Archive pour novembre, 2012

Le silence, signe évangélique

28 novembre, 2012

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Le silence, signe évangélique

Il y a plusieurs sortes de silence, car il y a plusieurs manières d’écouter. Il y a, en effet, une écoute intérieure, du cœur, et une écoute extérieure, avec l’oreille. Il y a une écoute contemplative et une écoute ascétique. Une écoute qui est une grâce, un don, qui est mystique. Une écoute qui nécessite un effort physique, un effort de la volonté, qui est le fait de se taire. Le silence exprime donc, implicitement, une attitude et un état d’esprit, il est révélateur de l’être, comme la parole qui révèle ce qui habite celui qui parle. Le silence est une parole. Une parole qui nous invite à écouter ce qui s’entend, ce qui se dit, ce qui est extérieur à nous-même. Une parole qui nous invite à écouter ce qui se passe au tréfonds de notre cœur, à découvrir la présence de Dieu en nous. Une parole qui nous invite à nous taire, à faire l’unité, la paix en nous, à faire un tri des pensées, des images, des désirs qui assaillent notre intériorité. Le silence est une parole qui nous invite à faire le lien avec l’unique Parole nécessaire, Dieu.
Le silence, c’est l’absence de bruits, de paroles. Mais, c’est aussi, au milieu des bruits, des paroles, l’absence d’agitations intérieures, en prière comme au travail, c’est l’absence de pensées susceptibles de rompre le lien intime avec Dieu, de court-circuiter l’action de l’Esprit Saint qui œuvre en nous et nous permet de vivre en paix en nous-même et avec les autres. C’est un état qui indique le règne de la paix du corps et de l’âme, le fait d’être avec Dieu, d’être uni à Lui.
Cependant le silence, quand on en fait l’expérience, avant d’être perçu comme une grâce, un don, est perçu comme une ascèse, une difficulté. Aujourd’hui, il faut parler pour exister, il faut du bruit, de la musique pour meubler le temps et l’espace, le temps occupé à travailler, à manger, etc…, l’espace que l’on habite à plusieurs, où l’on côtoie des personnes que l’on refuse de connaître, d’aimer, avec qui on ne veut pas parler. Le silence peut nous rendre étranger, indifférent les uns par rapport aux autres… Le silence fait monter les pensées, les souvenirs, et avec les angoisses, les culpabilités, les murmures, les rancunes. Bien souvent, le silence ne conduit pas à la paix, mais à la guerre… On ne veut donc pas faire silence, ni en soi, ni au-dehors.
Mais, sans considérer ces difficultés du silence dues aux problèmes de l’existence et à l’histoire de chacun, le silence est une ascèse, il peut être voulu, car le propre de l’homme, c’est de parler, non d’être muet. La parole est un don de Dieu qui caractérise l’être humain par rapport aux animaux, qui lui confère l’intelligence suprême et le pouvoir. Dieu lui-même est Parole : « Le Verbe s’est fait chair ». Dieu parle et crée avec sa Parole, avec ce qu’il est. Dieu est aussi silence quand on ne le perçoit plus à l’intime de nous-même, parce que notre écoute n’est peut-être pas la bonne écoute, notre écoute n’est pas obéissance, elle n’est pas ouverture. L’amour de Dieu peut aussi se dérober à notre intelligence, à notre capacité d’entendre, parce que nous sommes pauvres, petits, limités, parce que la foi consiste à perpétuellement convertir son cœur, c’est-à-dire son écoute pour que notre écoute soit vraie, obéissance à la Parole divine et non interprétation de la Volonté de Dieu, pour que notre vie soit un témoignage. Notre écoute doit sans cesse se conformer à la Parole de Dieu, notre silence à ce que Dieu dit.
Les significations des verbes latins silere et tacere sont intéressantes et illustrent bien ce qui précède. Dans l’usage courant, ces verbes étaient interchangeables, mais tacere désigne l’arrêt ou l’absence de la parole dans une situation donnée, tandis que silere a un sens plus profond et plus général de tranquillité, d’absence de mouvement et de bruit. Il en est de même dans la langue grecque pour les verbes sigân, « être en silence », et siôpân, « se taire, ne pas parler sur ceci ou cela ». Les substantifs silentium et sigè se prêtent à être utilisés dans un contexte religieux comme expression de ce qui est la divinité, ou comme attitude humaine en face de la divinité. Par contre le mot taciturnitas ne correspond pas exactement au sens du verbe tacere. Son sens est plutôt péjoratif, car celui qui est taciturne est peu sociable. Les termes silentium et sigè, taciturnitas et siôpe révèlent les caractères du silence qui, dans le premier cas, est mystique, grâce, paix intérieure, union intime avec Dieu, contemplation de Dieu ; dans le deuxième, ascétique, arrêt volontaire de la parole.

S’il y a plusieurs silences, il y a aussi plusieurs raisons de se taire, de faire silence. On se tait pour être en silence, en état de vivre une union avec Dieu, pour être dans les dispositions qui permettent d’aller à l’intime du cœur. On se tait parce que l’on veut vivre dans le secret du cœur une union avec Dieu. Prier dans le secret, comme nous y invite Jésus dans l’Evangile, n’est-ce pas prier dans le silence, sans proclamer ce qui se vit au-dedans de soi, le dialogue que l’on a avec Dieu. Prier sans rabâcher, c’est-à-dire, prier simplement, n’est-ce pas prier dans le silence, offrir à Dieu ce qu’il sait déjà et se contenter de rendre grâce, de faire confiance. On se tait pour écouter, s’écouter. Pour écouter Dieu et les autres, pour recevoir la Parole, laisser l’autre nous parler, dire ce qu’il a à dire, à nous dire. On se tait par respect de l’autre, à cause de la charité. Le silence n’est donc pas seulement une grâce à recevoir, puisque faire silence, c’est aussi une décision à prendre, et une décision qui conduit à la grâce du silence, au don de la paix intérieure, à l’écoute mutuelle, c’est-à-dire à l’amour.
Nous avons dit plus haut que le silence est une parole. Il l’est en effet, parce qu’il dit « quelque chose », il est un signe. Comme l’obéissance, le silence est un signe d’humilité et de charité, c’est un signe évangélique plus édifiant que tout discours. C’est ainsi que les Pères du Désert, dans leur enseignement sur « l’art de la discrétion », nous invitent à être muet, comme aussi à être aveugle, sourd ; ceci pour éviter de répondre, de juger de façon inopportune. Il vaut mieux être aveugle, c’est-à-dire, faire comme si l’on avait pas vu tel ou tel frère faire telle ou telle chose, afin de porter sur son frère un regard de charité, pur de tout jugement ou de tout mépris. Il vaut mieux être sourd, ne pas retenir telle ou telle parole pour garder un cœur pur, libre de toute amertume. Et il vaut mieux être muet, comme Jésus, se taire pour ne pas juger, mais aimer par delà un acte mauvais dont on a été témoin. Le silence, c’est de l’amour. Si la parole tue, le silence lui peut redonner la vie et la dignité à une personne.
L’obéissance est un renoncement à sa volonté propre, une disposition d’esprit qui rend disponible pour faire la volonté de Dieu, c’est l’exercice de la liberté. Semblablement, le silence est le renoncement à sa parole propre pour se faire écoute de la Parole divine et se faire tout à tous. C’est s’ouvrir, et non se fermer, contrairement à ce que l’on pense. C’est s’ouvrir intérieurement pour laisser Dieu agir par ce qu’il dit, ce qu’il fait dire aux autres. Dieu prend vie en nous, et sa présence nous transforme. Si nous nous taisons, sa parole en nous nous recrée, sans cela, pas d’union à Dieu, pas de paix avec les autres.
On peut demander la grâce du silence, mais on peut aussi prendre le chemin du silence qui nous permet d’atteindre cette grâce, c’est-à-dire prendre les moyens, s’efforcer de se taire pour s’exercer à l’écoute. La grâce, n’est-elle pas la force qui nous est donnée pour nous taire, écouter ? La force, n’est-elle pas la grâce qui nous établit déjà dans la paix du silence ? Il n’y a pas d’ascèse sans contemplation, et vice versa.

Jésus et le silence
Jésus est un modèle de silence et de parole. Jésus, c’est le « Verbe fait chair », la Parole vivante de Dieu. Ce qui est étonnant quand on lit les Evangiles, c’est de constater que Jésus a d’abord vécu dans le silence, et dans l’ombre, c’est-à-dire dans le secret du vouloir du Père ; enfant, infans, sans parole, il a d’abord été à l’école de Marie et Joseph, à celle de l’écoute où il a appris à être homme. Lorsque l’on réfléchit sur les trente premières années du Christ, on comprend mieux la valeur, ou plutôt l’impact, des paroles qu’il adresse à ses disciples, aux malades, aux savants, aux docteurs de la Loi, car si le Fils de Dieu est passé par l’expérience du silence, celle d’être sans parole, d’être enfant, c’est que la parole n’est pas un pouvoir mais un don qui se révèle au fur et à mesure que l’on grandit, que se forme notre intelligence, c’est que la parole passe par un apprentissage de la vie, de l’écoute. Jésus silence, lorsqu’il est sans parole, lorsqu’il n’est qu’un enfant, est écoute.
Plus tard, lorsque Jésus inaugure sa vie publique, quand il est à l’école de son Père céleste, c’est-à-dire au service de sa volonté, il parle et pose des actes : quand il appelle ses premiers disciples, quand il guérit des malades, libère des possédés. Tout ce que fait et dit Jésus ne fait qu’un. La parole est un acte, elle ne reste jamais sans effet. Cela n’est pas sans rappeler la Création, la manière dont Dieu créa le monde. Le souffle qui parcourt les eaux correspond à un temps d’écoute, de silence. Dieu plane sur les eaux, il « cherche » les mots qui exprimeront le mieux ses désirs, sa volonté de nous donner la vie. Dieu n’a rien créé sans avoir préalablement désiré, écouté, c’est-à-dire conçu en lui-même, dans son coeur. Puis il parla et tout exista ! Et vint le temps où la parole prit chair, et où celle-ci advint pour nous sauver.
Jésus, par sa parole, apaise les tempêtes de la mer, la violence qui habite les hommes, des possédés, il libère par les mots-clés qui pardonnent, dénouent intérieurement. Cependant, il n’hésite pas à se retirer seul au désert, à entrer dans le silence. Devant les hommes qui veulent le piéger par sa parole, Jésus préfère se taire plutôt que de juger une femme adultère. Les mots ne doivent pas remplacer les actes, ni les actes contredire ce que l’on dit. Jésus nous enseigne en ce sens à être en vérité. Jésus nous apprend aussi à agir dans le secret, le silence, à ne pas faire du bruit par nos bonnes actions. Sur la Croix, après avoir prié, Jésus se tait avant d’expirer, avant de donner son souffle, et ce qu’on entend de lui, c’est un cri. La première parole d’un enfant est un cri, l’émission d’un premier souffle… A la Pentecôte, Jésus enverra son souffle, l’Esprit qui rappellera à ses disciples tout ce qu’il a dit… La parole est aussi insaisissable que le vent, que le silence !
Jésus est un modèle de silence et de parole, c’est-à-dire un modèle d’humilité et d’obéissance, d’écoute. Quand Jésus parle, ce n’est pas de lui-même, pour lui-même, pour sa gloire, mais c’est toujours habité par la sagesse de son Père, son Amour, c’est pour transmettre le don de la Vie éternelle. Jésus nous prévient et nous invite à la vigilance : l’excès de parole est mauvais, peut nous faire basculer dans le mal. Il faut donc être capable de se taire, d’être simple. Chercher le silence, c’est chercher le bien. Jésus l’affirme : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche de l’homme qui souille l’homme, mais ce qui sort de sa bouche ». La parole peut en effet faire des dégâts dans la vie d’une personne, souvent plus qu’un geste violent. Jésus ne lésine pas sur les mots, il traite d’homicide celui qui insulte son frère. Ce qui veut dire que la parole doit être charité. L’amour est la seule raison pour laquelle Dieu parle et se tait. Se taire, plutôt que de dire du mal, c’est aimer. Ecouter, c’est aimer. L’écoute et le silence, comme l’amour, donnent la vie, la paix. La seule parole de l’homme, c’est celle que nous enseigne Jésus par le témoignage de ce qu’il a vécu en vérité et simplicité : agir pour faire le bien, témoigner par des actes, être une bonne parole par toute sa vie.

Les cisterciens et le silence
Les cisterciens vivent selon la RB et selon un certain état d’esprit propre à leur charisme qui se trouve exprimé dans les écrits des pères de Cîteaux. La RB et la littérature spirituelle cistercienne forment un tout et donnent un enseignement original sur la pratique du silence et de la parole dans les monastères.
Il est frappant de constater en lisant la Règle que saint Benoît parle du silence en lien avec la parole. Si saint Benoît demande aux moines de se taire, c’est qu’ils parlaient ! A l’époque de Benoît, la parole était présente dans les monastères, ce qui l’a conduit à instituer une sorte de discipline de la parole, plutôt que du silence. Pour mettre au point cette discipline, Benoît donne les raisons qui justifient la pratique du silence. Le moine est venu dans le monastère pour chercher Dieu, il s’est retiré du monde pour vivre une solitude commune avec des frères qui sont habités par ce même désir de Dieu. Or Dieu se cherche dans l’écoute. C’est le premier mot de la Règle, le premier commandement de Dieu.
L’écoute pour Benoît revêt le sens de l’obéissance, c’est-à-dire celui de l’abandon de sa volonté propre. Pour Benoît, il faut, en effet, se dévêtir de l’intérieur de tout ce qui nous empêche de servir librement. Mais cette obéissance au dépouillement de soi est un chemin étroit ; il l’a donc balisé par toutes sortes de recommandations concernant l’usage de la parole et du silence, il a établi une sorte de « code de la route » pour atteindre l’intériorité. C’est pourquoi la pratique du silence apparaît chez lui comme un exercice spirituel ascétique et celle de la parole comme un exercice de la charité. La parole doit être uniquement un moyen d’exercer la charité.
Le chapitre sur l’abbé nous offre le modèle du moine qui fait un bon usage de la parole et du silence. La parole, c’est le ministère de l’abbé qui représente le Christ, donc sa parole est au service du salut des frères. Il doit enseigner, ordonner, exhorter ses disciples, agir comme il parle, parler en vérité et en acte, faire des remarques, écouter, dialoguer. (Le cellérier doit lui aussi avoir une bonne parole lorsqu’il ne peut satisfaire la demande matérielle d’un frère). Et quand l’abbé a tout dit et tout fait pour le salut d’un moine récalcitrant, il se tait et prie.
Le silence pour Benoît est un acte d’humilité, une attitude intérieure, un signe révélateur d’une véritable liberté et d’une grande maturité humaine. C’est pourquoi dans les douze degrés de l’humilité qui nous permettent d’accéder à l’amour de Dieu, on peut découvrir les douze degrés du silence qui nous font parvenir à la paix, à l’unité intérieure et à l’union à Dieu dans la solitude du cœur : 1) s’abstenir de paroles 2) faire taire les pensées 3) faire taire ses désirs personnels 4) écouter 5) patienter 6) avouer ses fautes 7) ne pas se plaindre 8) obéir 9) garder le silence 10) être discret dans sa façon de rire 11) être humble dans son cœur 12) parler doucement. Ces douze degrés, ou attitudes à avoir vis-à-vis du silence et de la parole, qui transparaissent dans ceux de l’humilité, sont douze étapes pour parvenir à un bon usage du silence et de la parole, qui vont de la libération des vains propos à celle des mauvaises pensées, de la pureté de la parole à celle du cœur, de l’abandon du mensonge au don reçu de la vérité, de l’orgueil à l’humilité, à l’amour. Ces étapes du silence nous tracent un chemin de conversion du cœur.
Nous remarquons que dans ces douze degrés du silence, Benoît mêle silence et parole. C’est qu’il ne veut pas « brimer » la nature humaine. L’homme, en effet, a été créé avec la parole, avec le rire, avec des désirs. Ce qui compte, c’est d’ordonner la parole, le silence, le rire, les désirs et les pensées. En ce sens, Benoît donne des indications non pas pour brimer le moine, mais pour le libérer intérieurement, le rendre maître de ses passions, de ses paroles comme de ses pensées. L’essentiel, ce n’est pas tant que le moine se taise, mais qu’il sache se taire en temps opportun, que sa parole, comme son silence, soit charité. Le bon usage du silence et de la parole n’a pour but que le bien commun et la paix du coeur. Le silence du moine permet aux autres d’exister, il est respect de la vie intérieure des autres, signe de communion fraternelle. Le silence n’est donc pas séparation, indifférence mais bien plutôt respect et communion profonde, source de charité, humilité, simplicité de coeur.
Saint Benoît tient particulièrement au silence de la nuit ; après l’office des Complies, le moine doit absolument se taire ; mais à cause de la charité, ce silence qui est attente, espérance de Dieu, peut être rompu. Il nous montre par là que l’amour et l’obéissance sont les raisons pour lesquelles on parle. Je n’ai pas le droit de refuser une requête d’un autre frère d’un geste qui résume un non catégorique et l’observance du silence. Ainsi le silence, comme toute observance (on rompt le jeune pour manger avec les hôtes que l’on accueille, on rompt la solitude pour s’occuper des malades), n’a sa valeur que dans l’amour. La force, la grâce et la beauté du silence, du jeûne, de la solitude, c’est l’amour.

b- Silence cistercien
Le silence est particulièrement important pour les cisterciens. « Dans l’Ordre, le silence est une des principales valeurs de la vie monastique. Il assure la solitude de la moniale dans la communauté. Il favorise le souvenir de Dieu et la communion fraternelle ; il ouvre aux inspirations de l’Esprit-Saint, entraîne à la vigilance du cœur et à la prière solitaire devant Dieu. C’est pourquoi en tout temps, mais surtout aux heures de la nuit, les sœurs s’appliquent au silence, gardien de la parole en même temps que des pensées.[1] »
Le silence est un moyen d’union à Dieu. Il est un chemin de pacification, d’unification intérieure, de pureté du cœur, de conversion. Moins le moine parle, moins il se répand au-dehors : il peut donc vivre la grâce de la communion avec Dieu et avec ses frères.
« Rien ne répand davantage hors de soi le cœur de l’homme que l’abondance de paroles. Rien ne mène plus vite au vain discours, ou au sot bavardage, ou même aux propos grossiers que l’abondance de paroles. Alors, pour fuir l’abondance de paroles, nous gardons le silence, même « à propos du bien », pour que l’occasion ne soit pas offerte au mal. « Couvert, le feu brûle davantage », dit le poète. Le mouvement de l’âme, s’il ne se répand pas au-dehors par la verbosité, tournoie intérieurement en une ronde continuelle, comme une flamme de feu et, passant en revue tous les replis de la conscience, trouve de quoi renouveler en lui la douleur d’une salutaire componction, produisant un feu lumineux que dans sa méditation, il dirige vers le haut. « Et dans ma méditation, est-il dit, le feu s’embrasera ». Ainsi arrive-t-il que celui qui a appris à se taire au-dehors avec les hommes, commence intérieurement à parler à Dieu lui-même [2]».
Le silence ne doit pas être pratiqué en vue de mener une certaine forme d’érémitisme. La communauté cistercienne n’est pas une communauté d’ermites, mais une communauté de frères ou de sœurs retirée au désert. Dom Bernardo, notre abbé général, aime bien dire en ce sens, avec un brin d’humour, que les cisterciens ne sont pas des solitaires mais des personnes solidaires, car le charisme cistercien, c’est la vie commune, plus précisément, la vie de communion, car la vita communis est la vie du commun des hommes d’un milieu déterminé.
La pratique du silence ne doit pas non plus être considérée comme un moyen de se protéger des autres, de protéger sa vie spirituelle personnelle afin d’éviter des conflits, des distractions, afin de rester fidèles aux observances monastiques. Le silence est un chemin de paix et de prière, et il est communion, amour de Dieu et du prochain. Le silence créait une solitude intérieure, relative, un espace intérieur pour rencontrer Dieu, un espace pour la prière. Par l’absence de paroles, le moine, la moniale, peut vivre une union forte avec Dieu. Mais, il faut reconnaître qu’il peut y avoir des abus dans l’usage du silence (comme des abus dans l’usage de la parole), dans le sens où celui-ci ne sert plus la charité, prend le dessus sur la vie fraternelle, dans le sens où le silence peut être réduit à une observance pure et « simple ». Il faut considérer la pratique monastique du silence et de la parole, comme une pratique de l’amour. « Le vrai cistercien est celui qui sait non seulement quand il faut garder le silence, mais quand et comment il faut parler, montrer ou non de la sympathie.» [3] Sinon le silence est mutisme, isolement au nom de saints rites monastiques, il devient un moyen de se mettre à l’abri des autres et de commettre des « fautes »…, il n’est plus un temps de rencontre avec Dieu, de communion fraternelle, un espace intérieur pour aimer.
Le silence, tel que le concevaient nos premiers Pères, et déjà saint Benoît dans le chapitre sur « l’obéissance aux choses impossibles » de sa Règle, c’est la première étape du dialogue et de la paix ; sans silence, pas de paroles qui portent du fruit de charité, de même que sans prière, il n’y a pas d’action porteuse d’un fruit d’amour. Il y avait bel et bien la parole entre frères à l’époque de saint Bernard, mais cette parole devait être charité. Aelred pratiquait avec ses frères ce qu’on appelle aujourd’hui le « dialogue communautaire », ceci pour libérer les cœurs et ajuster l’amour les uns envers les autres. Ce que nos premiers Pères nous apprennent ainsi, c’est qu’il n’y a que le commandement de l’amour qui puisse justifier le silence et la parole, comme la solitude et le service des autres. Le dialogue, le silence et la parole sont nécessaires pour chercher Dieu. La parole entretient le lien de la charité entre frères et le silence celui que l’on a avec Dieu. Si le silence est écoute de l’autre, il est amour, don de la grâce. Il ne saurait être simple observance.

Conclusion
Le silence est amour. Il nous tourne vers Dieu, car c’est un moyen qui nous permet de L’écouter, de Lui parler, de nous rendre disponible pour les autres, pour aimer. La charité donne sens au silence et est le but du silence.
Le silence est une grâce qui pacifie intérieurement : il unifie. Chemin de paix, il est chemin de communion à l’intime du cœur.
Le silence purifie. Faire taire les pensées, éteindre les excès de notre imagination, les appels de nos désirs, tout cela crée « en nous en cœur pur, capable de Dieu », d’écoute, d’amour vrai.
La parole est nécessaire, elle prend son sens, elle aussi, dans l’amour. Dans la vie monastique, il faut pratiquer la parole, le silence, le dialogue, à cause de l’amour, à cause de l’évangile, pour que notre retrait du monde soit un témoignage.

Sœur Marie-Benoît

[1] Constitutions des moniales C.24 : « la garde du silence ».
[2] Isaac de l’Etoile, Sermon 50 pour la fête des saints Pierre et Paul.
[3] Thomas Merton, La vie silencieuse, p. 130, ed. du Seuil, Paris, 1957.

Mosaique Du Catholicon Ange De L Annonciation Daphni

27 novembre, 2012

Mosaique Du Catholicon Ange De L Annonciation Daphni dans images sacrée 12%20MOSAIQUE%20DU%20CATHOLICON%20ANGE%20DE%20L%20ANNONCIAT

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Les anonymes de l’Évangile: Rencontres avec des souffrants

27 novembre, 2012

 http://www.bible-service.net/site/1578.html

Les anonymes de l’Évangile

(poursuite des chapitres que j’ai déjà mis)

Rencontres avec des souffrants

Dans les trois évangiles synoptiques, le ministère de Jésus se déroule sous le signe de la rencontre avec celles et ceux qui souffrent : malades, possédés et leur entourage. Depuis longtemps, la recherche exégétique s’est employée à classer ce qu’on appelle communément les « récits de miracle », elle en a dégagé les schémas types et s’est rendue attentive à l’originalité littéraire et théologique de chaque évangile. Nous y ajouterons les catégories apparues dans le chapitre précédent : premier, dernier, unique. Pour chaque évangile, nous poserons la question : qui sont le premier et le dernier souffrants rencontrés par Jésus ? En quoi chaque rencontre est-elle unique ?

L’étude se déploiera comme suit : un premier temps sera consacré aux convergences entre les évangiles synoptiques et un second temps à l’originalité de chacun. Et ceci en nous plaçant de deux points de vue : d’abord en essayant de saisir la trajectoire qui mène de la première à la dernière rencontre, ensuite en nous concentrant sur le portrait d’une personne particulière.

Convergences

Nous envisageons ici les récits de guérison et d’exorcisme communs aux évangiles synoptiques, dans leur singularité comme dans leur succession. À la lecture du tableau suivant, il est possible de relever un certain nombre de séquences communes qui s’enchaînent plus ou moins dans un même ordre.

Premières guérisons

Cette première séquence comprend la guérison d’un possédé et celle de la belle-mère de Pierre suivi d’un « sommaire » au coucher du soleil, dans le cadre plus ou moins strict d’une journée à Capharnaüm. On peut y joindre la guérison du lépreux. Selon les évangiles, les récits ne s’enchaînent pas dans le même ordre, en fonction de la christologie de chacun.

Le pur et l’impur

Toutefois, même si chez Matthieu la carrière de Jésus commence par la purification d’un lépreux alors qu’elle débute, chez Marc et Luc, par un exorcisme, ces premiers récits de rencontre se situent tous sur la frontière entre le pur et l’impur. L’homme de la synagogue est « possédé par un esprit impur » (Mc 1,23 ; Lc 4,33) et le lépreux demande à « être purifié » (Mt 8,2-3) ; les trois synoptiques ont fait le choix de saisir Jésus sur une zone de fracture des sociétés de leur temps. Et cela, de façon publique : l’exorcisme a lieu dans le cadre public de la synagogue de Capharnaüm (Mc 1,21 ; Lc 4,33) et des foules nombreuses suivent Jésus qui descend de la montagne quand survient le lépreux (Mt 8,1). Ce dernier récit se trouve d’ailleurs dans les trois évangiles. Jésus « étend la main », comme jadis Moïse quand il accomplissait des prodiges (Ex 14,21.27).

Une femme malade

Les évangélistes synoptiques s’accordent pour dire que la belle-mère de Pierre est la première femme rencontrée par Jésus. C’est aussi la première fois que Jésus franchit le seuil d’une maison. Les trois récits s’achèvent sur le service : « elle les [le] servait » (Mc 1,31 et //). Certains auteurs féministes ont pu, à raison, analyser ce récit, en particulier celui de Mt, comme un récit de vocation : Pierre et ses compagnons sont appelés à devenir pêcheurs d’hommes, la belle-mère de Pierre est appelée à servir. Quoi qu’il en soit, nous pouvons au moins prendre acte d’un nouveau point d’accord entre les évangiles synoptiques : le contraste entre cette femme, personnalité reconnue de l’entourage apostolique, et les autres anonymes qualifiés par leur seule maladie : le possédé, le lépreux.

Les rencontres avec les pécheurs

Cette deuxième séquence comprend la guérison du paralytique, l’appel du collecteur d’impôt et le repas en compagnie des pécheurs qui s’achève sur une déclaration de Jésus révélant le sens de sa mission : « Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs » (Mc 2,17 et //).

Le récit de la guérison du paralytique présente des traits communs aux trois synoptiques : Jésus voit la foi avant de libérer l’infirme de son péché et de son handicap. Pour la première fois dans le cours des évangiles apparaît le groupe des scribes opposants à Jésus ; dans le même temps, le récit s’achève sur un chœur final qui rend gloire à Dieu (Mc 2,12b et //).

Un contraste est établi entre le paralytique anonyme et le disciple collecteur d’impôt connu sous le nom de Lévi (selon Lc et Mc) ou Matthieu (selon Mt). Dans les deux cas, la rencontre commence par un regard : Jésus « voit » la foi des porteurs, puis il « voit » le collecteur d’impôt assis à son bureau. Par la suite, sa parole a un effet immédiat : le paralytique prend son brancard et part, Lévi/Matthieu se lève et suit Jésus.

Les polémiques

Une polémique vient s’insérer dans le récit de la guérison de l’homme à la main desséchée. Une controverse précédente a porté sur le respect du sabbat (Mc 2,23 et //). L’épisode, qui a pour cadre le sabbat et la synagogue, vient conforter et illustrer la déclaration de Jésus : « Le Fils de l’homme est maître du sabbat » (Mc 2,27 et //). En tous les cas, elle aboutit à un complot contre Jésus. Le verbe katagorô, « accuser » apparaît ici pour la première fois (Mc 3,2 et //) et ne revient que dans le cadre des récits de la Passion. Cette guérison provocante oriente déjà vers le drame final. La perspective s’élargit ensuite par la mention de guérisons et exorcismes collectifs (Mc 3,10-11 et //).

Les récits de tempêtes

Jésus passe en pays païen et affronte la tempête des flots et celle du démoniaque. Dans ces deux récits, la mer joue un rôle capital comme lieu de mort par noyade (Mc 4,38 et // ; 5,13 et //).

Dans le récit de la tempête apaisée, Jésus « menace » les éléments naturels, comme il menace habituellement les esprits impurs. Curieusement, ce verbe n’est pas repris dans le récit du possédé de Gérasa. Mais il y a tout un jeu entre le singulier et le pluriel : Jésus devient de plus en plus singulier [seul] et le[s] démoniaque[s] de plus en plus pluriel[s]. Le démon s’exprime au pluriel, il se perd dans un troupeau de porcs. Et toute la ville (nouveau pluriel) vient demander à Jésus de s’en aller. Ce premier coup d’éclat de Jésus en pays païen aboutit à son expulsion de ce territoire. Le cri du possédé : « De quoi te mêles-tu, Fils du Dieu très haut ? » (Mc 5,7 et //) constitue une réponse à la déclaration des passagers de la barque : « Qui donc est-il ? » (Mc 4,41 et //). D’une certaine manière, Jésus joue son identité et le succès de sa mission dans cette rencontre tumultueuse avec le possédé païen.

La femme malade et la fillette morte

Ces deux récits sont arrimés l’un à l’autre par la technique de l’enchâssement. Par plus d’un trait, les deux personnages font l’objet d’une mise en parallèle :

 leur âge : une femme malade depuis douze ans, une fillette du même âge (Mc 5,25.42) ;
 leur statut social : une femme seule qui approche de manière subreptice, une fille de notable qui bénéficie du soutien paternel ;
 le contact avec Jésus : l’une touche son manteau alors que Jésus saisit la main de l’autre (infraction au code de pureté).
Le parallélisme entre les personnages féminins est redoublé par celui entre la femme et le père de la fillette. La foi de la femme malade rejoint la foi du notable prosterné ; notons un glissement de vocabulaire significatif : le notable supplie Jésus pour sa « fille » (thugater), mais quand Jésus est confronté à la femme guérie, c’est lui qui use de ce terme : « [Ma] fille, ta foi t’a sauvée », comme s’il se faisait le père de cette femme qui jusqu’alors ne bénéficiait d’aucune protection masculine (c’est la seule femme que Jésus interpelle de la sorte).

La technique de l’enchâssement souligne les correspondances entre les personnages et les actes de foi du notable et de la femme impure se complètent. Si l’on se place sur le plan de la rencontre, il y a là la traduction d’une expérience humaine simple et profonde : parti secourir un homme en détresse, Jésus est retardé en cours de route par une autre détresse.

Les deux fils

La guérison de l’enfant épileptique, après la transfiguration, fait résonner une voix paternelle humaine : « Je t’ai amené mon fils » (Mc 9,17 et //), qui fait écho à la voix paternelle divine : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le » (Mc 9,7 et //). Le récit illustre par ailleurs l’absence de foi des disciples et la puissance de Jésus.

Le point d’aboutissement : l’aveugle guéri

S’il y a divergence entre les synoptiques sur la première rencontre de Jésus, il y a par contre accord sur la dernière rencontre. La scène se déroule à Jéricho, elle met face à face Jésus et un [deux] aveugle[s] (Mc 10,46-52 et //), elle clôt le ministère de Jésus avant Jérusalem. Notons qu’habituellement tous les récits de guérison se concluent par le renvoi de la personne malade mais qu’ici, de façon inattendue, l’aveugle suit Jésus sur la route de Jérusalem (encadré ci-dessous). De façon diverse, selon les évangiles, la rencontre s’achève comme un récit de vocation qui semble faire pendant au récit de l’appel des premiers disciples (Mc 1,16-18 et //). C’est bien là le paradoxe : le récit du dernier miracle accompli par Jésus, c’est l’histoire de la première personne guérie qui se décide à le suivre !

Contrastes

Diversement selon les séquences, les évangiles jouent d’un certain nombre de contrastes :

 entre les foules et les individus : alternance entre les récits de guérisons collectives (les « sommaires ») et les récits de rencontre personnelle ; le même ressort fonctionne quand un personnage surgit de la foule (femme hémorroïsse chez Mc et Lc, aveugle[s] de Jéricho chez tous) ;
 entre les hommes et les femmes : le lépreux et la belle-mère de Pierre, le notable et la femme hémorroïsse ;
 entre les personnalités reconnues (la belle-mère de Pierre, le disciple Lévi/Matthieu) et les personnes anonymes (le lépreux, le possédé, le paralytique) ;
 contraste social enfin : la fillette qui bénéficie de l’intercession de son père, un notable, et la femme hémorroïsse dans sa solitude avant d’être désignée comme « fille ».
Ainsi, les évangiles permettent-ils de saisir la variété des personnes rencontrées par Jésus au-delà des clivages que la société juive du Ier siècle pouvait imposer. Jésus semble même marquer une nette préférence pour ceux qui se situent aux marges. Chaque récit évangélique organise ces contrastes de façon originale.

Vianney Bouyer, Cahier Évangile n° 160 (juin 2012) p. 17-21.

LA « LOURDE RESPONSABILITÉ » DES CARDINAUX, HOMÉLIE DE BENOÎT XVI

27 novembre, 2012

http://www.zenit.org/article-32651?l=french

LA « LOURDE RESPONSABILITÉ » DES CARDINAUX, HOMÉLIE DE BENOÎT XVI

Messe avec les six nouveaux cardinaux, fête du Christ Roi

ROME, dimanche 25 novembre 2012 (Zenit.org) – Les cardinaux ont une « lourde responsabilité » explique Benoît XVI, celle de «  rendre témoignage au règne de Dieu, à la vérité ». Et d’expliquer : « Cela signifie faire émerger toujours la priorité de Dieu et de sa volonté face aux intérêts du monde et à ses puissances ».
Le pape Benoît XVI a en effet présidé la messe, à 9 h 30, en la basilique Saint-Pierre, ce dimanche 25 novembre, en la fête du Christ Roi de l’Univers – dernier dimanche de l’Année liturgique -, entouré des six nouveaux cardinaux « créés » hier, 24 novembre (cf. Zenit du 24 novembre, pour l’allocution de Benoît XVI sur l’Eglise).
« Soyez les imitateurs de Jésus, qui, devant Pilate, dans la situation humiliante décrite par l’Évangile, a manifesté sa gloire : celle d’aimer jusqu’au bout, en donnant sa propre vie pour les personnes qu’il aime », a exhorté le pape.
Homélie de Benoît XVI :           
Messieurs les Cardinaux,
?Vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et sœurs,
La solennité du Christ-Roi de l’univers – couronnement de l’année liturgique – s’enrichit aujourd’hui de l’accueil dans le Collège cardinalice de six nouveaux Membres que, selon la tradition, j’ai invités à concélébrer avec moi l’Eucharistie, ce matin. À chacun d’eux, j’adresse mes plus cordiales salutations, en remerciant le Cardinal James Michael Harvey pour les paroles courtoises qu’il m’a adressées au nom de tous. Je salue les autres Cardinaux et tous les Prélats présents, ainsi que les illustres autorités, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, les prêtres, les religieux et tous les fidèles, particulièrement ceux venus des diocèses confiés à la charge pastorale des nouveaux Cardinaux.
En ce dernier dimanche de l’année liturgique, l’Église nous invite à célébrer le Seigneur Jésus, Roi de l’univers. Elle nous appelle à tourner notre regard vers l’avenir, ou mieux plus profondément, vers la destination finale de l’histoire qui sera le règne définitif et éternel du Christ. Il était au commencement avec le Père, quand le monde a été créé, et il manifestera pleinement sa seigneurie à la fin des temps, quand il jugera tous les hommes. Les trois lectures d’aujourd’hui nous parlent de ce règne.
Dans le passage de l’évangile, tiré du récit de Saint Jean, que nous avons écouté, Jésus se trouve dans une situation humiliante – celle d’accusé – devant le pouvoir romain. Il a été arrêté, insulté, raillé, et ses ennemis espèrent obtenir maintenant sa condamnation au supplice de la croix. Ils l’ont présenté à Pilate comme quelqu’un qui aspire au pouvoir politique, comme le prétendu roi des juifs. Le procureur romain mène son enquête et interroge Jésus : « Es-tu le roi des Juifs ? » (Jn 18, 33). Répondant à cette demande, Jésus précise la nature de son règne et de sa messianité-même, qui n’est pas un pouvoir mondain, mais un amour qui sert ; il affirme que son règne ne doit pas être absolument confondu avec un règne politique quelconque : « Ma royauté ne vient pas de ce monde … Non, ma royauté ne vient pas d’ici » (v. 36).
Il est évident que Jésus n’a aucune ambition politique. Après la multiplication des pains, les gens, enthousiasmés par le miracle, voulaient s’emparer de lui pour le faire roi, afin de renverser le pouvoir romain et établir ainsi un nouveau règne politique, qui aurait été considéré comme le royaume de Dieu tant attendu. Mais Jésus sait que le royaume de Dieu est d’un genre tout autre, il ne se fonde pas sur les armes et sur la violence. C’est la multiplication des pains qui devient alors, d’une part, le signe de sa messianité, mais, d’autre part, un tournant dans son activité : à partir de ce moment, la marche vers la croix se fait plus évidente ; là, par un acte suprême d’amour, resplendira le règne promis, le règne de Dieu. Mais la foule ne comprend pas, elle est déçue et Jésus se retire, tout seul, dans la montagne pour prier (cf. Jn 6, 1-15).
Dans le récit de la passion, nous voyons comment les disciples aussi, tout en ayant partagé la vie avec Jésus et écouté ses paroles, pensaient à un royaume politique, instauré même avec l’aide de la force. À Gethsémani, Pierre avait tiré du fourreau son épée et avait commencé à combattre, mais Jésus l’avait empêché (cf. Jn 18, 10-11). Il ne veut pas être défendu par les armes, mais il veut accomplir jusqu’au bout la volonté de son Père et établir son royaume non pas par les armes et la violence, mais par la faiblesse apparente de l’amour qui donne la vie. Le royaume de Dieu est un royaume totalement différent des royaumes terrestres.
Et c’est pour cela que, face à un homme sans défense, fragile, humilié, comme l’est Jésus, un homme de pouvoir comme Pilate reste surpris ; surpris parce qu’il entend parler d’un royaume, de serviteurs. Et il pose une question qui lui semblera paradoxale : « Alors, tu es roi ? ». Quel genre de roi peut être un homme dans ces conditions-là ? Mais Jésus répond par l’affirmative : « C’est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité, écoute ma voix » (18, 37). Jésus parle de roi, de royaume, cependant, il ne se réfère pas à la domination, mais à la vérité. Pilate ne comprend pas : peut-il exister un pouvoir qui ne s’obtient pas par des moyens humains ? Un pouvoir qui ne réponde pas à la logique de la domination et de la force ? Jésus est venu révéler et apporter une nouvelle royauté, celle de Dieu ; il est venu rendre témoignage à la vérité d’un Dieu qui est amour (cf. 1 Jn 4, 8.16) et qui veut établir un royaume de justice, d’amour et de paix (cf. Préface). Celui qui est ouvert à l’amour, écoute ce témoignage et l’accueille avec foi, pour entrer dans le royaume de Dieu.
Nous retrouvons cette perspective dans la première lecture que nous venons d’écouter. Le prophète Daniel prédit le pouvoir d’un personnage mystérieux placé entre ciel et terre : « Je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et toutes les langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite » (7, 13-14). Ces paroles annoncent un roi qui domine de la mer à la mer jusqu’aux bouts de la terre, grâce à un pouvoir absolu qui ne sera jamais détruit. Cette vision du prophète – une vision messianique – est éclairée et trouve sa réalisation dans le Christ : le pouvoir du vrai Messie – pouvoir qui ne décline jamais et qui ne sera jamais détruit – n’est pas celui des royaumes de la terre qui s’élèvent et s’écroulent, mais celui de la vérité et de l’amour. Cela nous fait comprendre comment la royauté annoncée par Jésus dans les paraboles et révélée ouvertement et explicitement devant le Procureur romain, est la royauté de la vérité, l’unique qui donne à toute chose sa lumière et sa grandeur.
Dans la deuxième lecture, l’auteur de l’Apocalypse affirme que nous aussi nous participons à la royauté du Christ. Dans l’acclamation adressée à « celui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang », il déclare que celui-ci « a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père » (1, 5-6). Il est clair ici aussi qu’il s’agit d’un royaume fondé sur la relation avec Dieu, avec la vérité, et non pas un royaume politique. Par son sacrifice, Jésus nous a ouvert le chemin pour une relation profonde avec Dieu : en lui, nous sommes devenus de véritables fils adoptifs, nous sommes rendus ainsi participants de sa royauté sur le monde. Être disciples de Jésus signifie donc ne pas se laisser séduire par la logique mondaine du pouvoir, mais apporter au monde la lumière de la vérité et de l’amour de Dieu. L’auteur de l’Apocalypse étend ensuite son regard à la deuxième venue de Jésus pour juger les hommes et établir pour toujours le règne divin, et il nous rappelle que la conversion, comme réponse à la grâce divine, est la condition pour l’instauration de ce royaume (cf. 1, 7).
C’est là une invitation pressante adressée à tous et à chacun : nous convertir toujours au règne de Dieu, à la seigneurie de Dieu et de la Vérité, dans notre vie. Chaque jour, nous l’invoquons dans la prière du ‘Notre Père’ avec les paroles : « Que ton règne vienne » ; cela revient à dire à Jésus : Seigneur fais-nous devenir tiens, vis en nous, rassemble l’humanité dispersée et souffrante, pour qu’en toi, tout soit soumis au Père de miséricorde et d’amour.
À vous, chers et vénérés frères Cardinaux – je pense particulièrement à ceux qui ont été créés hier – est confiée cette lourde responsabilité : rendre témoignage au règne de Dieu, à la vérité. Cela signifie faire émerger toujours la priorité de Dieu et de sa volonté face aux intérêts du monde et à ses puissances. Soyez les imitateurs de Jésus, qui, devant Pilate, dans la situation humiliante décrite par l’Évangile, a manifesté sa gloire : celle d’aimer jusqu’au bout, en donnant sa propre vie pour les personnes qu’il aime. C’est la révélation du règne de Jésus. Et c’est pourquoi, d’un seul cœur et d’une seule âme, prions : « Adveniat regnum tuum » (Que ton règne vienne). Amen.
 [Texte original: italien]

Saint Colomban

23 novembre, 2012

Saint Colomban dans images sacrée

http://www.santiebeati.it/immagini/?mode=view&album=30200&pic=30200B.JPG&dispsize=Original&start=0

Pape Benoît: Saint Colomban, un saint « européen » – 23 Novembre, mf

23 novembre, 2012

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2008/documents/hf_ben-xvi_aud_20080611_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 11 juin 2008  

Saint Colomban, un saint « européen » – 23 Novembre, mf

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, je voudrais parler du saint abbé Colomban, l’Irlandais le plus célèbre du bas Moyen-Age:  il peut à juste titre être appelé un saint « européen », parce que comme moine, missionnaire et écrivain, il a travaillé dans divers pays de l’Europe occidentale. Avec les Irlandais de son époque, il été conscient de l’unité culturelle de l’Europe. Dans une de ses lettres, écrite vers l’an 600 et adressée au Pape Grégoire le Grand, on trouve pour la première fois l’expression « totius Europae – de toute l’Europe », avec une référence à la présence de l’Eglise sur le continent (cf. Epistula I, 1).
Colomban était né vers 543 dans la province de Leinster, dans le sud-est de l’Irlande. Eduqué chez lui par d’excellents maîtres qui l’orientèrent vers l’étude des arts libéraux, il s’en remit ensuite à la conduite de l’abbé Sinell de la communauté de Cluain-Inis, dans le nord de l’Irlande, où il put approfondir l’étude des Saintes Ecritures. A l’âge de vingt ans environ, il entra dans le monastère de Bangor dans le nord-est de l’île, où se trouvait l’abbé Comgall, un moine très célèbre pour sa vertu et sa rigueur ascétique. En pleine harmonie avec son abbé, Colomban pratiqua avec zèle la discipline sévère du monastère, en menant une vie de prière, d’ascèse et d’études. Il y fut également ordonné prêtre. La vie à Bangor et l’exemple de l’abbé influèrent sur la conception du monachisme que Colomban mûrit avec le temps et diffusa ensuite au cours de sa vie.
A l’âge d’environ cinquante ans, suivant l’idéal ascétique typiquement irlandais de la « peregrinatio pro Christo », c’est-à-dire de se faire pèlerin pour le Christ, Colomban quitta l’île pour entreprendre avec douze compagnons une œuvre missionnaire sur le continent européen. En effet, nous devons avoir à l’esprit que la migration de peuples du nord et de l’est avait fait retomber dans le paganisme des régions entières déjà christianisées. Autour de l’an 590, le petit groupe de missionnaires accosta sur la côte bretonne. Accueillis avec bienveillance par le roi des Francs d’Austrasie (la France actuelle), ils demandèrent uniquement une parcelle de terre non-cultivée. Ils obtinrent l’antique forteresse romaine d’Annegray, en ruine et abandonnée, désormais recouverte par la forêt. Habitués à une vie de privation extrême, les moines réussirent en quelques mois à construire sur les ruines le premier monastère. Ainsi, leur réévangélisation commença a avoir lieu tout d’abord à travers le témoignage de leur vie. En même temps que la nouvelle culture de la terre, commença également une nouvelle culture des âmes. La renommée de ces religieux étrangers qui, en vivant de prière et dans une grande austérité, construisaient des maisons et défrichaient la terre, se répandit très rapidement en attirant des pèlerins et des pénitents. Beaucoup de jeunes demandaient à être accueillis dans la communauté monastique pour vivre, à leur manière, cette vie exemplaire qui renouvelle la culture de la terre et des âmes. Très vite la fondation d’un second monastère fut nécessaire. Il fut édifié à quelques kilomètres de distance, sur les ruines d’une antique ville thermale, Luxeuil. Le monastère allait ensuite devenir le centre du rayonnement monastique et missionnaire de tradition irlandaise sur le continent européen. Un troisième monastère fut érigé à Fontaine, à une heure de route plus au nord.
Colomban  vécut  pendant  environ vingt ans à Luxeuil. C’est là que le saint écrivit pour ses disciples la Regula monachorum – qui fut pendant un certain temps plus répandue en Europe que celle de saint Benoît -, qui trace l’image idéale du moine. C’est la seule règle monastique irlandaise ancienne aujourd’hui en notre possession. Il la compléta avec la Regula coenobialis, une sorte de code pénal pour les infractions des moines, avec des punitions assez surprenantes pour la sensibilité moderne, et qui ne s’expliquent que par la mentalité de l’époque et du contexte. Avec une autre œuvre célèbre intitulée De poenitentiarum misura taxanda, écrite également à Luxeuil, Colomban introduisit sur le continent la confession et la pénitence privées et répétées; elle fut appelé la pénitence « tarifée » en raison de la proportion entre la gravité du péché et le type de pénitence imposée par le confesseur. Ces nouveautés éveillèrent le soupçon des évêques de la région, un soupçon qui se transforma en hostilité lorsque Colomban eut le courage de les critiquer ouvertement en raison des mœurs de certains d’entre eux. L’occasion saisie pour manifester ce différend fut la dispute sur la date de Pâques:  l’Irlande suivait en effet la tradition orientale en opposition avec la tradition romaine. Le moine irlandais fut convoqué en 603 à Chalon-sur-Saône pour rendre compte devant un synode de ses habitudes relatives à la pénitence et à la Pâque. Au lieu de se présenter au synode, il envoya une lettre dans laquelle il minimisait la question en invitant les Pères synodaux à discuter non seulement du problème de la date de Pâques, un problème mineur selon lui, « mais également de toutes les règles canoniques nécessaires que beaucoup – chose plus grave – ne respectent pas » (cf. Epistula II, 1). Dans le même temps, il écrivit au Pape Boniface IV – comme quelques années plus tôt, il s’était adressé à Grégoire le Grand (cf. Epistula I) – pour défendre la tradition irlandaise (cf. Epistula III).
Intransigeant comme il l’était sur toute question morale, Colomban entra par la suite en conflit avec la maison royale, parce qu’il avait reproché avec dureté au roi Théodoric ses relations adultérines. Il en naquit un réseau d’intrigues et de manœuvres au niveau personnel, religieux et politique qui, en l’an 610, se traduisit par un décret d’expulsion de Luxeuil contre Colomban et tous les moines d’origine irlandaise, qui furent condamnés à un exil définitif. Ils furent escortés jusqu’à la mer et embarqués aux frais de la cour vers l’Irlande. Mais le navire s’échoua non loin de la plage et le capitaine, y voyant un signe du ciel, renonça à l’entreprise et, de peur d’être maudit par Dieu, ramena les moines sur la terre ferme.  Ceux-ci  au  lieu  de rentrer à Luxeuil, décidèrent d’entamer une nouvelle œuvre d’évangélisation. Ils s’embarquèrent sur le Rhin et remontèrent le fleuve. Après une première étape à Tuggen près du lac de Zurich, ils se rendirent dans la région de Bregenz près du lac de Constance pour évangéliser les Allemands.
Mais peu de temps après, Colomban, à cause d’événements politiques peu favorables à son œuvre, décida de traverser les Alpes avec la plupart de ses disciples. Seul un moine du nom de Gallus demeura; à partir de son monastère se  développera  ensuite  la  célèbre  abbaye de Saint-Gall, en Suisse. Arrivé en Italie, Colomban trouva un accueil bienveillant auprès de la cour royale lombarde, mais il dut immédiatement affronter de grandes difficultés:  la vie de l’Eglise était déchirée par l’hérésie arienne qui prévalait encore chez les Lombards et par un schisme qui avait éloigné la majeure partie des Eglises d’Italie du Nord de la communion avec l’Evêque de Rome. Colomban prit place avec autorité dans ce contexte, en écrivant un libelle contre l’arianisme et une lettre à Boniface IV pour le convaincre d’effectuer certains pas décisifs en vue d’un rétablissement de l’unité (cf. Epistula V). Lorsque le roi des Lombards, en 612 ou 613, lui assigna un terrain à Bobbio, dans la vallée de la Trebbia, Colomban fonda un nouveau monastère qui allait par la suite devenir un centre de culture comparable à celui très célèbre de Montecassino. C’est là qu’il finit ses jours:  il mourut le 23 novembre 615 et c’est à cette date qu’il est fêté dans le rite romain jusqu’à nos jours.
Le message de saint Colomban se concentre en un ferme rappel à la conversion et au détachement des biens terrestres en vue de l’héritage éternel. Avec sa vie ascétique et son comportement sans compromis face à la corruption des puissants, il évoque la figure sévère de saint Jean Baptiste. Son austérité, toutefois, n’est jamais une fin en soi, mais ce n’est que le moyen de s’ouvrir librement à l’amour de Dieu et de répondre avec tout son être aux dons reçus de Lui, en reconstruisant ainsi en lui l’image de Dieu, en défrichant dans le même temps la terre et en renouvelant la société humaine. Je cite de ses Instructiones:  « Si l’homme utilise correctement cette faculté que Dieu a accordée à son âme, alors il sera semblable à Dieu. Rappelons-nous que nous devons lui rendre tous les dons qu’il a déposés en nous lorsque nous étions dans la condition originelle. Il nous a enseigné la manière de le faire avec ses commandements. Le premier d’entre eux est celui d’aimer le Seigneur de tout notre cœur, parce qu’il nous a aimés lui le premier, depuis le commencement des temps, avant même que nous venions à la lumière de ce monde » (cf. Instr. XI). Ces paroles, le saint irlandais les incarna réellement dans sa propre vie. Homme de grande culture – il composa également des poésies en latin et un livre de grammaire -, il se révéla riche de dons de grâce. Il fut un inlassable bâtisseur de monastères ainsi qu’un prédicateur pénitentiel intransigeant, en dépensant toute son énergie pour nourrir les racines chrétiennes de l’Europe en train de naître. Avec son énergie spirituelle, avec sa foi, avec son amour pour Dieu et pour le prochain, il devint réellement un des Pères de l’Europe:  il nous montre encore aujourd’hui où sont les racines desquelles peut renaître notre Europe.

Homélie du 34e dimanche ordinaire, B : Le Christ, Roi de l’Univers

23 novembre, 2012

http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/

Homélie du 34e dimanche ordinaire, B : Le Christ, Roi de l’Univers

Dn 7, 13-14 ; Ap 1, 5-8 ; Jn 18, 33-37

Qui dit roi, empereur, président ou tout simplement chef d’Etat, pense « pouvoir » et approuve l’avis de Valéry pour qui « le pouvoir et l’argent ont le prestige de l’infini ». Aujourd’hui, invités à fêter le Christ, Roi de l’Univers, saisissons l’occasion pour tenter de découvrir quelque peu les liens et les oppositions, les ressemblances et les différences entre les royaumes de la terre et le Royaume de Dieu, entre la société politique et la communauté spirituelle.
Au temps de Jésus, les plus pieux des Juifs espéraient et attendaient la venue d’un Messie politico-religieux. Un leader capable de prendre la tête d’une organisation de libération de la Palestine, occupée à l’époque par les Romains.
Jésus, qui défendait les faibles et les opprimés, guérissait les malades et nourrissait les affamés, paraissait un candidat idéal. « Mais Jésus, sachant qu’on allait venir l’enlever pour le faire roi, se retira seul dans la montagne » (Jn 6, 15).
Ce genre de dérive se répète chaque fois que l’on confond cité terrestre et Royaume de Dieu. Chaque fois que l’on confond le pouvoir et le service.
Quand la liturgie nous invitait à chanter, en latin : « Le Christ est vainqueur, le Christ règne, le Christ commande », elle ne cautionnait pas et n’encourageait pas pour autant les aventures politiques de ceux qui proclamaient « Rex vaincra ! ».
Et cependant, interrogé par le pouvoir politique, Jésus affirme sa royauté. Une royauté qui est dans le monde, mais qui ne vient pas et qui n’est pas de ce monde. Le Christ n’est en concurrence avec aucun César. Il ne règne pas sur des Etats, des territoires, ou des nations, mais sur les cœurs qui l’accueillent librement.
Origène écrivait : « Le règne de Dieu vient sans qu’on puisse le remarquer. On ne dira pas : le voilà. Il est ici. Ou bien : Il est là. Car voilà que le règne de Dieu est au-dedans de vous. Et en effet, elle est tout près de nous cette Parole, elle est dans notre bouche et dans notre cœur ». Même langage avec Augustin qui dit avec sagesse : « … C’est le fait de bien vivre dans le monde qui anticipe, hâte et concrétise déjà le Royaume de Dieu dans l’Histoire… ».
Son Royaume s’établit dès ici-bas et durera jusqu’à la fin des temps. Mais il contiendra jusqu’à la moisson un mélange d’ivraie et de bon grain. Ce Royaume de Dieu est Bonne Nouvelle pour tous et il témoigne de la vérité et de la justice, de l’amour, de la miséricorde et de la paix. Le règne de Dieu est d’abord au-dedans de nous, non pour y être enfermé, mais pour rayonner. Le Christ est donc Roi et, contrairement aux puissants de la terre, c’est quand il est abandonné des siens, livré au tribunal, enchaîné et humilié, que Jésus reconnaît sa royauté, la justifie et en donne le sens. Le prophète dit la Vérité sur Dieu, sur l’être humain, sur le monde… il doit être exécuté !
Mais ce Royaume de Dieu qui n’est pas de ce monde, mais qui est bien dans le monde, n’invite pas à s’évader dans l’au-delà, ni à se réfugier dans la piété pure. Bien au contraire, comme le rappelle le concile Vatican II : « La politique est un aspect décisif de l’agir humain et elle ne peut donc être étrangère à la foi ».
Déjà en 1927, le pape Pie XI avait scandalisé les bonnes âmes de son temps en déclarant avec netteté : « Le domaine de la politique est le champ de la plus vaste charité, la charité politique. » Dieu ne fait pas de politique, il n’en est pas moins « au fondement des exigences éthiques de toute vie politique ».
C’est pourquoi les chrétiens doivent contribuer à construire une cité terrestre la plus conforme possible à la dignité qu’il convient de reconnaître à tout être humain, image de Dieu.
La Bonne Nouvelle de Jésus Christ ne s’incarne pas seulement dans des chants et des prières, mais dans des actes et le vécu de l’existence sociale. C’est vrai que le message du Christ « transcende les frontières habituelles de la vie politique », mais en même temps « il s’insère pleinement dans ce qui la constitue ».
Si donc je me déclare disciple du Christ qui est le défenseur des faibles, qui nourrit les affamés, qui rend justice aux opprimés…, je dois aussi m’en souvenir et le prouver dans l’anonymat de l’isoloir. Tout comme un chrétien, conscient de ses responsabilités de levain dans la pâte, ne peut se désolidariser de ses frères et sœurs humains en fuyant ses responsabilités par l’abstention, tel un Pilate se lavant les mains.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

Santa Cecilia in Trastevere, Rome – Statue of St. Cecilia’s incorrupt body sculpted by Stefano Maderno (1610), who was an eyewitness to the exhumation in 1599

22 novembre, 2012

Santa Cecilia in Trastevere, Rome - Statue of St. Cecilia's incorrupt body sculpted by Stefano Maderno (1610), who was an eyewitness to the exhumation in 1599 dans images sacrée IMG_4704pa40

http://www.sacred-destinations.com/italy/rome-santa-cecilia-photos/slides/IMG_4704pa40.htm

22 NOVEMBRE : SAINTE CÉCILE –

22 novembre, 2012

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/index.htm

22 NOVEMBRE : SAINTE CÉCILE  –

Cécile vient de lys du ciel, chemin des aveugles, laborieuse pour le ciel (lia). Il peut encore signifier manquant de cécité ; il viendrait encore de caelo, et leos, ciel et peuple. Elle fut un lys céleste par la pudeur de virginité; ou bien elle est appelée lys parce qu’elle, posséda la blancheur de pureté, la verdeur de conscience et l’odeur de bonne réputation. Elle fut la voie des aveugles, par les exemples qu’elle offrit; le ciel, par sa

* Légende compilée d’après ses actes regardés comme authentiques, et qui ont servi au Bréviaire.

contemplation assidue, et lia, laborieuse par ses bonnes oeuvres continuelles. Cécile veut encore dire ciel, parce que, selon Isidore, les philosophes ont dit que le ciel est tournant, rond et brûlant. Dé même, Cécile fut tournante par assiduité au travail, ronde par persévérance, brûlante par charité ardente. Elle manqua de cécité par l’éclat de sa sagesse ; elle fut le ciel du peuple, parce que dans elle comme dans un ciel spirituel, le peuple regarde le soleil, la lune et les étoiles, c’est-à-dire regarde pour les imiter et la perspicacité de sa sagesse, et la magnanimité de sa foi, et la variété de ses vertus.
Cécile, vierge très illustre, issue d’une famille noble parmi les Romains, et nourrie dès le berceau dans la foi chrétienne, portait constamment l’évangile du Christ caché sur sa poitrine. Ses entretiens avec Dieu et sa prière ne cessaient ni le jour ni la nuit, et elle sollicitait le Seigneur de lui conserver sa virginité. Elle avait été fiancée à un jeune homme appelé Valérien, et au moment où ses noces devaient être célébrées, elle portait, sur sa chair, un cilice que recouvraient des vêtements brodés d’or; et pendant que le choeur des musiciens chantait, Cécile chantait aussi dans son coeur, à celui qui était son unique soutien, en disant : « Que mon coeur, Seigneur, et que mon corps demeurent toujours purs, afin que je n’éprouve; point de confusion. » Elle passa, dans la prière et le jeûne, deux ou trois jours, en recommandant au Seigneur ses appréhensions. Enfin, arriva la nuit où elle se retira avec son époux dans le secret de l’appartement nuptial. Elle adresse alors ces paroles à Valérien : « O jeune et tendre ami, j’ai un secret à le confier, si tu veux à l’instant me jurer que tu le darderas très rigoureusement. » Valérien jure (342) qu’aucune contrainte ne le forcera à le dévoiler, qu’aucun motif ne le lui fera trahir. Alors Cécile lui dit : « J’ai pour amant un ange de Dieu qui veille sur mon corps: avec une extrême sollicitude. S’il s’aperçoit le moins du monde que tu me touches, étant poussé par un amour qui me souille, aussitôt il te frappera, et tu perdrais la fleur de ta charmante jeunesse ; mais s’il voit que tu  m’aimes d’un amour sincère, il t’aimera comme il  m’aime, et il te montrera sa gloire. » Alors Valérien, maîtrisé par la grâce de Dieu, répondit
« Si tu veux que je te croie, fais-moi voir cet ange, et si je  m’assure que c’est vraiment un ange de Dieu, je ferai ce à quoi tu  m’exhortes ; mais si tu aimes un autre homme., je vous frapperai l’un et l’autre de mon glaive. » Cécile lui dit : « Si tu veux croire au, vrai Dieu, et que tu promettes de te faire baptiser, tu pourras le voir. Alors, va; sors de la ville par la voie qu’on appelle Appienne, jusqu’à la troisième colonne milliaire, et tu diras aux pauvres que tu trouveras là : « Cécile  m’envoie vers vous, afin que vous me fassiez voir le saint vieillard Urbain; j’ai un message secret à lui transmettre. » Quand tu seras devant lui, rapporte toutes mes paroles, et après qu’il t’aura purifié, tu reviendras, et tu verras l’ange lui-même. » Alors Valérien se mit en chemin, et, d’après les renseignements qu’il avait reçus, il trouva le saint évêque Urbain caché au milieu des tombeaux des martyrs. Il lui raconta tout ce que Cécile lui avait dit. Urbain, étendant alors les mains vers le ciel, s’écrie, les yeux pleins de larmes : « Seigneur J.-C., l’auteur des chastes résolutions, recevez les fruits des (343), semences que vous avez jetées dans le sein de Cécile; Seigneur J.-C., le bon pasteur, Cécile, votre servante, vous a servi comme une éloquente abeille ; car cet époux, qu’elle a reçu comme un lion féroce, elle vous l’a dressé comme on fait de l’agneau le plus doux. » Et voici que tout à coup apparut un vieillard couvert de vêtements blancs comme la neige, et tenant à la main un livre écrit, en lettres d’or. En le voyant, Valérien, saisi de terreur, tombe comme mort. Relevé par le vieillard, il lit es mots : « Un Dieu, une foi, un baptême; un seul Dieu, père de toutes choses, qui est au-dessus de nous tous, et au-dessus de tout et en nous tous. » Quand Valérien, eut achevé de lire, le vieillard lui dit : « Crois-tu qu’il en soit ainsi, ou doutes-tu encore? » Valérien s’écria-: « Sous le ciel, aucune vérité n’est plus croyable » Aussitôt, le vieillard disparut, et Valérien reçut le baptême dés mains d’Urbain. En rentrant, il trouva, dans la chambre, Cécile qui s’entretenait avec l’ange. Or, cet ange tenait à 1a main deux couronnes tressées avec des roses et des lys; il en donna une à Cécile et l’autre a Valérien, en disant : « Gardez ces couronnes d’un coeur sans tache et d’un corps pur; car c’est du paradis de Dieu que je vous les ai apportées. Jamais elles ne se faneront, ni ne perdront leur parfum ; elles ne seront visibles: qu’à ceux qui aimeront la chasteté. Quant à toi, Valérien, pour avoir suivi un conseil profitable, demande ce que tu voudras, et tu l’obtiendras. » Valérien lui, répondit : « Rien ne m’est plus doux en cette vie que l’affection de mon unique frère. Je demande donc qu’il connaisse la vérité avec moi. » (344) L’ange lui dit : « Ta demande plaît au Seigneur, et tous deux vous arriverez auprès de lui avec la palme du martyre. »
Après quoi, entra Tiburce, frère de Valérien, qui, ayant senti. une odeur de roses extraordinaire : « Je  m’étonne, dit-il, que, dans cette saison, on respire cette odeur de roses et de lys. Quand je tiendrais ces fleurs dans mes mains, elles ne répandraient pas un parfum d’une plus grande suavité. Je vous avoue que je suis tellement ranimé que je crois être tout à fait changé. » Valérien lui dit: « Nous avons des couronnes que tés yeux ne peuvent voir; elles réunissent l’éclat de la pourpré à la blancheur de la neige: et de même qu’à ma demande tu en as ressenti l’odeur, de même aussi, si tu crois, tu pourras les voir. » Tiburce répondit :          « Est-ce que je rêve en t’écoutant, Valérien, ou dis-tu vrai ? », Valérien lui dit :            « Jusqu’ici, nous n’avons vécu qu’en songe, au lieu que maintenant, nous sommes dans la vérité. » Tiburce reprit: « D’où sais-tu cela? » Valérien répondit : « L’ange du Seigneur  m’a instruit, et tu pourras le voir toi-même quand tu seras purifié et que tu auras renoncé à toutes les idoles. » Ce miracle des couronnes de roses est attesté par saint Ambroise qui dit dans la Préface
« Sainte Cécile fut tellement remplie du don céleste, qu’elle reçut la palmé du martyre : elle maudit le monde et les joies du mariage. A elle revient l’honneur de la confession glorieuse de Valérien, son époux, et de Tiburce que vous avez couronnés, Seigneur ; de fleurs odoriférantes par la main d’un ange. Une vierge conduisit ces hommes à la gloire. Le monde connut (345) combien a de valeur le sacrifice de la chasteté. » Alors Cécile prouva à Tiburce avec tant d’évidence que toutes les idoles sont insensibles et muettes, que celui-ci répondit : « Qui ne croit pas ces choses est une brute.» Cécile embrassant alors la poitrine de son beau-frère, dit : « C’est aujourd’hui que je te reconnais pour mon frère. De même que l’amour de Dieu a fait de ton frère mon époux, de même le mépris que tu professes pour les idoles fait de toi mon frère. Va donc avec ton frère recevoir la purification ; tu verras alors les visages angéliques. » Tiburce dit à son frère : « Je te conjure, frère, de me dire à qui tu vas me conduire. » « C’est à l’évêque Urbain, répondit Valérien. » « N’est-ce pas, dit Tiburce, cet Urbain qui a été condamné si souvent et qui demeure encore dans des souterrains? S’il est découvert, il sera livré aux flammes, et, nous serons enveloppés dans les mêmes supplices que lui. Ainsi pour avoir cherché une divinité qui se cache dans les cieux, nous rencontrerons sur la terre des châtiments qui nous consumeront. » Cécile lui dit: « Si cette vie était. la seule, ce serait avec raison que nous craindrions de la perdre : mais il y en a une autre qui n’est jamais perdue, et que le Fils de Dieu nous a fait connaître. Toutes les choses qui ont été faites, c’est le Fils engendré du Père qui les a produites. Tout ce qui est créé, c’est l’Esprit qui procède du Père qui l’a animé. Or, c’est ce Fils de Dieu qui, en venant dans le monde, nous a démontré par ses paroles et par ses miracles qu’il y a une autre vie. » Tiburce lui répondit: «Tu viens de dire, bien certainement, qu’il y a un seul Dieu, et comment dis-tu (346) maintenant qu’il y en a trois? » Cécile répliqua : « De même que dans la sagesse d’un homme il se trouve trois facultés : le génie, la mémoire et l’intelligence, de même dans l’unique essence de la divinité, il peut se trouver trois personnes. » Alors elle lui parla de la venue du Fils de Dieu, de sa passion dont elle lui exposa les convenances : « Si le Fils de Dieu fut chargé de chaînes, c’était pour affranchir le genre humain des liens du péché. Celui qui est béni fut maudit, afin que l’homme maudit fût béni. Il souffrit d’être moqué afin que l’homme fût délivré de l’illusion du démon; il reçut sur sa tête une couronne d’épines pour nous soustraire à la peine capitale; il accepta le fiel amer pour guérir dans l’homme le goût primitivement sain; ; -il. fut dépouillé pour couvrir la nudité de nos premiers parents ; il fut suspendu sur le bois pour enlever la prévarication du bois. »Alors Tiburce dit à son frère « Prends pitié de moi ; conduis-moi à l’homme de Dieu afin que j’en reçoive la purification. » Valérien conduisit donc Tiburce qui fut purifié; dès ce moment, il voyait souvent les anges, et tout ce qu’il demandait, il l’obtenait aussitôt.
Valérien et Tiburce distribuaient d’abondantes aumônes : ils donnaient la sépulture aux corps des saints que le préfet Almachius faisait tuer. Almachius les fit mander devant lui et les interrogea sur les motifs qui les portait à ensevelir ceux qui étaient condamnés comme criminels. « Plût au ciel, répondit Tiburce, que nous fussions les serviteurs de ceux que tu appelles des condamnés ! Ils ont méprisé ce qui paraît être quelque chose et n’est rien: ils ont trouvé ce qui paraît (347) ne pas être, mais qui existe réellement. » Le préfet lui demanda: «Quelle est donc cette chose? » «Ce qui paraît exister et n’existe pas, répondit Tiburce, c’est tout ce qui est dans ce monde, qui conduit l’homme à ce qui n’existe pas : quant à ce qui ne paraît pas exister et qui existe, c’est la vie ales justes et le châtiment des coupables. » Le préfet reprit: « Je crois que tu ne parles pas avec ton esprit. » Alors il ordonne de faire avancer Valérien, et lui dit.: « Comme la tête de, ton frère n’est pas saine, toi, au moins, tu sauras me donner une réponse sensée. Il est certain que vous êtes dans une grande erreur, puisque vous dédaignez les plaisirs et que vous n’avez d’attrait que pour tout ce qui est opposé aux délices. » Valérien dit alors qu’il avait vu, au temps de l’hiver; des hommes oisifs et railleurs se moquer des ouvriers occupés à la culture dés champs: mais au temps de l’été, quand fut arrivé le moment de récolter les fruits glorieux de leurs travaux, ceux qui étaient regardés comme des insensés furent dans la joie, tandis que commencèrent à pleurer ceux qui paraissaient les plus habiles. « C’est ainsi que nous, poursuivit Valérien, nous supportons maintenant l’ignominie et le labeur; mais plus, tard, nous recevrons la gloire et la récompense éternelle. Quant’ à vous, vous jouissez maintenant d’une joie qui ne dure pas, mais plus tard , aussi, vous ne trouverez qu’un deuil éternel. » Le préfet lui dit: « Ainsi nous, et nos invincibles princes, nous aurons en partage un deuil éternel, tandis que vous qui êtes les personnes les plus viles, vous posséderez une joie qui n’aura pas de fin ? » Valérien répondit : « Vous n’êtes que de (348) pauvres hommes et non des princes, nés à notre époque, qui mourrez bientôt et qui rendrez à Dieu un compte plus rigoureux que tous. » Alors le préfet dit: « Pourquoi perdre le temps, en des discours oiseux ? Offrez des libations aux dieux, et allez-vous-en sans qu’on vous ait fait subir aucune peine. » Les saints répliquèrent : « Tous les jours nous offrons un sacrifice au vrai Dieu.» «Quel est son nom? demanda le préfet » « Tu ne pourras jamais le découvrir, quand bien même tu aurais des ailes pour voler, répondit Valérien. » « Ainsi, reprit le préfet, Jupiter, ce n’est pas le nom d’un dieu? » Valérien répondit : « C’est le nom d’un homicide et d’un corrupteur. » Almachius lui dit : « Donc, tout l’univers est dans l’erreur, et il n’y à que ton frère et toi qui connaissiez le vrai Dieu? » Valérien répondit: « Nous ne sommes pas les seuls, car il est devenu impossible de compter le nombre de ceux qui ont embrassé cette doctrine sainte. » Alors les saints furent livrés à la garde de Maxime. Celui-ci leur dit : « O noble et brillante fleur de la jeunesse romaine ! ô frères unis par un amour si tendre! Comment courez-vous à la mort ainsi qu’à un festin? » Valérien lui dit que s’il promettait de croire, il verrait lui-même leur gloire après leur mort : « Que je sois consumé par la foudre, dit Maxime, si je ne confesse pas ce Dieu unique que vous adorez ; quand ce que vous dites arrivera !. » Alors Maxime, toute sa. famille et tous les bourreaux crurent et reçurent le baptême d’Urbain qui vint les trouver en secret.
Quand donc l’aurore annonça la fin de la nuit, Cécile s’écria en disant : « Allons, soldats du Christ, (349) rejetez les oeuvres des. ténèbres, et revêtez-vous des armes de la lumière. » Les saints sont alors conduits au quatrième mille hors de la ville, à la statue de Jupiter; et comme ils ne voulaient pas sacrifier, ils sont décapités l’un et l’autre. Maxime affirma avec serment, qu’au moment de leur martyre, il avait vu des anges resplendissants, et leurs âmes comme des vierges qui sortent de la chambre nuptiale. Les anges les portaient au ciel dans leur giron. Quand Almachius apprit que Maxime s’était fait chrétien, il le fit assommer avec des fouets armés de balles de plomb, jusqu’à ce qu’il eût rendu l’esprit. Cécile ensevelit son corps à côté de Valérien et de Tiburce. Cependant Almachius fit rechercher les biens de ces deux derniers; et ordonna que Cécile comparût devant lui comme la femme de Valérien, et sacrifiât aux idoles, sinon qu’il serait lancé contré elle une sentence de mort. Comme les appariteurs la poussaient a obéir et qu’ils pleuraient beaucoup de ce qu’une jeune femme si belle et si noble se livrât de plein gré à la mort, elle leur dit : « O bons jeunes gens, ceci n’est point perdre sa jeunesse, mais la changer; c’est donner de la boue pour recevoir de l’or; échanger une vile habitation et en prendre une précieuse : donner un petit coin pour recevoir une place brillamment ornée. Si quelqu’un voulait donner de l’or pour du cuivre, n’y courriez-vous pas en toute hâte? Or, Dieu rend cent pour un qu’on lui a donné. Croyez-vous ce que je viens de vous dire? » « Nous croyons, répondirent-ils, que le Christ qui possède une telle servante, est le vrai Dieu. » On appela l’évêque Urbain et plus de quatre cents personnes (350) furent baptisées. Alors Almachius se fit amener sainte Cécile. « Quelle est ta condition? » lui dit-il. Cécile « Je suis libre et noble. » — Almachius : « C’est au sujet de la religion que je t’interroge. » — Cécile : « Ton interrogation n’était pas exacte, puisqu’elle exigeait deux réponses. » — Almachius : « D’où te vient tant de présomption en me répondant? » – Cécile : « D’une conscience pure et d’une conviction sincère. » — Almachins : « Ignores-tu quel est mon pouvoir ? » Cécile : « Ta puissance est semblable à une outre remplie de vent, qu’une aiguille la perce, tout ce qu’elle avait de roideur a disparu, et toute cette roideur qu’elle paraissait avoir, s’affaisse. » — Almachius « Tu as commencé par des injures et tu poursuis sur le même ton. » — Cécile : « On ne dit pas d’injure à moins qu’on n’allègue des paroles fausses. Démontre que j’ai dit une injure, alors j’aurai avancé une fausseté : ou bien, avoue que tu te trompes, en me calomniant; nous connaissons la sainteté du nom de Dieu, et nous ne pouvons pas le renier. Mieux vaut mourir pour être heureux que de vivre pour être misérables. » — Almachius : « Pourquoi parles-tu avec tant d’orgueil? » — Cécile : « Il n’y a pas d’orgueil; il y a fermeté. » — Almachius : « Malheureuse, ignores-tu que le pouvoir de vie et de mort  m’a été confié? » — Cécile : « Je prouve, et c’est un fait authentique, que tu viens de mentir: Tu peux ôter la vie aux vivants; mais tu ne saurais la donner aux morts. Tu es un ministre de mort, mais non un ministre de vie. » — Almachius : « Laisse là ton audace, et sacrifie aux dieux. » — Cécile : « Je ne sais où tu as perdu l’usage (351) de tes yeux : car les dieux dont tu parles, nous ne voyons en eux que des pierres. Palpe-les plutôt, et au toucher apprends ce que tu ne peux voir avec ta vue. »
Alors Almachius la fit reconduire chez elle, et il ordonna qu’elle serait brûlée pendant une nuit et un jour dans un bain de vapeur bouillante. Elle y resta comme dans un endroit frais; sans même éprouver la moindre sueur. Quand Almachius le sut, il ordonna qu’elle eût la tête tranchée dans le bain. Le bourreau la frappa par trois fois au cou, sans pouvoir lui couper la,tête. Et parce qu’une loi défendait de frapper quatre fois la victime; je bourreau ensanglanté laissa Cécile à demi morte.
Durant les trois jours qu’elle survécut, elle donna tout ce qu’elle possédait aux pauvres, et recommanda à l’évêque Urbain tous ceux qu’elle avait convertis : « J’ai demandé, lui dit-elle, ce délai de trois jours afin de recommander ceux-ci à votre béatitude, et pour que vous consacriez cette maison qui  m’appartient afin d’en faire une église. » Or, saint Urbain ensevelit son corps avec ceux des évêques, et consacra sa maison qui devint une église, comme elle l’avait demandé.
Elle souffrit vers l’an du Seigneur 223, du temps de l’empereur Alexandre. On lit cependant ailleurs qu’elle souffrit du temps de Marc-Aurèle, qui régna vers l’an du Seigneur 220.

LES RELIGIEUX DU NORD DE L’AFRIQUE, SIGNES DE L’AMOUR DU CHRIST

22 novembre, 2012

http://www.zenit.org/article-32623?l=french

LES RELIGIEUX DU NORD DE L’AFRIQUE, SIGNES DE L’AMOUR DU CHRIST

Réunion de la Conférence des évêques (CERNA)

ROME, jeudi 22 novembre 2012 (Zenit.org) – “Les communautés de religieux et religieuses qui servent et prient avec persévérance (…) sont souvent le seul signe de l’amour du Christ pour les populations parmi lesquelles elles vivent”, écrit Mgr Landel dans ce communiqué publié au terme de l’assemblée de la CERNA, en Sicile.
Communiqué final de l’assemblée de la CERNA :
La Conférence des Evêques de la Région Nord de l’Afrique (CERNA) s’est réunie du 18 au 21 novembre 2012. Y ont pris part tous les évêques et leurs collaborateurs ainsi que l’administrateur apostolique de Laayoune, à l’exception de Mgr Giovanni Martinelli, vicaire apostolique de Tripoli, convalescent. Le Père Jean-Louis Barrain, vicaire général de Nouakchott, et Mgr Domenico Mogavero, notre hôte, ont participé à nos travaux. Mgr Vincent Landel, archevêque de Rabat et président de la CERNA, a conduit cette réunion.
Cette conférence s’est tenue à Mazara del Vallo (Sicile), à l’invitation de Mgr Domenico Mogavero, évêque de ce diocèse. La Sicile est traditionnellement un carrefour de migrations, avec une présence notable de musulmans, et le diocèse de Mazara del Vallo, jumelé avec celui de Tunis, est très actif tant dans le dialogue avec l’islam que dans l’accueil des migrants : un séminaire sur le dialogue « Les religions et la Méditerranée » suivra d’ailleurs la rencontre de la CERNA.
Regardant avec foi et espérance l’évolution des pays du Maghreb depuis un an, la CERNA constate que les 3 défis (religieux, politique et socio-économique) qu’elle a relevés en novembre 2011 sont toujours actuels, mais les transitions se révèlent plus complexes et douloureuses qu’on ne pouvait le prévoir. La situation chez notre voisin du sud, le Mali, la difficile reconstruction de la Libye, l’incertitude du lendemain dans le processus de transition en Tunisie en sont des signes évidents.
Nous nous réjouissons de la fidélité des communautés de religieux et religieuses qui servent et prient avec persévérance : nous rendons grâce pour la vitalité et la stabilité qu’elles procurent à nos Eglises. Elles sont souvent le seul signe de l’amour du Christ pour les populations parmi lesquelles elles vivent. Nos Eglises sont modestes et fragiles, le départ de certaines communautés religieuses implantées depuis longtemps au Maghreb et la mobilité toujours plus rapide des membres de nos paroisses nous conduisent à compter toujours plus sur la solidarité des autres Eglises, et nous rendons grâce pour la générosité des diocèses qui nous proposent des prêtres Fidei Donum, et des congrégations – en particulier africaines – qui choisissent de s’implanter dans notre région.
Nous nous réjouissons aussi de la présence fervente de nombreux étudiants, de migrants issus de toute l’Afrique, de fidèles implantés depuis longtemps, de familles de passage, de travailleurs expatriés, de volontaires : ils contribuent aussi à la vitalité de nos Eglises. Dans ce contexte géopolitique mouvant, mais aussi dans la dynamique du synode sur la nouvelle évangélisation, nous désirons repréciser le sens du témoignagede nos communautés chrétiennes au Maghreb ; humanisation, rencontre, dialogue, service, prière, contemplation, confiance, espérance… sont des termes qui reviennent souvent dans les points de repère de nos Eglises.
Nous nous réjouissons encore de l’esprit de responsabilité dont font preuve laïcs, prêtres, congrégations religieuses, évêques pour que nos Eglises exercent leur témoignage : cette coresponsabilité est une réalité dont certaines communautés prennent plus conscience, comme, par exemple, l’Eglise de Tunisie dans l’attente d’un nouvel archevêque, l’Eglise au Maroc qui se réjouit d’un renforcement sensible de la présence de frères franciscains, l’Eglise en Algérie où un certain nombre de communautés ont pu se renouveler cette année, l’Eglise en Libye qui bénéficie de l’arrivée de nombreux professionnels de la santé et de l’éducation philippins et indiens – très souvent chrétiens.
Nous faisons volontiers nôtre l’espérance confiante exprimée par le synode qui s’est tenu à Rome en octobre dernier : un « courage serein inspire également notre regard sur le monde contemporain. Nous ne nous sentons pas intimidés par les conditions des temps que nous vivons. C’est un monde plein de contradictions et de défis, mais il reste création de Dieu, blessé certes par le mal, mais toujours aimé de Dieu, dans lequel peut germer à nouveau la semence de la Parole afin qu’elle donne un fruit neuf. Il n’y a pas de place pour le pessimisme dans les esprits et dans les cœurs de ceux qui savent que leur Seigneur a vaincu la mort et que son Esprit œuvre avec puissance dans l’histoire. Avec humilité, mais aussi avec détermination – celle qui vient de la certitude que la vérité vaincra à la fin – nous rejoignons ce monde et voulons y voir une invitation de Dieu à être témoins de son Nom. Notre Église est vivante et affronte, avec le courage de la foi et le témoignage de tant de ses fils, les défis que l’histoire nous lance » (Message au peuple de Dieu § 6).
La tenue de cette CERNA en Sicile, au cœur de la Méditerranée, souligne l’urgence du dialogue des cultures, des civilisations et des religions, entre les trois rives de cette mer. Beaucoup d’aspirations, mais aussi d’interrogations saisissent les peuples du pourtour méditerranéen, et la guerre en Syrie, la situation au Nord-Mali, l’extrémisme de certains groupes religieux intensifient les migrations forcées et renforcent ces craintes. Mais nous faisons quotidiennement l’expérience de la fécondité de la connaissance mutuelle, du dialogue de vie, dans le respect, l’écoute, l’accueil et le partage : nous croyons et expérimentons que « l’amour parfait chasse la crainte » (1 Jn 4,18).
Nous nous réjouissons aussi de ce que le dernier synode conforte notre expérience quotidienne : le dialogue de vie est la modalité fondamentale du témoignage que nous rendons à la Bonne Nouvelle. « L’Eglise invite en particulier les chrétiens à persévérer et à intensifier leurs relations avec les musulmans selon l’enseignement de la Déclaration Nostra Aetate. Malgré les difficultés, ce dialogue doit se poursuivre. Il dépend toujours de la formation adéquate des partenaires, de leur fondement ecclésial authentique comme chrétiens et d’une attitude de respect de la conscience des personnes et de la liberté religieuse pour tous. Fidèle à l’enseignement de Vatican II, l’Eglise respecte les autres religions et leurs adeptes et elle est heureuse de collaborer avec eux dans la défense et la promotion de la dignité inviolable de chaque personne » (proposition 53).
Mgr Domenico Mogavero, membre de la commission pour les migrations de la Conférence Episcopale Italienne, nous a présenté la situation des migrants en Italie, la politique du pays en ce domaine, et les efforts de l’Eglise pour rendre plus humains non seulement l’accueil des migrants mais aussi les lois les concernant. Cet accent prophétique de l’Eglise d’Italie nous stimule dans notre ministère auprès des migrants : selon les propos de Mgr Mogavero, « le phénomène des migrations ne peut plus être considéré comme un phénomène d’urgence, mais comme un phénomène culturel inhérent à l’homme, qui de tout temps a été mobile. La terre appartient à tous, et il ne saurait y avoir de territoire excluant telle ou telle catégorie de personnes ».
En réponse à la demande du Saint-Siège, comme chaque conférence épiscopale, nous avons travaillé à l’élaboration d’orientationspastorales pour nous aider en cas d’abus sexuels. Une commission a été désignée pour finaliser ce travail.
Nous avons approuvé la traduction liturgique de la Bible élaborée par la CEFTL (Commission Episcopale Francophone pour les Traductions Liturgiques).
Notre travail a été magnifiquement soutenu par l’accueil chaleureux et la prière fervente des communautés chrétiennes du diocèse de Mazara del Vallo avec lesquelles nous avons quotidiennement célébré l’eucharistie. Nous avons pris dans notre prière les migrants, les personnes qui souffrent de la violence en Terre Sainte, en Syrie et au Mali, les réfugiés accueillis par les pays voisins, mais aussi tant d’artisans de paix entre les peuples et de solidarité avec les plus démunis. Mgr Lahham, administrateur apostolique de Tunis, nous a partagé ce que vit la Jordanie où il exerce désormais son ministère épiscopal : nous avons ainsi été en communion avec le peuple jordanien et son Eglise.
La CERNA a procédé au renouvellement de son bureau. Elle a de nouveau confié la présidence à Mgr Vincent Landel archevêque de Rabat ; elle a élu vice-président Mgr Claude Rault évêque de Laghouat-Ghardaïa et membre du Bureau Mgr Ghaleb Bader archevêque d’Alger. Le père Daniel Nourissat a été confirmé comme Secrétaire Général. Elle a reconduit Mgr Vincent Landel comme délégué à la CEFTL et Mgr Paul Desfarges comme délégué au SCEAM (Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique et de Madagascar).

La prochaine réunion de la CERNA aura lieu à Rome en 2013.
+ Vincent LANDEL
Archevêque de Rabat, président de la CERNA
Mazara del Vallo, le 21 novembre 2012

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