Homélie du 26e dimanche ordinaire B:

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Homélie du 26e dimanche ordinaire B

Nb 11, 25-29 ; Jc 5, 1-6 ; Mc 9, 38-43, 45, 47-48

Pas facile ce Jean, l’un des « Douze » ! Une vraie soupe au lait ! Ce n’est certes pas sans raison que Jésus lui avait imposé, ainsi qu’à son frère Jacques, le nom de Boanergès, c’est-à-dire « fils du tonnerre » (Mc 3.17). Pas content du tout ce petit préféré de Jésus à son retour de mission. Vexé et mécontent, ne voilà-t-il pas qu’il pique une crise de jalousie ! Et pour cause ! Triés sur le volet, choisis comme disciples dûment mandatés et personnellement envoyés, ils avaient reçu « pouvoir sur les esprits impurs ». Un admirable service, mais un privilège enivrant.
Ces engagés d’élite, assurés et fiers de leur monopole, ont cependant rencontré de la concurrence. Ils étaient partis accomplir des miracles au nom de Jésus, et les voici témoins de miracles accomplis sans eux au nom de Jésus par un homme sans ordination ni mandat. Un parfait inconnu. Scandale ! Le sang des vrais apôtres n’a fait qu’un tour. « Nous avons voulu l’en empêcher, explique le fils du tonnerre, car il n’est pas de ceux qui nous suivent… « . Peut-être même, dirions-nous aujourd’hui, un non-pratiquant, un exclu, un marginal, un immigré… Si ces gens-là se mettent à libérer les premiers venus de leurs fardeaux, les aider et les guérir, où sont donc nos privilèges ? N’est-ce pas le monde à l’envers ?
Même chose au temps de Moïse, Eldad et Medad n’avaient pas non plus été choisis par Moïse, comme les 70 anciens, pour partager son pouvoir… Et voici que ces deux « laissés pour compte » se mettent à prophétiser sans consécration, ni ordre, ni autorisation de Moïse. L’Esprit de Dieu est passé au-dessus de la tête de son « délégué » pour confier son message à des « hors cadres ».
Moïse aurait pu lui aussi piquer une crise de jalousie, faire sentir et respecter son autorité. Mais c’est Josué, son très fidèle serviteur, qui fut jaloux à sa place en suppliant son maître de mettre fin à ces sortes de manifestations charismatiques, vues comme des menaces pour l’institution. Moïse, le grand Moïse tolérant et singulièrement ouvert, lui, avait perçu d’emblée la divine indépendance de l’Esprit qui « refuse de limiter son action à ceux et celles qu’il investit pourtant d’autorité ». Loin d’être vexé, jaloux, de cette apparente rivalité et de crier à l’usurpation de son pouvoir, Moïse, au contraire, discerne et reconnaît la présence de l’Esprit et s’en réjouit jusqu’à ébaucher un rêve. Pourvu que ça continue afin que le peuple des croyants devienne tout entier un vrai peuple de prophètes !
La réaction de Jésus est de la même veine. Elle confirme et amplifie le jugement de Moïse. Pas de panique, réplique-t-il à son disciple à la susceptibilité ombrageuse. « Celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas aussitôt après mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous » D’ailleurs, la simple charité d’un verre d’eau ne restera pas sans récompense. Par contre, tout qui fait trébucher le moindre des croyants, tout qui empêche même un « petit » d’être fidèle à Dieu, celui-là n’échappera pas à la punition.
Jésus est plus grand que l’Eglise, son corps mystique. Et ceux et celles qui sont de fait avec lui, sont plus nombreux que ses disciples dûment reconnus et enregistrés. Où sont les citoyens du royaume nouveau ? Sinon partout où un véritable amour est à l’œuvre comme un écho de l’Evangile. Pour faire des miracles et chasser les esprits mauvais, il faut combattre le mal avec ardeur et patience, cesser d’exploiter les faibles, se laisser amputer de la main rapace d’Harpagon, de l’œil intolérant et jaloux, du pied qui écrase les pauvres et patauge dans « le plaisir et le luxe »… « pendant qu’on massacre les gens », comme l’écrit Jacques avec quelque virulence (2e lecture).
Le rassemblement eucharistique n’est pas non plus celui des bons et des purs, jaloux de leurs privilèges, de leurs pouvoirs à défendre bec et ongles contre ceux qui ne seraient pas de la même chapelle. Le rassemblement eucharistique du Christ est un appel à croître dans un amour et une justice aux frontières grandes ouvertes. Une invitation à éliminer ce qui constitue aux yeux de bien des gens la contradiction qui pourrait exister entre notre pratique religieuse et l’ensemble de notre vie sociale journalière.
En fait, personne n’a le monopole de l’amour authentique, ni de la prophétie, ni de la justice… Tout comme le Samaritain, dont Jésus, un jour, a fait l’éloge. Et qui, lui non plus, n’était pas des nôtres… Voilà bien matière à réflexion.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

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