Archive pour le 23 novembre, 2012
Pape Benoît: Saint Colomban, un saint « européen » – 23 Novembre, mf
23 novembre, 2012BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 11 juin 2008
Saint Colomban, un saint « européen » – 23 Novembre, mf
Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui, je voudrais parler du saint abbé Colomban, l’Irlandais le plus célèbre du bas Moyen-Age: il peut à juste titre être appelé un saint « européen », parce que comme moine, missionnaire et écrivain, il a travaillé dans divers pays de l’Europe occidentale. Avec les Irlandais de son époque, il été conscient de l’unité culturelle de l’Europe. Dans une de ses lettres, écrite vers l’an 600 et adressée au Pape Grégoire le Grand, on trouve pour la première fois l’expression « totius Europae – de toute l’Europe », avec une référence à la présence de l’Eglise sur le continent (cf. Epistula I, 1).
Colomban était né vers 543 dans la province de Leinster, dans le sud-est de l’Irlande. Eduqué chez lui par d’excellents maîtres qui l’orientèrent vers l’étude des arts libéraux, il s’en remit ensuite à la conduite de l’abbé Sinell de la communauté de Cluain-Inis, dans le nord de l’Irlande, où il put approfondir l’étude des Saintes Ecritures. A l’âge de vingt ans environ, il entra dans le monastère de Bangor dans le nord-est de l’île, où se trouvait l’abbé Comgall, un moine très célèbre pour sa vertu et sa rigueur ascétique. En pleine harmonie avec son abbé, Colomban pratiqua avec zèle la discipline sévère du monastère, en menant une vie de prière, d’ascèse et d’études. Il y fut également ordonné prêtre. La vie à Bangor et l’exemple de l’abbé influèrent sur la conception du monachisme que Colomban mûrit avec le temps et diffusa ensuite au cours de sa vie.
A l’âge d’environ cinquante ans, suivant l’idéal ascétique typiquement irlandais de la « peregrinatio pro Christo », c’est-à-dire de se faire pèlerin pour le Christ, Colomban quitta l’île pour entreprendre avec douze compagnons une œuvre missionnaire sur le continent européen. En effet, nous devons avoir à l’esprit que la migration de peuples du nord et de l’est avait fait retomber dans le paganisme des régions entières déjà christianisées. Autour de l’an 590, le petit groupe de missionnaires accosta sur la côte bretonne. Accueillis avec bienveillance par le roi des Francs d’Austrasie (la France actuelle), ils demandèrent uniquement une parcelle de terre non-cultivée. Ils obtinrent l’antique forteresse romaine d’Annegray, en ruine et abandonnée, désormais recouverte par la forêt. Habitués à une vie de privation extrême, les moines réussirent en quelques mois à construire sur les ruines le premier monastère. Ainsi, leur réévangélisation commença a avoir lieu tout d’abord à travers le témoignage de leur vie. En même temps que la nouvelle culture de la terre, commença également une nouvelle culture des âmes. La renommée de ces religieux étrangers qui, en vivant de prière et dans une grande austérité, construisaient des maisons et défrichaient la terre, se répandit très rapidement en attirant des pèlerins et des pénitents. Beaucoup de jeunes demandaient à être accueillis dans la communauté monastique pour vivre, à leur manière, cette vie exemplaire qui renouvelle la culture de la terre et des âmes. Très vite la fondation d’un second monastère fut nécessaire. Il fut édifié à quelques kilomètres de distance, sur les ruines d’une antique ville thermale, Luxeuil. Le monastère allait ensuite devenir le centre du rayonnement monastique et missionnaire de tradition irlandaise sur le continent européen. Un troisième monastère fut érigé à Fontaine, à une heure de route plus au nord.
Colomban vécut pendant environ vingt ans à Luxeuil. C’est là que le saint écrivit pour ses disciples la Regula monachorum – qui fut pendant un certain temps plus répandue en Europe que celle de saint Benoît -, qui trace l’image idéale du moine. C’est la seule règle monastique irlandaise ancienne aujourd’hui en notre possession. Il la compléta avec la Regula coenobialis, une sorte de code pénal pour les infractions des moines, avec des punitions assez surprenantes pour la sensibilité moderne, et qui ne s’expliquent que par la mentalité de l’époque et du contexte. Avec une autre œuvre célèbre intitulée De poenitentiarum misura taxanda, écrite également à Luxeuil, Colomban introduisit sur le continent la confession et la pénitence privées et répétées; elle fut appelé la pénitence « tarifée » en raison de la proportion entre la gravité du péché et le type de pénitence imposée par le confesseur. Ces nouveautés éveillèrent le soupçon des évêques de la région, un soupçon qui se transforma en hostilité lorsque Colomban eut le courage de les critiquer ouvertement en raison des mœurs de certains d’entre eux. L’occasion saisie pour manifester ce différend fut la dispute sur la date de Pâques: l’Irlande suivait en effet la tradition orientale en opposition avec la tradition romaine. Le moine irlandais fut convoqué en 603 à Chalon-sur-Saône pour rendre compte devant un synode de ses habitudes relatives à la pénitence et à la Pâque. Au lieu de se présenter au synode, il envoya une lettre dans laquelle il minimisait la question en invitant les Pères synodaux à discuter non seulement du problème de la date de Pâques, un problème mineur selon lui, « mais également de toutes les règles canoniques nécessaires que beaucoup – chose plus grave – ne respectent pas » (cf. Epistula II, 1). Dans le même temps, il écrivit au Pape Boniface IV – comme quelques années plus tôt, il s’était adressé à Grégoire le Grand (cf. Epistula I) – pour défendre la tradition irlandaise (cf. Epistula III).
Intransigeant comme il l’était sur toute question morale, Colomban entra par la suite en conflit avec la maison royale, parce qu’il avait reproché avec dureté au roi Théodoric ses relations adultérines. Il en naquit un réseau d’intrigues et de manœuvres au niveau personnel, religieux et politique qui, en l’an 610, se traduisit par un décret d’expulsion de Luxeuil contre Colomban et tous les moines d’origine irlandaise, qui furent condamnés à un exil définitif. Ils furent escortés jusqu’à la mer et embarqués aux frais de la cour vers l’Irlande. Mais le navire s’échoua non loin de la plage et le capitaine, y voyant un signe du ciel, renonça à l’entreprise et, de peur d’être maudit par Dieu, ramena les moines sur la terre ferme. Ceux-ci au lieu de rentrer à Luxeuil, décidèrent d’entamer une nouvelle œuvre d’évangélisation. Ils s’embarquèrent sur le Rhin et remontèrent le fleuve. Après une première étape à Tuggen près du lac de Zurich, ils se rendirent dans la région de Bregenz près du lac de Constance pour évangéliser les Allemands.
Mais peu de temps après, Colomban, à cause d’événements politiques peu favorables à son œuvre, décida de traverser les Alpes avec la plupart de ses disciples. Seul un moine du nom de Gallus demeura; à partir de son monastère se développera ensuite la célèbre abbaye de Saint-Gall, en Suisse. Arrivé en Italie, Colomban trouva un accueil bienveillant auprès de la cour royale lombarde, mais il dut immédiatement affronter de grandes difficultés: la vie de l’Eglise était déchirée par l’hérésie arienne qui prévalait encore chez les Lombards et par un schisme qui avait éloigné la majeure partie des Eglises d’Italie du Nord de la communion avec l’Evêque de Rome. Colomban prit place avec autorité dans ce contexte, en écrivant un libelle contre l’arianisme et une lettre à Boniface IV pour le convaincre d’effectuer certains pas décisifs en vue d’un rétablissement de l’unité (cf. Epistula V). Lorsque le roi des Lombards, en 612 ou 613, lui assigna un terrain à Bobbio, dans la vallée de la Trebbia, Colomban fonda un nouveau monastère qui allait par la suite devenir un centre de culture comparable à celui très célèbre de Montecassino. C’est là qu’il finit ses jours: il mourut le 23 novembre 615 et c’est à cette date qu’il est fêté dans le rite romain jusqu’à nos jours.
Le message de saint Colomban se concentre en un ferme rappel à la conversion et au détachement des biens terrestres en vue de l’héritage éternel. Avec sa vie ascétique et son comportement sans compromis face à la corruption des puissants, il évoque la figure sévère de saint Jean Baptiste. Son austérité, toutefois, n’est jamais une fin en soi, mais ce n’est que le moyen de s’ouvrir librement à l’amour de Dieu et de répondre avec tout son être aux dons reçus de Lui, en reconstruisant ainsi en lui l’image de Dieu, en défrichant dans le même temps la terre et en renouvelant la société humaine. Je cite de ses Instructiones: « Si l’homme utilise correctement cette faculté que Dieu a accordée à son âme, alors il sera semblable à Dieu. Rappelons-nous que nous devons lui rendre tous les dons qu’il a déposés en nous lorsque nous étions dans la condition originelle. Il nous a enseigné la manière de le faire avec ses commandements. Le premier d’entre eux est celui d’aimer le Seigneur de tout notre cœur, parce qu’il nous a aimés lui le premier, depuis le commencement des temps, avant même que nous venions à la lumière de ce monde » (cf. Instr. XI). Ces paroles, le saint irlandais les incarna réellement dans sa propre vie. Homme de grande culture – il composa également des poésies en latin et un livre de grammaire -, il se révéla riche de dons de grâce. Il fut un inlassable bâtisseur de monastères ainsi qu’un prédicateur pénitentiel intransigeant, en dépensant toute son énergie pour nourrir les racines chrétiennes de l’Europe en train de naître. Avec son énergie spirituelle, avec sa foi, avec son amour pour Dieu et pour le prochain, il devint réellement un des Pères de l’Europe: il nous montre encore aujourd’hui où sont les racines desquelles peut renaître notre Europe.
Homélie du 34e dimanche ordinaire, B : Le Christ, Roi de l’Univers
23 novembre, 2012http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
Homélie du 34e dimanche ordinaire, B : Le Christ, Roi de l’Univers
Dn 7, 13-14 ; Ap 1, 5-8 ; Jn 18, 33-37
Qui dit roi, empereur, président ou tout simplement chef d’Etat, pense « pouvoir » et approuve l’avis de Valéry pour qui « le pouvoir et l’argent ont le prestige de l’infini ». Aujourd’hui, invités à fêter le Christ, Roi de l’Univers, saisissons l’occasion pour tenter de découvrir quelque peu les liens et les oppositions, les ressemblances et les différences entre les royaumes de la terre et le Royaume de Dieu, entre la société politique et la communauté spirituelle.
Au temps de Jésus, les plus pieux des Juifs espéraient et attendaient la venue d’un Messie politico-religieux. Un leader capable de prendre la tête d’une organisation de libération de la Palestine, occupée à l’époque par les Romains.
Jésus, qui défendait les faibles et les opprimés, guérissait les malades et nourrissait les affamés, paraissait un candidat idéal. « Mais Jésus, sachant qu’on allait venir l’enlever pour le faire roi, se retira seul dans la montagne » (Jn 6, 15).
Ce genre de dérive se répète chaque fois que l’on confond cité terrestre et Royaume de Dieu. Chaque fois que l’on confond le pouvoir et le service.
Quand la liturgie nous invitait à chanter, en latin : « Le Christ est vainqueur, le Christ règne, le Christ commande », elle ne cautionnait pas et n’encourageait pas pour autant les aventures politiques de ceux qui proclamaient « Rex vaincra ! ».
Et cependant, interrogé par le pouvoir politique, Jésus affirme sa royauté. Une royauté qui est dans le monde, mais qui ne vient pas et qui n’est pas de ce monde. Le Christ n’est en concurrence avec aucun César. Il ne règne pas sur des Etats, des territoires, ou des nations, mais sur les cœurs qui l’accueillent librement.
Origène écrivait : « Le règne de Dieu vient sans qu’on puisse le remarquer. On ne dira pas : le voilà. Il est ici. Ou bien : Il est là. Car voilà que le règne de Dieu est au-dedans de vous. Et en effet, elle est tout près de nous cette Parole, elle est dans notre bouche et dans notre cœur ». Même langage avec Augustin qui dit avec sagesse : « … C’est le fait de bien vivre dans le monde qui anticipe, hâte et concrétise déjà le Royaume de Dieu dans l’Histoire… ».
Son Royaume s’établit dès ici-bas et durera jusqu’à la fin des temps. Mais il contiendra jusqu’à la moisson un mélange d’ivraie et de bon grain. Ce Royaume de Dieu est Bonne Nouvelle pour tous et il témoigne de la vérité et de la justice, de l’amour, de la miséricorde et de la paix. Le règne de Dieu est d’abord au-dedans de nous, non pour y être enfermé, mais pour rayonner. Le Christ est donc Roi et, contrairement aux puissants de la terre, c’est quand il est abandonné des siens, livré au tribunal, enchaîné et humilié, que Jésus reconnaît sa royauté, la justifie et en donne le sens. Le prophète dit la Vérité sur Dieu, sur l’être humain, sur le monde… il doit être exécuté !
Mais ce Royaume de Dieu qui n’est pas de ce monde, mais qui est bien dans le monde, n’invite pas à s’évader dans l’au-delà, ni à se réfugier dans la piété pure. Bien au contraire, comme le rappelle le concile Vatican II : « La politique est un aspect décisif de l’agir humain et elle ne peut donc être étrangère à la foi ».
Déjà en 1927, le pape Pie XI avait scandalisé les bonnes âmes de son temps en déclarant avec netteté : « Le domaine de la politique est le champ de la plus vaste charité, la charité politique. » Dieu ne fait pas de politique, il n’en est pas moins « au fondement des exigences éthiques de toute vie politique ».
C’est pourquoi les chrétiens doivent contribuer à construire une cité terrestre la plus conforme possible à la dignité qu’il convient de reconnaître à tout être humain, image de Dieu.
La Bonne Nouvelle de Jésus Christ ne s’incarne pas seulement dans des chants et des prières, mais dans des actes et le vécu de l’existence sociale. C’est vrai que le message du Christ « transcende les frontières habituelles de la vie politique », mais en même temps « il s’insère pleinement dans ce qui la constitue ».
Si donc je me déclare disciple du Christ qui est le défenseur des faibles, qui nourrit les affamés, qui rend justice aux opprimés…, je dois aussi m’en souvenir et le prouver dans l’anonymat de l’isoloir. Tout comme un chrétien, conscient de ses responsabilités de levain dans la pâte, ne peut se désolidariser de ses frères et sœurs humains en fuyant ses responsabilités par l’abstention, tel un Pilate se lavant les mains.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008