Archive pour octobre, 2012

QUAND PAUL VI A « EXPORTÉ » LE CONCILE

23 octobre, 2012

http://www.zenit.org/article-32342?l=french

QUAND PAUL VI A « EXPORTÉ » LE CONCILE

Souvenirs émus d’un jeune séminariste

Par Mgr Vitaliano Mattioli

Traduction d’Hélène Ginabat

ROME, mardi 23 octobre 2012 (ZENIT.org) – Lorsque Paul VI, en pleine période du Concile, a entrepris ses deux voyages, en Terre-Sainte puis auprès des Nations-Unies à New York, « on a dit que le pape exportait le concile », raconte Mgr Mattioli.
L’ancien professeur à l’Université pontificale urbanienne et vice-président de l’Institut pontifical Saint-Apollinaire évoque avec émotion et émerveillement les événements conciliaires qu’il a suivis comme jeune séminariste à Rome.
Dans la matinée du 25 janvier 1959, en la fête de la conversion de saint Paul, Jean XXIII célébra, dans la basilique Saint Paul de Rome, la messe solennelle de clôture de la neuvaine de prière pour l’unité des chrétiens. Mais ce jour-là, à la fin de la messe, le pape ne sortit pas immédiatement pour rentrer au Vatican, selon son habitude.
J’étais présent à la célébration et je ne voulais pas retourner au séminaire sans voir le pape. L’attente fut longue. Nous ne comprenions pas pourquoi. C’est en écoutant Radio Vatican que nous avons appris la nouvelle : le pape, après la messe, s’était arrêté dans une salle du monastère pour communiquer aux cardinaux présents sa volonté de convoquer un nouveau concile : Vatican II.
J’ai éprouvé, avec les autres séminaristes, une joie immense. A cette époque, j’étudiais à la faculté de philosophie d’abord, puis de théologie, de l’Université du Latran. Ces trois années de préparation conciliaire furent intenses. Je me souviens des diverses tendances, en particulier sur les questions de dogmatique et sur la Bible, qui émergeaient des universités pontificales romaines.
Le 11 octobre 1962, jour de l’ouverture solennelle du concile Vatican II, fut un moment de grande émotion ecclésiale. Toute l’Eglise se trouvait réunie dans la basilique Saint-Pierre : le pape, les cardinaux, les évêques, les experts conciliaires. A travers les très nombreuses télé-caméras, les yeux du monde entier étaient tournés vers la basilique transformée en salle conciliaire. Une ombre de tristesse a cependant assombri la splendeur de cette journée : les évêques et cardinaux de Chine, d’Union soviétique et des pays qui lui étaient soumis n’étaient pas là, prisonniers ou empêchés par les autorités d’obtenir leur visa pour se rendre à Rome ; la délégation de l’Eglise orthodoxe russe était aussi absente (elle est arrivée plus tard).
Ce fut une grande grâce de participer au concile. Je fus surpris, d’une certaine façon, par un élément important : c’était la grande liberté avec laquelle les évêques pouvaient s’exprimer, une liberté parfois même audacieuse. Cela montre justement le grand respect dont l’Eglise fait preuve. Après la proclamation du dogme sur l’infaillibilité pontificale (concile Vatican I, 1870), certains avaient pensé que l’Eglise avait désormais fermé la bouche aux évêques. Au contraire, non seulement ce n’est pas ce qui s’est passé, mais en fait, grâce au débat libre, le dogme a pu se développer encore davantage. Cette liberté de parole a beaucoup impressionné, en particulier les délégations des différentes Eglises orthodoxes. C’était la première fois qu’elles pouvaient participer à un débat conciliaire, et elles furent très étonnées de cette liberté d’expression qui existait dans l’Eglise catholique. Ce fut un pas en avant vers l’œcuménisme.
Les jours de la mort de Jean XXIII furent aussi chargés d’émotion. Conformément au Code de droit canonique, à la mort du pape, le concile fut suspendu. Il revenait à son successeur  de le poursuivre ou non. Mais désormais les travaux conciliaires étaient lancés et il n’était pas opportun de les interrompre. Dans sa grande sagesse, le nouveau pape Paul VI exprima le désir de continuer. C’était une décision un peu attendue mais tout le monde en fut très content.
Deux événements majeurs, extérieurs au concile mais insérés dans ce contexte, ont retenu mon attention : le voyage de Paul VI en Terre sainte (janvier 1964) et celui aux Nations-Unies à New York (octobre 1965).
On a dit que le pape exportait le concile. C’était la première fois, après saint Pierre, qu’un de ses successeurs retournait en Terre sainte. La curiosité portait sur ce que Paul VI allait dire dans ses différents discours, dans la mesure où la situation politique était très complexe et où le Saint-Siège n’avait pas encore noué de relations diplomatiques complètes avec l’Etat d’Israël. J’ai su plus tard que certains discours avaient été « retouchés » la veille du jour où ils devaient être prononcés parce qu’il s’était avéré prudent de modifier quelques expressions. Mais ce fut un triomphe. L’Eglise en est sortie fortifiée et les distances se sont raccourcies.
Au palais de Verre des Nations-Unies, le problème était sérieux : un pape, invité officiellement par le Secrétaire général U-Thant, pouvait parler aux puissants de ce monde, dont beaucoup n’étaient pas catholiques et quelques-uns étaient hostiles à l’Eglise et contre la religion. Dans une interview qu’il a accordée plus tard, Paul VI lui-même a confié qu’il avait eu un peu peur. A son retour, tous les évêques attendaient le pape dans la basilique où il s’est rendu directement de l’aéroport. Je me souviens combien ce fut aussi un moment très émouvant. Les applaudissements couvraient complètement le chant « Tu es Petrus ».
Il y eut d’autres temps forts, en particulier lorsque la majorité des documents en discussion furent signés : jusqu’au dernier moment, on n’était pas sûr que certains d’entre eux seraient approuvés.
Pour moi, le comble de l’émotion fut la vigile de clôture, le 7 décembre 1965. A la même heure, Paul VI dans la basilique Saint Pierre, et le patriarche Athénagoras dans l’église patriarcale du Phanar à Constantinople, levèrent les excommunications qui avaient été prononcées, de triste mémoire, le 16 juillet 1054 par le pape d’alors, Léon IX, et le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire. Presque 900 ans plus tard, ces excommunications étaient enfin abrogées et la distance entre les deux Eglises en était fortement réduite. Dans la basilique, un frémissement d’émotion envahit tous ceux qui étaient présents.
C’est ici que prennent fin les souvenirs. Le reste appartient à l’histoire.

Grégoire de Nazianze : quelques éléments sur ses Oeuvres poétiques

23 octobre, 2012

http://peresdeleglise.free.fr/textesvaries/oeuvrespoetiques1.htm

Grégoire de Nazianze : quelques éléments sur ses Oeuvres poétiques

Grégoire de Nazianze (v.330 – v.390), appelé aussi « le théologien », pour le distinguer de son père, est le fils d’un autre Grégoire (appelé généralement « l’Ancien »), qui était quant à lui évêque de Nazianze. Ce prénom de « Grégoire » était, comme on le voit, très fréquent à cette époque et il était volontiers donné à des chrétiens (il signifie « Veillez », en relation avec la phrase du Christ rapportée en Mt 26, 41 : « Veillez et priez »).
Grégoire, issu donc d’une famille très chrétienne, a été ordonné prêtre par son père ; il est un théologien fondamentalement bibliste : il cite la Bible par coeur et constamment. Nourri de l’Ecriture depuis sa plus tendre enfance, il raconte comment sa mère, très pieuse, lui avait fait commencer la lecture de la Bible alors qu’il avait à peu près 6 ans.
Ami de Basile de Césarée (le Grand Basile) qui lui-même est le frère de Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze forme avec eux ce groupe de Pères qu’on appelle les « Cappadociens »
L’oeuvre poétique de Grégoire est très importante : à la fois par le nombre de vers (environ 17 000) que par sa place (lien entre l’antiquité classique et le monde byzantin, entre la culture grecque traditionnelle et la mentalité chrétienne.
Quelques extraits ici serviront d’introduction à l’oeuvre et à la pensée de Grégoire de Nazianze : dans ses poèmes, très personnels, c’est de lui et de sa vie qu’il est souvent question : il nous livre ainsi beaucoup de sa vie spirituelle, de sa relation intime avec Dieu.

« Vers du même. Sur la route » :

« C’est en toi que nous reposons, Verbe de Dieu,
quand nous restons chez nous : à toi nous attachons notre loisir.
Assis, nous sommes à toi ; à toi en nous levant et en nous arrêtant ;
à toi encore quand nous partons ; et maintenant, c’est sur tes indications
que nous marchons droit devant nous. Mais puisses-tu m’envoyer
l’un de tes anges pour me guider, un accompagnateur favorable
qui me conduirait au moyen d’une colonne de feu et de nuée,
qui d’un mot fendrait la mer et arrêterait les cours d’eau,
qui dispenserait avec largesse une nourriture venue d’en haut comme d’en bas.
La croix, tracée par mes mains, réfrénerait l’audace
des ennemis. Au milieu du jour, la canicule
ne me brûlerait pas, et la nuit ne m’apporterait pas la peur.
Le sentier ardu et escarpé,
tu le rendrais lisse et praticable pour moi qui suis ton serviteur,
commme souvent déjà auparavant, en m’abritant sous ta main
tu m’as sauvé des dangers de terre et de mer,
de terribles maladies et de situations pénibles.
Après avoir ainsi tout accompli heureusement et comme nous l’espérions,
après avoir trouvé une issue favorable à notre voyage,
vers nos amis et nos parents retournons
joyeux pour les retrouver en joie
quand nous paraîtrons chez nous au terme de nos peines.
Devant toi nous nous prosternons, en te demandant
de nous accorder un dernier voyage aisé et plein de facilité. »
(« Les Belles Lettres », 2004, p. 46)

« Hymne du soir »

« Nous te bénissons maintenant, mon Christ, Verbe de Dieu, lumière de la lumière sans principe et dispensateur de l’Esprit, troisième lumière unie en une seule et même gloire !
Tu as dissipé les ténèbres, tu as produit la lumière, afin de tout créer dans la lumière et de rendre stable l’instable matière, en lui donnant forme dans le monde et sa belle harmonie d’aujourd’hui.
Tu as illuminé la pensée de l’homme par la raison et la sagesse, en plaçant ici-bas l’image de la splendeur d’en haut, afin que par la lumière il voie la lumière et devienne tout entier lumière.
C’est toi qui as fait briller le ciel de mille feux, toi qui as fait céder doucement la nuit au jour et le jour à la nuit selon ton ordre, rendant honneur à la loi de la fraternité et de l’amour.
Grâce à la nuit, tu mets fin à la fatigue de la chair qui peine tant ; grâce au jour, tu l’éveilles pour son ouvrage et pour les oeuvres que tu aimes, afin qu’en fuyant les ténèbres, nous devancions le jour, ce jour que la triste nuit ne fera pas sombrer.
Que la pensée, loin du corps, converse avec toi, Dieu, qui es Père, Fils et Saint-Esprit, à qui soit l’honneur, la gloire, la puissance dans les siècles. Amen. »
(Grégoire de Nazianze : « Hymne du soir », Poèmes, 1, 1, 32, Traduit par G. Bady et paru dans Magnificat n° 200, juillet 2009, reproduit ici avec l’autorisation de l’auteur).

Jesus and Abbot Mena. It’s an early icon from Egypt dated around the 6th century. Saint Mena lived from 285 – c. 309

22 octobre, 2012

Jesus and Abbot Mena. It’s an early icon from Egypt dated around the 6th century. Saint Mena lived from 285 – c. 309 dans images sacrée Icon

http://www.fpcbirmingham.org/fostering-hope/

Merci, mon Dieu !

22 octobre, 2012

http://www.portstnicolas.org/le-rocher/mes-demeles-avec-l-evangile/Merci-mon-Dieu

Merci, mon Dieu !

Quand il m’arrive inopinément une grande joie, sans que je réfléchisse un seul instant, arrive sur mes lèvres un : Merci, mon Dieu ! bien appuyé. Et je ne suis pas la seule. Tout le monde le fait. C’est même devenu une locution banale, dans notre langue française, employée à tout bout de champ !
Dieu merci, il a fait beau; Dieu merci tout s’est bien passé. Et je ne suis même pas sûre que ceux qui l’emploient ainsi, pensent une seule seconde qu’ils s’adressent à Dieu; je suis même à peu près sûre qu’ils n’y pensent pas du tout.
Mais moi, j’y pense, j’y pense même tellement que je m’interroge. C’est bien gentil de remercier Dieu quand il m’arrive quelque chose qui me fait plaisir ou qui me fait du bien, mais dans le cas contraire, qu’est-ce qu’il faut dire ?
Ainsi, ces jours-ci quelqu’un qui m’est cher a subi une opération délicate; on avait même prononcé le gros mot de cancer. Tous ses amis étaient inquiets, sa famille dans l’angoisse… Et puis tout s’est bien passé : opération réussie, analyse rassurante, on s’était traumatisé à tort. On a tous crié : Deo gratias.
Bon, c’est bien beau, mais si ça ne s’était pas bien passé ? Si nos craintes s’étaient révélées fondées, qu’est-ce que nous aurions été autorisés à dire ?
Je sais, il y saint Paul qui dit que la bonne ou la mauvaise santé doivent nous laisser indifférents, il y a même saint François d’Assise qui suavement chante que la joie parfaite pour lui, c’est de rester tout nu, affamé, battu, frigorifié devant une porte qu’on a refusé de lui ouvrir. Mais à mon avis, Seigneur, ton ami est un peu exalté, si pas franchement maso.
De ce côté là, je n’ai pas de reproche à me faire, je ne cherche pas les situations désespérées, je les évite même de toutes mes forces.
Alors, j’en reviens à ma question : Te dire merci quand tout va bien, c’est facile, mais quand tout va mal ?
Seigneur, à mon avis Tu t’es réservé le beau rôle. C’est pas juste.
Ou Tu es responsable du Bon, et il est normal de t’en rendre grâce, mais alors Tu es aussi responsable du moins bon et même du mauvais.
Mais ça je sais que c’est faux, et même archifaux. Dieu ne veut pas le mal, c’est sûr et certain. Dans son amour pour nous, il veut seulement notre bonheur.

Alors que faire ?
Seigneur, je sais au fond que j’ai raison de Te dire merci, de Te faire partager ma joie quand je suis heureuse, comme n’importe quel enfant près de son père.
Mais éclaire-moi sur ce problème du mal, de la souffrance. Ton Fils lui-même n’a pas dit merci au Jardin des Oliviers. Il a dit très normalement : Que cette coupe s’éloigne de moi. Et pour cette parole de Ton Fils, je te dis merci Seigneur, ça le rapproche de nous, il s’est montré humain, totalement humain. Devant la souffrance, devant l’échec, il a eu peur, il a été angoissé. Mais il T’a fait confiance, et je reconnais que cette mort injuste, infamante, dramatique, a eu et a encore dans le temps, un effet bénéfique, admirable. Mais sur le moment, Ton fils a eu peur Seigneur. Il T’a quand même fait confiance.

Est-ce la seule réponse, Seigneur ?

SEPT CANONISATIONS: HOMÉLIE DE BENOÎT XVI, 21 OCTOBRE 2012

22 octobre, 2012

http://www.zenit.org/article-32304?l=french

SEPT CANONISATIONS: HOMÉLIE DE BENOÎT XVI, 21 OCTOBRE 2012

Les sept premiers saints de l’Année de la foi

ROME, dimanche 21 octobre 2012 (ZENIT.org) – Le pape Benoît XVI a présidé une messe solennelle pour la canonisation de sept bienheureux, place Saint-Pierre, à 9 h 30, ce dimanche matin, dimanche des Missions, et troisième – et avant dernier – dimanche du synode pour la Nouvelle évangélisation (7-28 octobre 2012).
Les nouveaux saints sont :
- Jacques Berthieu (1838-1896), prêtre français, jésuite, martyr à Madagascar;
- Pedro Calungsod (1654-1672), catéchiste des Philippines, laïc, martyr;
- Giovanni Battista Piamarta (1841-1913), prêtre italien, fondateur de la congrégation de la Sainte-Famille de Nazareth et des Humbles servantes du Seigneur;
- Maria Carmen Sallès y Barangueras (1848-1911), fondatrice espagnole de la congrégation des Sœurs conceptionnistes missionnaires de l’enseignement;
- Marianne Cope (1838-1918), religieuse allemande, émigrée aux Etats-Unis, de la congrégation des Sœurs du tiers-ordre de Saint-François de Syracuse;
- Kateri Tekakwitha (1656-1680), laïque amérindienne;
- Anna Schäffer (1882-1925), laïque allemande.
Avant de consacrer un passage de son homélie à chaque saint, le pape a fait observer que « la tenace profession de foi de ces sept généreux disciples du Christ, leur conformation au Fils de l’Homme resplendit aujourd’hui dans toute l’Église ». Leur « profession de foi » est ainsi donnée en exemple à toute l’Eglise en cette l’Année de la foi dont ils sont les premiers saints.
Homélie de Benoît XVI :
(En italien)
Le Fils de l’homme est venu pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude (cf.Mc 10,45)
Frères vénérés,?

Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui l’Église écoute une nouvelle fois ces paroles de Jésus prononcées sur la route de Jérusalem, où devait s’accomplir son mystère de passion de mort et de résurrection. Ce sont des paroles qui contiennent le sens de la mission du Christ sur la terre, marquée par son immolation, par sa donation totale. En ce troisième dimanche d’octobre, où l’on célèbre la Journée Missionnaire Mondiale, l’Église les écoute avec une particulière attention et ravive sa conscience d’être tout entière dans un indéfectible état de service de l’homme et de l’Évangile, comme Celui qui s’est offert lui-même jusqu’au sacrifice de sa vie.
J’adresse mon cordial salut à vous tous qui remplissez la Place Saint Pierre, en particulier aux délégations officielles et aux pèlerins venus pour fêter les sept nouveaux saints. Je salue affectueusement les Cardinaux et les Évêques qui participent ces jours-ci à l’Assemblée synodale sur la Nouvelle Évangélisation. La coïncidence entre cette Assise et la Journée Missionnaire est heureuse ; et la Parole de Dieu que nous avons écouté se révèle éclairante pour les deux. Celle-ci montre le style de l’évangélisateur, appelé à témoigner et annoncer le message chrétien en se conformant à Jésus-Christ et en suivant le même chemin. Ceci vaut aussi bien pour la mission ad gentes, que pour la nouvelle évangélisation dans les régions de vieille chrétienté.
Le Fils de l’homme est venu pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude (cf. Mc 10,45)
Ces paroles ont constitué le programme de vie des sept Bienheureux, que l’Église inscrit solennellement aujourd’hui au rang glorieux des Saints. Avec un courage héroïque, ceux-ci ont dépensé leur existence dans une totale consécration à Dieu et dans un généreux service à leurs frères. Ce sont des fils et des filles de l’Église, qui ont choisi la voie du service en suivant le Seigneur. La sainteté dans l’Église a toujours sa source dans le mystère de la Rédemption, qui est préfiguré par le prophète Isaïe dans la première lecture : le Serviteur du Seigneur est le Juste qui « justifiera les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes » (Is 53, 11). C’est Jésus- Christ, crucifié, ressuscité et vivant dans la gloire. La canonisation d’aujourd’hui représente une confirmation éloquente de cette mystérieuse réalité salvifique. La tenace profession de foi de ces sept généreux disciples du Christ, leur conformation au Fils de l’Homme resplendit aujourd’hui dans toute l’Église.

(En français)
Jacques Berthieu, né en 1838, en France, fut très tôt passionné de Jésus-Christ. Durant son ministère de paroisse, il eut le désir ardent de sauver les âmes. Devenu jésuite, il voulait parcourir le monde pour la gloire de Dieu. Pasteur infatigable dans l’île Sainte Marie puis à Madagascar, il lutta contre l’injustice, tout en soulageant les pauvres et les malades. Les Malgaches le considéraient comme un prêtre venu du ciel, disant : Vous êtes notre « père et mère ! » Il se fit tout à tous, puisant dans la prière et dans l’amour du Cœur de Jésus la force humaine et sacerdotale d’aller jusqu’au martyre en 1896. Il mourut en disant : « Je préfère mourir plutôt que renoncer à ma foi ». Chers amis, que la vie de cet évangélisateur soit un encourage- ment et un modèle pour les prêtres, afin qu’ils soient des hommes de Dieu comme lui ! Que son exemple aide les nombreux chrétiens persécutés aujourd’hui à cause de leur foi ! Puisse en cette Année de la foi, son intercession porter des fruits pour Madagascar et le continent africain ! Que Dieu bénisse le peuple malgache !

(En anglais)
Pedro Calungsod est né vers l’année 1654, dans l’archipel des Visayas aux Philippines. Son amour pour le Christ l’a poussé à se former comme catéchiste auprès des jésuites missionnaires qui y vivaient. En 1668, avec d’autres jeunes catéchistes, il accompagna le Père Diego Luis de San Vitores aux Îles Mariannes pour évangéliser le peuple Chamorro. La vie y était dure et les missionnaires devaient faire face aux persécutions provoquées par des jalousies et des calomnies. Pedro, cependant, faisait preuve d’une grande foi et charité et il continuait à catéchiser ses nombreux convertis, témoignant du Christ par une vie authentique, dédiée à l’Évangile. Son plus grand désir était de gagner des âmes au Christ, ce qui renforça sa détermination d’accepter le martyr. Il mourut le 2 avril 1672. Des témoignages rapportent que Pedro aurait pu fuir pour sa sécurité mais qu’il choisit de rester aux côtés du Père Diego. Le prêtre put donner l’absolution à Pedro avant d’être lui-même tué. Que cet exemple et ce témoignage courageux de Pedro Calungsod inspire le cher peuple des Philippines à annoncer avec courage le Royaume et à gagner des âmes à Dieu !

(En italien)
Jean-Baptiste Piamarta, prêtre du diocèse de Brescia, fut un grand apôtre de la charité et de la jeunesse. Il percevait l’exigence d’une présence culturelle et sociale du catholicisme dans le monde moderne, c’est pourquoi il se consacra à l’élévation chrétienne, morale et professionnelle des nouvelles générations, illuminé par une vigueur pleine d’humanité et de bonté. Animé d’une confiance inébranlable en la Providence divine et par un profond esprit de sacrifice, il affronta des difficultés et souffrances pour donner vie à plusieurs œuvres apostoliques, parmi lesquelles : l’institut des Artigianelli, la maison d’édition Queriniana, la congrégation masculine de la Sainte Famille de Nazareth et la congrégation des Humbles Servantes du Seigneur. Le secret de sa vie intense et active réside dans les longues heures qu’il consacrait à la prière. Quand il était surchargé de travail, il augmentait son temps de rencontre cœur à cœur avec le Seigneur. Il préférait les haltes devant le Saint Sacrement, méditant la passion, la mort et la résurrection du Christ pour y puiser la force spirituelle et repartir à la conquête du cœur des personnes, surtout des jeunes, pour les reconduire aux sources de la vie à travers des initiatives pastorales toujours nouvelles.

(En espagnol)
« Seigneur, que ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi ». Avec ces paroles, la liturgie nous invite à faire nôtre cet hymne au Dieu créateur et provident, en acceptant son dessein sur nos vies. Ainsi l’a fait María del Carmelo Sallés y Barangueras, religieuse née en 1848 à Vic en Espagne. Voyant son espérance comblée après de nombreuses épreuves, et devant le progrès de la Congrégation des Religieuses Conceptionnistes Missionnaires de l’Enseignement, qu’elle a fondée en 1892, elle a pu chanter avec la Mère de Dieu : « Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ». Confiée à la Vierge Immaculée, son œuvre éducatrice se poursuivit en donnant des fruits abondants pour la jeunesse, grâce au don généreux de ses filles, qui, comme elle, se confient à Dieu qui peut tout.

(En anglais)
J’en viens maintenant à Marianne Cope, né en 1838, à Heppenheim, en Allemagne. Elle avait un an seulement, quand elle fut emmenée aux États-Unis. En 1862, elle entra dans le Tiers Ordre Régulier de Saint-François à Syracuse, New-York. Plus tard, devenue Supérieure Générale de sa congrégation, Mère Marianne, suivit volontiers l’appel à soigner les lépreux d’Hawaï après le refus de nombreuses autres personnes. Avec six de ses sœurs, elle alla diriger elle-même l’hôpital à Oahu, fondant ensuite l’hôpital Malulani à Maui et ouvrant une maison pour les jeunes filles dont les parents étaient lépreux. Cinq ans après, elle accepta l’invitation à ouvrir une maison pour femmes et jeunes filles sur l’île même de Molokai, s’y rendant courageusement elle-même et mettant ainsi effectivement fin à ses contacts avec le monde extérieur. Elle s’y occupa du Père Damien, déjà connu pour son travail héroïque auprès des lépreux, le soignant jusqu’à sa mort et elle prit la direction de son œuvre auprès des hommes lépreux. À une époque où l’on pouvait faire bien peu pour soulager les souffrances de cette terrible maladie, Marianne Cope fit preuve de l’amour le plus élevé, de courage et d’enthousiasme. Elle est un exemple lumineux et énergique de la fine fleur de la tradition des sœurs infirmières catholiques et de l’esprit de son bien-aimé saint François.

(En anglais)
Kateri Tekakwitha est née en 1656 dans l’actuel État de New-York, d’un père mohawk et d’une mère algonquine chrétienne qui lui donna le sens de Dieu. Baptisée à l’âge de 20 ans, et pour échapper à la persécution, elle se réfugia à la Mission Saint François Xavier, près de Montréal. Là, elle travailla, partageant les coutumes des siens, mais en ne renonçant jamais à ses convictions religieuses jusqu’à sa mort, à l’âge de 24 ans. Dans une vie tout ordinaire, Kateri resta fidèle à l’amour de Jésus, à la prière et à l’Eucharistie quotidienne. Son but était de connaître et de faire ce qui est agréable à Dieu.
(En français)
Kateri nous impressionne par l’action de la grâce dans sa vie en l’absence de soutiens extérieurs, et par son courage dans sa vocation si particulière dans sa culture. En elle, foi et culture s’enrichissent mutuellement ! Que son exemple nous aide à vivre là où nous sommes, sans renier qui nous sommes, en aimant Jésus ! Sainte Kateri, protectrice du Canada et première sainte amérindienne, nous te confions le renouveau de la foi dans les Premières Nations et dans toute l’Amérique du Nord ! Que Dieu bénisse les Premières Nations !

(En allemand)
Jeune, Anna Schäffer, de Mindelstetten, voulait entrer dans une congrégation missionnaire. Née dans d’humbles conditions, elle chercha comme domestique à gagner la dot nécessaire pour pouvoir entrer au couvent. Dans cet emploi, elle eut un accident grave avec des brulures inguérissables aux pieds, qui la cloueront au lit pour le reste de ses jours. C’est ainsi que la chambre de malade se transforma en cellule conventuelle, et la souffrance en service missionnaire. Tout d’abord elle se révolta contre son destin, mais ensuite, elle comprit que sa situation était comme un appel plein d’amour du Crucifié à le suivre. Fortifiée par la communion quotidienne elle devint un intercesseur infatigable par la prière, et un miroir de l’amour de Dieu pour les nombreuses personnes en recherche de conseil. Que son apostolat de la prière et de la souffrance, de l’offrande et de l’expiation soit pour les croyants de sa terre un exemple lumineux ! Puisse son intercession fortifier l’apostolat chrétien hospitalier dans son agir plein de bénédictions !

(En italien)
Chers frères et sœurs ! Ces nouveaux Saints, divers par leur origine, leur langue, leur nation et leur condition sociale, sont unis les uns aux autres et avec l’ensemble du Peuple de Dieu dans le mystère de salut du Christ, le Rédempteur. Avec eux, nous aussi réunis ici avec les Pères synodaux venus de toutes les parties du monde, avec les paroles du Psalmiste, proclamons au Seigneur que « notre secours et bouclier, c’est lui », et invoquons-le : « Sur nous soit ton amour, Seigneur, comme notre espoir est en toi » (Ps 32, 20 ; 22). Que le témoignage des nouveaux Saints, de leur vie généreusement offerte par amour du Christ, parle aujourd’hui à toute l’Église, et que leur intercession la consolide et la soutienne dans sa mission d’annoncer l’Évangile au monde entier.

[Texte original: Plurilingue]

Jesus’ Jewish Teachings

19 octobre, 2012

Jesus' Jewish Teachings  dans images sacrée Jesus-Disciples

http://www.egrc.net/articles/Rock/Jesus’_Jewish_Teachings/Intro-Jesus’_Jewish_Teachings.html

PREMIERE LECTURE – Isaïe 53, 10 – 11 – commentair

19 octobre, 2012

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

PREMIERE LECTURE – Isaïe 53, 10 – 11

10 Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au SEIGNEUR.
 Mais s’il fait de sa vie un sacrifice d’expiation, 
 il verra sa descendance, il prolongera ses jours : 
 par lui s’accomplira la volonté du SEIGNEUR.
11 A cause de ses souffrances, 
 il verra la lumière, il sera comblé.
 Parce qu’il a connu la souffrance, 
 le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, 
 il se chargera de leurs péchés.

Essayons d’abord de lire ce texte sans penser tout de suite à Jésus-Christ : le prophète Isaïe qui écrivait au sixième siècle av.J.C. parlait d’abord pour ses contemporains ; bien sûr, par la suite, on relit et on médite ses écrits et on y découvre de nouveaux sens, de nouvelles applications ; mais il y a un message adressé à ses contemporains pour leur vie présente ; s’il n’y en avait pas, qui l’écouterait ? Un prédicateur qui, aujourd’hui, nous parlerait pour l’an 3000 n’aurait guère d’auditeurs ! Il faut donc chercher ce qu’Isaïe voulait dire à ses contemporains, en quoi son message pouvait les stimuler. D’autre part, Isaïe, comme tous les prophètes, parle à partir de ce qu’il voit, à partir d’événements bien concrets ; il fait très souvent référence au passé, mais c’est pour éclairer le présent ; il parle aussi de l’avenir, mais pas pour l’annoncer (parce que l’avenir n’est pas programmé d’avance) ; il parle de l’avenir parce qu’il se joue dans le présent.
 La seule chose évidente dans les quelques lignes que nous lisons ici, c’est qu’on est dans un contexte de persécution : un « Serviteur » est « broyé par la souffrance » ; puisque ce passage est inséré dans le livre du deuxième Isaïe (c’est-à-dire les chapitres 40 à 55 d’Isaïe), on peut penser qu’il s’agit de l’Exil à Babylone. La souffrance est là pour ce peuple qui a tout perdu et qui peut aller jusqu’à se sentir abandonné de Dieu. Alors le prophète vient redonner des raisons de vivre et d’espérer, des raisons de tenir le coup, malgré tout. Il vient dire : votre souffrance n’est pas inutile, elle a un sens, vous pouvez lui donner un sens.
 Il cite l’exemple d’un Serviteur, mais sans le désigner précisément ; qui est ce « Serviteur » ? Ce même titre revient avec insistance dans les quatre textes qu’on appelle justement « les chants du Serviteur » chez le deuxième Isaïe. Il s’agit probablement du peuple lui-même exilé, ou ce qu’il en reste : le petit noyau qui essaie coûte que coûte de rester un serviteur de Dieu.
 Le message d’Isaïe tient en trois points : premièrement, dans votre souffrance, Dieu est à côté de vous ; deuxièmement, vous pouvez donner un sens à cette souffrance ; troisièmement, vous pouvez contribuer à l’œuvre de Dieu.
Premièrement, dans votre souffrance, Dieu est à côté de vous : c’est l’un des sens de la première phrase, « Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au SEIGNEUR. » Elle est peut-être la plus difficile de ce texte : l’horrible contresens à ne pas faire, ce serait de croire une seule seconde que Dieu peut prendre un quelconque plaisir à la souffrance d’un homme ; comment concilier cette manière de voir avec tout ce que nous savons par ailleurs, à savoir que Dieu est Amour… Même nous, qui ne sommes pas très bons, nous ne nous réjouissons pas des souffrances des autres ! Donc, ne faisons pas dire à ce texte ce qu’il ne dit pas !… Nulle part, il n’est dit que c’est Dieu qui s’est complu à broyer son Serviteur dans la souffrance… mais que lorsque son Serviteur est broyé par la souffrance, Dieu se penche sur lui avec un amour de prédilection.
 Curieusement, nous avons du mal à accepter cette vérité qui est pourtant dans la Bible depuis bien longtemps : le Dieu Père se penche sur toute souffrance. Déjà Moïse, dans l’épisode du buisson ardent, avait compris que Dieu entend le cri de ceux qui souffrent, qui sont opprimés. Pour Moïse, il s’agissait de l’esclavage en Egypte ; pour Isaïe, sept cents ans plus tard, il s’agit de l’Exil à Babylone ; mais Isaïe ne dit pas autre chose que Moïse ; bien au contraire, en sept cents ans, la foi au Dieu qui libère, qui veut sauver l’humanité de tous ses esclavages de toute sorte, n’a fait que s’approfondir. Ce qu’Isaïe dit ici c’est « Dans la souffrance qui le broyait, le Serviteur est l’objet de la prédilection du SEIGNEUR » : c’est bien le sens de notre mot français « miséricorde », un coeur attiré par la misère. Le message qu’Isaïe adresse aux exilés, c’est donc « dans votre souffrance, Dieu n’est pas contre vous, il n’est pas du côté de ceux qui vous humilient, il est près de vous, il se penche sur vous avec un amour de prédilection. » Sous-entendu, c’est en lui, dans la prière, dans la foi que vous trouverez la force de tenir le coup ; cherchez la force où elle se trouve.
Deuxièmement, vous pouvez donner un sens à cette souffrance : on n’a pas ici une explication du mystère de la souffrance ; elle reste un Mystère ; mais ce qui nous est dit ici, c’est que au sein même de la souffrance il y a un chemin de lumière : « à cause de ses souffrances, il verra la lumière » ; derrière l’expression « broyé par la souffrance », il y a l’image du « coeur brisé » d’Ezékiel ou du psaume 50/51: un coeur de pierre qui devient coeur de chair… dans la souffrance, et spécialement celle infligée par les hommes, la persécution, on peut réagir par le durcissement (haine pour haine), ou par l’amour et le pardon.
 Encore aujourd’hui, que ce soit dans des contextes de maladie, ou de violence, nous voyons des hommes, des femmes, des enfants qui savent faire de leur souffrance un chemin de lumière. On pourrait appeler cela le miracle du retournement ! De tout mal, Dieu peut nous aider à faire sortir un bien ! Voilà la merveille, la puissance de l’amour de Dieu.
Troisièmement, vous pouvez contribuer à l’œuvre de Dieu : vous pouvez en faire un « sacrifice d’expiation ». Malheureusement, ici, nous sommes gênés par la dérive du vocabulaire au cours des siècles, et toujours tentés d’imaginer un marchandage. Or, il n’est pas question de marchandage avec Dieu. Initialement, dans le livre du Lévitique, d’où nous vient cette expression, le « sacrifice d’expiation » a un sens très particulier. Comme tout sacrifice, c’est un geste accompli pour entrer en contact avec Dieu. L’expiation, c’est l’acte de Dieu (et non de l’homme) : c’est tout simplement son absolution. Lorsqu’on accomplissait un sacrifice d’expiation, on se savait pardonnés et on pouvait changer de vie.
 Isaïe dit donc à ses contemporains : Cette souffrance que les hommes vous ont infligée, vous pouvez en faire un moyen de salut pour eux ; Dieu accepte, agrée votre attitude intérieure d’offrande comme un sacrifice et il pardonne à tous, y compris vos bourreaux. Le verbe « plaire » employé dans la première phrase (Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au SEIGNEUR ; verset 10) a plusieurs sens, dont celui-là. On peut traduire « Dieu l’a agréé ». Alors, si vous vivez la persécution dans un esprit d’offrande, d’amour et de confiance en Dieu, elle deviendra un moyen de salut, car Dieu agrée votre attitude comme un sacrifice d’expiation. Il est vrai que vous n’êtes pas en train d’accomplir un sacrifice au Temple de Jérusalem selon les rites traditionnels, mais, dans sa miséricorde pour tous les hommes, Dieu accueille votre attitude intérieure d’offrande et de pardon comme un sacrifice d’expiation.
 C’est bien ce qui est dit ici par Isaïe au sujet du Serviteur : broyé par la haine des hommes, le Juste a répondu par le silence et le pardon. Dieu a permis que ce pardon soit le salut des bourreaux…! Que ce pardon convertisse le coeur des bourreaux parce qu’ils se sont ouverts à l’absolution offerte par Dieu.
 Alors Isaïe délivre le message le plus important de sa prophétie : « Par lui (par le serviteur), s’accomplira la volonté du Seigneur » ; c’est la phrase centrale de ce texte ; cette volonté de Dieu, Isaïe le sait bien, comme déjà Moïse le savait avant lui, c’est de sauver l’humanité, de la libérer de toutes ses chaînes ; et la pire de nos chaînes, c’est la haine, la violence, la jalousie qui rongent notre coeur. Cette volonté de Dieu, c’est donc tout simplement que l’humanité redécouvre la paix ; or cela peut se réaliser grâce aux serviteurs de Dieu. C’est ce que dit Isaïe ; « Si le Serviteur fait de sa vie un sacrifice d’expiation… par lui s’accomplira la volonté du Seigneur ». A partir de ce pardon accordé par Dieu, tous les pécheurs, délivrés de leur culpabilité, peuvent entamer une nouvelle vie. Devant l’attitude du Serviteur, le cœur des bourreaux s’attendrira. « Parce qu’il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés. » Ce qu’Isaïe dit ici, c’est que le salut des bourreaux est dans les mains de leurs victimes. Car seul le pardon accordé par la victime peut convertir son bourreau.

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 Complément

 Quelques siècles plus tard, le prophète Zacharie s’inscrivait dans la même ligne : « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé… Ce jour-là, une source jaillira pour la maison de David et les habitants de Jérusalem en remède au péché et à la souillure. » (Za 12, 10 ; 13, 1).

Homélie du 29e dimanche ordinaire B

19 octobre, 2012

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Homélie du 29e dimanche ordinaire B

Is 53, 10-11 ; He 4, 14-16 ; Mc 10, 35-45

On se croirait en pleine campagne électorale, à la veille même du scrutin. Les grosses pointures veulent déjà se partager les meilleures places dans le futur gouvernement. Or, ce que Jésus leur a promis, ce n’est pas du tout une prise de pouvoir d’ordre politique. Jésus n’est pas venu pour établir un nouveau royaume terrestre, dont il serait le monarque. Le Royaume, qu’il vient inaugurer et qu’il s’agira de bâtir, ne vient pas de ce monde, mais il est pleinement dans le monde. Totalement incarné. Ses sujets sont ceux et celles qui l’accueillent, c’est-à-dire qui se mettent à l’écoute de la Parole de révélation. Et cependant, malgré leur intimité avec le jeune prophète, les disciples tombent dans le piège de l’ambition du pouvoir. On peut dire que les futures premières colonnes de l’Eglise ont commencé par rêver de triomphes et bénéfices, de sièges à pourvoir, de portefeuilles à partager, de titres et d’honneurs à collectionner. Ils l’ont raconté eux-mêmes.
Il est vrai que l’accès au pouvoir, si petit soit-il, monte vite à la tête et entraîne un certain nombre de tentations, qui peuvent conduire peu à peu à la dérive autoritaire. Ces tentations n’épargnent personne, ni le politicien ministrable, ni la mère abbesse dans son cloître, ni les ministres du culte, le patron d’une P.M.E., ou la présidente d’un conseil paroissial.
La tentation du pouvoir et l’abus d’autorité peuvent se rencontrer aussi dans les écoles, les Eglises et même au sein des familles. Il y a des épouses et des enfants opprimés et même battus, il y a des maris et des gosses terrorisés.
Si l’on parcourt l’évangile, on voit ainsi régulièrement Jésus mettre le doigt sur tous ces petits signes de la vie quotidienne qui révèlent des désirs de puissance. S’accrocher au titre de maître ou de docteur, vouloir occuper les premières places dans les dîners, se gonfler et se pavaner dans des vêtements d’apparat, se vanter de ses pratiques religieuses et de ses générosités envers les pauvres. Les chefs, ou ceux qui se croient grands, font sentir leur pouvoir, rappelait Jésus à ses disciples. Et bien, parmi vous, ajoutait-il, il ne doit pas en être ainsi. Ne vous trompez pas d’ambition. La grandeur, la noblesse, est dans le service. C’est ce que Jésus a dit, répété et vécu, au risque de nombreux ennuis, oppositions et humiliations. Et jusqu’au risque même de sa vie.
C’est ainsi qu’il a payé, comme d’autres prophètes après lui et encore aujourd’hui, le prix fort de l’incompréhension, de l’opposition, de l’excommunication et de la condamnation à mort. Ce qui veut dire que pour ceux et celles qui se réclament du Christ, la priorité n’est pas au succès, à la gloire, ni au prestige, mais au service. Le service gratuit. Un service à risques.
C’est ce qui explique que les premières générations chrétiennes ont très vite considéré le mystérieux Serviteur présenté par Isaïe comme la figure prophétique de Jésus de Nazareth.
Mais que représente actuellement cette figure de Jésus serviteur ? Est-elle encore parlante ? Globalement, on dit qu’aujourd’hui l’idéal du service est à la fois exalté et décrié. Voyez la publicité. Elle vante constamment les innombrables services offerts à la clientèle : stations-services, libre service, service après vente… Mais il ne s’agit pas de service gratuit. La juste rémunération de toute prestation de service, même parfois en famille, est devenue un principe intangible. L’idéal du pur service n’a plus la cote. Il est même décrié. Nul ne veut plus être, dit-on, le serviteur ou le domestique d’autrui (sous-entendu : l’esclave d’un autre), taillable et corvéable à merci. Sauf rémunération assurée.
Et, c’est précisément le terme « esclave » qu’utilise Jésus. Alors que ses disciples rêvent de supériorité et de domination, le maître parle de ceux qui sont au dernier rang de la société. Une image frappante pour expliquer qu’il n’est pas un chef autoritaire, mais bien l’humble serviteur de tous. Il faut donc apprendre à donner plutôt qu’à dominer.
Or, il y a des services très périlleux. Par exemple, militer et donc protester contre l’hypocrisie, l’oppression, l’exploitation de l’homme par l’homme, et autres services à grands risques, qui peuvent même conduire au martyre.
Plus modestement, qu’en est-il dans l’Eglise, dans nos communautés et dans nos groupes ? Sommes-nous prêts, non seulement à rendre volontiers service, mais même à assumer un service ? Déjà dans la société, par exemple, on peut s’engager dans un service social, un service d’entraide, un service médical, juridique, ou encore un service politique, c’est-à-dire se mettre au service du « vivre ensemble », que l’on peut réaliser dans le même esprit que Jésus. Car, s’il n’y a pas une politique chrétienne, il y a une pratique chrétienne de la politique.
Au sein de la communauté Eglise, on peut aussi être en service, exercer une mission, un ministère : ministère sacerdotal, ministère de la Parole, de la catéchèse, ministère œcuménique, ministère de la compassion, celui de l’entraide… et bien d’autres… Chacun a même un rôle à jouer dans la mutation impérative du ministère sacerdotal. Ce sont d’ailleurs les laïcs qui, au premier siècle de l’Eglise, ont inventé des ministères nouveaux, correspondant aux besoins nouveaux de la communauté chrétienne et de sa mission. On demande donc aujourd’hui des innovateurs et des pionniers, hommes et femmes.
Aujourd’hui aussi, il est bon également de rendre grâce pour tous ceux et celles qui assument, ici ou ailleurs, un ministère. Merci. Et nous prierons pour que se lèvent d’autres et nouvelles vocations au service et à la mission.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

The Annunciation, Arthur Hughes

18 octobre, 2012

The Annunciation, Arthur Hughes dans images sacrée Annunciation-Hughes-L

http://www.illusionsgallery.com/Annunciation-Hughes.html

Saint Grégoire le Grand : L’avènement du fils de l’homme

18 octobre, 2012

http://jesusmarie.free.fr/gregoire_le_grand_homelies_sur_evangiles.html

Saint Grégoire le Grand

Homélie 1

Prononcée devant le peuple dans la basilique de saint Pierre, apôtre

12 novembre 590 (un dimanche de l’Avent) 

L’avènement du fils de l’homme

Cette première Homélie s’inscrit dans le contexte dramatique de l’année 590 (cf. introduction à la Harangue au peuple à propos de l’épidémie). C’est le 3 septembre que Grégoire s’est résolu à prendre en main le gouvernail au milieu du déchaînement des flots : «En pleurant, je me rappelle le tranquille rivage de mon repos, que j’ai perdu», écrit-il alors à saint Léandre. Il ne se contente pas de pleurer sa vie contemplative perdue; mais, comme il a déjà commencé de le faire depuis la mort de son prédécesseur Pélage, il s’occupe du pain quotidien de la population, se dépense sans compter pour les pauvres et organise les secours aux pestiférés. Il puise largement dans les revenus de l’Eglise et dans ses richesses familiales. Ces circonstances nous montrent, certes, son exceptionnelle compétence d’administrateur, mais surtout la largeur de sa charité pastorale.
Ce contexte nous permet de comprendre que les appels du prédicateur à mettre toute son espérance dans le Ciel ne signifient en rien chez lui fuite des responsabilités et oubli de la misère de ses frères. Nous saisissons aussi que ce n’est pas par hyperbole qu’il lance à ses ouailles des exclamations telles que celle-ci : «Voyez combien vous restez du peuple innombrable que vous étiez.» Le pape n’a pas besoin de conditionner son auditoire. Pour ses fidèles aux abois, il est alors évident qu’il n’y a plus d’avenir terrestre. Et c’est sur une telle conviction que saint Grégoire greffe sa prédication, si riche d’espérance chrétienne. Les choses vont au plus mal : soit! Mais les catastrophes qui nous frappent ne nous ont-elles pas été annoncées comme devant précéder la fin du monde et le retour du Seigneur? Or la fin du monde, et notre mort aussi, d’ailleurs, sont le commencement des joies de la patrie céleste. Et le plus court chemin pour y parvenir, si dur puisse-t-il paraître, n’est-il pas le meilleur? La vie présente n’est qu’un chemin; il faut donc mépriser le monde. Un seul souci mérite de nous préoccuper : que le Seigneur, à son retour, nous juge dignes de connaître les joies sans fin que nous espérons. D’où la nécessité de rectifier notre vie, de résister victorieusement au mal et d’expier nos fautes passées.

Lc 21, 25-33

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : «Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre, les nations seront angoissées au bruit de la mer et des flots bouleversés; les hommes se dessécheront de frayeur dans l’attente de ce qui doit arriver à la terre entière, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec une grande puissance et une grande majesté. Quand cela commencera d’arriver, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.» Et il leur dit une parabole : «Voyez le figuier et tous les arbres : lorsqu’ils font paraître leurs fruits, vous savez que l’été est proche. Ainsi pour vous : quand vous verrez arriver cela, sachez que le Royaume de Dieu est proche. En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas.»
Notre Seigneur et Rédempteur, frères très chers, désire nous trouver prêts. Aussi nous annonce-t-il les malheurs qui doivent accompagner la vieillesse du monde, pour nous éloigner de l’amour de ce monde. Il nous fait connaître quelles grandes calamités vont en précéder immédiatement la fin, pour que, si nous ne voulons pas craindre Dieu quand nous sommes tranquilles, nous redoutions du moins, sous les coups répétés de ces calamités, l’approche de son jugement. Car un peu avant le passage du Saint Evangile que votre fraternité vient d’entendre, le Seigneur disait en manière de prémisses : «Les nations se dresseront contre les nations, et les royaumes contre les royaumes; il y aura de grands tremblements de terre, des pestes et des famines en divers lieux.» (Lc 21, 10-11). Et quelques phrases après, il ajoute ce que vous venez d’entendre : «Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre, les nations seront angoissées au bruit de la mer et des flots bouleversés.»
De toutes ces prédictions, nous voyons les unes déjà réalisées; quant aux autres, nous redoutons de les voir bientôt s’accomplir. Que les nations se dressent contre les nations, qu’elles soient oppressées d’angoisse sur la terre, nous le constatons davantage en notre temps que nous ne le lisons dans les livres. Qu’un tremblement de terre ait ruiné des villes innombrables, vous savez avec quelle fréquence nous l’avons entendu rapporter depuis d’autres parties du monde. Des épidémies, nous en subissons sans cesse. Quant aux signes dans le soleil, la lune et les étoiles, il est vrai que nous n’en avons pas encore aperçu, mais les troubles dans l’atmosphère nous permettent déjà de supposer que ces signes ne sont pas loin. D’ailleurs, avant que l’Italie ne soit livrée aux coups des glaives barbares, nous avons vu dans le ciel des armées tout en feu et, en un flamboiement, le sang du genre humain qui fut répandu par la suite. Un bouleversement inouï de la mer et des flots ne s’est pas encore produit. Mais puisque beaucoup de prédictions se sont déjà réalisées, il n’y a pas de doute que suivra encore le petit nombre de celles qui restent, car les faits passés garantissent l’accomplissement de ceux à venir.
2. Si nous vous disons cela, frères très chers, c’est pour tenir vos esprits dans une prudence et une vigilance assidues, de peur que la sécurité ne les engourdisse, et que l’ignorance ne les entretienne dans la langueur; c’est aussi pour que la crainte stimule sans cesse vos esprits, et qu’un tel stimulant les affermisse dans les bonnes œuvres, à la pensée de ces paroles ajoutées par la voix de notre Rédempteur : «Les hommes se dessécheront de frayeur dans l’attente de ce qui doit arriver à la terre entière, car les puissances des cieux seront ébranlées.» Qui le Seigneur appelle-t-il puissances des cieux, sinon les Anges, les Archanges, les Trônes, les Dominations, les Principautés et les Puissances? Ils apparaîtront visiblement à nos yeux lors de la venue du Juge rigoureux, pour nous faire alors payer avec sévérité ce que notre invisible Créateur supporte maintenant de nous sans s’impatienter. Il est ici ajouté : «Alors on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec une grande puissance et une grande majesté.» C’est comme si l’on disait clairement : «Ils verront dans la puissance et la majesté celui qu’ils n’ont pas voulu écouter lorsqu’il se présentait avec humilité, de sorte qu’ils ressentiront alors d’autant plus la rigueur de sa puissance qu’ils ne fléchissent pas maintenant la nuque de leur cœur devant sa patience.»
3. Mais ces paroles ayant été dites à l’intention des réprouvés, celles qui suivent sont adressées aux élus pour les consoler : «Quand cela commencera d’arriver, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.» C’est comme si la Vérité avertissait clairement ses élus en disant : «Au moment où les malheurs du monde se multiplient et où l’ébranlement des puissances célestes annonce la terreur du jugement, relevez la tête, c’est-à-dire réjouissez-vous en vos cœurs; en effet, tandis que finit le monde, dont vous n’êtes pas les amis, la rédemption que vous avez désirée approche.» Dans l’Ecriture Sainte, le mot «tête» est souvent mis à la place du mot «esprit», car de même que les membres sont commandés par la tête, les pensées sont gouvernées par l’esprit. Lever la tête, c’est donc élever son esprit vers les joies de la patrie céleste. Ainsi, ceux qui aiment Dieu sont invités à se réjouir d’une grande joie à cause de la fin du monde, parce qu’ils vont rencontrer bientôt celui qu’ils aiment, tandis que passe ce qu’ils n’ont pas aimé. Que le fidèle qui désire voir Dieu se garde bien de pleurer sur les malheurs qui frappent le monde, puisqu’il sait que ces malheurs mêmes amènent sa fin. Il est écrit en effet : «Celui qui veut être l’ami de ce siècle se fait l’ennemi de Dieu.» (Jc 4, 4). Celui qui ne se réjouit pas à l’approche de la fin du monde s’affirme donc comme l’ami du monde, et il est par là même convaincu d’être l’ennemi de Dieu. Qu’il n’en soit pas ainsi des cœurs des fidèles. Qu’il n’en soit pas ainsi de ceux qui croient par la foi à l’existence d’une autre vie, et qui montrent par leur manière d’agir qu’ils aiment cette autre vie. Car pleurer sur la destruction du monde convient à ceux qui ont planté les racines de leur cœur dans l’amour du monde, qui ne recherchent pas la vie future, et ne soupçonnent même pas son existence. Mais nous, qui connaissons les joies éternelles de la patrie céleste, nous devons nous empresser vers elles en toute hâte. Il nous faut souhaiter d’y aller au plus vite et d’y atteindre par le plus court chemin.
De quels maux, en effet, le monde n’est-il pas oppressé? De quelles tristesses et de quelles adversités ne sommes-nous pas angoissés? Et qu’est-ce que la vie mortelle, sinon un voyage? Or quelle folie, songez-y bien, mes frères, que de s’épuiser dans les fatigues du voyage sans vouloir pourtant qu’un tel voyage finisse! Pour nous montrer que le monde doit être foulé aux pieds et méprisé, notre Rédempteur ajoute aussitôt une ingénieuse comparaison : «Voyez le figuier et tous les arbres : lorsqu’ils font paraître leurs fruits, vous savez que l’été est proche. Ainsi pour vous : quand vous verrez arriver cela, sachez que le Royaume de Dieu est proche.» C’est comme s’il disait clairement : «Si l’on connaît la proximité de l’été par les fruits des arbres, on peut de même reconnaître par la ruine du monde que le Royaume de Dieu est proche.» Ces paroles nous montrent bien que le fruit du monde, c’est sa ruine : il ne grandit que pour tomber; il ne bourgeonne que pour faire périr par des calamités tout ce qui aura bourgeonné en lui. C’est avec raison que le Royaume de Dieu est comparé à l’été, car alors les nuages de notre tristesse passeront, et les jours de la vie brilleront de la clarté du Soleil éternel.
4. Toutes ces vérités nous sont confirmées avec une grande autorité par les phrases qui suivent : «En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas.» Rien, dans la nature des choses matérielles, n’est plus durable que le ciel et la terre, et rien, dans la réalité, ne passe plus vite qu’un mot. En effet, les paroles, tant qu’elles restent inachevées, ne sont pas des paroles, et dès qu’elles sont achevées, elles ne sont déjà plus, puisqu’elles ne peuvent s’achever qu’en passant. Le Seigneur déclare donc : «Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas.» C’est comme s’il disait clairement : «Tout ce qui autour de vous est durable, n’est pas durable sans changement devant l’éternité; et tout ce qui chez moi semble passer, est en fait fixe et ne passe pas, car ma parole qui passe exprime des idées qui demeurent sans pouvoir changer.»
5. Remarquez-le, mes frères, nous voyons désormais s’accomplir ce que nous venons d’entendre. Chaque jour, des maux nouveaux et croissants accablent le monde. Voyez combien vous restez du peuple innombrable que vous étiez; et cependant, des fléaux ne cessent de fondre sur nous quotidiennement, des malheurs soudains nous frappent, des calamités nouvelles et imprévues nous affligent.
De même qu’au temps de la jeunesse, le corps est vigoureux, la poitrine robuste et saine, la nuque nerveuse et les bronches développées, mais que dans les années de la vieillesse, la taille se courbe, la nuque se dessèche et s’abaisse, la poitrine est accablée de fréquents essoufflements, la force vient à manquer, la respiration difficile interrompt la parole — car même en l’absence de maladie, la santé elle-même n’est souvent pour les vieillards qu’un malaise continuel — de même aussi le monde, dans ses premières années, connut l’équivalent d’une jeunesse vigoureuse; il fut alors robuste pour multiplier la race humaine, plein de verdeur par la santé des corps, comblé de richesses; maintenant, au contraire, le monde s’affaisse sous le poids de sa propre vieillesse, et comme si sa mort approchait, il est accablé d’épreuves sans cesse croissantes. Ainsi, mes frères, n’aimez pas ce monde, qui ne pourra, comme vous le voyez, subsister longtemps. Fixez-vous dans l’esprit ce commandement que l’apôtre [Jean] nous donne pour nous mettre en garde : «N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde; car si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui.» (1 Jn 2, 15)
Avant-hier, mes frères, on vous a appris qu’une tempête subite avait déraciné des arbres centenaires, abattu des maisons et renversé des églises jusqu’aux fondations. Combien d’hommes, qui étaient en parfaite santé à la fin du jour, s’imaginaient qu’ils feraient telle ou telle chose le lendemain, et sont cependant morts cette nuit-là de façon soudaine, emportés par le coup de filet de ce cataclysme!
6. Considérons pourtant, mes très chers, que pour réaliser cela, le Juge invisible n’a agité que le souffle d’un vent très léger : il lui a suffi de provoquer la bourrasque d’un seul ouragan pour faire trembler la terre et ébranler les fondements de tant d’édifices au point de les renverser. Que fera donc ce Juge lorsqu’il viendra lui-même et que sa colère s’enflammera pour punir les pécheurs, s’il ne peut être supporté alors qu’il nous frappe au moyen d’un tout petit ouragan? En face de sa colère, quelle chair subsistera, si en agitant le vent, il a fait trembler la terre, et si en remuant violemment les airs, il a renversé tant d’édifices? C’est en considérant cette sévérité du Juge qui doit venir que Paul s’est écrié : «Il est terrible de tomber aux mains du Dieu vivant.» (He 10, 31). Et le psalmiste exprime une telle sévérité en ces termes : «Dieu viendra ouvertement, notre Dieu, et il ne gardera pas le silence. Un feu brûlera en sa présence, et il y aura autour de lui une violente tempête.» (Ps 50, 3). A une telle sévérité dans la justice, la tempête et le feu font cortège, car la tempête éprouve ceux que le feu doit consumer.
Remettez-vous donc le jour du jugement devant les yeux, frères très chers, et en comparaison, tout ce qui semble pénible actuellement vous deviendra léger. C’est au sujet de ce jour que le prophète affirme : «Il est proche, le grand jour du Seigneur, proche et venant en toute hâte. Le cri du jour du Seigneur est amer, l’homme vaillant y sera éprouvé. Jour de colère que ce jour-là, jour de tribulation et d’angoisse, jour de calamité et de malheur, jour de ténèbres et d’obscurité, jour de brume et de tornade, jour de sonneries de trompe et de trompette.» (So 1, 14-16). De ce jour-là, le Seigneur dit encore par la voix du prophète : «Encore une fois, et j’ébranlerai non seulement la terre, mais aussi le ciel.» (Ag 2, 6)
Voyez, nous venons de le dire : il a ébranlé l’air, et la terre n’a pas résisté; qui donc pourra tenir quand il ébranlera le ciel? Et que dire des événements terrifiants dont nous sommes les spectateurs, sinon qu’ils sont les annonciateurs de la colère à venir? Il nous faut donc considérer qu’il y a autant de différence entre les tribulations actuelles et celles du dernier jour, qu’entre la personne d’un annonciateur et celle d’un juge plein de puissance. Ainsi, frères très chers, appliquez toute votre attention à la pensée de ce jour; rectifiez votre vie, changez de mœurs, surmontez les mauvaises tentations en leur résistant, et celles auxquelles vous avez succombé, expiez-les par vos larmes. Vous verrez un jour l’avènement du Juge éternel avec d’autant plus d’assurance que la crainte de sa rigueur vous en aura dès maintenant fait prendre les devants.

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