Homélie du 34e dimanche ordinaire, B : Le Christ, Roi de l’Univers
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Homélie du 34e dimanche ordinaire, B : Le Christ, Roi de l’Univers
Dn 7, 13-14 ; Ap 1, 5-8 ; Jn 18, 33-37
Qui dit roi, empereur, président ou tout simplement chef d’Etat, pense « pouvoir » et approuve l’avis de Valéry pour qui « le pouvoir et l’argent ont le prestige de l’infini ». Aujourd’hui, invités à fêter le Christ, Roi de l’Univers, saisissons l’occasion pour tenter de découvrir quelque peu les liens et les oppositions, les ressemblances et les différences entre les royaumes de la terre et le Royaume de Dieu, entre la société politique et la communauté spirituelle.
Au temps de Jésus, les plus pieux des Juifs espéraient et attendaient la venue d’un Messie politico-religieux. Un leader capable de prendre la tête d’une organisation de libération de la Palestine, occupée à l’époque par les Romains.
Jésus, qui défendait les faibles et les opprimés, guérissait les malades et nourrissait les affamés, paraissait un candidat idéal. « Mais Jésus, sachant qu’on allait venir l’enlever pour le faire roi, se retira seul dans la montagne » (Jn 6, 15).
Ce genre de dérive se répète chaque fois que l’on confond cité terrestre et Royaume de Dieu. Chaque fois que l’on confond le pouvoir et le service.
Quand la liturgie nous invitait à chanter, en latin : « Le Christ est vainqueur, le Christ règne, le Christ commande », elle ne cautionnait pas et n’encourageait pas pour autant les aventures politiques de ceux qui proclamaient « Rex vaincra ! ».
Et cependant, interrogé par le pouvoir politique, Jésus affirme sa royauté. Une royauté qui est dans le monde, mais qui ne vient pas et qui n’est pas de ce monde. Le Christ n’est en concurrence avec aucun César. Il ne règne pas sur des Etats, des territoires, ou des nations, mais sur les cœurs qui l’accueillent librement.
Origène écrivait : « Le règne de Dieu vient sans qu’on puisse le remarquer. On ne dira pas : le voilà. Il est ici. Ou bien : Il est là. Car voilà que le règne de Dieu est au-dedans de vous. Et en effet, elle est tout près de nous cette Parole, elle est dans notre bouche et dans notre cœur ». Même langage avec Augustin qui dit avec sagesse : « … C’est le fait de bien vivre dans le monde qui anticipe, hâte et concrétise déjà le Royaume de Dieu dans l’Histoire… ».
Son Royaume s’établit dès ici-bas et durera jusqu’à la fin des temps. Mais il contiendra jusqu’à la moisson un mélange d’ivraie et de bon grain. Ce Royaume de Dieu est Bonne Nouvelle pour tous et il témoigne de la vérité et de la justice, de l’amour, de la miséricorde et de la paix. Le règne de Dieu est d’abord au-dedans de nous, non pour y être enfermé, mais pour rayonner. Le Christ est donc Roi et, contrairement aux puissants de la terre, c’est quand il est abandonné des siens, livré au tribunal, enchaîné et humilié, que Jésus reconnaît sa royauté, la justifie et en donne le sens. Le prophète dit la Vérité sur Dieu, sur l’être humain, sur le monde… il doit être exécuté !
Mais ce Royaume de Dieu qui n’est pas de ce monde, mais qui est bien dans le monde, n’invite pas à s’évader dans l’au-delà, ni à se réfugier dans la piété pure. Bien au contraire, comme le rappelle le concile Vatican II : « La politique est un aspect décisif de l’agir humain et elle ne peut donc être étrangère à la foi ».
Déjà en 1927, le pape Pie XI avait scandalisé les bonnes âmes de son temps en déclarant avec netteté : « Le domaine de la politique est le champ de la plus vaste charité, la charité politique. » Dieu ne fait pas de politique, il n’en est pas moins « au fondement des exigences éthiques de toute vie politique ».
C’est pourquoi les chrétiens doivent contribuer à construire une cité terrestre la plus conforme possible à la dignité qu’il convient de reconnaître à tout être humain, image de Dieu.
La Bonne Nouvelle de Jésus Christ ne s’incarne pas seulement dans des chants et des prières, mais dans des actes et le vécu de l’existence sociale. C’est vrai que le message du Christ « transcende les frontières habituelles de la vie politique », mais en même temps « il s’insère pleinement dans ce qui la constitue ».
Si donc je me déclare disciple du Christ qui est le défenseur des faibles, qui nourrit les affamés, qui rend justice aux opprimés…, je dois aussi m’en souvenir et le prouver dans l’anonymat de l’isoloir. Tout comme un chrétien, conscient de ses responsabilités de levain dans la pâte, ne peut se désolidariser de ses frères et sœurs humains en fuyant ses responsabilités par l’abstention, tel un Pilate se lavant les mains.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
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