Archive pour octobre, 2012

Pape Benoît : L’Année de la foi. Introduction

18 octobre, 2012

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20121017_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 17 octobre 2012

L’Année de la foi. Introduction

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui je voudrais introduire le nouveau cycle de catéchèses, qui se développe sur toute l’Année de la foi qui vient de débuter et qui interrompt — pendant cette période — le cycle consacré à l’école de la prière. Avec la lettre apostolique Porta Fidei j’ai proclamé cette année spéciale, précisément pour que l’Église renouvelle l’enthousiasme de croire en Jésus Christ, unique sauveur du monde, ravive la joie de cheminer sur la voie qu’il nous a indiquée, et témoigne de manière concrète de la force transformatrice de la foi.
L’anniversaire des cinquante ans de l’ouverture du Concile Vatican ii est une occasion importante pour revenir à Dieu, pour approfondir et vivre avec davantage de courage sa propre foi, pour renforcer l’appartenance à l’Église, « maîtresse en humanité », qui, à travers l’annonce de la Parole, la célébration des Sacrements et les œuvres de la charité nous guide à rencontrer et connaître le Christ, vrai Dieu et vrai homme. Il s’agit de la rencontre non pas avec une idée ou avec un projet de vie, mais avec une Personne vivante qui nous transforme en profondeur, en nous révélant notre véritable identité de fils de Dieu. La rencontre avec le Christ renouvelle nos rapports humains, en les orientant, jour après jour, vers une plus grande solidarité et fraternité, dans la logique de l’amour. Avoir foi dans le Seigneur n’est pas un fait qui intéresse uniquement notre intelligence, le domaine du savoir intellectuel, mais c’est un changement qui implique la vie, toute notre personne, sentiment, cœur, intelligence, volonté, corps, émotions, relations humaines. Avec la foi tout change véritablement en nous et pour nous, et se révèle avec clarté notre destin futur, la vérité de notre vocation dans l’histoire, le sens de la vie, le goût d’être pèlerins vers la Patrie céleste.
Mais — nous demandons-nous — la foi est-elle vraiment la force transformatrice de notre vie, de ma vie ? Ou bien est-ce seulement un des éléments qui font partie de l’existence, sans être l’élément déterminant qui la détermine totalement ? Avec les catéchèses de cette Année de la foi  nous voudrions ouvrir un chemin pour renforcer ou retrouver la joie de la foi, en comprenant qu’elle n’est pas quelque chose d’étranger, de détaché de la vie concrète, mais elle en est l’âme. La foi en un Dieu qui est amour, et qui s’est fait proche de l’homme en s’incarnant et en se donnant lui-même sur la croix pour nous sauver et nous rouvrir les portes du Ciel, indique de manière lumineuse que ce n’est que dans l’amour que consiste la plénitude de l’homme. Aujourd’hui il est nécessaire de le réaffirmer avec clarté, tandis que les transformations culturelles à l’œuvre montrent souvent tant de formes de barbaries, qui passent pour des « conquêtes de la civilisation » : la foi affirme qu’il n’y a pas de vraie humanité sinon dans les lieux, dans les gestes, dans les temps et dans les formes où l’homme est animé par l’amour qui vient de Dieu, s’exprime comme don, se manifeste dans des relations riches d’amour, de compassion, d’attention et de service désintéressé envers l’autre. Là où il y a domination, possession, exploitation, marchandisation de l’autre pour son propre égoïsme, là où il y a l’arrogance du moi fermé en lui-même, l’homme s’en trouve appauvri, dégradé, défiguré. La foi chrétienne, active dans la charité et forte dans l’espérance, ne limite pas, mais humanise la vie, et la rend même pleinement humaine.
La foi signifie accueillir dans notre vie ce message qui transforme, elle signifie accueillir la révélation de Dieu, qui nous fait connaître qui Il est, comment il agit, quels sont ses projets pour nous. Certes, le mystère de Dieu demeure toujours au-delà de nos concepts et de notre raison, nos rites et nos prières. Toutefois, avec la révélation, c’est Dieu lui-même qui se communique, se raconte, se rend accessible. Et nous devenons capables d’écouter sa Parole et de recevoir sa vérité. Voilà alors la merveille de la foi : Dieu, dans son amour, crée en nous — à travers l’œuvre de l’Esprit Saint — les conditions adéquates afin que nous puissions reconnaître sa Parole. Dieu lui-même, dans sa volonté de se manifester, d’entrer en contact avec nous, de devenir présent dans notre histoire, nous rend capables de l’écouter et de l’accueillir. Saint Paul l’exprime avec joie et reconnaissance de cette façon : « Nous ne cessons de rendre grâces à Dieu de ce que, une fois reçue la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie, non comme une parole d’hommes, mais comme ce qu’elle est réellement, la parole de Dieu. Et cette parole reste active en vous, les croyants » (1 Th 2, 13).
Dieu s’est révélé à travers des paroles et des œuvres tout au long d’une histoire d’amitié avec l’homme, qui culmine dans l’Incarnation du Fils de Dieu et dans son Mystère de mort et de Résurrection. Non seulement Dieu s’est révélé dans l’histoire d’un peuple, non seulement il a parlé au moyen des prophètes, mais il a franchi la limite de son Ciel pour entrer dans la terre des hommes comme homme, afin que nous puissions le rencontrer et l’écouter. Et de Jérusalem, l’annonce de l’Évangile du salut s’est diffusée jusqu’aux confins de la terre. L’Église, née du côté du Christ, est devenue messagère d’une nouvelle et solide espérance : Jésus de Nazareth, crucifié et ressuscité, sauveur du monde, qui siège à la droite du Père et est le juge des vivants et des morts. Tel est le kérygme, l’annonce centrale et impétueuse de la foi. Mais dès le début se pose le problème de la « règle de la foi », c’est-à-dire de la fidélité des croyants à la vérité de l’Évangile, à laquelle rester fidèles, à la vérité salvifique sur Dieu et sur l’homme à conserver et à transmettre. Saint Paul écrit : « Vous vous sauvez, si vous le [l’Évangile] gardez tel que je vous l’ai annoncé ; sinon, vous auriez cru en vain » (1 Co 5, 2).
Mais où trouvons-nous la formule essentielle de la foi ? Où trouvons-nous les vérités qui nous ont été fidèlement transmises et qui constituent la lumière pour notre vie quotidienne ? La réponse est simple : dans le Credo, dans la Profession de Foi ou le Symbole de la foi, nous nous rattachons à l’événement originel de la Personne et de l’Histoire de Jésus de Nazareth : ce que l’apôtre des nations disait aux chrétiens de Corinthe se réalise : « Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures » (1 Co 15, 3).
Aujourd’hui aussi, nous avons besoin que le Credo soit mieux connu, compris et prié. En particulier, il est important que le Credo soit, pour ainsi dire, « reconnu ». En effet, connaître pourrait être une opération uniquement intellectuelle, tandis que « reconnaître » veut signifier la nécessité de découvrir le lien profond entre les vérités que nous professons dans le Credo et notre existence quotidienne, afin que ces vérités soient véritablement et concrètement — comme elles l’ont toujours été — une lumière pour les pas de notre vie, une eau qui irrigue les passages arides de notre chemin, une vie qui vainc certains déserts de la vie contemporaine. Dans le Credo se greffe la vie morale du chrétien, qui trouve en lui son fondement et sa justification.
Ce n’est pas un hasard que le bienheureux Jean-Paul II ait voulu que le Catéchisme de l’Église catholique, norme sûre pour l’enseignement de la foi et source certaine pour une catéchèse renouvelée, soit axé sur le Credo. Il s’est agi de confirmer et de conserver ce noyau central des vérités de la foi, en le communiquant dans un langage plus intelligible aux hommes de notre temps, à nous. C’est un devoir de l’Église de transmettre la foi, de communiquer l’Évangile, afin que les vérités chrétiennes soient une lumière dans les nouvelles transformations culturelles, et que les chrétiens soient capables de rendre raison de l’espérance qu’ils portent (cf. 1 P 3, 14). Nous vivons aujourd’hui dans une société profondément transformée, même par rapport à un passé récent, et en continuelle évolution. Les processus de la sécularisation et d’une mentalité nihiliste diffuse, dans laquelle tout est relatif, ont profondément marqué la mentalité commune. Ainsi, la vie est souvent vécue avec légèreté, sans idéaux clairs et sans espérances solides, à l’intérieur de liens sociaux et familiaux mouvants, provisoires. Les nouvelles générations, en particulier, ne sont pas éduquées à la recherche de la vérité et du sens profond de l’existence, qui dépasse ce qui est contingent, à la stabilité des liens d’affection, à la confiance. Au contraire, le relativisme conduit à ne pas avoir de points de référence, le soupçon et la légèreté provoquent des ruptures dans les relations humaines, alors que la vie est vécue dans le cadre d’expériences qui durent peu, sans prise de responsabilité. Si l’individualisme et le relativisme semblent dominer l’âme de nombreux contemporains, on ne peut pas dire que les croyants soient totalement immunisés contre ces dangers, auxquels nous sommes confrontés dans la transmission de la foi. L’enquête menée sur tous les continents pour la préparation du synode des évêques sur la nouvelle évangélisation, en a souligné certains: une foi vécue de manière passive et privée, le refus de l’éducation à la foi, la fracture entre vie et foi.
Souvent le chrétien ne connaît même pas le noyau central de sa propre foi catholique, du Credo, au point de laisser place à un certain syncrétisme et relativisme religieux, sans clarté sur les vérités à croire et sans la particularité salvifique du christianisme. On court aujourd’hui le risque de construire, pour ainsi dire, une religion « bricolée ». Nous devons, en revanche, revenir à Dieu, au Dieu de Jésus Christ, nous devons redécouvrir le message de l’Évangile, le faire entrer de manière plus profonde dans nos consciences et dans la vie quotidienne.
Dans les catéchèses de cette Année de la foi , je voudrais offrir de l’aide pour accomplir ce chemin, pour reprendre et approfondir les vérités centrales de la foi sur Dieu, sur l’homme, sur l’Église, sur toute la réalité sociale et cosmique, en méditant et en réfléchissant sur les affirmations du Credo. Et je voudrais qu’il apparaisse clairement que ces contenus ou vérités de la foi (fides quae) sont liés directement à notre vécu ; ils requièrent une conversion de l’existence, qui donne vie à une nouvelle manière de croire en Dieu (fides qua). Connaître Dieu, le rencontrer, approfondir les traits de son visage met notre vie en jeu, car Il entre dans les dynamismes profonds de l’être humain.
Puisse le chemin que nous accomplirons cette année nous faire tous grandir dans la foi et dans l’amour pour le Christ, pour que nous apprenions à vivre, dans les choix et dans les actions quotidiennes, la vie bonne et belle de l’Évangile. Merci.

* * *

Je vous accueille avec joie chers pèlerins francophones ! J’adresse un salut particulier aux prêtres de Troyes, venus avec leur Évêque Mgr Stenger, aux diocésains de Soissons, avec l’Évêque Mgr Giraud, ainsi qu’aux jeunes de Suisse. Que l’Année de la foi qui commence soit pour vous l’occasion de mieux connaître le message de l’Évangile pour le faire entrer au plus profond de votre conscience et de votre vie. Bon pèlerinage à tous !

San Luca Evangelista, Simone Martini

17 octobre, 2012

San Luca Evangelista, Simone Martini dans images sacrée

http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Simone_martini,_san_luca,_1330_ca..JPG

18 OCTOBRE: SAINT LUC

17 octobre, 2012

http://apotres.amour.free.fr/page4/luc.htm

SAINT LUC

L’Evangéliste
(Patron des peintres et des médecins)

fêté le 18 octobre

LUC naquit à Antioche en Syrie. Il était grec de naissance et médecin de profession.
Luc fut un des premiers à être convertis. Plus tard, il devint le compagnon missionnaire de saint Paul pendant une partie de son deuxième et troisième voyage. Il prit soin de Paul lors de son incarcération à Césarée et à Rome. Paul en parle comme étant « le plus attentionné des médecins » et comme étant aussi « un travailleur acharné ». Avec Paul, il s’embarqua sur un bateau les menant de Troas à la Macédoine et demeura pendant sept ans à Philippes, partageant les naufrages et les périls du voyage jusqu’à Rome. En lisant les épîtres de Paul, nous apprenons que Luc est demeuré son compagnon fidèle.
Luc est l’auteur du troisième Evangile écrit avant l’an 63. Il a aussi écrit les Actes des Apôtres. Son symbole est le boeuf car celui-ci représente l’animal du sacrifice et on le retrouve dans son Evangile avec l’histoire de Zacharie le prêtre, offrant le sacrifice à Dieu. Luc parle de la prêtrise du Christ. Il mentionne aussi les oeuvres merveilleuses de Dieu lors de la construction de son Eglise et des événements et miracles qui eurent lieu de par saint Paul et auxquels il fut lui-même témoin.

Les icônes de Saint Luc (Biographie selon le Monastère Orthodoxe des Saints Elie et Elisée)
(voir le site, certaines des icônes )

D’après la tradition, ce fut Saint Luc qui, le premier, exécuta trois Images de la sainte Mère de Dieu portant dans ses bras l’Enfant Dieu. Il les soumit à l’approbation de la Sainte Vierge, alors qu’elle était encore en vie. Celle-ci accueillit avec joie ces Saintes Images et dit: « Que la grâce de Celui qui a été enfanté par moi, soit en elles! ». Par la suite, Saint Luc, représenta en Image les Saints Apôtres et transmit à l’Eglise cette pieuse et Sainte Tradition de la vénération des Icônes du Christ et de ses Saints.
Saint Luc était originaire de la ville d’Antioche la Grande. De noble naissance, il excellait en particulier dans les domaines de la science médicale et de l’art pictural. Sous le règne de l’empereur Claude (vers 42 ap. J.C.), alors qu’ils dispensait ses soins aux malades de la région de Thèbes en Béotie, il rencontra l’Apôtre Paul, dont les paroles de feu le convainquirent que la vérité absolue qu’il recherchait depuis tant d’années se trouvait effectivement chez les disciples de Jésus-Christ. Après avoir été séparé de son maître, Luc retourna en Grèce pour y proclamer l’Evangile. Il se fixa à nouveau dans la région de Thèbes, où il mourut dans la paix à l’âge de quatre-vingts ans.
Voulant rendre gloire à son fidèle serviteur, Dieu fit couler de son tombeau un liquide miraculeux, qui guérissait les maladies des yeux de ceux qui s’en oignaient avec foi. C’est ainsi que même après sa mort, Saint Luc continua d’exercer la médecine. De longues années plus tard (3 mars 357), l’empereur Constance, fils du Grand Constantin fit transporter la Relique du Saint à Constantinople par l’intermédiaire de Saint Artémios, duc d’Egypte, et la fit déposer sous l’Autel de l’église des Saints-Apôtres, auprès des Saintes Reliques des Apôtres André et Timothée.

Selon des traditions, Saint Luc a peint à trois reprises la Vierge, ouvrant la voie aux icônes peintes. C’est à l’une de ces icônes, acquise en Palestine par la femme de Théodose II et rapportée à Constantinople, que remonterait le type, très populaire, de la « Vierge Hodigitria », Vierge qui indique la Voie (le Christ enfant sur le bras gauche, la main droite ramenée devant le buste, désignant le Christ).
Plusieurs icônes sont traditionnellement attribuées à Saint Luc. Entre autres, les icônes Russes de la Vierge de Vladimir, de Jérusalem, de Tikhvine, de Smolensk, ainsi que, en Pologne, la Vierge de Czestochowa. Les icônes russes de la Vierge correspondent à des compositions iconographiques différentes. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Ic%C3%B4ne_(religion))

17 octobre : Saint Ignace d’Antioche

17 octobre, 2012

http://missel.free.fr/Sanctoral/10/17.php

17 octobre : Saint Ignace d’Antioche

Sommaire :

  Historique
  Epître de St Ignace aux Romains

Historique

Vers l’an 34, des chrétiens de Jérusalem, fuyant la persécution, entraient à Antioche, capitale de la province romaine de Syrie et troisième ville de l’Empire, après Rome et Alexandrie, par une belle route, pavée de pierres et sur quatre kilomètres bordée de colonnes, construite par le roi Hérode. « Quelques-uns d’entre eux, citoyens de Chypre et de Cyrène, arrivés à Antioche, commencèrent à parler aussi aux Grecs, prêchant la Bonne Nouvelle du Seigneur Jésus. Et la main du Seigneur était avec eux, et ainsi une grande multitude crut et se convertit au Seigneur. La nouvelle parvint aux oreilles de l’Eglise de Jérusalem, laquelle envoya Barnabé à Antioche.[1] » On était en l’an 37 : « Quand il arriva et vit la grâce du Seigneur, il se réjouit.[2] » Barnabé, un homme fort et cordial, après avoir exhorté les chrétiens « à persévérer d’un cœur résolu dans le Seigneur », était allé à Tarse pour rejoindre Paul qui l’emmena à Antioche où « ils restèrent ensemble une année entière et enseignèrent de grandes foules. A Antioche, disent encore les Actes des Apôtres, pour la première fois les disciples furent appelés chrétiens. » La nouvelle communauté devint presque plus grande et plus importante que celle de Jérusalem qu’elle aidera dix ans plus tard, après quoi, Pierre lui-même en prit la tête qu’il laissa à Hévodius, à qui, vers 70 succéda Ignace.
Lorsqu’il fut élu évêque, Ignace n’avait probablement pas plus de trente ans, et, outre Antioche, il était également responsable de l’Eglise de Syrie et de Cilicie. Sans doute natif d’Antioche, Ignace est peut-être le fils de deux des premiers convertis, à moins que, né dans une famille païenne il se soit converti très jeune au contact des chrétiens de la métropole. En tous cas, il habitait dans cette ville régulièrement fréquentée par Pierre, Paul et d’autres Apôtres et qu’assurément il les connut.
Après avoir gouverné pendant au moins trois décennies, l’Eglise d’Antioche, il fut arrêté dans des circonstances étranges, puisque après la mort de Domitien[3], l’Eglise bénéficiait d’une courte période de paix. C’est à cette époque que, de Bithynie, sur la Mer noire, Pline le Jeune[4], gouverneur entre 111 et 113, écrivit à Trajan une lettre qui est le plus ancien document officiel connu sur les rapports entre les chrétiens et l’Empire romain ; Pline demandait comment il fallait se comporter avec les chrétiens, et il rapportait avoir interrogé deux femmes chrétiennes et les avoir soumises à la torture : « Je n’ai rien trouvé d’autre, écrit-il, qu’une superstition méchante et effrénée. » Trajan répondit qu’il ne fallait pas pourchasser les chrétiens (conquirendi non sunt), mais qu’en cas de dénonciation privée, non anonyme, ils devaient être condamnés. Ignace fut précisément l’objet d’une dénonciation qui émanait de citoyens poussés par la haine. Il fut donc arrêté et, ayant avoué être chrétien, il fut enchaîné et envoyé à Rome, sous la garde d’une féroce escorte militaire, pour y subir l’exécution capitale.
Le voyage, par mer et par terre, fut pour lui et ses compagnons une Via Crucis : « Je lutte contre des animaux féroces, je suis enchaîné à dix léopards, un groupe de soldats qui deviennent de plus en plus méchants même s’ils reçoivent des bénéfices. En somme, je suis instruit au mieux sous leurs injustices.[5] » Mais, malgré eux, cela devint chemin faisant un extraordinaire voyage apostolique, qui confirma dans la foi toutes les communautés chrétiennes du bassin méditerranéen. Le bateau sur lequel Ignace était enchaîné fit une longue escale à Smyrne où les chrétiens, guidés par saint Polycarpe[6], accueillirent des fidèles de toutes les communautés environnantes (Ephèse, Magnésie, Tralle) qui voulaient rencontrer Ignace, lui dire leur affection, l’écouter. Ignace leur écrivit et leur remit trois lettres de remerciement pour leurs communautés. Il écrira aussi aux frères de Rome, où l’attendait le martyre. Après Smyrne, le bateau fait escale à Troade d’où il écrivit aux communautés de Philadelphie et de Smyrne, et aussi à Polycarpe.
Ces lettres constituent l’un des plus anciens témoignages sur la vie des premiers chrétiens. « Vous êtes tous des compagnons de route (…) qui avez Jésus-Christ parmi vous. (…) Avec vous je suis dans l’allégresse. Priez sans cesse pour les autres hommes. Car il y a pour eux l’espoir du repentir. (…) Soyez leurs frères (…) demeurez en Jésus-Christ dans la chair et dans l’esprit. Où est le sage ? Où est le débatteur ? Car notre Dieu, Jésus-Christ, a été porté dans le sein de Marie, selon l’économie divine, est né de la race de David et du Saint-Esprit (…) Tous les astres étaient  troublés, se demandant d’où venait pareille nouveauté, si différente d’eux. Alors toute magie fut détruite, tout lien de malice aboli, l’ignorance fut dissipée, l’ancien pouvoir ruiné, quand Dieu apparut sous forme humaine pour une nouveauté de vie éternelle : ce qui avait été décrété par Dieu commençait à se réaliser. Ainsi tout était troublé, parce que la destruction de la mort se préparait.[7] »
Evêque de la première métropole païenne touchée par le christianisme, Ignace exhorte sans se lasser les chrétiens à fuir les hérésies qui, déjà à cette époque, menaçait les communautés : « Il faut les éviter, comme des bêtes sauvages. Ce sont des chiens enragés qui mordent furtivement. Vous devez vous en garder, car leurs morsures sont difficiles à guérir. Il n’y a qu’un seul médecin, charnel et spirituel, engendré et non créé, venu dans la chair, vie véritable dans la mort, né de Marie et né de Dieu, d’abord susceptible de souffrir et maintenant impassible, Jésus-Christ notre Seigneur.[8] » « Soyez donc sourds quand on vous parle d’autre chose que de Jésus-Christ, de la lignée de David, né de Marie, qui est vraiment né, qui a mangé et qui a bu, qui a vraiment été persécuté sous Ponce Pilate, qui a vraiment été crucifié, et qui est mort, devant le ciel, la terre et les enfers, et puis qui est vraiment ressuscité d’entre les morts. (…)  Car si, comme le soutiennent certains athées, à savoir des infidèles, il n’a souffert qu’en apparence – alors eux-mêmes n’existent qu’en apparence, et moi, pourquoi suis-je ici enchaîné ? Pourquoi donc désirer combattre contre les bêtes sauvages ? C’est donc pour rien que je me livre à la mort. (…) Fuyez donc ces mauvaises plantes parasites : elles donnent un fruit qui tue.[9] »
La plus bouleversante de ses lettres est assurément celle qu’il écrivit de Smyrne à la communauté de Rome ; il y souligne que l’Eglise de Rome préside à la pureté de la foi et de la charité ; Comme c’était aussi une Eglise capable de trouver des appuis jusque dans la maison de César (à vous il est facile de faire ce que vous voulez), Ignace l’implorait de ne rien faire pour lui, parce qu’il désirait offrir sa vie : « Je suis pour vous un rachat ; il ne lui demandait qu’une seule : Priez pour que je sois un vrai chrétien, car le christianisme n’est pas une affaire d’éloquence humaine, mais une œuvre de puissance, quand il est haï par le monde. »
Ignace est enthousiaste de pouvoir mener cette ultime bataille pour Jésus-Christ. Mais, avec beaucoup d’humanité, il avoue aussi sa faiblesse devant ce qui l’attend : « Priez pour moi, pour que je surmonte l’épreuve car je suis encore en danger. » Arrivé à Rome dans les chaînes, Ignace ne manqua pas l’épreuve : conduit dans le cirque, il fut déchiré par les bêtes féroces.

[1] Actes des Apôtres XI 20-22.
[2] Actes des Apôtres XI 23.
[3] Domitien, second fils de Vespasien, succéda à son frère Titus et fut empereur de 81 à 96. Après l’assassinat de Domitien qui appartenait à la dynastie des Flaviens, règne Nerva (de 96 à 98) qui commence le règne de la dynastie des Antonins (Trajan, de 98 à 117 ; Hadrien, de 117 à 138 ; Antonin le Pieux de 138 à 161 ; Marc Aurèle, de 161 à 180 ; Commode de 180 à 192).
[4] Fils adoptif  de Pline l’Ancien (23-79), Pline le Jeune (61-114), avocat célèbre et grand orateur, fut consul en 100, puis légat de l’Empereur en Bithynie (111-112).
[5] Epître d’Ignace d’Antioche aux Romains.
[6] En la personne de l’évêque Polycarpe, c’était le dernier témoin de l’âge apostolique qui, le 23 février 155, montait sur le bûcher au milieu du théâtre de Smyrne, en présence de tout le peuple. Polycarpe a ait été le disciple de Jean. Il avait vu de ses yeux et entendu de ses oreilles celui dont les mains avaient touché le Verbe de vie, et il avait recueilli du disciple que Jésus aimait le commandement de l’amour fraternel. Aussi retrouvons-nous quelque chose de la sérénité et de la tendresse propres aux écrits de Jean dans le récit que les chrétiens de Smyrne ont laissé de la mort de leur évêque. Comme le proconsul pressait Polycarpe de renier le Christ, celui-ci répondit : « Voilà quatre-vingt-six ans que je le sers et jamais il ne m’a fait aucun mal. Pourquoi donc blasphémerais-je mon Roi et mon Sauveur ? » Lié au poteau du bûcher, il priait ainsi : « Dieu de toute la création, je te bénis pour m’avoir jugé digne de ce jour et de cette heure, digne d’être compté au nombre de tes martyrs et de participer au calice de ton Christ, pour ressusciter à la vie éternelle de l’âme et du corps dans l’incorruptibilité de l’Esprit Saint » (voir au 23 février).
[7] Epître d’Ignace d’Antioche aux Ephésiens.
[8] Epître d’Ignace d’Antioche aux Ephésiens.
[9] Epître d’Ignace d’Antioche aux chrétiens de Tralle.

Epître de saint Ignace d’Antioche aux Romains

Ignace, appelé aussi Théophore, à l’Église, objet de la miséricorde et de la munificence du Père très haut et de Jésus-Christ, son Fils unique ; à cette Eglise aimée de Dieu et illuminée par la volonté de celui qui a voulu tout ce qui existe, en vertu de la charité de Jésus-Christ, notre Dieu ; à l’Église qui préside dans la capitale des Romains, sainte, vénérable, bienheureuse, digne d’éloges et de succès, à l’Église toute pure qui préside à la charité et qui a reçu la loi du Christ et le nom du Père : salut, au nom de Jésus-Christ, Fils du Père, aux fidèles attachés de corps et d’âme à tous ses commandements, remplis pour toujours de la grâce de Dieu, et pure de tout élément étranger, je souhaite une pleine et sainte allégresse en Jésus-Christ, notre Dieu.
1. A force de prières, j’ai obtenu de voir vos saints visages ; J’ai même reçu de Dieu plus que je ne demandais : car c’est en qualité de prisonnier du Christ Jésus que j’espère vous saluer, si toutefois Dieu daigne me faire la grâce d’aller jusqu’au bout. L’affaire est bien engagée : puissé-je, avec la grâce de Dieu, entrer sans obstacle en possession du lot qui m’est échu ! Je crains que votre charité ne me soit dommageable. Car il vous est facile, à vous, de faire ce que vous voulez, mais il me sera difficile, à moi, d’arriver à Dieu, si vous n’avez pas pitié de moi.
2. Ce n’est pas la faveur des hommes que je veux vous voir rechercher, mais celle de Dieu, qui d’ailleurs vous est acquise. Jamais je ne retrouverai une pareille occasion d’aller à Dieu, et vous, vous ne sauriez attacher votre nom à une meilleure œuvre qu’en vous tenant tranquilles. Votre silence à mon sujet fera de moi  une parole de Dieu ; mais si vous aimez trop ma chair, je ne serai plus qu’une voix ordinaire. Je ne vous demande qu’une chose : c’est de laisser offrir à Dieu la libation de mon sang, tandis que l’autel est encore prêt : alors, réunis tous en chœur par la charité, vous pourrez chanter dans le Christ Jésus, une hymne à Dieu le Père, pour avoir daigné faire venir l’évêque de Syrie du levant au couchant. Il est bon, en effet, de me coucher du monde en Dieu, pour me lever en lui.
3. Vous n’avez jamais porté envie à personne, vous avez donné à d’autres les enseignements : eh bien ! ce que je veux, c’est précisément la mise en pratique de vos leçons et de vos préceptes. Contentez-vous de demander pour moi la force intérieure et extérieure, pour que je sois chrétien, non seulement de bouche, mais de cœur, non seulement de non, mais de fait. Car si je me montre chrétien de fait, je mériterai aussi ce nom, et c’est quand j’aurai disparu de ce monde que ma foi apparaîtra avec le plus d’éclat. Rien de ce qui se voit n’est bon : même notre Dieu, Jésus-Christ, ne s’est jamais mieux manifesté que depuis qu’il est retourné au sein de son Père. Le christianisme, quand il est en butte à la haine du monde, n’est plus objet de persuasion humaine, mais œuvre de puissance divine.
4. J’écris à toutes les églises : je mande à tous que je mourrai de grand cœur pour Dieu, si vous ne m’en empêchez. Je vous en conjure, épargnez-moi une bienveillance intempestive. Laissez-moi devenir la pâture des bêtes : c’est par elles qu’il me sera donné d’arriver à Dieu. Je suis le froment de Dieu, et je suis moulu par la dent des bêtes, pour devenir le pain immaculé du Christ. Caressez-les plutôt, afin qu’elles soient mon tombeau, et qu’elles ne laissent rien subsister de mon corps . Les funérailles ne seront ainsi à charge à personne. C’est quand le monde ne verra même plus mon corps, que je serai un véritable disciple de Jésus-Christ. Priez le Christ de daigner faire de moi, par la dent des fauves, une victime pour Dieu. Je ne vous donne pas des ordres, comme Pierre et Paul : ils étaient des Apôtres, et moi je ne suis qu’un condamné, ils étaient libres, et moi, jusqu’à présent,  je suis esclave ; mais la mort fera de moi un affranchi de Jésus-Christ en qui je ressusciterai libre. Pour le moment j’apprends dans les fers à ne rien désirer.
5. Depuis la Syrie jusqu’à Rome, sur terre et sur mer, de nuit et de jour, je combats déjà entre les bêtes, enchaîné que je suis à dix léopards : je veux parler des soldats qui me gardent, et qui se montrent d’autant plus méchants qu’on leur fait plus de bien. Leurs mauvais traitements sont pour moi une école à laquelle je me forme tous les jours ; « mais je ne suis pas pour cela justifié. » Quand donc serai-je en face des bêtes qui m’attendent ! Puissent-elles se jeter aussitôt sur moi ! Au besoin je les flatterai, pour qu’elles me dévorent sur le champ, et qu’elles ne fassent pas comme pour certains, qu’elles ont craint de toucher. Que si elles y mettent du mauvais vouloir, je les forcerai. De grâce, laissez-moi faire : je sais, moi, ce qui m’est préférable. C’est maintenant que je commence à être un vrai disciple. Qu’aucune créature, visible ou invisible, ne cherche à me ravir la possession de Jésus-Christ ! Feu, croix, corps à corps avec les bêtes féroces, lacération, écartèlement, dislocation des os, mutilation des membres, broiement du corps entier : que les plus cruels supplices du diable tombent sur moi, pourvu que je possède enfin Jésus-Christ !
6. Que me servirait la possession du monde entier ? Qu’ai-je à faire des royaumes d’ici-bas ? Il m’est bien plus glorieux de mourir pour le Christ Jésus, que de régner jusqu’aux extrémités de la terre. C »est lui que je cherche, ce Jésus qui est mort pour nous ! c’est lui que je veux, lui qui est ressuscité à cause de nous ! Voici le moment où je vais être enfanté. De grâce, frères, épargnez-moi : ne m’empêchez pas de naître à la vie, ne cherchez pas ma mort. C’est à Dieu que je veux appartenir : ne me livrez pas au monde ni aux séductions de la matière. Laissez-moi arriver à la pure lumière : c’est alors que je serai vraiment homme. Permettez-moi d’imiter la passion de mon Dieu. Si quelqu’un possède ce Dieu dans son cœur, que celui-là comprenne mes désirs, et qu’il compatisse, puisqu’il la connaît, à l’angoisse qui me serre.
7. Le prince de ce monde veut m’arracher à Dieu et altérer les sentiments que j’ai pour lui. Spectateurs de la lutte, qu’aucun de vous n’aille prêter main-forte au démon ! Prenez plutôt parti pour moi, c’est-à-dire pour Dieu. N’ayez pas Jésus-Christ dans la bouche, et le monde dans le cœur. Loin de vous l’envie ! Si, quand je serai parmi vous, il m’arrive de vous supplier, ne m’écoutez pas ; faites plutôt ce que je vous écris aujourd’hui : car c’est en pleine vie que je vous exprime mon ardent désir de la mort. Mes passions terrestres ont été crucifiées, et il n’existe plus en moi de feu pour la matière ; il n’y a qu’une « eau vive », qui murmure au-dedans de moi et me dit : « Viens vers le Père! » Je ne prends p1us de plaisir à la nourriture corruptible ni aux joies de cette vie : ce que je veux, c’est « le pain le Dieu », ce pain qui est la chair de Jésus-Christ, « le fils de David »; et pour breuvage je veux son sang, qui est l’amour incorruptible.
8. Je ne veux plus vivre de cette vie terrestre. Or, la réalisation de mon vœu dépend de votre bonne volonté : montrez-en donc à mon égard, afin d’en trouver vous-mêmes à votre tour. Ces quelques mots vous transmettront ma prière : croyez à mes paroles. Jésus-Christ fera éclater à vos yeux la sincérité de mon cœur, lui, la bouche infaillible par laquelle le Père a vraiment parlé. Priez pour que je réussisse. Ce n’est pas la chair qui m’a dicté cette lettre, c’est l’esprit de Dieu. Mon martyre sera la preuve de votre bienveillance, et le refus de m’y admettre l’effet de votre haine.
9. Dans vos prières, souvenez-vous de l’Eglise de Syrie, qui, depuis mon départ, n’a plus que Dieu pour pasteur[10]. Elle n’aura d’autre évêque que Jésus-Christ et votre charité. Je rougis d’être compté parmi ses membres : je n’en suis pas digne, moi, le dernier d’entre eux, moi, un avorton. Mais, dans sa miséricorde, Dieu m’a fait la grâce d’être quelqu’un, si j’arrive à lui. Mon esprit s’unit, pour vous saluer, aux charitables églises qui m’ont accueilli au nom de Jésus-Christ, non comme un simple passant ; car celles mêmes qui ne se trouvaient point sur mon passage, j’entends sur le passage de mon corps, allaient m’attendre à la ville la plus proche.
10. Je vous écris cette lettre de Smyrne par l’intermédiaire d’Éphésiens, dignes d’être appelés bienheureux. En compagnie de beaucoup d’autres, j’ai avec moi Crocus, dont la personne m’est bien chère. Quant à ceux qui m’ont précédé de Syrie à Rome pour la gloire de Dieu, ils vous sont maintenant connus, je pense, annoncez-leur ma prochaine arrivée. Ils sont tous dignes de Dieu et dignes de vous. Il vous convient de les soulager dans tous leurs besoins. Je vous écris le neuvième jour avant les calendes de septembre[11]. Adieu, et courage jusqu’au bout à souffrir pour Jésus-Christ.

[10] Après saint Ignace qui succédait à Evode, successeur de saint Pierre sur le siège d’Antioche, vinrent Héron, Cornélius, puis Héros et Théophile (mort avant mars 181).
[11] 24 août.

DISCOURS DE BENOÎT XVI SUR L’AGGIORNAMENTO DU CONCILE, 12 OCTOBRE 2012

17 octobre, 2012

http://www.zenit.org/article-32178?l=french

DISCOURS DE BENOÎT XVI SUR L’AGGIORNAMENTO DU CONCILE, 12 OCTOBRE 2012

L’« aggiornamento » n’est pas « rupture avec la tradition »

ROME, samedi 13 octobre 2012 (ZENIT.org) – L’« aggiornamento » du Concile « ne signifie pas rupture avec la tradition, mais en exprime la vitalité continuelle ; elle ne signifie pas réduire la foi, en l’abaissant à la mode des époques, à l’aune de ce qui nous plaît, de ce qui plaît à l’opinion publique, mais c’est le contraire », affirme Benoît XVI dans un discours qui fera date.
Le pape Benoît XVI a en effet reçu en audience en la salle Clémentine du Vatican, vendredi 12 octobre, les « Pères conciliaires » venus participer à l’ouverture de l’Année de la foi (cf.  Zenit, de ce 13 octobre 2012 pour leurs noms), ainsi que les patriarches et archevêques des Eglises orientales catholiques, et de nombreux présidents des Conférences épiscopales du monde venus à Rome pour l’ouverture de l’Année de la foi, le jour du 50e anniversaire du début des travaux de Vatican II.
Le pape a été accueilli par le cardinal nigérian Francis Arinze, préfet émérite de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, le plus jeune – bientôt 80 ans – des quelque 70 pères conciliaires encore en vie.
Discours de Benoît XVI :
Chers frères vénérés,
Nous nous retrouvons aujourd’hui ensemble, après la célébration solennelle qui nous a rassemblés hier Place Saint-Pierre. La salutation cordiale et fraternelle que je désire vous adresser  naît de la communion profonde que seule la célébration eucharistique est capable de créer. En elle se rendent visibles, quasi tangibles, les liens qui nous unissent en tant que membres du Collège épiscopal, unis au Successeur de Pierre.
Sur vos visages, chers Patriarches et Archevêques des Eglises orientales catholiques, chers Présidents des Conférences épiscopales du monde, je vois aussi les centaines d’évêques qui, dans toutes les régions de la terre sont engagés dans l’annonce de l’Evangile, et dans le service de l’Eglise et de l’homme, dans l’obéissance au mandat reçu du Christ. Mais c’est à vous aujourd’hui que je voudrais adresser une salutation particulière, chers frères qui avez eu la grâce de participer, en tant que Pères, au Concile œcuménique Vatican II. Je remercie le cardinal Arinze, qui s’est fait l’interprète de vos sentiments, et en ce moment, je garde présent dans la prière et dans l’affection tout le groupe d’évêques encore en vie qui ont pris part aux travaux du Concile – presque soixante-dix –. En répondant à l’invitation pour cette commémoration, à laquelle ils n’ont pas pu être présents en raison de leur âge avancé et de leur santé, beaucoup d’entre eux ont rappelé ces journées, par des paroles émouvantes, en assurant de leur union spirituelle en ce moment, y compris par l’offrande de leur souffrance.
Ils sont tellement nombreux les souvenirs de cette période si vivante, riche et féconde, qu’a été le Concile, qui affleurent à notre esprit et que chacun garde bien imprimé dans le cœur ! Mais je ne veux pas m’étendre trop, pourtant, en reprenant des éléments de mon homélie d’hier, je voudrais seulement rappeler comment un mot, lancé par le bienheureux Jean XXIII, de façon quasi programmatique, s’est retrouvé continuellement dans les travaux conciliaires : le mot «aggiornamento».
Cinquante ans après l’ouverture de ces assises solennelles de l’Eglise, d’aucuns se demanderont si cette expression, peut-être dès le début, a été très heureuse. Je pense que l’on pourrait discuter pendant des heures sur le choix des mots, et l’on trouverait des avis continuellement discordants, mais je suis convaincu que l’intuition du bienheureux Jean XXIII résumée par ce mot a été et est encore exacte. Le christianisme ne doit pas être considéré comme « quelque chose du passé », et il ne doit pas être vécu avec le regard fixé en permanence « en arrière », parce que Jésus Christ est hier, aujourd’hui et pour l’éternité (cf. He 13,8). Le christianisme est marqué par la présence du Dieu éternel qui est entré dans le temps et qui est présent à chaque époque, afin que chaque époque jaillisse de sa puissance créatrice, de son éternel « aujourd’hui ».
C’est pour cela que le christianisme est toujours nouveau. Nous ne devons jamais le voir comme un arbre pleinement développé à partir du grain de moutarde évangélique, qui a grandi, a donné ses fruits, et un beau jour vieillit et dont énergie vitale arrive à son crépuscule. Le christianisme est un arbre qui est, pour ainsi dire, dans une aurore « permanente », est toujours jeune. Et cette actualité, cet « aggiornamento », ne signifie pas rupture avec la tradition, mais en exprime la vitalité continuelle ; elle ne signifie pas réduire la foi, en l’abaissant à la mode des époques, à l’aune de ce qui nous plaît, à ce qui plaît à l’opinion publique, mais c’est le contraire : exactement comme l’ont fait les Pères conciliaires, nous devons amener « l’aujourd’hui » que nous vivons à l’aune de l’événement chrétien, nous devons amener « l’aujourd’hui » de notre temps dans « l’aujourd’hui » de Dieu.
Le Concile a été un temps de grâce pendant lequel l’Esprit Saint nous a enseigné que l’Eglise, pendant sa marche dans l’histoire, doit toujours parler à l’homme contemporain, mais cela ne peut advenir que grâce à la force de ceux qui ont des racines profondes en Dieu, qui se laissent guider par Lui et vivent leur foi avec pureté ; cela ne vient pas de qui se modèle sur le moment qui passe, choisit la voie la plus commode. Le Concile le voyait clairement, lorsque la Constitution dogmatique sur l’Eglise, Lumen Gentium, a affirmé, au paragraphe 49, que tous dans l’Eglise sont appelés à la sainteté selon les paroles de l’Apôtre Paul : « La volonté de Dieu, c’est votre sanctification » (1 Th 4,3): la sainteté manifeste le vrai visage de l’Eglise, fait entrer « l’aujourd’hui » éternel de Dieu dans « l’aujourd’hui » de notre vie, dans « l’aujourd’hui » de l’homme de notre temps.
Chers frères dans l’épiscopat, la mémoire du passé est précieuse, mais elle n’est jamais une fin en soi. L’Année de la foi que nous avons inaugurée hier nous suggère la meilleure façon de rappeler et de commémorer le Concile : se concentrer sur le cœur de son message, qui du reste n’est rien d’autre que le message de la foi en Jésus-Christ, unique Sauveur du monde, proclamée à l’homme de notre époque. Aujourd’hui encore, ce qui est important et essentiel, c’est d’amener le rayon de l’amour de Dieu dans le cœur et dans la vie de chaque homme et de chaque femme, et d’amener à Dieu les hommes et les femmes de tout lieu et de toute époque.
Je souhaite vivement que toutes les Eglises particulières trouvent, dans la célébration de cette Année, l’occasion du retour toujours nécessaire à la source vive de l’Evangile, à la rencontre transformante avec la personne de Jésus Christ. Merci.

Traduction de Zenit, Anita Bourdin

Chapelle Vierge-Marie

16 octobre, 2012

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Chapelle Vierge-Marie dans images sacrée Chapelle_vierge-marie

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LE DÉSERT (1/2)

16 octobre, 2012

http://www.interbible.org/interBible/ecritures/symboles/2002/sym_021210.htm

LE DÉSERT (1/2)

S’abandonner entre les mains de Dieu

« Faire un désert », « prendre quelques jours de désert ». Voilà de bien curieuses expressions pour qui connaît les collines dénudées ou les endroits secs et abandonnés. Pourtant, le désert, dans notre imaginaire, occupe une place de choix et ce, en grande partie grâce à la Bible. Qu’est-ce que le désert dans les Écritures? Quelle place occupe-t-il dans la vie spirituelle d’Israël?
Apparenté à celui de la terre, le symbole du désert a, dans la tradition biblique, une double portée. Il représente d’une part un lieu de désolation, sans vie, sans eau, que Dieu n’a pas béni. D’autre part, il évoque une étape dans l’histoire du salut : le passage d’lsraël sur ce territoire aride, avant d’arriver en terre promise. Le symbolisme du désert s’est développé, dans la Bible, surtout autour de cette deuxième perspective.
     En quittant tant l’Égypte, Israël prend le chemin indiqué par son Dieu. L’itinéraire n’est pas le plus court, mais le Seigneur veut être le guide de son peuple (Exode 13, 21). Le passage d’un état de dominé à celui d’une nation maîtresse de sa destinée se fait par la traversée du désert. C’est en ce lieu qu’Israël commence à adorer son Dieu. C’est là aussi que la Loi est donnée et l’Alliance conclue. Des expériences aussi marquantes ont laissé des traces dans l’imaginaire collectif du peuple choisi.
     Le temps du désert est aussi un temps d’épreuve. Ayant quitte l’Égypte, ou au moins il mangeait à sa faim, Israël se retrouve démuni, à la merci totale de son Dieu. Se laisser, guider dans sa marche, attendre chaque jour sa nourriture, il y a de quoi sonder en profondeur la foi d’un peuple. Celui-ci n’échappe d’ailleurs pas aux regrets et aux infidélités (Exode 14, 11). La domination égyptienne n’empêchait pas le menu d’être meilleur! Dieu a-t-il raison de traiter ainsi son peuple?
     Mais dans sa grande fidélité, Dieu n’oublie pas son peuple et lui fait voir sa miséricorde. Malgré les murmures de mécontentement, il donne de quoi survivre au désert : l’eau jaillissant du rocher, les cailles, la manne… Par contre, il fait périr ceux qui refusent de sortir de leur endurcissement (Nombres 14, 29). Mais au bout de la route, pour ceux et celles qui ont tenu le coup, la terre promise apparaît. A partir de ce moment, l’image du désert est aussi bien celle d’une terre d’épreuve que le lieu de la révélation de la gloire et de la sainteté divine.
     Après avoir conquis le territoire palestinien et s’y être installé, Israël se laisse rapidement séduire par les divinité des peuples qui l’entourent. Le désert est alors devenu le symbole d’une relation privilégiée entre Dieu et son peuple. La tradition a retenu l’époque de sa traversée comme celle d’une épuration de sa foi. Cela prend la forme de formidables appels à la conversion. Même si le désert est un lieu sans vie, où règne la mort, le peuple l’a traversé sans périr. Pourquoi? Parce qu’il se laissait guider par Dieu. L’avenir d’Israël ne se trouve-t-il pas alors en lui? Cela vaut-il la peine de s’en détourner? Nous reviendrons sur ces questions la prochaine fois.
     Lorsque Pharaon eut laissé partir le peuple, Dieu ne lui fit pas prendre la route du pays des Philistins, bien qu’elle fût plus proche, car Dieu s’était dit qu’à la vue des combats le peuple pourrait se repentir et retourner en Égypte. Dieu fit donc faire au peuple un détour par la route du désert de la mer des Roseaux (Exode 13, 17-18).

Jean Grou
Bibliste, Sainte-Foy

Pour lire la Bible sur le désert…

          • Adorer Dieu au désert : Exode 3, 16-20
          • Dieu guide le peuple : Exode 13, 17-22
          • Les murmures au désert : Nombres 14, 1-14

LE DÉSERT (2/2)

16 octobre, 2012

http://www.interbible.org/interBible/ecritures/symboles/2002/sym_021217.htm

LE DÉSERT (2/2)

Sous le signe de la conversion

Bien installé en terre sainte, Israël se remémore les jours passés au désert et essaie d’en comprendre la portée. Il fait des comparaisons avec sa situation actuelle et prend conscience du caractère simple et dénudé du culte à cette époque. En devenant sédentaire, le peuple s’adonne à des cérémonies de plus en plus élaborées, avec tous les excès que cela suppose. Le prophète Amos dénonce ces excès en ces termes : « Des sacrifices et des oblations, m’en avez-vous présentés au désert, pendant quarante ans, maison d’lsraël? » (5, 25). Le désert est devenu le symbole de la pureté cultuelle. Les prophètes l’intègrent à leurs appels à la conversion en rappelant le sens véritable du culte : celui-ci doit refléter la paix et la justice régnant dans la société.
     Un deuxième motif en lien avec le désert sert de base pour l’appel à la conversion. La désobéissance, le doute du peuple au désert doit servir d’exemple pour le présent. Le peuple a bien failli être anéanti en gardant la nuque raide et en se détournant de Dieu au profit d’idoles (Exode 32, 1-14). N’eut été de l’intervention de Moïse, qui sait ce qui serait advenu d’lsraël? Alors, pas question de recommencer et de se laisser aller à la tentation! Jésus, au désert, vivra une expérience semblable. Faisant une synthèse des récits de la traversé du désert, les évangélistes montrent le Messie repoussant les tentations pour les vaincre.
     Le souvenir de la relation privilégiée de Dieu avec son peuple au désert a engendré une idéalisation de cette époque. Le prophète Élie, craignant tomber dans le désespoir, se rend a l’Horeb, là même où la Loi fut donnée à Moïse. Comme le peuple, il reçoit de Dieu sa nourriture et marche quarante jours et quarante nuits, rappelant les quarante années de la traversée du désert. Il rencontre alors Yahvé qui le confirme dans sa mission (1 Rois 19, 1-18).
     Le prophète Osée va même plus loin et parle du désert comme du lieu des fiançailles de Dieu avec son peuple. L’infidélité de celui-ci est tellement profonde qu’il faudra le ramener au désert, seul endroit de parfaite intimité avec Dieu (Osée 2). Autre signe d’idéalisation, la manne, que les Israélites mangeaient en regrettant les bon mets égyptiens (Exode 11, 4-6), devient le « froment du ciel, le pain des Forts » (Psaume 78, 24-25) ou même « un pain capable de procurer tous les délices et de satisfaire tous les goût » (Sagesse 16, 20).
     Même si cette idéalisation a connu des excès, le symbole du désert a gardé dans une part de la tradition biblique une connotation positive. Le désert est un lieu réjouissant car il conduit à la terre promise. Le trajet menant de Babylone à Jérusalem lors du retour de l’Exil est parcouru sur un air de fête, car il sonne un nouveau départ pour Israël (Isaïe 43, 19-20). Il est même considéré comme un nouvel Exode (Isaïe 52, 12). Le salut attendu pour la fin des temps est parfois décrit comme un désert qui devient fertile (Isaïe 41, 18).

     Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent! Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse, qu’il se couvre de fleur des champs, qu’il exulte et crie de joie! La gloire du Liban lui est donné, la splendeur du Carmel et de Sarône. On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu (Isaïe 35, 1-2).

Jean Grou
Bibliste, Sainte-Foy

Pour lire la Bible sur le désert…

          • Appel à la conversion : Actes 7, 35-54
          • Les tentations au désert : Exode 32, 1-14
          • Les leçons du passé: Deutéronome 8, 1-4
          • Le désert qui fleurit : Isaïe 35, 1
         • Le lieu des fiançailles : Osée 2, 4-22

Sainte Thérèse d’Avila

15 octobre, 2012

Sainte Thérèse d'Avila dans images sacrée

http://www.santiebeati.it/immagini/?mode=view&album=24850&pic=24850AP.JPG&dispsize=Original&start=0

15 octobre : Sainte Thérèse d’Avila,

15 octobre, 2012

http://missel.free.fr/Sanctoral/10/15.php

15 octobre : Sainte Thérèse d’Avila,

docteur de l’Eglise

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Le monde est en feu …
Ce n’est pas l’heure de traiter avec Dieu d’affaires de peu d’importance …

L’Eau Vive

Au chapitre XXI du Chemin de la Perfection
de sainte Thérèse d’Avila
 Il y a longtemps que j’ai écrit ce qui précède, sans avoir jamais eu le loisir de le continuer. Si je voulais savoir ce que j’ai dit, je devrais me relire ; mais pour ne pas perdre de temps, je continuerai comme je pourrai, sans me préoccuper de mettre une liaison avec ce qui précède.
Les deux voies

La méditation
Les personnes qui ont un jugement rassis, qui sont déjà exercées à la méditation et peuvent se recueillir, ont à leur disposition une foule de livres excellents, composés par des auteurs de mérite. Celles d’entre vous qui sont dans ce cas se tromperaient donc si elles faisaient quelque cas de ce que je vais dire sur l’oraison. Elles ont en effet sous la main des livres qui leur retracent pour chaque jour de la semaine les mystères de la vie et de la Passion de Notre-Seigneur, des méditations sur le jugement, sur l’enfer, sur notre néant renferment une doctrine et une méthode excellentes en ce qui concerne le fondement et le but de l’oraison. Je n’ai rien à dire à celle qui suivent ce genre d’oraison, ou qui y sont déjà habituées. Par un chemin aussi sûr, le Seigneur les conduira au port de la lumière, et des commencements aussi bons les amèneront à une fin excellente. Quiconque suivra cette voie trouvera repos et sécurité : quand la pensée a une assiette stable, on connaît une paix entière.

L’eau vive
Mais il est un point dont je voudrais parler afin de donner quelques conseils, si Dieu m’en accorde la grâce. S’il ne me l’accorde pas, je voudrais du moins vous faire comprendre que beaucoup d’âmes souffrent du tourment dont je vais parler, afin que vous ne vous attristiez point dans le cas où vous seriez de ce nombre.
Il y a des âmes dont l’esprit est très instable ; elles ressemblent à des chevaux qui ne sentent plus le frein et qu’on ne saurait arrêter. Elles vont ici ou là, et son toujours dans l’agitation, soit que cela provienne de leur nature, soit que Dieu le permette ainsi. J’en suis touchée de la plus vive compassion. On dirait des personnes desséchées par une soif brûlante qui aperçoivent au loin une source d’eau vive et qui, quand elles veulent en approcher, trouvent des ennemis qui leur barrent l’accès au commencement, au milieu et au bout du chemin qui y conduit. Il arrive qu’à force de lutter, et lutter ferme, elles triomphent des premiers ennemis ; mais elles se laissent vaincre par les seconds, et elles aiment mieux mourir de soif que de lutter encore pour boire un eau qui doit leur coûter si cher. Elles cessent tout effort, elles perdent courage. D’autres âmes qui ont assez de valeur pour vaincre les seconds ennemis, n’en n’ont plus aucune devant les troisièmes, et peut-être n’étaient-elles plus qu’à deux pas de la source d’eau vive dont Notre-Seigneur a dit à la Samaritaine : Celui qui en boira n’aura plus jamais soif.
Oh ! qu’elle est juste, qu’elle est vraie, cette parole prononcée par Celui qui est la Vérité même ! L’âme qui boit de cette eau n’a plus soif des choses de cette vie ; elle sent en elle une autre soif qui va croissant pour les choses de l’autre vie et dont la soif naturelle ne saurait nous donner la moindre idée. Mais qui dira combien l’âme est altérée de cette soif ! Car elle en comprend tout le prix, et bien que cette soif soit un supplice terrible, elle apporte avec elle une suavité qui est son propre apaisement. Elle ne tue point ; elle éteint seulement le désir des choses de la terre, et rassasie l’âme des eau, une des plus grandes grâces qu’il puisse accorder à l’âme, c’est de la laisser encore tout altérée. Chaque fois qu’elle boit de cette eau, elle désire toujours plus ardemment en boire encore.

Les effets de l’eau vive

L’eau vive rafraîchit
Parmi les nombreuses propriétés que doit avoir l’eau, il y en a trois qui se présentent maintenant à mon esprit et qui conviennent à mon sujet. L’une, c’est de rafraîchir. Quelle que soit la chaleur que nous ayons, elle disparaît dès que nous nous mettons à l’eau. Un grand feu même ne résiste pas à son action – si ce n’est celui qui, étant produit par le goudron, n’en devient que plus actif. O grand Dieu ! quelle merveille qu’un feu qui s’enflamme davantage par l’eau quand il est fort, puissant et au-dessus des éléments, car l’eau qui lui est opposée, loin de l’éteindre, l’active encore plus ! Ce me serait un grand secours de pouvoir m’entretenir ici avec quelqu’un qui sût la philosophie et qui me rendît compte de la propriété des choses. Je pourrais alors m’expliquer su ce sujet qui m’émerveille. Mais je ne sais comment l’exposer, et peut-être même que je ne l’ai pas bien compris.
Lorsque Dieu vous appelle, mes sœurs, à boire de cette eau, en compagnie de celles d’entre vous qui jouissent déjà d’une pareille faveur, vous goûterez ce que je dis. Vous comprendrez comment le véritable amour de Dieu, s’il est fort, s’il est libre des choses de la terre et plane au-dessus d’elle, est incontestablement le maître des éléments et du monde. Quant à l’eau qui tire son origine d’ici-bas, soyez sans crainte, elle n’éteindra pas ce feu de l’amour de Dieu. Ce n’est point là son affaire, bien qu’elle lui soit opposée ; car ce feu est déjà maître absolu et il ne lui est soumis en rien. Ne vous étonnez donc point, mes sœurs, si j’ai tant insisté dans ce livre pour vous stimuler à acquérir une telle liberté.
N’est-ce pas une chose merveilleuse qu’une pauvre sœur de Saint-Joseph puisse arriver à exercer un empire sur la terre et les éléments ? Quoi d’étonnant que les saints en aient disposé à leur gré, avec la grâce de Dieu ? Saint Martin voyait le feu et les eaux lui obéir. Saint François commandait même aux oiseaux et aux poissons. Beaucoup d’autres saint ont eu le même pouvoir. On comprenait clairement qu’ils n’avaient tant d’empire sur toutes les choses de la terre, que parce qu’ils s’étaient appliqués à les mépriser et s’étaient soumis eux-mêmes de tout leur cœur et de toutes leurs forces au souverain Maître du monde. Ainsi donc, je le répète, l’eau qui jaillit d’ici-bas n’a aucun pouvoir contre ce feu de l’amour divin. Les flammes de ce dernier sont trop hautes ; il ne prend pas son origine dans une chose si basse.
Il y a d’autres feux qui proviennent d’un faible amour de Dieu. Le premier accident les éteint. Mais il n’en est pas de même de celui dont je parle. La mer tout entière des tentations viendrait-elle à se précipiter sur lui, qu’il continuerait du ciel, elle saurait encore moins l’éteindre, car cette eau et de ce feu ne sont point opposés. Ils sont du même pays. Ne craignez pas qu’ils se fassent aucun mal ; chacun de ces deux éléments contribuera, au contraire, à l’effet de l’autre. Car les larmes qui coulent à l’heure de la véritable oraison sont une eau qui, envoyée par le roi du ciel, active ce feu et le fait durer. A son tour, ce feu aide l’eau à rafraîchir. O grand Dieu, quel spectacle ! quelle merveille ! Un feu qui rafraîchit ! Eh oui, il en est ainsi. Il glace même toutes les affections du monde, quand il est arrosé par les eaux vives du ciel, je veux dire, par cette source d’où découlent les larmes dont je viens de parler, larmes qui sont un pur don, et non le fruit de notre industrie.
Il est donc bien clair que cette eau nous enlève toute fièvre et toute affection pour les choses du monde. Elle nous empêche, en outre, de nous y arrêter, à moins que ce ne soit pour chercher à embraser les autres de ce feu ; car ce feu ne se contente pas de sa nature d’agir dans une sphère étroite ; il voudrait, si c’était possible, consumer le monde entier.

L’eau vive purifie
La seconde propriété de l’eau est de laver ce qui est sale. Sans eau pour nettoyer, dans quel état serait le monde ! Or, sachez-le, il y a autant de vertu dans cette eau vive, cette eau céleste, cette eau claire, quand elle est très limpide et sans aucune fange, et qu’elle tombe du ciel ; il suffit d’en boire une seule fois, et je regarde comme certain qu’elle rend l’âme nette et pure de toutes ses fautes. Car, ainsi que je l’ai dit, cette eau, je veux dire l’oraison d’union, est une faveur entièrement surnaturelle, qui ne dépend point de notre volonté. Dieu ne la donne à l’âme que pour la purifier, la rendre nette, et la délivrer de toute la fange ainsi que de toutes les misères où ses fautes l’avaient plongée.
Les douceurs dont nous jouissons par l’entremise de l’entendement dans la méditation ordinaire seront, malgré tout, comme une eau qui coule sur la terre. On ne la boit pas à sa source même ; elle rencontre forcément des impuretés sur sa route, auxquelles nous nous arrêtons ; elle rencontre forcément des impuretés sur sa route, auxquelles nous nous arrêtons ; elle n’est plus aussi pure ni aussi limpide. Le nom d’eau vive ne convient donc pas, d’après moi, à cette oraison que l’on fait lorsque l’on discourt à l’aide de l’entendement ; car l’âme a beau faire des efforts, elle s’attache toujours, malgré elle, à quelque chose de terrestre, entraînée qu’elle est par son corps et la bassesse de sa nature.
Je veux expliquer davantage ma pensée. Nous méditons sur le monde ou la fragilité de ses biens pour les mépriser ; et, sans nous en douter, nous nous occupons de plusieurs choses qui nous plaisent en lui. Nous souhaitons les fuir, mais nous nous arrêtons au moins quelque peu à la pensée de ce qui a été, ou sera, de ce que nous avons fait ou de ce que nous ferons ; il en résulte alors qu’en songeant à nous délivrer du danger, nous nous y exposons parfois de nouveau. Ce n’est pas à dire qu’il faille renoncer à ces considérations ; mais il faut nous tenir dans la crainte et ne pas cesser d’être sur nos gardes.
Ici, dans l’oraison surnaturelle, le Seigneur se charge de ce soin, parce qu’il ne veut pas de fier à nous sur ce point. Telle est l’estime qu’il a de notre âme que, dans le temps où il lui réserve quelque faveur, il ne la laisse pas se mêler de choses capables de nuire à son progrès. Dans l’espace d’un instant, il la met à ses côtés, et lui révèle plus de vérités, lui communique sur toutes les choses du monde des connaissances plus claires qu’elle n’aurait pu en acquérir après bien des années, parce que notre vue n’est pas dégagée et que nous sommes aveuglés par la poussière de la marche. Mais dans l’oraison surnaturelle, le Seigneur nous transporte au but de notre course, sans que nous sachions comment.

L’eau vive désaltère
L’autre propriété de l’eau consiste à nous désaltérer et à étancher notre soif. La soif, en effet, exprime, ce me semble, le désir d’une chose dont le besoin est tellement pressant que nous mourons si nous en sommes privés. Chose étrange, si l’eau nous manque, c’est la mort ; et d’un autre côté, si nous en buvons avec excès, c’est encore la mort : car c’est ainsi que meurent beaucoup de noyés.
O mon Seigneur ! Que ne m’est-il donné d’être engloutie dans cette eau vive pour y perdre la vie ! Mais, comment ? cela est-il possible ? Oui. Notre amour pour Dieu, notre désir de Dieu peuvent grandir au point que notre nature y succombe ; aussi y a-t-il des personnes qui en sont mortes. Pour moi, j’en connais une qui eût été dans ce cas si Dieu ne s’était empressé de la secourir en lui donnant de cette eau vive avec tant d’abondance qu’il la tira pour ainsi dire hors d’elle-même pour la faire entrer dans le ravissement. Je dis qu’il la tira, pour ainsi dire, hors d’elle-même, car elle trouve alors le repos qu’elle désire. Il lui semble étouffer, tant elle éprouve d’aversion pour le monde, et elle ressuscite en Dieu ; Sa Majesté la rend alors capable de jouir d’un bien qu’elle n’aurait pu posséder sans mourir, si elle n’eût été n’y a rien en notre souverain Bien qui ne soit parfait, il ne nous donne rien qui ne soit pour notre avantage. Il peut donner l’eau en très grande abondance, car il n’y a jamais d’excès dans ce qui vient de sa main. S’il en donne beaucoup, il rend l’âme apte, comme je l’ai dit, à en boire beaucoup, semblable au verrier qui donne au vase la capacité nécessaire pour contenir ce qu’il veut y mettre.
Quant au désir, comme il vient de nous, il n’est jamais sans quelque imperfection, s’il contient quelque chose de bon il le doit à l’assistance du Seigneur ; et comme nous manquons de discernement, la peine où nous sommes étant suave et pleine de délices, nous croyons ne pouvoir jamais nous rassasier de cette peine. Nous prenons cette nourriture sans mesure ; nous excitons encore ce désir autant que nous le pouvons ; et quelquefois on en meurt. Heureuse mort, certes ! mais si l’on avait continué à vivre, on eût peut-être aidé d’autres personnes à mourir du désir de cette mort. Selon moi, nous devons redouter les ruses du démon. Il voit les dommages que cette sorte de personnes de lui occasionnent en restant sur la terre. Il les tente, les pousse à des mortifications inopportunes pour ruiner leur santé, c’est là un grand point pour lui.
L’âme arrivée à cette soif ardente de Dieu doit donc se tenir avec soin sur ses gardes, parce qu’elle aura cette tentation ; si elle ne meurt pas de cette soif, elle ruinera sa santé. Elle laissera malgré elle transpirer au dehors les sentiments qui l’animent et qu’elle devrait à tout prix tenir secrets. Parfois ses efforts seront inutiles, et elle ne pourra les tenir aussi cachés qu’elle le voudrait. Néanmoins, elle doit prendre garde à ne pas exciter ces ardents désirs pour ne pas les augmenter, et y couper court doucement par quelque autre considération. Peut-être notre nature elle-même se montrera-t-elle parfois aussi active que l’amour de Dieu, car il y a des personnes qui se portent avec une extrême ardeur vers tout ce qu’elles désirent, alors même que ce serait quelque chose de mauvais ; celles-là, à mon avis, ne sont pas très conformes à la mortification, qui pourtant nous est utile en tout. Mais ne semble-t-il pas déraisonnable de mettre un frein à une chose de mauvais ; celles-là, à mon avis, ne sont pas très conformes à la mortification, qui pourtant nous est utile en tout. Mais me semble-t-il pas déraisonnable de mettre un frein à une chose si excellente ? Non, car je ne dis pas qu’il faille étouffer ce désir, mais que nous devons le modérer par une autre qui nous aidera peut-être à gagner autant de mérite.
Je veux vous donner une explication qui fera mieux comprendre ma pensée. Il nous vient un vif désir, comme à S. Paul, d’être délivrés de cette prison du corps et de nous voir avec Dieu. Pour modérer une peine qui part d’un motif si élevé et bien grande mortification ; et encore on n’y réussit pas complètement. Parfois cette angoisse sera telle qu’elle enlèvera presque le jugement. C’est ce que j’ai constaté, il n’y a pas si longtemps, chez une personne impétueuse par nature et cependant habituée à briser sa volonté, et qui me semble avoir perdu tout bon sens, comme on a pu le voir dans certaines circonstances. Je l’ai vue un instant comme hors d’elle-même, tant sa peine était profonde et tant elle faisait d’efforts pour la dissimuler. Quand ces souffrances étreignent l’âme, il faut, alors même qu’elles viendraient de Dieu, pratiquer l’humilité et craindre. Nous ne devons pas nous imaginer que notre charité est assez vive pour nous jeter dans de telles angoisses. De plus, il ne serait pas mal, à mon avis, que l’âme, si elle le peut, et elle ne le pourra pas toujours, change l’objet de son désir.
 Qu’elle se persuade que si elle continuait à vivre sur cette terre, elle servirait Dieu davantage et éclairerait quelque âme qui sans cela était perdue ; si elle travaillait à servir Dieu ainsi, elle acquerrait de nouveaux mérites et pourrait un jour posséder Dieu plus pleinement ; enfin elle doit être remplie de crainte à la pensée qu’elle l’a encore bien peu servi. Ce sont là de bons motifs de consolation pour l’aider à supporter une telle épreuve et calmer son chagrin. Elle gagnera, en outre, de nombreux mérites, puisqu’elle veut demeurer sur la terre avec sa peine afin de glorifier Dieu davantage. Je la compare à une personne qui se trouverait sous le coup d’une terrible épreuve ou d’un chagrin profond, et que je consolerais par ces paroles : Prenez patience, et remettez-vous entre les mains de Dieu ; que sa volonté s’accomplisse en vous, car le plus sûr est de nous abandonner en tout à sa Providence.
Mais le démon ne favorise-t-il pas de quelque manière un tel désir de voir Dieu ? C’est là une chose possible. Cassien, si je ne me trompe, rapporte en effet qu’un ermite de vie très austère se laissa persuader qu’il devait se jeter dans un puits afin d’aller voir Dieu au plus tôt. A mon avis, cet ermite ne devait pas avoir servi le Seigneur avec perfection et humilité. Le Seigneur, en effet, est fidèle, et il n’aurait pas permis que cet homme fût assez aveuglé pour ne pas comprendre une chose aussi évidente. Il est clair que, lorsque le désir vient de Dieu, loin de pousser au mal il apporte avec lui la lumière, le discernement, la mesure ; cela est évident ; mais le démon, notre mortel ennemi, ne néglige rien pour chercher à nous nuire ; et dès lors qu’il déploie tant d’activités, ne cessons jamais d’être en garde contre lui. C’est là un point très important pour beaucoup de choses ; il l’est en particulier pour abréger le temps de l’oraison, si douce qu’elle soit, lorsque les forces du corps nous trahissent ou que la tête n’y trouve que fatigue ; la modération est très nécessaire en tout.
Pourquoi, mes filles ai-je voulu vous montrer le but à atteindre et vous exposer la récompense avant le combat lui-même, en vous parlant du bonheur que goûte l’âme quand elle boit à cette fontaine céleste, et s’abreuve à ces eaux vives ? C’est afin que vous ne vous affligiez pas des travaux ni des obstacles de la route, que vous marchiez avec courage et que vous ne succombiez pas à la fatigue ; car, ainsi que je l’ai dit, il peut se faire qu’étant déjà arrivés jusqu’au bord de la fontaine, vous n’ayez plus qu’à vous pencher pour y boire, mais que vous abandonniez tout et perdiez un bien si précieux, en vous imaginant que vous n’avez pas la force d’y parvenir et que vous n’y êtes point appelées.
Veuillez considérer que le Seigneur appelle tout le monde. Or, il est la Vérité même ; on ne saurait douter de sa parole. Si son banquet n’était pas pour tous, il ne nous appellerait pas tous, ou alors même qu’il nous appellerait, il ne dirait pas :
Je vous donnerai à boire. Il aurait pu dire : Venez tous, car enfin vous n’y perdrez rien, et je donnerai à boire à ceux qu’il me plaira. Mais, je le répète, il ne met pas de restriction ; oui, il nous appelle tous. Je regarde donc comme certain que tous ceux qui ne resteront pas en chemin boiront de cette eau vive. Plaise au Seigneur, qui nous le promet, de nous donner la grâce de le chercher comme il faut ! Je le lui demande par sa bonté infinie.

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