Archive pour le 23 octobre, 2012
QUAND PAUL VI A « EXPORTÉ » LE CONCILE
23 octobre, 2012http://www.zenit.org/article-32342?l=french
QUAND PAUL VI A « EXPORTÉ » LE CONCILE
Souvenirs émus d’un jeune séminariste
Par Mgr Vitaliano Mattioli
Traduction d’Hélène Ginabat
ROME, mardi 23 octobre 2012 (ZENIT.org) – Lorsque Paul VI, en pleine période du Concile, a entrepris ses deux voyages, en Terre-Sainte puis auprès des Nations-Unies à New York, « on a dit que le pape exportait le concile », raconte Mgr Mattioli.
L’ancien professeur à l’Université pontificale urbanienne et vice-président de l’Institut pontifical Saint-Apollinaire évoque avec émotion et émerveillement les événements conciliaires qu’il a suivis comme jeune séminariste à Rome.
Dans la matinée du 25 janvier 1959, en la fête de la conversion de saint Paul, Jean XXIII célébra, dans la basilique Saint Paul de Rome, la messe solennelle de clôture de la neuvaine de prière pour l’unité des chrétiens. Mais ce jour-là, à la fin de la messe, le pape ne sortit pas immédiatement pour rentrer au Vatican, selon son habitude.
J’étais présent à la célébration et je ne voulais pas retourner au séminaire sans voir le pape. L’attente fut longue. Nous ne comprenions pas pourquoi. C’est en écoutant Radio Vatican que nous avons appris la nouvelle : le pape, après la messe, s’était arrêté dans une salle du monastère pour communiquer aux cardinaux présents sa volonté de convoquer un nouveau concile : Vatican II.
J’ai éprouvé, avec les autres séminaristes, une joie immense. A cette époque, j’étudiais à la faculté de philosophie d’abord, puis de théologie, de l’Université du Latran. Ces trois années de préparation conciliaire furent intenses. Je me souviens des diverses tendances, en particulier sur les questions de dogmatique et sur la Bible, qui émergeaient des universités pontificales romaines.
Le 11 octobre 1962, jour de l’ouverture solennelle du concile Vatican II, fut un moment de grande émotion ecclésiale. Toute l’Eglise se trouvait réunie dans la basilique Saint-Pierre : le pape, les cardinaux, les évêques, les experts conciliaires. A travers les très nombreuses télé-caméras, les yeux du monde entier étaient tournés vers la basilique transformée en salle conciliaire. Une ombre de tristesse a cependant assombri la splendeur de cette journée : les évêques et cardinaux de Chine, d’Union soviétique et des pays qui lui étaient soumis n’étaient pas là, prisonniers ou empêchés par les autorités d’obtenir leur visa pour se rendre à Rome ; la délégation de l’Eglise orthodoxe russe était aussi absente (elle est arrivée plus tard).
Ce fut une grande grâce de participer au concile. Je fus surpris, d’une certaine façon, par un élément important : c’était la grande liberté avec laquelle les évêques pouvaient s’exprimer, une liberté parfois même audacieuse. Cela montre justement le grand respect dont l’Eglise fait preuve. Après la proclamation du dogme sur l’infaillibilité pontificale (concile Vatican I, 1870), certains avaient pensé que l’Eglise avait désormais fermé la bouche aux évêques. Au contraire, non seulement ce n’est pas ce qui s’est passé, mais en fait, grâce au débat libre, le dogme a pu se développer encore davantage. Cette liberté de parole a beaucoup impressionné, en particulier les délégations des différentes Eglises orthodoxes. C’était la première fois qu’elles pouvaient participer à un débat conciliaire, et elles furent très étonnées de cette liberté d’expression qui existait dans l’Eglise catholique. Ce fut un pas en avant vers l’œcuménisme.
Les jours de la mort de Jean XXIII furent aussi chargés d’émotion. Conformément au Code de droit canonique, à la mort du pape, le concile fut suspendu. Il revenait à son successeur de le poursuivre ou non. Mais désormais les travaux conciliaires étaient lancés et il n’était pas opportun de les interrompre. Dans sa grande sagesse, le nouveau pape Paul VI exprima le désir de continuer. C’était une décision un peu attendue mais tout le monde en fut très content.
Deux événements majeurs, extérieurs au concile mais insérés dans ce contexte, ont retenu mon attention : le voyage de Paul VI en Terre sainte (janvier 1964) et celui aux Nations-Unies à New York (octobre 1965).
On a dit que le pape exportait le concile. C’était la première fois, après saint Pierre, qu’un de ses successeurs retournait en Terre sainte. La curiosité portait sur ce que Paul VI allait dire dans ses différents discours, dans la mesure où la situation politique était très complexe et où le Saint-Siège n’avait pas encore noué de relations diplomatiques complètes avec l’Etat d’Israël. J’ai su plus tard que certains discours avaient été « retouchés » la veille du jour où ils devaient être prononcés parce qu’il s’était avéré prudent de modifier quelques expressions. Mais ce fut un triomphe. L’Eglise en est sortie fortifiée et les distances se sont raccourcies.
Au palais de Verre des Nations-Unies, le problème était sérieux : un pape, invité officiellement par le Secrétaire général U-Thant, pouvait parler aux puissants de ce monde, dont beaucoup n’étaient pas catholiques et quelques-uns étaient hostiles à l’Eglise et contre la religion. Dans une interview qu’il a accordée plus tard, Paul VI lui-même a confié qu’il avait eu un peu peur. A son retour, tous les évêques attendaient le pape dans la basilique où il s’est rendu directement de l’aéroport. Je me souviens combien ce fut aussi un moment très émouvant. Les applaudissements couvraient complètement le chant « Tu es Petrus ».
Il y eut d’autres temps forts, en particulier lorsque la majorité des documents en discussion furent signés : jusqu’au dernier moment, on n’était pas sûr que certains d’entre eux seraient approuvés.
Pour moi, le comble de l’émotion fut la vigile de clôture, le 7 décembre 1965. A la même heure, Paul VI dans la basilique Saint Pierre, et le patriarche Athénagoras dans l’église patriarcale du Phanar à Constantinople, levèrent les excommunications qui avaient été prononcées, de triste mémoire, le 16 juillet 1054 par le pape d’alors, Léon IX, et le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire. Presque 900 ans plus tard, ces excommunications étaient enfin abrogées et la distance entre les deux Eglises en était fortement réduite. Dans la basilique, un frémissement d’émotion envahit tous ceux qui étaient présents.
C’est ici que prennent fin les souvenirs. Le reste appartient à l’histoire.
Grégoire de Nazianze : quelques éléments sur ses Oeuvres poétiques
23 octobre, 2012http://peresdeleglise.free.fr/textesvaries/oeuvrespoetiques1.htm
Grégoire de Nazianze : quelques éléments sur ses Oeuvres poétiques
Grégoire de Nazianze (v.330 – v.390), appelé aussi « le théologien », pour le distinguer de son père, est le fils d’un autre Grégoire (appelé généralement « l’Ancien »), qui était quant à lui évêque de Nazianze. Ce prénom de « Grégoire » était, comme on le voit, très fréquent à cette époque et il était volontiers donné à des chrétiens (il signifie « Veillez », en relation avec la phrase du Christ rapportée en Mt 26, 41 : « Veillez et priez »).
Grégoire, issu donc d’une famille très chrétienne, a été ordonné prêtre par son père ; il est un théologien fondamentalement bibliste : il cite la Bible par coeur et constamment. Nourri de l’Ecriture depuis sa plus tendre enfance, il raconte comment sa mère, très pieuse, lui avait fait commencer la lecture de la Bible alors qu’il avait à peu près 6 ans.
Ami de Basile de Césarée (le Grand Basile) qui lui-même est le frère de Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze forme avec eux ce groupe de Pères qu’on appelle les « Cappadociens »
L’oeuvre poétique de Grégoire est très importante : à la fois par le nombre de vers (environ 17 000) que par sa place (lien entre l’antiquité classique et le monde byzantin, entre la culture grecque traditionnelle et la mentalité chrétienne.
Quelques extraits ici serviront d’introduction à l’oeuvre et à la pensée de Grégoire de Nazianze : dans ses poèmes, très personnels, c’est de lui et de sa vie qu’il est souvent question : il nous livre ainsi beaucoup de sa vie spirituelle, de sa relation intime avec Dieu.
« Vers du même. Sur la route » :
« C’est en toi que nous reposons, Verbe de Dieu,
quand nous restons chez nous : à toi nous attachons notre loisir.
Assis, nous sommes à toi ; à toi en nous levant et en nous arrêtant ;
à toi encore quand nous partons ; et maintenant, c’est sur tes indications
que nous marchons droit devant nous. Mais puisses-tu m’envoyer
l’un de tes anges pour me guider, un accompagnateur favorable
qui me conduirait au moyen d’une colonne de feu et de nuée,
qui d’un mot fendrait la mer et arrêterait les cours d’eau,
qui dispenserait avec largesse une nourriture venue d’en haut comme d’en bas.
La croix, tracée par mes mains, réfrénerait l’audace
des ennemis. Au milieu du jour, la canicule
ne me brûlerait pas, et la nuit ne m’apporterait pas la peur.
Le sentier ardu et escarpé,
tu le rendrais lisse et praticable pour moi qui suis ton serviteur,
commme souvent déjà auparavant, en m’abritant sous ta main
tu m’as sauvé des dangers de terre et de mer,
de terribles maladies et de situations pénibles.
Après avoir ainsi tout accompli heureusement et comme nous l’espérions,
après avoir trouvé une issue favorable à notre voyage,
vers nos amis et nos parents retournons
joyeux pour les retrouver en joie
quand nous paraîtrons chez nous au terme de nos peines.
Devant toi nous nous prosternons, en te demandant
de nous accorder un dernier voyage aisé et plein de facilité. »
(« Les Belles Lettres », 2004, p. 46)
« Hymne du soir »
« Nous te bénissons maintenant, mon Christ, Verbe de Dieu, lumière de la lumière sans principe et dispensateur de l’Esprit, troisième lumière unie en une seule et même gloire !
Tu as dissipé les ténèbres, tu as produit la lumière, afin de tout créer dans la lumière et de rendre stable l’instable matière, en lui donnant forme dans le monde et sa belle harmonie d’aujourd’hui.
Tu as illuminé la pensée de l’homme par la raison et la sagesse, en plaçant ici-bas l’image de la splendeur d’en haut, afin que par la lumière il voie la lumière et devienne tout entier lumière.
C’est toi qui as fait briller le ciel de mille feux, toi qui as fait céder doucement la nuit au jour et le jour à la nuit selon ton ordre, rendant honneur à la loi de la fraternité et de l’amour.
Grâce à la nuit, tu mets fin à la fatigue de la chair qui peine tant ; grâce au jour, tu l’éveilles pour son ouvrage et pour les oeuvres que tu aimes, afin qu’en fuyant les ténèbres, nous devancions le jour, ce jour que la triste nuit ne fera pas sombrer.
Que la pensée, loin du corps, converse avec toi, Dieu, qui es Père, Fils et Saint-Esprit, à qui soit l’honneur, la gloire, la puissance dans les siècles. Amen. »
(Grégoire de Nazianze : « Hymne du soir », Poèmes, 1, 1, 32, Traduit par G. Bady et paru dans Magnificat n° 200, juillet 2009, reproduit ici avec l’autorisation de l’auteur).