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La Genèse, Chapitre 18 : 1 L’Eternel lui apparut dans la chênaie de Mamré…
6 novembre, 2012http://www.levangile.com/Bible-Annotee-Genese-18.htm
La Bible annotée
La Genèse
Chapitre 18
1 L’Eternel lui apparut dans la chênaie de Mamré. Comme il était assis à l’entrée de la tente pendant la chaleur du jour,
2 il leva les yeux et aperçut trois hommes se tenant devant lui ; et dès qu’il les vit, il courut à eux de l’entrée de la tente, et il se prosterna en terre
3 et dit : Seigneur, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, ne passe pas devant ton serviteur.
4 Permets qu’on aille chercher un peu d’eau, et vous laverez vos pieds. Asseyez-vous sous l’arbre ;
5 j’apporterai un morceau de pain, vous prendrez des forces, puis vous continuerez votre chemin ; car c’est pour cela que vous avez passé devant votre serviteur. Ils répondirent : Fais comme tu l’as dit.
6 Et Abraham s’empressa d’entrer dans la tente vers Sara, et il lui dit : Prends vite trois mesures de fleur de farine, pétris et fais des gâteaux.
7 Puis Abraham courut au bétail et prit une bête tendre et bonne et la donna au valet, qui se hâta de l’apprêter.
8 Et il prit du beurre et du lait et la bête qu’il avait apprêtée, et il les mit devant eux ; et lui se tenait debout auprès d’eux sous l’arbre, et ils mangèrent.
9 Puis ils lui dirent : Où est Sara, ta femme ? Il répondit : Elle est là dans la tente.
10 Et il dit : Certainement je reviendrai chez toi l’an prochain, et voici Sara ta femme aura un fils. Et Sara entendait cela à l’entrée de la tente, derrière lui.
11 Or Abraham et Sara étaient des vieillards, fort avancés dans la vie ; Sara était hors d’âge.
12 Et Sara rit en elle-même en se disant : Vieille comme je suis, aurais-je encore du plaisir ? Et mon seigneur est vieux.
13 Et l’Éternel dit à Abraham : Pourquoi donc Sara a-t-elle ri en se disant : Est-ce que vraiment j’enfanterai, vieille comme je suis ?
14 Y a-t-il rien qui soit trop merveilleux pour l’Éternel ? A cette saison je reviendrai vers toi l’an prochain, et Sara aura un fils.
15 Et Sara nia disant : Je n’ai pas ri ; car elle eut peur. Mais il lui dit : Non, car tu as ri.
16 Et ces hommes se levèrent de là et se tournèrent du côté de Sodome. Abraham allait avec eux pour les accompagner.
17 Or l’Éternel dit : Cacherai-je à Abraham ce que je vais faire ?
18 Abraham doit devenir une nation grande et forte, et toutes les nations de la terre seront bénies en lui.
19 Car je l’ai choisi afin qu’il ordonne à ses fils et à sa maison après lui de garder la voie de l’Éternel, en faisant ce qui est juste et droit, pour que l’Éternel fasse venir sur Abraham ce qu’il lui a promis.
20 Et l’Éternel dit : Le cri qui s’élève de Sodome et Gomorrhe est bien fort et leur iniquité bien énorme.
21 Je veux descendre et voir si, comme le bruit en est venu jusqu’à moi, leur crime est arrivé au comble ; ou si cela n’est pas, je veux le savoir.
22 Et ces hommes partirent et s’en allèrent à Sodome ; et Abraham se tenait encore devant l’Éternel.
23 Et Abraham s’approcha et dit : Est-ce que vraiment tu ferais périr le juste avec le coupable ?
24 Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville ; les ferais-tu donc périr et ne pardonnerais-tu pas à ce lieu à cause de ces cinquante justes qui s’y trouveraient ?
25 Loin de toi d’agir de la sorte, de faire mourir le juste avec le coupable ! Ainsi il en serait du juste comme du coupable ! Loin de toi ! Celui qui juge toute la terre ne rendrait-il pas justice ?
26 Et l’Éternel dit : Si je trouve à Sodome cinquante justes, au milieu de la ville, je pardonnerai à tout le lieu pour l’amour d’eux.
27 Et Abraham reprit : Voilà que j’en suis venu à parler au Seigneur, moi qui suis poudre et cendre.
28 Peut-être que des cinquante justes il en manquera cinq. Détruiras-tu pour cinq hommes toute la ville ? Et il dit : Je ne la détruirai pas si j’en trouve quarante-cinq.
29 Et Abraham continua encore à lui parler ; il lui dit : Peut-être s’en trouvera-t-il là quarante. Et il dit : Je ne le ferai pas pour l’amour des quarante.
30 Et Abraham dit : Que le Seigneur veuille ne pas s’irriter si je parle ! Peut-être s’en trouvera-t-il trente. Et il dit : Je ne le ferai pas si j’y en trouve trente.
31 Et Abraham dit : Voilà que j’en suis venu à parler au Seigneur. Peut-être s’en trouvera-t-il vingt. Et il dit : Je ne la détruirai pas pour l’amour des vingt.
32 Et Abraham dit : Que le Seigneur veuille ne pas s’irriter, et je parlerai encore cette seule fois : Peut-être s’en trouvera-t-il dix. Et il dit : Je ne la détruirai pas pour l’amour des dix.
33 Et l’Éternel s’en alla quand il eut achevé de parler à Abraham, et Abraham retourna chez lui.
Notes
18 et 19
Les anges chez Abraham et à Sodome.
Destruction des villes de la Plaine
Ce récit d’une fraîcheur et d’une beauté littéraire remarquables appartient au document jéhoviste. Nous y admirons l’intimité dans laquelle Abraham vit avec l’Éternel. Il intercède hardiment auprès de lui en faveur des villes du pays menacées de ruine ; et l’Éternel le renseigne sur le jugement qu’il va accomplir. Ce sont ces rapports familiers avec l’Éternel qui ont valu à Abraham le titre d’ami de Dieu (Esaïe 46.8 ; Jacques 2.23).
Verset 1,1-8
Trois êtres célestes acceptent l’hospitalité d’Abraham. Cette visite de l’Éternel a eu lieu dans le même temps que la révélation du chapitre 17, c’est-à-dire un an avant la naissance d’Isaac. Comparez 17.21 et 17.10. Après treize ans de silence (entre les chapitres 16 et 17), les communications divines se multiplient, car l’accomplissement est proche.
La première partie du verset 1 est le sommaire de tout le récit. De là vient que l’auteur nomme déjà l’Éternel, tandis que dans le récit même il ne le désigne comme tel que dès le moment où Abraham le reconnaît.
Dans la chênaie de Mamré : près d’Hébron ; c’était son domicile habituel depuis son retour d’Egypte (13.18 ; 14.13).
Verset 2
Se tenant devant lui. S’arrêter à quelque distance de l’entrée de la tente est encore aujourd’hui chez les Arabes une manière de demander l’hospitalité.
Se prosterna en terre. Forme ordinaire de la salutation orientale.
Verset 3
Abraham reconnaît immédiatement la prééminence de l’un des trois hommes sur ses deux compagnons, et c’est à lui qu’il s’adresse.
Seigneur. Les copistes du texte hébreu, estimant qu’Abraham a dès l’abord reconnu l’Éternel, ont écrit ce mot avec l’orthographe spéciale qui convient au nom d’Adonaï, le Seigneur. Mais Abraham n’a point encore reconnu son hôte ; car il continue à le traiter comme un simple homme.
Verset 4
Ici Abraham s’adresse à tous les trois : ils ont tous besoin de repos et de nourriture.
Vous laverez vos pieds. Comme on ne, portait que des sandales, laver les pieds des voyageurs était le premier devoir de l’hospitalité.
Verset 5
Un morceau de pain. Manière délicate d’offrir un repas complet.
C’est pour cela… : C’est Dieu qui a dirigé ainsi votre marche, afin que j’eusse le privilège de vous héberger.
Verset 6
L’offre acceptée, Abraham se hâte. Le pain, la viande, le beurre et le lait sont encore aujourd’hui les aliments habituels des bédouins du désert. Abraham veille à l’excellence et à l’abondance des mets.
Trois mesures : en hébreu, séim. Le séa valait un tiers d’épha. C’est à dessein qu’Araham ne dit pas un épha, mais trois séas : un pour chaque voyageur. D’après les indications des rabbins, l’épha était à peu près l’équivalent de vingt de nos litres.
Des gâteaux : de petits gâteaux ronds, cuits sur des pierres plates chauffées, comme on les fabrique encore aujourd’hui chez les Arabes.
Verset 7
Au bétail. Le terme employé désigne le gros bétail.
Verset 8
Lui se tenait debout. Encore à cette heure, quand le scheik arabe reçoit un hôte de distinction, il se tient debout près de lui pour le servir.
Verset 9
9-15
Renouvellement de la promesse relative à la naissance d’un fils de Sara.
Verset 10
Il dit. L’Eternel seul parle ; il s’agit d’une promesse que lui seul peut faire. Il réitère, mais cette fois en présence de Sara, la promesse faite précédemment à Abraham seul (chapitre 17).
Verset 11
Notice introduite pour expliquer le rire de Sara.
Verset 13
L’Eternel. Dès le verset 10, Abraham devait avoir pressenti la nature supérieure de son hôte. Mais maintenant la toute science dont il fait preuve ne peut plus lui laisser aucun doute. Sara en effet se tenait derrière l’Éternel (verset 10), et c’était en elle-même seulement qu’elle avait ri (verset 12). L’Eternel sait cependant qu’elle a ri.
L’Eternel dit à Abraham : non à Sara, car, selon la coutume de l’Orient, Sara était restée dans la tente. Le rire de Sara est blâmé parce que c’est un symptôme d’incrédulité.
Verset 14
Le commencement de ce verset est comme la paraphrase du nom de El-Schaddaï. Dieu répète la promesse avec une précision qui exclut toute objection.
Verset 15
Sara n’avait ri qu’intérieurement ; de là sa dénégation. L’Eternel coupe court à toute discussion par une parole brève et énergique, propre à la faire rentrer en elle-même.
Verset 16
16-21
L’Eternel instruit Abraham de son intention à l’égard des villes de la Plaine.
Pour les accompagner. Le scheik arabe accompagne encore aujourd’hui les hôtes auxquels il vient de donner l’hospitalité. Tous quatre partent d’Hébron, se dirigeant à l’Est vers les plateaux du haut desquels on contemple toute la plaine où se trouvaient Sodome et Gomorrhe.
Verset 17
17-19
Ces trois versets interrompent le fil du récit ; ils expriment la réflexion qui a déterminé l’Éternel à faire à Abraham la communication contenue dans les versets qui suivront (20 et 21).
Cacherai-je à Abraham… ? Amos dit (Amos 3.7) : Le Seigneur ne fait rien qu’il n’ait révélé son conseil à ses serviteurs les prophètes. Abraham est traité ici en prophète ; et dans les versets suivants nous le voyons agir comme tel.
Verset 18
Comparez 12.2-3. L’idée principale est renfermée dans le verset suivant : Si je m’ouvre ainsi à lui sur l’œuvre que je vais faire, c’est qu’il aura la mission d’instruire la postérité promise dont il doit être le père.
Verset 19
Je l’ai choisi, littéralement connu : Je suis entré dans une relation intime avec lui, afin que ses descendants, instruits par lui à marcher dans la bonne voie, puissent me servir d’instruments pour accomplir mon plan de reconquérir le monde rebelle.
Pour réaliser ce plan, il faut que le peuple élu soit fidèle, et pour qu’il le soit, il lui faut l’intelligence des jugements divins qu’Abraham ne manquera pas de lui transmettre. Voilà pourquoi Dieu trouve bon de lui faire connaître la sentence de condamnation qu’il vient de prononcer, afin qu’il discerne, dans le bouleversement des éléments qui va se produire, autre chose qu’un simple phénomène naturel, qu’il y reconnaisse la main du juge de toute la terre.
La destruction de Sodome et de Gomorrhe est restée pour Israël le type des jugements de Dieu. Comparez Deutéronome 29.23 ; Esaïe 1.9 ; Osée 11.8 ; Amos 4.11, etc.
Verset 20
Le cri. Tout crime commis sur la terre crie vers le ciel jusqu’à ce qu’il soit vengé. Comparez 4.10.
Verset 21
Je veux descendre. Ce mot ne doit pas se prendre ici dans le même sens que 11.5, 7 (descendre du ciel). Il s’agit de descendre de la montagne dans la plaine où sont les villes criminelles.
Arrivé au comble. L’Eternel punit quand la mesure déborde, c’est-à-dire quand il n’y a plus d’espoir d’amélioration. Comparez 15.46.
Ou si cela n’est pas… Dieu veut éviter toute apparence de partialité ou de précipitation ; se soumettant aux règles de la procédure humaine, il consent à faire une enquête pour constater le crime. Cette enquête aura lieu par le fait même de l’entrée de ses deux envoyés dans Sodome et de la conduite des habitants de la ville à leur égard.
Verset 22
22-33
L’intercession d’Abraham.
L’Eternel descend à Sodome, mais seulement en la personne de ses envoyés. Lui-même reste avec Abraham, qui profite de ce moment pour lui adresser sa requête.
Verset 23
Abraham, sachant que les villes de la Plaine vont être détruites, pense à Lot, déjà délivré une fois (chapitre 14), et aux justes qui pourraient se trouver avec lui dans ces villes.
Il existe entre les membres d’un même peuple une solidarité en vertu de laquelle ou bien les justes doivent périr à cause des méchants, ou bien les méchants être préservés à cause des justes.
Verset 25
Celui qui juge toute la terre… Le juge suprême et sans appel doit être aussi le juge le plus équitable.
Verset 26
Tant qu’il y a encore un certain nombre de justes dans une ville, fussent-ils une infime minorité, ils détournent les jugements de Dieu, car l’Éternel, pour l’amour d’eux, épargne les pécheurs au milieu desquels ils vivent.
Verset 27
27-32
,. Chaque exaucement enhardit Abraham à présenter une nouvelle requête. On se demande pourquoi il s’arrête à dix. Peut-être parce que moins de dix personnes ne peuvent plus être envisagés comme une fraction de la nation ; elles ne forment plus qu’une famille qui, si elle existe, pourra être sauvée seule, sans que la nation en bénéficie. Il faut remarquer dans cette intercession, à côté d’une sainte hardiesse, un sentiment d’humilité qui devient de plus en plus profond à chaque acte nouveau de la condescendance divine.
Ce récit présente un intérêt tout particulier en ce qu’il nous montre Abraham agissant comme protecteur de ce pays qui lui avait été promis. Ce qu’il avait fait en remportant la victoire sur les rois ennemis lors de l’invasion de Kédorlaomer, il essaie de le faire de nouveau en intercédant auprès de Dieu.
CERTAINES RÈGLES DE COMPORTEMENT DÉPASSENT LES DÉSIRS INDIVIDUELS (Homélie du card. Vingt-Trois)
6 novembre, 2012http://www.zenit.org/article-32447?l=french
CERTAINES RÈGLES DE COMPORTEMENT DÉPASSENT LES DÉSIRS INDIVIDUELS
Homélie du card. Vingt-Trois, assemblée des évêques de France 2012
ROME, dimanche 4 novembre 2012 (ZENIT.org) – « Comment vivre en société sans reconnaître qu’il y a certaines règles de comportement qui dépassent les désirs individuels et qui s’imposent à tous, non par moralisme ou aveuglement, mais simplement par un exercice de notre jugement à la lumière de la sagesse humaine et de notre conscience ? », interroge le cardinal Vingt-Trois.
Le président de la Conférence des évêques de France, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, a prononcé cette homélie lors de la messe qu’il a présidée, dans le cadre de l’Assemblée plénière des évêques de France à Lourdes (3-8 novembre 2012), en la basilique Notre-Dame-du-Rosaire, ce dimanche 4 novembre.
« La grandeur de la liberté humaine nous appelle, dit-il, à maîtriser nos comportements en ne cédant pas à tous les désirs. Notre foi chrétienne ne fonde pas notre ambition sur nos capacités, mais sur l’amour absolu de Dieu qui nous a été révélé dans le Christ. Cette certitude nourrit notre conviction que les êtres humains sont capables de choisir ce qui est le meilleur, non pour satisfaire les souhaits de chacun, mais pour le bien de tous. Nous ne prenons pas notre parti de voir un conformisme social abolir les progrès de tant de siècles pour le respect des plus faibles ».
Homélie du Cardinal André Vingt-Trois :
Vivre de la foi
Le Seigneur Jésus Christ est entré à Jérusalem pour la dernière étape de son ministère public. Il enseignait dans le Temple et des scribes, et des pharisiens, venaient lui poser des questions. Certains souhaitaient le mettre à l’épreuve, d’autres cherchaient à approfondir ce qu’ils savaient de son enseignement. L’Évangile de Marc ne nous dit pas dans laquelle de ces catégories se situait le scribe qui l’interrogeait, mais la manière dont il répond à Jésus et la conclusion du dialogue, indiquent que sa remarque était judicieuse et qu’il n’était « pas loin du Royaume ».
Le scribe cherche ce qui est l’essentiel de la foi : le premier commandement. Certains courants du judaïsme contemporains de Jésus, pour être sûrs de leur justice, multipliaient les commandements à l’infini et finissaient par transformer la loi, donnée par Dieu, comme signe de libération en un carcan insupportable, même pour leur propre conduite. Nous avons facilement tendance à condamner cet excès de légalisme. Même si nous oublions trop souvent que ce risque nous guette, nous aussi. La recherche continuelle de ce qui est imposé ou interdit, l’appel à des règles minutieuses, peuvent devenir le symptôme de notre crainte ou de notre incapacité à affronter le risque de la liberté. Un code de la route, même si on ne le respecte pas toujours, est moins exigeant pour notre liberté que la vertu de prudence qui nous incombe.
En cette Année de la foi, nous sommes invités à revenir à l’essentiel de notre foi en Dieu : notre foi en un Dieu Père, révélé par le Christ, son Fils unique, et habitant le cœur des croyants par le don de l’Esprit. Bien souvent on nous pose une question analogue à celle du scribe : qu’est-ce que c’est d’être chrétien ? Or, comme le scribe, nos questionneurs ont déjà des éléments de réponse : être chrétien, c’est croire en Dieu et servir notre prochain. Nos difficultés commencent quand nous essayons d’exprimer les conséquences de ce double commandement que nous pressentons si exigeant.
Le christianisme apparaît à certains comme un carcan trop lourd à porter, surtout dans une civilisation dominée par la satisfaction des désirs individuels. De quel droit Dieu viendrait-il se mêler de notre vie particulière ? Bien entendu, cette objection exprime en elle-même sa contradiction. Si Dieu est Dieu comment pourrait-on lui contester le droit de s’occuper de nous ? Mais notre difficulté principale ne vient pas de cette contradiction. Elle vient de notre répugnance à accepter qu’il y ait des règles de vie et que ces règles soient ordonnées au bien de l’homme. Nous adhérons avec une certaine satisfaction à une religion de l’amour, mais nous acceptons difficilement les conséquences d’un amour total, « jusqu’à l’extrême », pour reprendre l’expression de Jésus.
Notre tentation de nous satisfaire de bons sentiments sans en supporter le poids, n’est pas seulement un travers des chrétiens. Elle se retrouve chez tous les croyants et même chez les incroyants. Comment vivre en société sans reconnaître qu’il y a certaines règles de comportement qui dépassent les désirs individuels et qui s’imposent à tous, non par moralisme ou aveuglement, mais simplement par un exercice de notre jugement à la lumière de la sagesse humaine et de notre conscience ? Comment ériger en règle générale, voire absolue, ce que chacun désire ou expérimente et ce qu’il veut faire reconnaître comme une règle commune par tous ?
Quand l’Église fait appel à la conscience humaine, elle ne cherche pas à imposer une conception particulière de l’existence. Elle renvoie à ce que notre civilisation a déchiffré du sens de la vie humaine et des impératifs du respect de la dignité personnelle de chacun. Les dix Commandements comme les évangiles ont été des éléments décisifs de ce long travail. Notre foi et notre sagesse chrétiennes ont joué un rôle important dans cette prise de conscience commune, mais elles n’ont pas été les seules. Les sages d’autres religions y ont aussi contribué, comme les humanistes de toutes les époques. Au nom de quelle sagesse, subitement surgie des désirs particuliers à notre pays et à notre temps, devrait-on rejeter ces acquis de l’humanité ? Faut-il comprendre que l’humanité ne peut progresser qu’en rejetant ses acquis et son histoire ? Quand ces impératifs de la conscience humaine sont contestés et rejetés jusque dans des lois qui définissent les conditions du vivre ensemble, nous ne pouvons pas nous taire.
Quand nous défendons le droit des enfants à se construire en référence à celui et à celle qui leur ont donné la vie, nous ne défendons pas une position particulière. Nous reconnaissons ce qu’expriment les pratiques et les sagesses de tous les peuples depuis la nuit des temps et ce que confirment bien des spécialistes modernes. Quand nous rejetons l’idée que quelqu’un soit habilité légalement à disposer de la vie de son semblable, quels que soit son âge et son état de santé, nous ne défendons pas une position particulière. Nous rappelons simplement que la vie en société suppose que l’interdit du meurtre soit un des fondements de la confiance mutuelle.
La grandeur de la liberté humaine nous appelle à maîtriser nos comportements en ne cédant pas à tous les désirs. Notre foi chrétienne ne fonde pas notre ambition sur nos capacités, mais sur l’amour absolu de Dieu qui nous a été révélé dans le Christ. Cette certitude nourrit notre conviction que les êtres humains sont capables de choisir ce qui est le meilleur, non pour satisfaire les souhaits de chacun, mais pour le bien de tous. Nous ne prenons pas notre parti de voir un conformisme social abolir les progrès de tant de siècles pour le respect des plus faibles.
En cette année de la foi, c’est ainsi que nous pouvons aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toute notre force et notre prochain comme nous-mêmes. Que Dieu nous donne la force d’être fidèles à ces deux commandements dans tous les domaines de notre vie personnelle et de notre vie sociale.