Archive pour octobre, 2012
Pour la Toussaint – Bernard de Clairvaux: Le triple désir que suscite en moi le culte des saints
31 octobre, 2012http://www.orval.be/fr/69/Pour-la-Toussaint
Pour la Toussaint
Bernard de Clairvaux
Pour la Toussaint V, 5-11
Le triple désir que suscite en moi le culte des saints
5.1 A quoi bon pour les saints notre louange ? A quoi bon notre célébration de leur culte ? A quoi bon même cette fête solennelle que nous leur consacrons ? A quoi leur servent nos hommages terrestres, alors que, selon la promesse très sûre du Fils, le Père céleste en personne les honore (cf Jn 12, 26) ? Que leur font nos éloges ? Déjà ils sont comblés !
5.2 Oui, mes bien-aimés, il en est ainsi : les saints n’ont nul besoin de nos honneurs, et notre ferveur à les célébrer ne leur apporte rien. En vérité, lorsque nous vénérons leur mémoire, il y va de notre intérêt, non du leur. Et voulez-vous savoir à quel point cela nous est utile ? Personnellement, j’en témoigne, lorsque je fais mémoire des saints, je ressens en moi un désir violent qui m’enflamme. Et ce désir est triple.
5.3 On dit communément : Loin des yeux, loin du cœur. L’œil, c’est la mémoire. Et penser aux saints, c’est en quelque sorte les voir. C’est de cette manière que nous avons part dans la Terre des Vivants (Ps 141, 6). Et ce n’est pas une part médiocre, si, comme il convient, l’élan de notre affection accompagne notre mémoire. Oui, je le redis, notre vie est dans le ciel (Ph 3, 20), même si c’est d’une manière différente de celle des saints. Ils s’y trouvent dans leur être même, nous y sommes en nos désirs; ils y sont par leur présence, nous y sommes par notre mémoire.
5.4 Ah! quand serons-nous, nous aussi, réunis à nos pères ? Quand leur serons-nous présents dans notre être même ? Voici, en effet, le premier désir que la mémoire des saints éveille ou fait grandir en nous : le désir de jouir de leur compagnie si délectable, le désir de devenir les concitoyens et les commensaux des esprits bienheureux, le désir de nous mêler au groupe des patriarches, aux cortèges des prophètes, au collège des apôtres, aux foules innombrables des martyrs, à l’assemblée des confesseurs, aux chœurs des vierges, en un mot le désir de partager la communion et l’allégresse de tous les saints.
6.1 Toute évocation de l’un des saints est comme une étincelle, mieux, comme une torche brûlante qui enflamme les cœurs aimants et leur donne soif de voir leur visage et de les embrasser. A tel point que très souvent ils se considèrent même comme déjà parmi eux, et le cœur tout vibrant ils se jettent avec un immense désir tantôt vers tous les saints à la fois, tantôt vers tel ou tel d’entre eux.
6.2 A l’opposé, quelle négligence ce serait, quelle paresse, plus encore quelle démence que de ne pas nous employer, par la fréquence de nos aspirations et par l’extrême ferveur de notre affection, à rompre avec cette vie-ci et à nous projeter au milieu de ces foules comblées d’un si grand bonheur! Malheur à nous et à nos cœurs endurcis! Oui, malheur à nous à cause ce ce péché que l’Apôtre reproche aux païens : ils ont manqué de cœur (Rm 1, 31)!
6.3 Voici que la célèbre Eglise des premiers-nés (He 12, 23) nous attend, et nous n’y prêtons pas attention ! Les saints nous désirent, et nous n’en tenons pas compte ! Les justes comptent sur nous, et nous restons indifférents ! Réveillons-nous, mes frères, ressuscitons avec le Christ, recherchons les réalités d’en haut, savourons les réalités d’en haut (Col 3, 1-2). Désirons ceux qui nous désirent, hâtons-nous vers ceux qui nous attendent, courons par les élans de notre cœur au devant de ceux qui comptent sur nous.
6.4 Car dans notre communion présente, il n’est nulle sécurité, nulle perfection, nul repos. Et pourtant même ici, qu’il est bon, qu’il est agréable d’habiter en frères, tous ensemble (Ps 132,1)! Toutes les contrariétés, intérieures ou extérieures, sont allégées du fait de la compagnie de frères si proches, avec qui nous ne formons qu’un cœur et qu’un âme (Ac 4, 32) dans le Seigneur. Combien plus douce alors, plus délicieuse, plus heureuse, cette communion du ciel, où ne subsistera aucun soupçon, aucune dissension, où un parfait amour nous liera tous en une indissoluble alliance : tout comme le Père et le Fils sont un, de même nous aussi nous serons un en eux (cf Jn 17, 21) !
7.1 Mais ce n’est pas seulement la compagnie des saints qu’il nous faut souhaiter pour nous, c’est aussi leur bonheur. De manière à ambitionner avec une extrême ferveur la gloire de ceux dont nous désirons déjà la présence…
9.1 Tel est donc le deuxième désir que le souvenir des saints suscite en nous : que le Christ se montre à nous, tout comme à eux, dans sa gloire, et que nous aussi nous puissions apparaître avec lui dans la gloire…
10.1 Pour qu’il nous soit permis d’espérer cette gloire et d’aspirer à un si grand bonheur, il nous faut aussi désirer intensément le secours de la prière des saints. Ainsi ce que nous sommes incapables d’obtenir par nous-mêmes, nous sera donné grâce à leur intercession.
10.2 Pitié pour moi, pitié pour moi, vous du moins, mes amis (Jb 19,21). Car vous connaissez les dangers que nous courons, vous connaissez la glaise dont nous sommes pétris (Ps 102,14), vous connaissez notre ignorance et les ruses de nos adversaires, vous connaissez leur violence et notre fragilité. Oui, c’est à vous que je m’adresse, vous qui êtes passés par la même épreuve, vous qui avez soutenu les mêmes combats, vous qui avez échappé aux mêmes pièges, vous qui par votre expérience de la souffrance avez appris la compassion (cf He 5,8).
10.3 J’ai cette confiance que les anges aussi ne dédaigneront pas de visiter ceux qui sont à leur image… Il y a entre eux et nous une ressemblance en ce qui concerne l’être spirituel et sa structure rationnelle. Pourtant même si, à cause de cette ressemblance, j’estime pouvoir compter sur eux, je suis d’avis de mettre une confiance encore plus grande en ceux dont je sais qu’ils partagent ma condition humaine même : ils éprouvent nécessairement une miséricorde plus intime et plus particulière pour ceux qui sont l’os de leur os et la chair de leur chair (Gn 2,23).
11.1 D’ailleurs, lors de leur passage de ce monde vers le Père (cf Jn 13,1), ils nous ont laissé des gages saints. C’est auprès de nous que leurs corps ont été ensevelis dans la paix (Si 44,14), eux dont les noms vivent pour toujours, autrement dit eux dont la gloire n’est jamais ensevelie. Loin de vous, âmes saintes, loin de vous cette cruauté de l’échanson du Pharaon : aussitôt rétabli au rang qu’il occupait auparavant, il oublia Joseph, le saint, retenu prisonnier dans son cachot (Gn 40,13-23). C’est qu’ils n’étaient pas, l’un et l’autre, des membres dépendants d’une même tête…
11.2 Ce n’est pas ainsi que notre Jésus aurait pu oublier le brigand crucifié avec lui (Lc 23,40). Ce qu’il avait promis, il l’a tenu : le jour même où le brigand souffrit avec lui, il régna aussi avec lui (cf 2 Tm 2,12).
11.3 Pour nous de même, si nous ne sommes pas des membres dépendants de la même tête que les saints, quelle raison avons-nous de les célébrer aujourd’hui dans une fête aussi solennelle et un tel élan d’affection ? Mais celui qui a dit : Si un seul membre est à l’honneur, tous les membres partagent sa joie, a affirmé aussi : si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance(1 Co 12,26). Voilà donc la solidarité qui nous unit, eux et nous : nous, nous partageons leur joie, eux, ils partagent nos souffrances. En pensant à eux d’un cœur aimant, nous participons à leur victoire, tandis qu’eux-mêmes combattent parmi nous et pour nous, en intervenant avec bonté..
11.4 Nous ne saurions douter de leur attention pleine de bonté à notre égard, puisque, dans l’impossibilité où ils sont de parvenir sans nous à la perfection (He 11,40) – je l’ai rappelé ci-dessus – ,ils nous attendent. Oui, ils nous attendent jusqu’au jour où nous recevrons, nous aussi, notre récompense. De la sorte, lors du dernier et grand jour de la fête, tous les membres du corps ensemble concourront à former avec leur tête si élevée l’Homme parfait (Ep 4,13), et Jésus-Christ uni à tout son héritage recevra la louange, lui notre Seigneur qui est, au-dessus de tout, Dieu béni, digne de louange et de gloire pour les siècles (Rm 9,5 et Dn 3,56).
Le ciel, la fête de tous les saints
31 octobre, 2012http://www.saint.germain.free.fr/homelies/c1998/C98toussaint.htm
Le ciel, la fête de tous les saints
(1 Novembre 1998 )
Introduction : La fête de Toussaint est une proclamation osée de notre part . Tous ceux et celles qui sont disparus, morts, nous disons que nous les voyons glorifiés de la vie en Dieu. Il y a donc un autre monde qui est là, tout près de nous, séparé seulement par la notion de temps. Car ils sont dans le monde de l’Eternel. Nous invoquons le Seigneur. Qu’il nous vienne en aide et réalise en nous la communion avec ce monde, lui, le Vivant, le Ressuscité.
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Nous sommes vers la fin de l’année liturgique. La liturgie suit le rythme du temps de notre calendrier, et nous fait découvrir le projet que Dieu a réalisé dans notre vie . La fête de Tous les Saints que nous célébrons aujourd’hui est la reconnaissance de cette action de Dieu réalisée dans la vie de tous les hommes. Nous Lui rendons grâce de tous ses bienfaits qui nous font vivre la dignité des enfants de Dieu.
La Fête de la Toussaint est une immense invitation à ne pas nous contenter de regarder « l’envers » du monde, à partir d’en bas…Il n’y a pas pour nous que du mal, de la souffrance ou de la mort. Aujourd’hui, nous est révélé l’endroit, le monde vu du côté de Dieu, vu d’en haut : un coin du ciel est déchiré… Et ce que nous serons est déjà apparu à travers la vie de tant de personnes qui sont parties avant nous …Tout sera plus beau encore. Aucun regard humain ne peut voir ce que Dieu a préparé pour ses enfants, dit St Paul.
Le but de l’univers n’est pas la mort, mais la vie, la joie: » Bienheureux, bienheureux ! Le Christ ne cesse de nous le redire. St Jean a vu dans son apocalypse la multitude de gens qui sont venus laver leur robe dans le sang de l’agneau. L’image est forte. Le sang est la vie. Et Dieu a l’envie de nous fait entrer dans sa vie en Jésus son Fils.
Dans la lumière du Christ Ressuscité, la fin représente le sommet qui dépasse la vie et le temps. Nous sommes amenés vers le sommet de l’histoire avec le Christ dans sa gloire. La « Préface » qui va nous introduire dans la prière eucharistique explique pour nous la vision de l’Apocalypse: » Nous célébrons aujourd’hui la cité du ciel, notre mère la Jérusalem d’en haut: c’est là que tous ceux et celles qui sont partis avant nous, rassemblés devant toi chantent sans fin ta louange. «
La fête de la Toussaint nous plonge ainsi en ce monde merveilleux de demain. où tous sont là. Ils sont comme des reflets du Christ Ressuscité. C’est grâce à Lui qu’ils sont présents devenus comme l’Eglise nous les montre. Grâce à eux l’Evangile est annoncé, proclamé dans le monde. Ils sont la catéchèse vivante de l’Evangile. Par leur comportement, ils laissent voir Dieu agir dans la vie des hommes.
Combien de saints obscurs avons-nous connus ici-bas ? Nous les avons côtoyés sans même nous en apercevoir. Ils ne sont pas d’abord des baptisés, ni des pratiquants, comme l’on dit, mais ceux-là mêmes que le Christ a trouvés sur son chemin. Nous pouvons les trouver aussi sur nos chemins : des pauvres, des sans-histoires, des gens qui pleurent, des persécutés, des opprimés, par les autres ou par la vie, des petits, des humbles. Ils sont félicités aujourd’hui, dans l’Evangile par le Christ. Les « Béatitudes » leur apportent la grande nouvelle que dès maintenant , ils sont des fils et des filles de Dieu, ils sont les bien-aimés du Père.
La fête de la Toussaint nous fait sentir le ciel qui est là, à notre côté. Nous savons que le vide qui nous entoure, est en fait chargé de tant d’images et de sons. C’est le monde de la multimédia de notre temps. Et nous savons aussi que, dans le silence de la vie, c’est tout le ciel qui est là. Là où est Dieu, là est notre ciel. Il suffit de nous mettre en présence de Dieu pour nous retrouver avec tous ceux et celles qui sont partis avant nous.
Saint Jean nous dit l’expérience qu’il a vécue avec ce frisson de bonheur : »Mes bien-aimés, voyez comme il est grand l’amour dont le Père nous a comblés, que nous soyons appelés enfants de Dieu : et nous le sommes ! »
La sainteté c’est répondre à l’envie de Dieu d’être avec nous. Ce projet de Dieu est dans l’épaisseur même de notre existence. Comme dans l’Apocalypse, la multitude qui vient se laver dans le sang de l’agneau, nous venons fonder notre espérance sur le Christ et retrouvons notre transparence comme lui-même est transparence. Pureté de source qui devient miroir où notre visage et celui de Dieu ne font qu’un. .
la foi, l’espérance, la charité (peut-être la foi, la charité avec les enfants, l’espoir, mais je ne suis pas sûr)
30 octobre, 2012La sainteté, un chemin d’imperfections
30 octobre, 2012http://www.esprit-et-vie.com/article.php3?id_article=1656
La sainteté, un chemin d’imperfections
Fr. François-Xavier Ledoux, o.p.
Ap 7, 2…14 – Ps 23 – 1 Jn 3, 1-3 – Mt 5, 1-12
Esprit et Vie n°157 – octobre 2006 – 1e quinzaine, p. 32-33.
Qu’est-ce que la sainteté ? Qu’est-ce que ce mot peut encore évoquer pour nous, alors même qu’il ne semble plus guère faire partie du vocabulaire de nos contemporains qui, eux, dans le meilleur des cas, préfèrent parler de spiritualité, voire de mystique ?
« Dieu n’est pas un saint ! »
Il est vrai que l’image véhiculée par le mot même de sainteté, très marquée par le jansénisme et le xixe siècle, peut hanter encore, de façon caricaturale, les subconscients et la culture actuelle : le saint serait un personnage falot, ennuyeux, qui ne dit pas un mot plus haut que l’autre, et surtout qui n’a aucun rapport avec la sexualité… Bref, un personnage triste, même s’il y a quelques exceptions (comme saint Philippe Néri), qui ne sait pas goûter la vie, qui passe son temps à se priver de tout, à s’infliger des pénitences, et qui n’aime pas trop les bons vivants ! C’est ainsi que, vers les années 1930, la poétesse Marie-Noël a pu écrire dans ses Notes intimes : « Comme je suis contente que Dieu ne soit pas un saint ! Si un saint avait créé le monde, il aurait créé la colombe, mais il n’aurait pas créé le serpent. Il aurait créé la colombe, mais il ne l’aurait pas créée « mâle et femelle », il n’aurait pas osé créer l’Amour, il n’aurait pas osé créer le printemps qui trouble toute chair au monde. Et toutes les fleurs auraient été blanches. Dieu soit loué ! Dieu en a fait de toutes les couleurs. Dieu n’est pas un saint. Dans son œuvre hardie, il ne s’est pas soucié des disciplines et de l’édification des saints et s’il était homme au lieu d’être Dieu, il aurait encouru la censure des saints… Pourtant, vous êtes saint, ô mon Dieu, saint qui sanctifiez les saints […], et c’est votre grandeur qui me rassure et m’empêche de trembler quand les saints me troublent en réduisant tous les chemins à leur seule route [1]. »
Libérer le chemin de la sainteté
Dans un autre genre, la définition du Petit Robert est également très éclairante : le saint est celui qui « mène une vie irréprochable, en tous points conforme aux lois de la morale et de la religion ». Voilà bien une forme de sainteté parfaite qui paraîtra sans doute inaccessible à la plupart d’entre nous, j’imagine, d’autant plus que nous savons bien que la perfection n’est pas de ce monde, et qu’elle n’a rien à voir avec cette sainteté dont nous parle l’Écriture.
Néanmoins, ce début de troisième millénaire a été encore marqué par de nombreuses béatifications et canonisations au sein de notre Église. Alors, serions-nous entrés maintenant dans l’ère de la mondialisation de la sainteté, dans l’ère de sa démocratisation, voire de sa « grande distribution » ? Il semblerait, en effet, que, suite à l’appel universel à la sainteté lancé par le concile Vatican II [2], le pape Jean-Paul II ait canonisé plus de saints et de saintes que tous ses prédécesseurs réunis ! Et, selon un certain angle d’analyse, on peut noter qu’il a pu, de ce fait, donner des modèles de sainteté à tous les continents, augmenter en particulier le nombre des saintes femmes et des saints laïcs, voulant rendre ainsi la sainteté proche de tous, même si le modèle dominant demeure encore celui de fondateur ou de fondatrice d’une congrégation religieuse.
Mais, cette proximité, toute relative, nous renverrait-elle l’image d’une sainteté dorénavant à bon marché – finalement, nous serions tous des petits saints en puissance, donc nous n’aurions pas d’inquiétude à avoir pour notre avenir ! -, quittant ainsi les images d’Épinal – poussiéreuses et rejetées par l’opinion publique – d’une sainteté réservée à une élite triste et ascétique qui vivrait au-dessus de la condition commune de l’humanité ?
Cette proximité, encore, peut-elle nous faire oublier les difficultés, les erreurs, les échecs de la vie quotidienne, familiale ou professionnelle que nous pouvons ou avons pu connaître, et qui semblent entraver notre « élévation sur les autels » ? Et même, plus simplement, que peut être la sainteté de ceux qui travaillent chaque jour à une tâche qui leur semble sans intérêt, ou qui perdent leur temps libre en transports, en « courses », en travaux ménagers insipides, et qui sont tellement « crevés », comme ils disent, le soir ou le week-end, qu’ils perdent bientôt le goût de ce qui donnait du sens à leur existence ? Mais n’est-ce pas pour ceux-là aussi que le chemin de la sainteté doit être libéré ?
Vivre en chrétien face au mal
En effet, si nous sommes tous appelés à la sainteté, dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui, ce n’est pas seulement pour correspondre aux modèles reçus, et ainsi réussir sa vie et son salut personnel en vue du bonheur parfait. Non, le chemin de sainteté que nous proposent les Béatitudes n’a que peu à voir avec un quelconque héroïsme de la piété, de l’ascèse ou des vertus. Mais il s’agit, devant la violence du mal, sa puissance, devant l’abîme de détresse qui saisit souvent notre monde, de manifester avant tout que Dieu s’y tient présent car des croyants y demeurent vivants, priants, aimants, comme des combattants du malheur et du destin. Rien de plus, mais rien de moins. Comme le dit l’Apocalypse, « tous ces gens vêtus de blanc viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leur vêtements, ils les ont purifiés dans le sang de l’Agneau ».
Il y a donc là plus qu’une question de sainteté, un véritable enjeu mystique : faire toujours foi au meilleur de l’humain et montrer que vivre en chrétien, ce n’est pas se tenir dans un état permanent de recherche de perfection, dans une attitude de modèle rappelant ainsi aux autres les bornes à ne pas dépasser. Non, vivre en chrétien, c’est suivre un chemin de vie fait d’ » imperfections », à l’image de celui vécu par le Christ qui ne s’est pas seulement fait homme, mais qui a, lui aussi, connu l’échec et la souffrance, l’épreuve de la trahison de l’amitié, de la mort et de la descente aux enfers, avant de ressusciter le troisième jour.
Renverser notre échelle des valeurs
En relisant ainsi l’Évangile des Béatitudes, dans la foi en la résurrection, mais à la lumière de l’image du Christ en croix, nous comprenons que nous sommes invités à laisser crucifier notre bon sens raisonnable et vertueux, afin de faire nôtre le regard de Dieu : Dieu qui fait de la pierre rejetée des bâtisseurs la pierre d’angle, Dieu qui regarde comme aimable ce qui aux yeux des hommes est sans noblesse, « ignoble ». Voilà le scandale, la folie qui renverse notre échelle des valeurs, c’est-à-dire qui la remet debout pour la sanctifier ! Voilà d’où la foi chrétienne peut puiser la force de voir la sainteté, là où il n’y a, à vue humaine, rien de bon à voir !
Dès lors, ceux que nous côtoyons pourront comprendre que le chemin de sainteté ouvert par l’Évangile ne s’enracine pas en dehors de leur histoire très concrète d’hommes et de femmes d’aujourd’hui, mais qu’elle leur rend, qu’elle nous rend accessible l’ordre de la liberté, en assumant toutes les imperfections contingentes, tous les ratés de nos vies non comme des limites ou comme des concessions résignées à notre humanité, mais comme faisant partie intégralement de cette histoire d’amitié et de sainteté que Dieu a proposée un jour à l’homme, don sans repentance, trésor toujours porté dans des vases d’argile.
[1] Marie-Noël, Notes intimes, Paris, Éd. Stock, 1992, p. 160.
[2] Voir Lumen gentium, n° 40.
OECUMÉNISME : NÉCESSITÉ D’UN DIALOGUE SUR « L’ESSENCE DE L’ÉGLISE »
30 octobre, 2012http://www.zenit.org/article-32418?l=french
OECUMÉNISME : NÉCESSITÉ D’UN DIALOGUE SUR « L’ESSENCE DE L’ÉGLISE »
Entretien avec le card. Koch
Propos recueillis par Jan Bentz
Traduction d’Anne Kurian
ROME, mardi 30 octobre 2012 (ZENIT.org) – Dans le cadre de l’œcuménisme, « il ne suffit pas de se reconnaître mutuellement comme des Eglises », mais il faut « un dialogue théologique sérieux sur ce qui constitue l’essence même de l’Église », souligne le cardinal Koch.
A l’occasion du synode, le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, livre aux lecteurs de Zenit ses impressions sur l’évènement et fait le point sur les avancées œcuméniques actuelles.
Zenit – Quelles sont vos impressions du synode ?
Cardinal Koch – C’est mon quatrième synode. En tant qu’évêque de Bâle, j’ai participé à deux d’entre eux, à savoir l’assemblée spéciale pour l’Europe en 2004, puis celui pour la Parole de Dieu en 2008. Dans mon nouveau poste, j’ai participé au synode pour le Moyen-Orient et à présent à celui de la nouvelle évangélisation. Dans l’ensemble, le plan est toujours le même, mais ce synode des évêques est particulièrement intéressant car il y a des représentants des épiscopats du monde entier. Etre en mesure de glaner les expériences de tous les évêques est déjà quelque chose d’extraordinaire. Mais c’est également extraordinaire de pouvoir faire l’expérience de la façon dont l’Eglise est différente dans le monde, et en même temps à quel point les problèmes se ressemblent.
Le dialogue avec les protestants est très important en Allemagne. Quels sont les progrès récents en ce domaine ?
La déclaration commune sur la doctrine de la justification signée en août 1999 était sans aucun doute un grand pas en avant dans le dialogue œcuménique avec les luthériens. La tâche qui reste maintenant est d’examiner les conséquences ecclésiologiques de la présente déclaration commune. Ce qui est clair, en effet, est que les évangéliques ont une autre conception de l’Eglise que les chrétiens catholiques. Il ne suffit pas de se reconnaître mutuellement comme des Eglises. Ce qu’il faut plutôt, c’est un dialogue théologique sérieux sur ce qui constitue l’essence même de l’Église.
Une solution comme la constitution apostolique « Anglicanorum coetibus » pour les anglicans est-elle possible pour les chrétiens évangéliques?
Anglicanorum coetibus n’était pas une initiative de Rome, mais provenait de l’église anglicane. Le Saint-Père a ensuite cherché une solution et, à mon avis, a trouvé une solution très large, où les traditions ecclésiales et liturgiques des anglicans ont été largement prises en considération. Si les luthériens expriment des désirs similaires, alors nous aurons à réfléchir sur cela. Cependant, l’initiative appartient aux luthériens.
Qu’est-ce qui émerge dans le dialogue avec les orthodoxes pour l’avenir proche ?
À l’heure actuelle, l’Eglise orthodoxe est très occupée avec les préparatifs pour le synode panorthodoxe. Personnellement, je suis convaincu que quand il aura lieu, ce sera un grand pas en avant pour le dialogue œcuménique. Par conséquent, nous devons soutenir ces efforts orthodoxes et aussi être patients. Dans les commissions œcuméniques nous poursuivons le dialogue théologique sur la relation entre «synodalisme» et primauté.
Beaucoup pensent que la sécularisation a aussi été causée par l’Eglise, même involontairement. N’est-il pas nécessaire d’analyser les attitudes qui conduisent à la sécularisation, afin de les corriger?
En fait, certains historiens soulignent à juste titre que le schisme du 16e siècle et les sanglantes guerres de religion qui ont suivi, en particulier la guerre de Trente Ans, ont provoqué la sécularisation dans le sens de la privatisation de la religion. Étant donné que le christianisme était présent seulement sous la forme de différentes confessions qui se battaient entre elles au point de faire couler le sang, il ne pouvait plus servir de fondement ni être garant de l’unité et de la paix sociale. Pour cette raison, l’âge moderne actuel a cherché un nouveau fondement à l’unité, sans religion. Ce grave processus doit également être gardé en mémoire pour le 500e anniversaire de la Réforme. Dans l’histoire ultérieure de l’ère moderne, d’autres développements de la sécularisation ont surgi – tel l’abandon de la question de Dieu – qui ont eu d’autres motivations et qui sont également abordés dans le plan de la nouvelle évangélisation.
Aleksandr Kharon, fresco, creator of life
29 octobre, 2012Prière au Saint Esprit par saint Isidore de Séville
29 octobre, 2012http://prierecatholique.free.fr/fiches/8prieresdiverses-6.html
Prière au Saint Esprit par saint Isidore de Séville
(né entre 560 et 570 et décédé «en 636)
Nous sommes devant toi, Saint-Esprit, Notre Seigneur.
Nous voici, conscients de nos fautes innombrables,
Mais particulièrement unis en ton Saint Nom.
Viens à nous et reste avec nous:
Daigne entrer dans nos coeurs.
Sois le guide de nos actions,
Indique nous où nous devons aller,
Fais nous voir ce que nous devons faire, pour que,
Avec ton aide, notre travail puisse t’être agréable.
Toi seul, sois notre inspirateur et dirige nos intentions:
Car toi seul possèdes un nom glorieux avec le Père et le Fils…
Ne permets jamais que nous fassions obstacle à la justice,
Toi qui es l’infinie équité.
Ne permets pas que notre ignorance nous amène à mal faire,
Que les flatteries nous fassent fléchir,
Que les intérêts, moraux ou matériels, nous corrompent.
Attache nos cœurs à toi seul, vigoureusement,
Par le don de ta grâce.
Ainsi nous serons en toi un seul être
Et jamais nous ne nous éloignerons de la vérité.
Ainsi, puisque nous sommes unis en ton Nom,
Nous pourrons, en chacun de nos actes,
Suivre les conseils de ta pitié et de ta justice.
Alors, aujourd’hui et toujours,
Notre jugement ne s’éloignera pas du tien,
Et, dans le siècle future, nous pourrons recevoir
La récompense éternelle de notre travail. Amen
Journal du Vatican / Le consistoire des six cardinaux – (site du Sandro Magister)
29 octobre, 2012http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350351?fr=y
Journal du Vatican / Le consistoire des six cardinaux
Parmi eux pas d’homme de la curie, pas d’Italien, pas de ressortissant d’autres pays européens. L’Américain Harvey va quitter son poste de préfet de la maison pontificale. Et, en la personne du Philippin Tagle, c’est un adepte de « l’école de Bologne » qui va recevoir la pourpre
par ***
(site du Sandro Magister)
CITÉ DU VATICAN, le 24 octobre 2012 – Benoît XVI a provoqué la surprise en annonçant, ce matin, un consistoire au cours duquel seraient créés six nouveaux cardinaux.
On ne peut pas dire que ce nouveau consistoire soit inattendu. Déjà avant l’été, la création d’une nouvelle fournée de cardinaux au mois de novembre ou au plus tard en février 2013 était considérée dans les palais apostoliques comme hautement probable.
Ce qui a surpris, en revanche, c’est le fait que, parmi les nouveaux cardinaux, ne figurent ni Italiens, ni Européens, ni membres de la curie au sens strict. Cette exclusion a été voulue avec détermination par le pape, qui n’a pas accepté de faire des exceptions, même pour son compatriote, l’Allemand Gerhard Ludwig Müller, qu’il a placé à la tête de la première des congrégations vaticanes, celle de la doctrine de la foi.
En effet ceux qui recevront la pourpre le 24 novembre prochain sont un américain du nord (l’archevêque James M. Harvey, 63 ans, des États-Unis, préfet de la maison pontificale, fonction qui en elle-même n’est pas curiale), un latino-américain (Rubén Salazar Gómez, 70 ans, archevêque de Bogota), un africain (John Olorunfemi Onaiyekan, 68 ans, archevêque d’Abuja au Nigeria) et trois asiatiques (Bechara Rai, 72 ans, le patriarche maronite libanais ; Baselios Cleemis Thottunkal, 53 ans, l’archevêque majeur des syro-malankars en Inde ; et Luis Antonio Tagle, 55 ans, l’archevêque de Manille aux Philippines).
Il faut remonter jusqu’au pontificat de Pie XI pour trouver un autre consistoire sans création de nouveaux cardinaux italiens ou européens. C’est-à-dire au consistoire du 24 mars 1924, où le pape Achille Ratti fit cardinaux George Mundelein, archevêque de Chicago, et Patrick J. Hayes, archevêque de New-York. Et à celui du 19 décembre 1927, où il éleva à la pourpre deux Français, un Canadien, un Espagnol et un Hongrois.
Aux 33 consistoires suivants, célébrés en 85 ans par six pontifes, il y a toujours eu, à chaque fois, au moins un nouveau cardinal italien. Il en fut ainsi même lors de celui du 16 janvier 1960, où Jean XXIII, bien qu’il n’ait créé ce jour-là que quatre cardinaux, conféra la pourpre à l’Italien Giuseppe Ferretto.
En somme, Benoît XVI paraît avoir voulu compléter et équilibrer le consistoire de février dernier, qui avait été critiqué, y compris par des membres de la hiérarchie qui font autorité, comme étant trop marqué par des nominations d’Italiens, d’Européens et de membres de la curie.
Et, afin de rendre le signal encore plus clair, le pape Joseph Ratzinger s’est également abstenu d’allonger la liste des nouveaux cardinaux par adjonction d’un ou plusieurs prélats âgés de plus de 80 ans, possibilité qui avait aussi été prise en considération.
Voilà donc comment s’explique la décision, inhabituelle au cours des dernières décennies, de créer une nouvelle fournée de cardinaux quelques mois seulement après la précédente.
Il n’y a pas eu deux créations de cardinaux différentes dans une même année depuis 1929. Sous le pontificat de Jean XXIII, il y a eu deux consistoires à seulement trois mois et demi de distance, mais ils étaient répartis sur deux années solaires différentes, le premier ayant eu lieu le 14 décembre 1959 et le suivant le 28 mars 1960.
En dehors de la détermination de Benoît XVI à ne pas nommer d’Italiens, d’Européens ou de membres de la curie, les choix qui ont été faits en ce qui concerne les nouveaux cardinaux étaient donc plutôt prévisibles, à l’exception de celui de Harvey.
En Amérique latine, la Colombie était le seul grand pays à ne plus avoir aucun cardinal électeur, c’est-à-dire âgé de moins de 80 ans, alors que, il y a encore quelques années, il en avait jusqu’à trois. Sans compter que le pape a eu, cette année, l’occasion de connaître de près les problèmes de ce pays, lors de la visite « ad limina » de son épiscopat.
En ce qui concerne l’Asie, il est facile de comprendre que le choix du patriarche maronite a été fait dans le cadre du voyage au Liban et à la lumière de la dramatique situation en Syrie. Tandis que celui de l’archevêque majeur syro-malankar, en dépit de la jeunesse de celui-ci qui en fait le plus jeune membre du collège cardinalice, constitue une reconnaissance du grand dynamisme pastoral de cette communauté.
Par ailleurs il était naturel que les Philippines, seul grand pays d’Asie à majorité catholique, aient de nouveau au moins un cardinal électeur. Il fallait choisir entre deux diocèses : Cebu, le plus grand, ou Manille, celui de la capitale. C’est le second, dont Tagle est l’archevêque, qui a été retenu.
Un effet collatéral de ce dernier choix est que le collège cardinalice comptera donc aussi parmi ses membres l’un des auteurs de la très répandue et controversée « Histoire du concile Vatican II » de « l’école de Bologne », cette dernière défendant une herméneutique de la « rupture ».
Tagle en a en effet rédigé, étant alors un simple prêtre, un chapitre clé, intitulé “La tempête de novembre : la ‘semaine noire’”, du quatrième volume, publié en 1999. Ce chapitre a été défini par l’archevêque de curie Agostino Marchetto, dans un ouvrage où il critique sévèrement les travaux historiques de l’école de Bologne (« Le concile Vatican II. Contrepoint pour son histoire », publié par la Libreria Editrice Vaticana en 2005), comme « une étude certes riche et même approfondie, mais pas équilibrée », écrite en « langage journalistique » et ici ou là « dépourvue [de] cette dose d’objectivité que l’on attend du véritable historien ».
Les critiques de Marchetto n’ont en tout cas pas empêché Tagle, évêque d’Imus depuis 2001, de devenir d’abord archevêque de Manille en 2011 et aujourd’hui cardinal.
Pour en revenir à la liste des nouveaux cardinaux, on notera également que, en ce qui concerne le continent africain, le prélat choisi est l’archevêque de la capitale fédérale du Nigeria, pays qui compte déjà un cardinal en la personne de l’archevêque de Lagos. Dans ce cas aussi, la volonté de doubler le nombre de cardinaux dans le pays n’est pas une surprise, si l’on tient compte de l’attention et de l’implication avec lesquelles le Saint-Siège suit les informations relatives aux conflits ethnico-religieux entre musulmans et chrétiens qui ensanglantent ce grand pays africain.
En revanche la nomination au cardinalat de l’Américain Harvey reste surprenante par certains côtés. En effet les deux préfets de la maison pontificale précédents n’ont reçu la pourpre qu’en fin de carrière : Jacques Martin à 80 ans et Dino Monduzzi à 76 ans. Harvey, lui, a 63 ans et le fait que le pape, en lui accordant la pourpre, ait annoncé qu’il serait prochainement nommé archiprêtre de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs a un petit goût de promotion, bien que, ces derniers mois, son nom ait été mentionné parmi ceux des personnes qui, dans le passé, auraient favorisé la regrettable embauche de Paolo Gabriele comme majordome du pape.
Reste évidemment ouverte la question de savoir qui sera le nouveau préfet de la maison pontificale. Et il est facile de prévoir que ce sera une décision très personnelle du pape. Mais une décision qu’il ne prendra pas avant le consistoire du 24 novembre.
Enfin, on peut remarquer que, cette fois-ci, Benoît XVI n’a pas voulu dépasser le chiffre plafond de 120 cardinaux électeurs. C’est en effet le nombre de cardinaux ayant le droit de vote au conclave qu’il y aura à la date de la cérémonie.
Actuellement on compte 116 cardinaux électeurs, mais deux d’entre eux vont franchir la limite des 80 ans avant que le consistoire n’ait lieu : Francis Arinze le 1er novembre et Renato Raffaele Martino le 23.
Entre le 8 décembre 2012 et le 25 décembre 2013, onze autres cardinaux atteindront l’âge de 80 ans. Cela veut dire que, dans un an, il pourra y avoir un autre consistoire pour créer une douzaine de nouveaux cardinaux.
Mais, pour le moment, il est trop tôt pour faire des prévisions à ce sujet.
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POST-SCRIPTUM – Dans le bref discours qu’il a adressé aux pères synodaux, le matin du samedi 27 octobre, dernier jour du synode des évêques consacré à la nouvelle évangélisation, Benoît XVI a confirmé qu’il y avait un lien étroit entre le consistoire du 24 novembre prochain et celui qui a eu lieu au mois de février 2012.
Le pape a déclaré :
« J’ai voulu compléter, par ce petit consistoire, celui de février, précisément dans le contexte de la nouvelle évangélisation, en un geste concernant l’universalité de l’Église, pour montrer que l’Église est l’Église de tous les peuples, qu’elle parle toutes les langues, qu’elle est toujours l’Église de la Pentecôte ; non pas l’Église d’un continent, mais l’Église universelle. Mon intention était bien celle-là : exprimer ce contexte, cette universalité de l’Église ».
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Traduction française par Charles de Pechpeyrou.
CONCLUSION DU SYNODE : HOMÉLIE DE BENOÎT XVI, 28 OCT. 2012
29 octobre, 2012http://www.zenit.org/article-32392?l=french
CONCLUSION DU SYNODE : HOMÉLIE DE BENOÎT XVI, 28 OCT. 2012
Les nouveaux évangélisateurs ont fait l’expérience dêtre guéris
ROME, dimanche 28 octobre 2012 (ZENIT.org) – Les nouveaux évangélisateurs sont « des personnes qui ont fait l’expérience d’être guéries par Dieu, par l’intermédiaire de Jésus Christ. Et leur caractéristique est la joie du cœur », fait observer le pape dans son homélie pour le messe de conclusion du synode (7-28 octobre).
Le pape a en effet présidé l’eucharistie en présence des pères synodaux, ce dimanche matin, 28 octobre, en la basilique Saint-Pierre.
Commentant l’Evangile de la guérison de l’aveugle Bartimée, le pape fait observer la condition du chrétien et de tout homme : « Il est essentiel de se reconnaître aveugles, de reconnaître qu’on a besoin de cette lumière, sans quoi on reste aveugle pour toujours ».
Homélie de Benoît XVI :
Vénérés Frères,
Messieurs et Mesdames,
Chers frères et sœurs,
Le miracle de la guérison de l’aveugle Bartimée a une position remarquable dans la structure de l’Évangile de Marc. En effet, il est placé à la fin de la section qui est appelée « voyage à Jérusalem », c’est-à-dire le dernier pèlerinage de Jésus à la Ville sainte, pour la Pâque au cours de laquelle il sait que l’attendent la passion, la mort et la résurrection. Pour monter à Jérusalem de la vallée du Jourdain, Jésus passe par Jéricho, et la rencontre avec Bartimée a lieu à la sortie de la ville, « tandis que – remarque l’évangéliste – Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse » (10, 46), cette foule qui, d’ici peu, acclamera Jésus comme Messie à son entrée à Jérusalem. Et le long de la route était assis pour mendier Bartimée, dont le nom signifie « fils de Timée », comme dit l’évangéliste lui-même. Tout l’Évangile de Marc est un itinéraire de foi, qui se développe graduellement à l’école de Jésus. Les disciples sont les premiers acteurs de ce parcours de découverte, mais il y a aussi d’autres personnages qui occupent un rôle important, et Bartimée est l’un d’eux. Sa guérison est la dernière guérison miraculeuse que Jésus accomplit avant sa passion, et ce n’est pas par hasard que c’est celle d’un aveugle, c’est-à-dire d’une personne dont les yeux ont perdu la lumière. Nous savons aussi par d’autres textes que la condition de cécité a une signification chargée de sens dans les Évangiles. Elle représente l’homme qui a besoin de la lumière de Dieu, la lumière de la foi, pour connaître vraiment la réalité et marcher sur le chemin de la vie. Il est essentiel de se reconnaître aveugles, de reconnaître qu’on a besoin de cette lumière, sans quoi on reste aveugle pour toujours (cf. Jn 9, 39-41).
À ce point stratégique du récit de Marc, Bartimée est donc présenté comme un modèle. Il n’est pas aveugle de naissance, mais il a perdu la vue : il est l’homme qui a perdu la lumière et en est conscient, mais il n’a pas perdu l’espérance, il sait accueillir la possibilité de la rencontre avec Jésus et se confie à lui pour être guéri. En effet, quand il entend que le Maître passe sur la route, il crie : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » (Mc 10, 47), et il le répète avec force (v. 48). Et quand Jésus l’appelle et lui demande ce qu’il veut de lui, il répond, « Rabbouni, que je voie ! » (v. 51). Bartimée représente l’homme qui reconnaît son mal et crie vers le Seigneur, confiant d’être guéri. Son invocation, simple et sincère, est exemplaire, et en effet – comme celle du publicain au temple : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis » (Lc 18, 13) – elle est entrée dans la tradition de la prière chrétienne. Dans la rencontre avec le Christ, vécue avec foi, Bartimée retrouve la lumière qu’il avait perdue et avec elle la plénitude de sa dignité : il se remet debout et reprend sa marche, qui à partir de ce moment a un guide, Jésus, et une route, la même que Jésus parcourt. L’évangéliste ne nous dira plus rien de Bartimée, mais en lui il nous présente qui est le disciple : celui qui, avec la lumière de la foi, suit Jésus « sur la route » (v. 52).
Dans un de ses écrits, Saint Augustin fait sur la figure de Bartimée une observation très particulière, qui peut être intéressante et significative aussi aujourd’hui pour nous. Le saint Évêque d’Hippone réfléchit sur le fait que, dans ce cas, Marc rapporte non seulement le nom de la personne qui est guérie, mais aussi celui du père, et il aboutit à la conclusion que « Bartimée, fils de Timée, avait été autrefois dans une grande prospérité, et la misère dans laquelle il était tombé avait eu un grand retentissement, non seulement parce qu’il était devenu aveugle, mais parce qu’il était assis demandant l’aumône. Tel est le motif pour lequel saint Marc n’a désigné que lui par son nom. Le miracle qui lui rendait la vue dût avoir d’autant plus d’éclat que son malheur était partout connu » (L’accord entre les Évangiles, 2, 65, 125 : PL 34, 1138). Ainsi parle saint Augustin.
Cette interprétation, que Bartimée soit une personne déchue d’une condition de « grande prospérité », nous fait penser ; elle nous invite à réfléchir sur le fait qu’il y a des richesses précieuses pour notre vie que nous pouvons perdre, et qui ne sont pas matérielles. Dans cette perspective, Bartimée pourrait représenter tous ceux qui vivent dans des régions d’ancienne évangélisation, où la lumière de la foi s’est affaiblie, et qui se sont éloignés de Dieu, ne le retenant plus comme important pour la vie : des personnes qui par conséquent ont perdu une grande richesse, sont « déchues » d’une haute dignité – non de celle qui est économique ou d’un pouvoir terrestre, mais de celle qui est chrétienne –, elles ont perdu l’orientation sûre et solide de la vie et sont devenues, souvent inconsciemment, mendiants du sens de l’existence. Ce sont les nombreuses personnes qui ont besoin d’une nouvelle évangélisation, c’est-à-dire d’une nouvelle rencontre avec Jésus, le Christ, le Fils de Dieu (cf. Mc 1, 1), qui peut ouvrir de nouveau leurs yeux et leur enseigner la route. Il est significatif que, tandis que nous concluons l’Assemblée synodale sur la Nouvelle Évangélisation, la Liturgie nous propose l’évangile de Bartimée. Cette parole de Dieu a quelque chose à nous dire de façon particulière à nous, qui en ces jours avons échangé sur l’urgence d’annoncer de façon nouvelle le Christ là où la lumière de la foi s’est affaiblie, là où le feu de Dieu est comme un feu de braises qui demande à être ravivé, pour qu’il soit la flamme vive qui donne lumière et chaleur à toute la maison.
La Nouvelle Évangélisation concerne toute la vie de l’Église. Elle se réfère, en premier lieu, à la pastorale ordinaire qui doit être toujours plus animée par le feu de l’Esprit, pour embraser les cœurs des fidèles qui fréquentent régulièrement la Communauté et qui se rassemblent le jour du Seigneur pour se nourrir de sa Parole et du Pain de la vie éternelle. Je voudrais ici souligner trois lignes pastorales qui ont émergé du Synode. La première porte sur les Sacrements de l’initiation chrétienne. L’exigence d’accompagner la préparation au Baptême, à la Confirmation et à l’Eucharistie avec une catéchèse appropriée a été réaffirmée. L’importance de la Pénitence, sacrement de la Miséricorde de Dieu a été aussi rappelée. À travers cet itinéraire sacramentel passe l’appel du Seigneur à la sainteté, adressé à tous les chrétiens. En effet, il a été répété plusieurs fois que les vrais protagonistes de la nouvelle évangélisation sont les saints : par l’exemple de leur vie et par leurs œuvres de charité ils parlent un langage compréhensible par tous.
En second lieu, la nouvelle évangélisation est essentiellement liée à la mission ad gentes. L’Église a le devoir d’évangéliser, d’annoncer le message de salut aux hommes qui ne connaissent pas encore Jésus Christ. Au cours des réflexions synodales, il a été aussi souligné qu’il existe beaucoup de milieux en Afrique, en Asie et en Océanie où des habitants attendent ardemment, parfois sans en être pleinement conscients, la première annonce de l’Évangile. Il convient par conséquent de prier l’Esprit Saint afin qu’il suscite dans l’Église un dynamisme missionnaire renouvelé dont les protagonistes soient, de manière spéciale, les agents pastoraux et les fidèles laïcs. La mondialisation a causé un important déplacement de population ; par conséquent, la première annonce s’impose aussi dans les pays d’ancienne évangélisation. Tous les hommes ont le droit de connaître Jésus Christ et son évangile ; et à cela correspond le devoir des chrétiens, de tous les chrétiens –prêtres, religieux et laïcs –, d’annoncer la Bonne Nouvelle.
Un troisième aspect concerne les personnes baptisées qui cependant ne vivent pas les exigences du Baptême. Au cours des travaux synodaux, il a été mis en lumière que ces personnes se trouvent sur tous les continents, spécialement dans les pays plus sécularisés. L’Église leur porte une attention particulière, afin qu’elles rencontrent de nouveau Jésus Christ, redécouvrent la joie de la foi et retournent à la pratique religieuse dans la communauté des fidèles. Au-delà des méthodes pastorales traditionnelles, toujours valables, l’Église cherche à utiliser de nouvelles méthodes, avec aussi le souci de nouveaux langages, appropriés aux différentes cultures du monde, proposant la vérité du Christ par une attitude de dialogue et d’amitié qui a son fondement en Dieu qui est Amour. En différentes parties du monde, l’Église a déjà entrepris ce chemin de créativité pastorale, pour se rendre proche des personnes éloignées ou en recherche du sens de la vie, du bonheur et, en définitive, de Dieu. Rappelons certaines missions citadines importantes, le « Parvis des gentils », la mission continentale, etc. Il n’y a pas de doute que le Seigneur, Bon Pasteur, bénira abondamment de tels efforts qui proviennent du zèle pour sa Personne et pour son Évangile.
Chers frères et sœurs, Bartimée, ayant retrouvé la vue par Jésus, se joignit au groupe des disciples, parmi lesquels se trouvaient certainement d’autres qui, comme lui, avaient été guéris par le Maître. Ainsi sont les nouveaux évangélisateurs : des personnes qui ont fait l’expérience d’être guéries par Dieu, par l’intermédiaire de Jésus Christ. Et leur caractéristique est la joie du cœur, qui dit avec le psalmiste : « Merveilles que fit pour nous le Seigneur, nous étions dans la joie ! » (Ps 125, 3). Nous aussi, aujourd’hui, nous nous tournons vers le Seigneur Jésus, Redemptor hominis et Lumen gentium, avec une joyeuse reconnaissance, faisant nôtre une prière de Saint Clément d’Alexandrie : « Jusqu’à maintenant, j’ai erré dans l’espérance de trouver Dieu, mais puisque tu m’illumines, ô Seigneur, je trouve Dieu par toi, et je reçois le Père de toi, je deviens ton cohéritier, puisque tu n’as pas eu honte de m’avoir comme frère. Effaçons donc, effaçons l’oubli de la vérité, l’ignorance : et enlevant les ténèbres qui, comme un brouillard pour les yeux, nous empêchent de voir, contemplons le vrai Dieu… ; car une lumière du ciel a brillé sur nous qui étions plongés dans les ténèbres et prisonniers de l’ombre de la mort, [une lumière] plus pure que le soleil, plus douce que la vie d’ici-bas » (Protreptique, 113, 2-114, 1). Amen.
[Texte original: Italien]