique, après la transfiguration, fait résonner une voix paternelle humaine : « Je t’ai amené mon fils » (Mc 9,17 et //), qui fait écho à la voix paternelle divine : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le » (Mc 9,7 et //). Le récit illustre par ailleurs l’absence de foi des disciples et la puissance de Jésus.
Le point d’aboutissement : l’aveugle guéri
S’il y a divergence entre les synoptiques sur la première rencontre de Jésus, il y a par contre accord sur la dernière rencontre. La scène se déroule à Jéricho, elle met face à face Jésus et un [deux] aveugle[s] (Mc 10,46-52 et //), elle clôt le ministère de Jésus avant Jérusalem. Notons qu’habituellement tous les récits de guérison se concluent par le renvoi de la personne malade mais qu’ici, de façon inattendue, l’aveugle suit Jésus sur la route de Jérusalem (encadré ci-dessous). De façon diverse, selon les évangiles, la rencontre s’achève comme un récit de vocation qui semble faire pendant au récit de l’appel des premiers disciples (Mc 1,16-18 et //). C’est bien là le paradoxe : le récit du dernier miracle accompli par Jésus, c’est l’histoire de la première personne guérie qui se décide à le suivre !
Contrastes
Diversement selon les séquences, les évangiles jouent d’un certain nombre de contrastes :
entre les foules et les individus : alternance entre les récits de guérisons collectives (les « sommaires ») et les récits de rencontre personnelle ; le même ressort fonctionne quand un personnage surgit de la foule (femme hémorroïsse chez Mc et Lc, aveugle[s] de Jéricho chez tous) ;
entre les hommes et les femmes : le lépreux et la belle-mère de Pierre, le notable et la femme hémorroïsse ;
entre les personnalités reconnues (la belle-mère de Pierre, le disciple Lévi/Matthieu) et les personnes anonymes (le lépreux, le possédé, le paralytique) ;
contraste social enfin : la fillette qui bénéficie de l’intercession de son père, un notable, et la femme hémorroïsse dans sa solitude avant d’être désignée comme « fille ».
Ainsi, les évangiles permettent-ils de saisir la variété des personnes rencontrées par Jésus au-delà des clivages que la société juive du Ier siècle pouvait imposer. Jésus semble même marquer une nette préférence pour ceux qui se situent aux marges. Chaque récit évangélique organise ces contrastes de façon originale.
Vianney Bouyer, Cahier Évangile n° 160
Le « porche » de la trilogie de Joseph Ratzinger-Benoît XVI
21 novembre, 2012http://www.zenit.org/article-32608?l=french
JOURNÉE MONDIALE DES DROITS DE L’ENFANT : « L’ENFANCE DE JÉSUS »
Le « porche » de la trilogie de Joseph Ratzinger-Benoît XVI
Anita Bourdin
ROME, mardi 20 novembre 2012 (Zenit.org) – Coïncidence ? Le livre de Benoît XVI sur l’enfance du Christ est présenté à la presse le jour où l’on célèbre la Journée mondiale des droits de l’enfant. Et alors que l’Eglise va entrer dans l’Avent, temps de préparation à Noël. Il s’intitule : « L’enfance de Jésus ». Il constitue comme le « porche» des deux volumes précédents. Et le pape y livre sa propre « méthode » de lecture de la bible. Elle ne manque pas d’actualité.
C’est, certes, le troisième volume de la trilogie de Joseph Ratzinger-Benoît XVI « Jésus de Nazareth », mais le pape avertit dès l’avant-propos : c’est ce volume qui constitue le « porche » des deux autres tomes consacrés à la vie publique du Christ – « Du baptême dans le Jourdain à la Transfiguration » –, puis à la passion et à la résurrection du Christ – « De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection»-.
« Il ne s’agit pas d’un troisième volume, écrit le pape, mais d’une porte d’entrée qui introduit les deux volumes précédents consacrés à la figure et au message de Jésus de Nazareth ».
Ce livre de quelque 180 pages – Avant-Propos, 4 chapitres et un Epilogue – sort en librairie demain, mercredi 21 novembre, en 9 langues et dans une cinquantaine de pays* : le premier tirage est d’un million d’exemplaires. D’autres traductions vont suivre, avec une distribution dans 72 pays.
Il a été présenté ce matin au Vatican par le cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical de la culture, par Mme Maria Clara Bingemer, professeur à l’Université catholique de Rio de Janeiro, le P. Giuseppe Costa, SDB, directeur de la Librairie Editrice vaticane, et le P. Federico Lombardi, SJ, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège.
Bref discours de la méthode
Mais avant même de lire ces pages, le pape offre un petit discours de la méthode. En quatre points. Tout d’abord, il a « cherché à interpréter » ce que les évangélistes de l’enfance, Matthieu et Luc, ont raconté, « en dialoguant avec des exégètes d’hier et d’aujourd’hui ».
Ensuite, il souligne les « deux étapes » de son interprétation. Il s’est demandé « ce qu’ont voulu dire, à leur époque, les auteurs de ces textes » : « c’est la composante historique de l’exégèse ». Le pape assume ainsi les conquêtes de l’exégèse moderne.
Il affirme en même temps la nécessité de la prise de risque de l’exégète dans une seconde étape : « Il ne faut pas laisser le texte dans le passé, en l’archivant parmi les événements arrivés il y a longtemps. La seconde question doit être: Ce qui est dit est-il vrai? Cela me regarde-t-il? Et si cela me regarde, de quelle façon? »
Et de préciser : « Devant un texte tel qu’un texte biblique, dont l’ultime et plus profond auteur, selon notre foi, est Dieu lui-même, la question du rapport entre le passé et le présent fait immanquablement partie de l’interprétation elle-même ».
Le pape va devance les objections en affirmant : « Cela ne diminue pas, mais accroît le sérieux de la recherche historique ». Voilà un choix exégétique qui a son poids.
L’auteur n’en reconnaît pas moins les limites de l’investigation lorsqu’il s’agit de la bible : « Toute interprétation reste en deçà de la grandeur du texte biblique ».
Il affirme également son objectif : « J’espère que ce petit livre, en dépit de ses limites, pourra aider de nombreuses personnes dans leur chemin vers et avec Jésus ».
L’origine de Jésus et du baptisé
Le premier chapitre pose la question de l’origine de Jésus – et ce faisant de tout homme -: « D’où es-tu ? » (Jn 19, 9). Il examine les généalogies de Jésus chez Matthieu et Luc, dont saint Jean donne la clef.
« Jean, affirme le pape, a résumé la signification la plus profonde des généalogies et nous a enseigné à les comprendre également comme explication de notre origine même, de notre vraie « généalogie ». Comme les généalogies s’interrompent à la fin, parce que Jésus n’a pas été engendré par Joseph mais très réellement est né de la Vierge Marie, par l’opération du Saint-Esprit, de la même façon cela vaut à présent aussi pour nous : notre vraie « généalogie » est la foi en Jésus, qui nous donne une nouvelle origine, nous fait naître « de Dieu ». » (p. 25).
Les trois « annonces » à Zacharie, Marie et Joseph
Après les deux généalogies, de la mère et du père adoptif, le deuxième chapitre rassemble les trois « annonces » à Zacharie, pour la naissance de Jean-Baptiste, puis, pour la naissance de Jésus, à Marie, et à Joseph, choisi pour accueillir Marie et l’Enfant dans sa maison.
Dans le récit de l’Annonciation à Marie par Luc, le pape insiste sur la liberté humaine face à Dieu qui cherche comment sauver l’humanité. « Qu’il m’advienne selon ta parole » : « C’est le moment de l’obéissance libre, humble et en même temps magnanime, où se réalise la décision la plus haute de la liberté humaine » (p. 58).
Le pape évoque de façon originale la solitude de Marie, comme pour renvoyer, mutatis mutandis, à l’expérience de tout baptisé, en filigrane, à la sienne : « Et l’ange la quitta » (Luc 1, 38) : « La grande heure de la rencontre avec le messager de Dieu, dans laquelle toute la vie change, passe, et Marie reste seule avec la tâche qui, en vérité, dépasse toute capacité humaine (…). Elle doit continuer le chemin qui passera à travers de nombreuses obscurités – à commencer par le désarroi de Joseph face à sa grossesse, jusqu’au moment où Jésus sera déclaré « hors de sens » (Mc 3, 21 ; cf. Jn 10, 20), et même, jusqu’à la nuit de la croix. (…) L’ange s’en va, la mission demeure et avec elle mûrit la proximité intérieure avec Dieu, la vision intime et la perception de sa proximité » (p. 59).
Ce deuxième chapitre s’achève sur un développement intitulé : « L’enfantement virginal : mythe ou vérité historique ? », particulièrement significatif en cette Année de la foi. Après un tour d’horizon de différentes exégèses, le pape souligne la rationalité de l’action de Dieu dans la naissance du Christ ou dans la résurrection : « Naturellement, on ne peut attribuer à Dieu des choses insensées, déraisonnables ou en opposition avec sa création. Cependant, il ne s’agit pas ici de quelque chose de déraisonnable ni de contradictoire, mais de quelque chose de positif – du pouvoir créateur de Dieu qui embrasse tout l’être. (…) L’enfantement virginal et la résurrection réelle du tombeau sont des pierres de touche pour la foi. Si Dieu n’a pas aussi pouvoir sur la matière il n’est pas Dieu. Mais il possède ce pouvoir et par la conception et la résurrection de Jésus-Christ, il a inauguré une nouvelle création. Ainsi, en tant que Créateur il est aussi notre Rédempteur. Pour cette raison, la conception et la naissance de Jésus de la Vierge Marie sont un élément fondamental de notre foi et un signal lumineux d’espérance ». A méditer aussi à l’approche de la fête de l’Immaculée, le 8 décembre.
Le cadre historique et la géographie
Le troisième chapitre évoque la naissance de Jésus à Bethléem. C’est Noël. Il faudra le découvrir pendant l’Avent. Le pape y déploie une exégèse savoureuse dans l’alliance de l’Ancien et du Nouveau Testament, comme le recommande Vatican II dans « Dei Verbum ». Il fait par exemple observer que « Luc conclut son récit de la naissance de Jésus, dont faisait partie aussi l’accomplissement de la Loi (cf. Lc 2, 39), par l’annonce de la Sainte Famille à Nazareth : « L’enfant grandissait, se fortifiait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu était sur lui (2, 40) » (p. 124). Le salut de toute l’humanité est en marche, dans la pauvreté et la simplicité d’une famille.
Le quatrième chapitre s’intitule : « Les Mages d’Orient et la fuite en Egypte ». A Cologne, en 2005, pour la Journée mondiale de la jeunesse, le pape avait longuement évoqué les Mages vénérés en la cathédrale de la ville : il les aime tout spécialement.
Le pape commence par planter le cadre historique et la géographie du récit. Puis il se demande : « Qui étaient les Mages ? », « Quel genre d’hommes ? ». Au terme de son enquête, il conclut, pour ainsi dire dans l’esprit de son « Parvis des gentils » : « Les savants de l’Orient sont un commencement, ils représentent la mise en route de l’humanité vers le Christ, ils inaugurent une procession qui parcourt l’histoire tout entière. Ils ne représentent pas seulement les personnes qui ont trouvé le chemin jusqu’au Christ. Ils représentent l’attente intérieure de l’esprit humain, le mouvement des religions et de la raison humaine à la rencontre du Christ » (p. 137).
L’étoile qui veille sur les crèches ou les sapins à Noël a droit à un développement : « Quel type d’étoile était-ce ? A-t-elle vraiment existé ? » Puis vient le passage des Mages à Jérusalem, l’Adoration à Bethléem, la fuite en Egypte et le retour en Israël.
A chaque pas, Benoît XVI lime son analyse et son interprétation à l’interprétation de la grande tradition de l’Eglise, avec les Pères notamment, et aux recherches des exégètes. Puis il risque sa parole sur le texte. Il prend position, en rétablissant parfois les perspectives, comme lorsqu’il affirme : « Les deux chapitres du récit de l’enfance chez Matthieu ne sont pas une méditation exprimée sous forme d’histoires ; au contraire, Matthieu nous raconte la véritable histoire, qui a été méditée et interprétée théologiquement, et ainsi il nous aide à comprendre plus profondément le mystère de Jésus » (p. 169).
Vrai Dieu et vrai homme
« L’Epilogue » est constitué d’un commentaire de l’épisode de « Jésus âgé de douze ans dans le Temple » de Jérusalem et du fait que Jésus « grandit » en taille et en sagesse.
D’une part, « comme Fils, il est à tu et à toi avec le Père. Il vit en sa présence. Il le voit (…). Il est auprès du Père, il voit les choses et les hommes dans Sa lumière ».
D’autre part, « en tant qu’homme, il ne vit pas dans une omniscience abstraite, mais il est enraciné dans une histoire concrète, dans un lieu et dans une époque, dans les différentes phases de la vie humaine, et c’est de tout cela qu’il reçoit la forme concrète de son savoir. Il apparaît donc clairement qu’il a pensé et appris d’une manière humaine ».
« Il devient effectivement évident, qu’il est vrai homme et vrai Dieu, comme l’exprime la foi de l’Eglise, conclut le pape. Nous ne pouvons définir, en dernière analyse, le profond entrelacement entre l’une et l’autre dimension. Celui-ci demeure un mystère et, toutefois, il apparaît de manière vraiment concrète dans le bref récit sur l’enfant de douze ans – récit qui ouvre ainsi, en même temps, la porte vers l’intégralité de sa figure qui nous est racontée ensuite dans les Evangiles » (p. 181).
Dieu s’est fait petit enfant et il a grandi comme un enfant des hommes, a vécu parmi eux. Ces pages déshabituent des lectures rapides voire blasées de textes parfois trop connus. Elles redécouvrent la fraîcheur des récits de l’Enfance du Christ sous des facettes nouvelles, et Benoît XVI, qui ose son interprétation croyante et fondée en raison, s’impliquant en première personne, en disant « je », met en contact direct avec la personne du Christ vivant, grâce à ces récits, si connus, et pourtant ignorés, et toujours inépuisables. Où l’enfant a ses droits.
*En France, chez Flammarion.
Annunciation, Nicolas Poussin – 1657
20 novembre, 2012FRANCE : CULTIVER L’ART DE CÉLÉBRER, MESSAGE DE BENOÎT XVI
20 novembre, 2012http://www.zenit.org/article-32576?l=french
FRANCE : CULTIVER L’ART DE CÉLÉBRER, MESSAGE DE BENOÎT XVI
Deuxième groupe d’évêques français en visite ad limina
ROME, vendredi 16 novembre 2012 (Zenit.org) – « Sachant le soin dont vous cherchez à entourer vos célébrations liturgiques, je vous encourage à cultiver l’art de célébrer, à aider vos prêtres dans ce sens, et à œuvrer sans cesse à la formation liturgique des séminaristes et des fidèles », déclare notamment Benoît XVI dans ce deuxième discours aux évêques de France en visite ad limina (cf. Zenit du 21 septembre 2012, pour le 1er discours).
Le pape a en effet reçu en audience les évêques français des provinces du Nord et de l’Est e visite ad limina.
Discours de Benoît XVI :
Monsieur le Cardinal, chers frères dans l’épiscopat,
Je vous remercie, Éminence, pour vos paroles et je conserve un souvenir très vivant de mon séjour à Paris en 2008, qui a permis d’intenses moments de foi et une rencontre avec le monde de la culture. Dans le message que je vous ai adressé à l’occasion du rassemblement à Lourdes que vous avez organisé en mars dernier, j’ai rappelé que « le Concile Vatican II a été et demeure un authentique signe de Dieu pour notre temps ». C’est particulièrement vrai dans le domaine du dialogue entre l’Église et le monde, ce monde « avec lequel elle vit et agit » (cf. Gaudium et spes, n. 40, §1), et sur lequel elle veut répandre la lumière qui irradie de la vie divine (idem, § 2). Vous le savez, plus l’Église est consciente de son être et de sa mission, plus elle est capable d’aimer ce monde, de porter sur lui un regard confiant, inspiré de celui de Jésus, sans céder à la tentation du découragement ou du repli. Et « l’Église, en remplissant sa propre mission, concourt déjà par là-même à l’œuvre civilisatrice et elle y pousse » (ibidem, n. 58, 4).
Votre nation est riche d’une longue histoire chrétienne qui ne peut être ignorée ou diminuée, et qui témoigne avec éloquence de cette vérité, qui configure encore aujourd’hui sa vocation singulière. Non seulement les fidèles de vos diocèses, mais ceux du monde entier, attendent beaucoup, n’en doutez pas, de l’Église qui est en France. Comme pasteurs, nous sommes, bien sûr, conscients de nos limites ; mais, confiants dans la force du Christ, nous savons aussi qu’il nous revient d’être « les hérauts de la foi » (Lumen gentium, n. 50), qui doivent, avec les prêtres et les fidèles, témoigner du message du Christ « de telle façon que toutes les activités terrestres des fidèles puissent être baignées de la lumière du Christ » (Gaudium et spes, n. 43, § 5).
L’Année de la foi nous permet de grandir en confiance dans la force et la richesse intrinsèques du message évangélique. À combien de reprises n’avons-nous pas constaté que ce sont les mots de la foi, ces mots simples et directs qui sont chargés de la sève de la Parole divine, qui touchent le mieux les cœurs et les esprits et apportent les lumières les plus décisives ? N’ayons donc pas peur de parler avec une vigueur toute apostolique du mystère de Dieu et du mystère de l’homme, et de déployer inlassablement les richesses de la doctrine chrétienne. Il y a en elle des mots et des réalités, des convictions fondamentales et des modes de raisonnement qui peuvent seuls porter l’espérance dont le monde a soif.
Dans les débats importants de société, la voix de l’Église doit se faire entendre sans relâche et avec détermination. Elle le fait dans le respect de la tradition française en matière de distinction entre les sphères des compétences de l’Église et de celles de l’État. Dans ce contexte, précisément, l’harmonie qui existe entre la foi et la raison vous donne une assurance particulière : le message du Christ et de son Église n’est pas seulement porteur d’une identité religieuse qui demanderait à être respectée comme telle ; il porte une sagesse qui permet d’envisager avec rectitude les réponses concrètes aux questions pressantes, et parfois angoissantes, des temps présents. En continuant d’exercer, comme vous le faites, la dimension prophétique de votre ministère épiscopal, vous apportez dans ces débats une parole indispensable de vérité, qui libère et ouvre les cœurs à l’espérance. Cette parole, j’en suis convaincu, est attendue. Elle trouve toujours un accueil favorable lorsqu’elle est présentée avec charité, non comme le fruit de nos propres réflexions, mais d’abord comme la parole que Dieu veut adresser à tout homme.
À cet égard, je me souviens de la rencontre qui eut lieu au Collège des Bernardins. La France peut s’honorer de compter parmi ses fils et ses filles nombre d’intellectuels de haut niveau dont certains regardent l’Église avec bienveillance et respect. Croyants ou non, ils sont conscients des immenses défis de notre époque, où le message chrétien est un point de repère irremplaçable. Il se peut que d’autres traditions intellectuelles ou philosophiques s’épuisent : mais l’Église trouve dans sa mission divine l’assurance et le courage de prêcher, à temps et à contretemps, l’appel universel au Salut, la grandeur du dessein divin sur l’humanité, la responsabilité de l’homme, sa dignité et sa liberté, – et malgré la blessure du péché – sa capacité à discerner en conscience ce qui est vrai et ce qui est bon, et sa disponibilité à la grâce divine. Aux Bernardins, j’avais voulu rappeler que la vie monastique, toute orientée vers la recherche de Dieu, le quaerere Deum, rejaillissait en source de renouveau et de progrès pour la culture. Les communautés religieuses, et notamment monastiques, de votre pays que je connais bien, peuvent compter sur votre estime et vos soins attentifs, dans le respect du charisme propre à chacune. La vie religieuse, au service exclusif de l’œuvre de Dieu, à laquelle rien ne peut être préféré (cf. Règle de saint Benoît), est un trésor dans vos diocèses. Elle apporte un témoignage radical sur la manière dont l’existence chrétienne, précisément lorsqu’elle se met entièrement à la suite du Christ, réalise pleinement la vocation humaine à la vie bienheureuse. La société tout entière, et non seulement l’Église, est grandement enrichie par ce témoignage. Offert dans l’humilité, la douceur et le silence, il apporte pour ainsi dire la preuve qu’il y a davantage dans l’homme que l’homme lui-même.
Comme le rappelle le Concile, l’action liturgique de l’Église fait aussi partie de sa contribution à l’œuvre civilisatrice (cf. Gaudium et spes n. 58, 4). La liturgie est en effet la célébration de l’événement central de l’histoire humaine, le sacrifice rédempteur du Christ. Par là, elle témoigne de l’amour dont Dieu aime l’humanité, elle témoigne que la vie de l’homme a un sens et qu’il est par vocation appelé à partager la vie glorieuse de la Trinité. L’humanité a besoin de ce témoignage. Elle a besoin de percevoir, à travers les célébrations liturgiques, la conscience que l’Église a de la seigneurie de Dieu et de la dignité de l’homme. Elle a le droit de pouvoir discerner, par-delà les limites qui marqueront toujours ses rites et ses cérémonies, que le Christ « est présent dans le sacrifice de la Messe, et dans la personne du ministre » (cf. Sacrosanctum Concilium, n. 7). Sachant le soin dont vous cherchez à entourer vos célébrations liturgiques, je vous encourage à cultiver l’art de célébrer, à aider vos prêtres dans ce sens, et à œuvrer sans cesse à la formation liturgique des séminaristes et des fidèles. Le respect des normes établies exprime l’amour et la fidélité à la foi de l’Église, au trésor de grâce qu’elle garde et transmet ; la beauté des célébrations, bien plus que les innovations et les accommodements subjectifs, fait œuvre durable et efficace d’évangélisation.
Grande est aujourd’hui votre préoccupation pour la transmission de la foi aux jeunes générations. De nombreuses familles dans votre pays continuent à l’assurer. Je bénis et j’encourage de tout cœur les initiatives que vous prenez pour soutenir ces familles, pour les entourer de votre sollicitude, pour favoriser leur prise de responsabilité dans le domaine éducatif. La responsabilité des parents dans ce domaine est un bien précieux, que l’Église défend et promeut autant comme une dimension inaliénable et capitale du bien commun de toute la société, que comme une exigence de la dignité de la personne et de la famille. Vous savez aussi que les défis ne manquent pas dans ce domaine : qu’il s’agisse de la difficulté liée au passage de la foi reçue – familiale, sociale –, de celle de la foi assumée personnellement au seuil de l’âge adulte, ou encore, de la difficulté d’une véritable rupture dans la transmission, lorsque se succèdent plusieurs générations désormais éloignées de la foi vivante. Il y a également l’énorme défi à vivre dans une société qui ne partage pas toujours les enseignements du Christ, et qui parfois cherche à ridiculiser ou à marginaliser l’Église en désirant la confiner dans l’unique sphère privée. Pour relever ces immenses défis, l’Église a besoin de témoins crédibles. Le témoignage chrétien enraciné dans le Christ et vécue dans la cohérence de vie et l’authenticité, est multiforme, sans schéma préconçu. Il naît et se renouvelle sans cesse sous l’action de l’Esprit Saint. En soutien à ce témoignage, le Catéchisme de l’Église catholique est un instrument très utile, car il manifeste la force et la beauté de la foi. Je vous encourage à le faire connaître largement, particulièrement en cette année où nous célébrons le 20° anniversaire de sa publication.
À la place qui est la vôtre, vous rendez aussi témoignage par votre dévouement, votre simplicité de vie, votre sollicitude pastorale, et par-dessus tout par votre union entre vous et avec le Successeur de l’Apôtre Pierre. Conscients de la force de l’exemple, vous saurez aussi trouver les mots et les gestes pour encourager les fidèles à incarner cette « unité de vie ». Ils doivent sentir que leur foi les engage, qu’elle est pour eux libération et non fardeau, que la cohérence est source de joie et de fécondité (cf. Exhort. apost. Christifideles laici, n. 17). Cela vaut aussi bien pour leur attachement et leur fidélité à l’enseignement moral de l’Église que, par exemple, pour le courage à afficher leurs convictions chrétiennes, sans arrogance mais avec respect, dans les divers milieux où ils évoluent. Ceux d’entre eux qui sont engagés dans la vie publique ont dans ce domaine une responsabilité particulière. Avec les Évêques, ils auront à cœur d’être attentifs aux projets de lois civiles pouvant porter atteinte à la protection du mariage entre l’homme et la femme, à la sauvegarde de la vie de la conception jusqu’à la mort, et à la juste orientation de la bioéthique en fidélité aux documents du Magistère. Il est plus que jamais nécessaire que de nombreux chrétiens prennent le chemin de service du bien commun en approfondissant notamment la Doctrine sociale de l’Église.
Vous pouvez compter sur ma prière pour que vos efforts dans ce domaine portent des fruits abondants. Pour finir, j’invoque la bénédiction du Seigneur sur vous, sur vos prêtres et vos diacres, sur les religieux et religieuses, sur les autres personnes consacrées œuvrant dans vos diocèses, et sur vos fidèles. Que Dieu vous accompagne toujours !
[Texte original: Français]
FRANCE : ADRESSE DU CARD. VINGT-TROIS À BENOÎT XVI
20 novembre, 2012http://www.zenit.org/article-32577?l=french
FRANCE : ADRESSE DU CARD. VINGT-TROIS À BENOÎT XVI
Deuxième groupe d’évêques français en visite ad limina
ROME, vendredi 16 novembre 2012 (Zenit.org) – A l’occasion de la visite ad limina des évêques des provinces du Nord et de l’Est de la France, ce 17 novembre, le président de la conférence des évêques de France, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, a prononcé l’adresse suivante :
Très Saint Père,
Les évêques qui ont la joie de vous rencontrer aujourd’hui représentent les cinq provinces ecclésiastiques de Paris, Besançon, Dijon, Lille et Reims auxquels se joignent les diocèses d’Alsace-Moselle, les évêques de l’éparchie des Arméniens et l’évêque aux Armées. Ce groupe important couvre largement le quart Nord-Est de la France. Comme chacune des provinces aura l’occasion de vous exprimer ses particularités, vous me permettrez d’évoquer simplement quelques grandes caractéristiques dont nous partageons les effets.
Nos diocèses sont marqués par les évolutions de la sociologie de nos régions. Au cours des dernières décennies, des secteurs entiers de cette partie de la France ont vu régresser ou disparaître ce qui était un beau potentiel industriel : les bassins miniers, la sidérurgie, l’industrie lourde, industrie textile, les régions agricoles s’interrogent sur leur avenir dans le cadre des négociations européennes, etc. Cet écroulement économique a pesé lourdement sur nos populations et entraîné un appauvrissement humain considérable. Les diocèses les plus ruraux ont subi une perte de population importante et un vieillissement préoccupant, même si nous discernons des signes d’une évolution positive. Enfin, la Région de l’Ile-de-France, avec près d’un cinquième de la population française connaît, avec d’autres métropoles du nord et de l’est, une concentration de populations très diverses et très inégalement intégrées à la vie sociale. Beaucoup de nos concitoyens sont saisis par le désarroi et l’inquiétude.
C’est dans cette situation que les fidèles laïcs de nos diocèses s’efforcent de rendre témoignage au Christ et de participer à la mission de l’Église. Immergés dans une culture dont les références chrétiennes sont très souvent oubliées ou inconnues, ils ont moins de prêtres pour les encadrer et les soutenir. L’avenir de leur vie ecclésiale repose davantage sur leur implication personnelle et sur la grâce de leur baptême et de leur confirmation. Dans ces conditions difficiles, nous sommes témoins de la fidélité de beaucoup de nos fidèles, de leur générosité et de leur détermination à vivre de la foi. Confrontés à des idéologies diverses, ils ressentent le besoin d’une formation chrétienne renouvelée pour rendre compte de leur espérance. Dans chacun de nos diocèses nous nous efforçons de répondre à cette attente et de nous entraider pour le faire. Nous devons aussi rendre grâce à Dieu pour les nombreuses propositions de sessions et de retraites que des communautés ou des mouvements proposent pendant les périodes de repos. Dans beaucoup de nos diocèses, nous engageons le meilleur de nos forces dans la pastorale auprès des jeunes et dans la recherche et l’accompagnement des vocations sacerdotales.
Le ministère des prêtres et des diacres est souvent éprouvant et nous travaillons avec foi et persévérance à renouveler l’appel aux ministères ordonnés tout en développant les moyens de formation permanente et de soutien spirituel pour les prêtres. Leur réduction numérique et leur vieillissement encouragent à mieux cerner la spécificité de leur ministère d’enseignement, de sanctification et de gouvernement. Malgré ces efforts et notre confiance en Dieu, nous ne pouvons pas toujours surmonter une certaine inquiétude sur l’avenir de nos communautés chrétiennes. Dans beaucoup de diocèses, les célébrations dominicales sont vécues sur des villes que les habitants des villages doivent rejoindre. La qualité et la densité spirituelle de la liturgie méritent cet effort. Mais nous avons encore un long chemin à parcourir dans ce sens.
Le cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II est dans nos diocèses une occasion providentielle de revenir au dynamisme spirituel du Concile. Encouragés par votre appel à vivre une Année de la Foi, nous souhaitons en même temps faire connaître le Concile et en développer une interprétation autorisée dans la continuité de la Tradition ecclésiale. Pour nous, le Concile est historiquement achevé, mais il est encore devant nous : il doit encore fructifier et nourrir la mission de l’Église dans le monde de ce temps. Avec vous, nous souffrons de voir certains de nos frères s’adonner au « libre examen » et définir par eux-mêmes la vérité dogmatique. Nous savons avec quelle patience vous essayez de ramener ces fils à la raison et nous vous y aidons autant que nous le pouvons.
La récente session du synode des évêques sur la Nouvelle Evangélisation et la transmission de la foi chrétienne renouvelle l’aspiration de nos communautés chrétiennes à aller au-devant de ceux qui ont laissé se distendre leurs liens avec l’Église. Nous sommes encouragés à mettre en œuvre des initiatives pour relancer une première annonce de la Bonne Nouvelle dans notre société sécularisée.
Dans les débats de société auxquels nous sommes confrontés, nous essayons de susciter et de rejoindre les questionnements et les interrogations des hommes de bonne volonté. Enracinés dans la tradition judéo-chrétienne, nous nous efforçons de formuler, à la lumière de la foi, les impératifs de la morale universelle de telle sorte que ceux qui cherchent le bien puissent y souscrire quand bien même ils ne sont pas chrétiens. Vos interventions, tant à Paris qu’à Londres ou à Berlin nous éclairent et nous encouragent dans la recherche d’une formulation toujours plus accessible à la raison humaine.
Notre rencontre aujourd’hui est pour nous un temps de communion intense avec le Successeur de Pierre et nous vous prions de nous conforter dans notre mission en nous accordant votre bénédiction apostolique.
Icon of the Last Judgment (17th Century)
16 novembre, 2012Le prophète du temps des Gentils, Daniel : Chapitre 12 — Un temps de détresse
16 novembre, 2012http://www.bibliquest.org/Auteurs_divers/BurtonAH-at27-Daniel_ME1904_1905.htm
NOTES SUR LE LIVRE DE DANIEL
Le prophète du temps des Gentils
Chapitre 12 — Un temps de détresse
Trois rois sont en présence dans ces derniers jours que nous venons de considérer : « le roi » régnant à Jérusalem, l’Antichrist (chap. 11:36-39), dont la terrible fin se trouve ailleurs. Il sera détruit par l’apparition de la venue de Christ (2 Thessaloniciens 2 ; Apocalypse 19:20-21). Puis les rois du Nord et du Midi, dont les versets 40-45, donnent l’histoire. Celui qui vient à sa fin sans personne pour le secourir est le dernier roi du Nord, renversé par le Seigneur lui-même sur les montagnes de Judée (Ésaïe 14:25 ; 30:31 ; 31:8-9 ; Michée 5:5-6).
Nous arrivons ici au temps de la fin, « la consommation du siècle » (Matthieu 24:3), qui n’a aucun rapport avec la période chrétienne, parenthèse elle-même dans les conseils de Dieu quant à la terre. Pour Israël, le peuple terrestre, deux siècles ou dispensations sont indiqués : « ce siècle » et « celui qui est à venir » (Matthieu 12:32).
« La fin », ou « la consommation du siècle » (Matthieu 13 ; 24), ne se rapporte en aucune façon à la fin du monde comme système matériel, mais à celle de ce « siècle » de la loi sous lequel se trouvaient les Juifs, en contraste avec « le siècle à venir », où le Messie lui-même se trouvera au milieu d’eux. « Le siècle de la loi » poursuivra son cours après l’enlèvement de l’Église jusqu’à l’apparition de Christ en gloire.
L’Esprit de Dieu révèle quelle sera la condition du peuple de Daniel et quelles circonstances il traversera à la fin : « En ce temps-là », le temps que nous venons d’étudier, « se lèvera Micaël, le grand chef, qui tient pour les fils de ton peuple » (chap. 12:1). Ce sera un ministère angélique en faveur des Juifs, et point encore la présentation personnelle du Messie sur la montagne de Sion, mais Micaël, un des chefs qui tient pour le peuple, sera spécialement envoyé pour veiller à leurs intérêts, bien qu’invisible à leurs yeux comme à ceux de leurs ennemis (comp. Daniel 10:13-21 ; Apocalypse 12:7, etc). Car il y a des principautés et des autorités aussi bien invisibles que visibles (Colossiens 1:16).
Ce temps sera « un temps de détresse tel qu’il n’y en a jamais eu depuis qu’il existe une nation ». La grande tribulation dont il est parlé ailleurs, « le temps de la détresse pour Jacob » (Jérémie 30:7). Mais ce serait une grande erreur de supposer qu’elle concerne les chrétiens, ou que l’Église la traversera, l’Église qui a reçu cette promesse : « Parce que tu as gardé la parole de ma patience, moi aussi je te garderai de l’heure de l’épreuve qui va venir sur la terre habitée tout entière pour éprouver ceux qui habitent sur la terre » (Apocalypse 3:10). En d’autres termes, l’Église ne sera plus sur la terre à ce moment. La terre tout entière en sentira les effets, mais l’épée du jugement atteindra particulièrement les Juifs, comme châtiment du rejet et de la crucifixion de leur Messie.
Le Seigneur y fait allusion en Matthieu 24 : « Il y aura une grande tribulation, telle qu’il n’y en a point eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura jamais », la mettant lui-même en rapport avec le chapitre de Daniel que nous avons sous nos yeux : « Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation, dont il a été parlé par Daniel le prophète, établie dans le lieu saint », etc.
Telle est la perspective de détresse sans précédent qui attend les Juifs à leur retour en Palestine, perspective telle que « si ces jours n’eussent été abrégés, nulle chair n’eût été sauvée ; mais à cause des élus, ces jours-là seront abrégés ». Dieu a toujours les yeux sur son peuple, et au milieu du jugement se souvient de la miséricorde.
Suivant immédiatement cette période de tribulation, des signes et des miracles se verront dans les cieux (Ésaïe 13:10 ; Amos 5:20 ; Actes 2:20), « et alors paraîtra le signe du Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire ». « Le jour du Seigneur », si fréquemment mentionné par les prophètes, est aussi le jour de la délivrance pour le résidu fidèle à Jérusalem, en même temps que de la destruction de leurs ennemis rangés en bataille pour faire la guerre à l’Agneau.
Une question se pose ici. Qu’est-il advenu des dix tribus perdues ? Sont-elles entièrement tombées dans l’oubli ? La réponse nous vient au verset 2 : « Et plusieurs qui dorment dans la poussière, de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre, pour être un objet d’horreur éternelle ». La résurrection du corps n’est point en vue ici, seulement celle d’Israël comme nation, selon l’expression des prophètes (Ésaïe 26:12-24 ; Ézéchiel 37:1-14). L’épreuve des dix tribus les atteindra avant leur retour au pays des pères : « Je suis vivant, dit le Seigneur,… si je ne vous introduis dans le désert des peuples et là n’entre en jugement avec vous face à face !… Et je séparerai d’entre vous les rebelles et ceux qui se sont révoltés contre moi ; je les ferai sortir du pays dans lequel ils séjournent, mais ils n’entreront point dans la terre d’Israël » (Ézéchiel 20:33-44).
Nous apprenons ensuite qu’une récompense spéciale sera décernée, non seulement à ceux qui resteront fidèles au milieu de ce temps d’épreuve, mais encore à ceux qui auront usé de leur influence pour instruire leurs compagnons dans une ligne de conduite agréable à Dieu : « Les sages brilleront comme la splendeur de l’étendue, et ceux qui ont enseigné la justice à la multitude, comme les étoiles à toujours et à perpétuité » (v. 3).
Mais le temps de la fin n’est point encore, et Daniel reçoit cet ordre : « Cache les paroles et scelle le livre, jusqu’au temps de la fin. Plusieurs courront çà et là ; et la connaissance sera augmentée ». Contraste frappant entre cette injonction et ce qui est dit à Jean, dans l’Apocalypse, de ne point sceller les paroles de la prophétie de ce livre, parce que le temps est proche (Apocalypse 22:10).
Pour l’Église, la venue du Seigneur est une espérance journalière, tandis que pour les Juifs, certaines prophéties doivent s’accomplir avant l’arrivée de leur Messie en puissance pour régner sur eux.
Daniel voit maintenant deux autres personnages se tenant sur le bord du fleuve, outre l’homme vêtu de lin (chap. 10:4-6). « Jusques à quand la fin de ces merveilles ? » demande l’un d’eux, en d’autres termes, combien longtemps durera cette grande tribulation ? « Un temps… des temps… et une moitié de temps »… lui est-il répondu, c’est-à-dire trois ans et demi, ou la dernière moitié de la dernière des soixante-dix semaines.
Aucun doute ne nous est donc laissé quant au moment où elle se place, ni à sa signification relative aux Juifs (et point aux chrétiens), tombés si bas qu’ils accepteront le culte idolâtre de l’Antichrist, dans leur temple.
« Mon seigneur, quelle sera l’issue de ces choses ? » demande encore Daniel, mais le moment n’était pas venu pour de plus amples révélations. Nouveau contraste entre les saints de cette dispensation, quelque pieux qu’ils soient, comme un Daniel, et l’Église. Nous avons « l’onction de la part du Saint, et nous connaissons toutes choses » (1 Jean 2:20), dit l’apôtre même aux petits enfants en Christ. Les hommes pieux de l’Ancien Testament ne possédaient pas ce qui distingue les saints de notre dispensation, le Saint-Esprit habitant en eux.
Mais dans le temps à venir, « les sages comprendront ». Ces sages occupent donc une place importante. « Aucun des méchants ne comprendra », quel qu’ait été le degré d’intelligence naturelle, celle dont il est ici question étant morale et non pas simplement intellectuelle.
L’homme vêtu de lin avait annoncé que la tribulation durerait trois ans et demi, soit 1260 jours. Mais plus loin, nous trouvons la mention de deux autres nombres, 1290 et 1335 jours. À quoi ces nombres se rapportent-ils ? Avant tout, il s’agit de comprendre que ces calculs se rapportent au temps qui suivra l’enlèvement de l’Église, autrement la porte est ouverte à toutes les spéculations mensongères ayant pour but de fixer une date au retour du Seigneur pour ses saints.
Le verset 11 indique clairement quel est le point de départ de ce calcul : « Depuis le temps où le sacrifice continuel sera ôté et où l’abomination qui désole sera placée ». Quand sera-ce ? Cela n’a aucun rapport avec les Turcs, ou avec le fléau de l’Islamisme ; il s’agit du sujet traité au chapitre 9:27, la rupture de l’alliance future entre le chef de l’empire Romain et les Juifs, et l’idolâtrie de l’Antichrist établie dans le temple de Jérusalem. La tribulation, châtiment terrible de cette idolâtrie, envoyée de Dieu sur les Juifs, doit durer trois ans et demi ou mille deux cent soixante jours, mais la bénédiction finale d’Israël ne suit pas immédiatement. L’Antichrist sans doute sera détruit, mais il laissera sur la scène d’autres puissances impies, le roi du Nord, Gog et Magog, (Ézéchiel 38 ; 39) et d’autres encore de moindre importance, dont le jugement doit encore s’accomplir. Cela exigera un certain temps, sans doute de peu de durée, car l’Écriture nous indique clairement la fin du roi du Nord comme suivant la destruction de l’Antichrist, qui se produit à l’apparition du Seigneur, tandis que l’Assyrien revient d’Égypte après l’apparition de Christ en Sion. Le châtiment de Gog et Magog est même postérieur à cet événement. Nous ne voulons pas dire que les 1290 et les 1335 jours se rapportent en particulier à ces deux puissances, mais nous en avons dit assez pour suggérer la raison de cette prolongation de jours. La bénédiction complète vient après les 1335 jours.
On a souvent observé que Daniel ne s’étend pas sur la période millénaire, sa prophétie se bornant « au temps des nations ». Il reçoit néanmoins l’assurance qu’il se tiendra dans son lot à la fin des jours. Il ne sera pas absent du déploiement de cette scène glorieuse.
De meilleures choses sont en réserve pour nous, mais ne doivent point diminuer notre appréciation des promesses faites aux pères qui, les ayant vues de loin seulement, se sont néanmoins mis en route avec joie pour atteindre une meilleure patrie et cette cité qui a des fondements dont Dieu est l’architecte et le fondateur.
Avec de plus grands privilèges et des bénédictions d’un ordre plus élevé, ne témoignons-nous pas souvent d’un cœur plus froid et d’un esprit moins zélé que le leur ?
Seigneur, remplis-nous du saint désir dont fut animé jadis ton peuple, qui goûtait ton amour et dont le cœur brûlait pour toi, en attendant patiemment de voir ta face !
Homélie du 33e dimanche ordinaire B
16 novembre, 2012http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
Homélie du 33e dimanche ordinaire B
Dn 12, 1-3 ; He 10, 11-14. 18 ; Mc 13, 24-32
Sur tous les tons et dans toutes les langues, des experts de plus en plus nombreux nous prédisent des bouleversements planétaires. Il est vrai que des signes inquiétants se multiplient : fonte des glaciers, inondations spectaculaires, incendies ravageurs, les « canicules tueuses » (1)… sans oublier des épidémies qui provoquent de véritables hécatombes. Ce n’est pas pour autant une très prochaine fin du monde. D’autant plus que d’autres signes scientifiques, notamment, permettent d’espérer pour notre planète un long avenir de plus en plus surprenant. Par contre, il faut nous rappeler que chaque décès est déjà, pour la personne concernée, la fin de ce monde. Or, cette mort peut toujours nous surprendre. Qui que nous soyons. A n’importe quel âge. Et que dire alors de la mort du Christ et de sa résurrection, qui marquent aussi la fin d’un monde et l’inauguration d’un nouveau ? Les textes liturgiques de ce dimanche, nous invitent à méditer les différentes facettes de ce mystère.
L’extrait d’évangile a été appelé « l’Apocalypse de Marc ». En bref, c’est un mot d’origine grecque, qui signifie « révélation ». Il est surtout utilisé à propos de « révélations divines ». Nous sommes dans le domaine de la littérature, le genre apocalyptique. Des textes inspirés, ou prétendus tels, qui visent, notamment à prédire la date de la fin des temps et la venue d’un » messie « . Le livre de Daniel est l’un des premiers exemples du genre. A l’époque où se développe une littérature de divination : c’est-à-dire l’astrologie, la magie, le spiritisme, les prédictions. C’est là que l’on retrouve les mêmes questions que celles d’aujourd’hui, dans toutes les cultures et dans toutes les religions. Quand le monde ou les mondes vont-ils disparaître ? Qui sortira vainqueur ? le bien ou le mal ? D’où, un vocabulaire, un style particulier et des images semblables : éclipses de soleil ou de lune, apparitions d’anges ou de démons, bouleversements cosmiques, tremblements de terre et inondations, qui viennent illustrer le message.
L’apocalypse de Jean, elle, c’est autre chose. Le langage et les images sont identiques, mais il s’agit-là d’un texte mystique d’inspiration spécifiquement chrétienne.
Quand Marc a mis au point son récit, il a, évidemment, fait écho à la situation et aux problèmes de son temps. Une période très agitée, où l’angoisse est généralisée. Jésus, par exemple, avait déjà fait allusion à la prochaine ruine du Temple. A l’époque de Marc, les chrétiens de Rome subissent une violente persécution. Aujourd’hui, Marc aurait évoqué les terribles ravages du Sida, les génocides, le cataclysme des inondations et des famines, les tsunami, les bombes vivantes. Il aurait cité les témoignages des rescapés des attentats aveugles. En ce temps-là, comme aujourd’hui et en d’autres temps, il y avait aussi de faux prophètes, des intégristes et des révolutionnaires fondamentalistes, prêts à tout.
Mais la clé de cet évangile, c’est la comparaison du figuier. En plein hiver, les premières pousses annoncent le printemps, qui sera suivi de l’été. Nous sommes donc invités à discerner dans les situations les plus tragiques quelques signes de l’été qui approche. Ainsi, jadis, on vénérait le soleil, la lune, les étoiles, comme les dieux. Avec la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, le vieux monde de l’idolâtrie païenne doit disparaître pour faire place à un monde nouveau. Ce qui n’a rien à voir avec une fin catastrophique. Jésus invite simplement à la vigilance. C’est-à-dire rester en tenue de service, garder l’œil ouvert, ne pas se démobiliser, ne pas s’endormir. Inutile donc d’entretenir l’obsession de « la fin du monde ». Le monde ancien s’en va, écrivait Gérard Bessière, et le monde nouveau naît à tout moment, chaque fois qu’il y a plus d’amour, de solidarité et de justice. C’est à nous d’humaniser la terre pour humaniser la vie. A nous d’être des pierres vivantes pour un monde nouveau. A chaque instant, nous pouvons y contribuer.
Alors, n’attendons pas demain, arrêtons de gémir, mettons-nous à l’œuvre, qui que nous soyons et tels que nous sommes. Jusqu’à présent, je n’ai rien fait, disait un jour François d’Assise. Aujourd’hui, je commence.
(1) « Il était une fois la canicule », roman, Michelle d’Astier de la Vigerie, Sarment/Jubilé 2005, 14 €.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008